82 M. GRANGER
Les informaticiens pr´esents ont d´evelopp´e les points suivants, concernant leur
discipline et son enseignement :
(1) l’informatique constitue une discipline scientifique `a part enti`ere ;
(2) les r´eformes en cours vont in´eluctablement dans le sens d’une introduction
de l’informatique comme une discipline autonome ;
(3) les math´ematiciens ont parfois tendance `a r´eduire l’informatique `a la science
des algorithmes, et `a consid´erer qu’ils peuvent l’enseigner. Le point de vue des
informaticiens est diff´erent ;
(4) l’informatique repose sur les quatre concepts d’algorithme, de langage, d’in-
formation et enfin de machine.
Ces quatre aspects interagissent. Si le premier est proche des math´ematiques, le
dernier l’est davantage de la physique. Ils sont en fait ins´eparables dans l’enseigne-
ment. On devrait pouvoir les enseigner d`es le lyc´ee avec un degr´e de sophistication
adapt´e au public. Il faut pr´eciser qu’il n’est pas question d’un enseignement `a vis´ee
professionnelle : il s’agit, comme dans les autres disciplines scientifiques, d’une for-
mation en amont de l’orientation d´efinitive des ´el`eves, d’un apprentissage progressif
avec trois stades dans la formation, qui correspondent grosso modo `a l’articulation
primaire-coll`ege/lyc´ee/post bac :
– Phase 1 : usage courant des outils informatiques, traitements de texte et
tableurs, moteur de recherche, navigateur web. `
A ce stade on a observ´e que les
enfants qui «bidouillent »de l’informatique ont souvent une repr´esentation tr`es
rudimentaire de leur pratique avec tr`es peu de verbalisation. Il est donc tr`es impor-
tant de structurer cet enseignement avec une initiation aux concepts, de d´evelopper
l’aptitude `a expliquer ce qui est fait.
– Phase 2 : apprendre `a ´ecrire des programmes simples, se familiariser avec les
concepts d’affectation, de s´equence, de test, de boucle, ... Des notions sur des
algorithmes ´el´ementaires, sur les r´eseaux, sur l’architecture des ordinateurs, sur le
chiffrement et la compression de l’information commencent `a ˆetre introduites.
– Phase 3 : formation `a l’informatique scientifique : th´eorie des automates, des
langages de programmation, des bases de donn´ees, notion de complexit´e, etc.
Les participants `a la r´eunion se sont accord´es sur l’int´erˆet d’un dialogue entre nos
deux disciplines, qui ont beaucoup en commun. On observe que la r´eforme en cours
des lyc´ees voit l’introduction de nouvelles mati`eres que sont le droit, l’histoire de
l’art. Il y a une diminution globale de l’enseignement des sciences particuli`erement
marqu´ee en premi`ere S (-3h30 hebdomadaires). On est confront´e `a un mode de
pens´ee dominant qui oppose en valorisant le second volet :
– les mati`eres faisant appel `a la logique et la rigueur scientifique,
– et celles qui insistent sur la maˆıtrise du langage, les facult´es de r´edaction et
d’expression.
Dans ce contexte il est important que les scientifiques dans leur ensemble coop`erent
pour ´eviter la marginalisation de l’esprit scientifique au lyc´ee. Une lutte entre
les diff´erentes disciplines scientifiques ne peut qu’ˆetre pr´ejudiciable `a la place
des sciences dans leur ensemble au lyc´ee. Au contraire, une terminale scienti-
fique avec deux dominantes, math´ematiques ou informatique d’une part, sciences
exp´erimentales de l’autre, peut participer `a un r´e´equilibrage de celle-ci dans lequel
l’image des concepts math´ematiques se trouve renforc´ee.
SMF – Gazette – 123, janvier 2010