Changements de référentiels et forces d`inertie

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Chapitre 6
Changements de référentiels et forces
d’inertie
Nous avons déjà vu et utilisé les changements de référentiel. Nous avons vu que c’était un moyen très
utile pour étudier le mouvement quelconque d’un solide indéformable. Nous allons nous intéresser ‘a un autre
problème lié au fait que nous vivons sur une planète qui tourne sur elle-même : le référentiel terrestre n’étant
pas galiléen, comment y appliquer les lois de la physique sans avoir à e↵ectuer un changement de référentiel
vers un référentiel galiléen à chaque fois ?
Nous allons commencer par quelques rappels concernant les changements de référentiels avant de répondre
à la question.
6.1
Quelques rappels
Il nous faut tout d’abord choisir, de façon arbitraire, un référentiel dit absolu, supposé immobile, et un
référentiel dit relatif, supposé en mouvement par rapport au référentiel absolu. Puis, pour éviter toute confusion,
nous mettrons un indice a à tout ce qui est absolu et un indice r à tout ce qui est relatif.
M
x
yr
zr
za
Or
Oa
ya
xr
xa
Figure 6.1 – Référentiels relatif et absolu
Ainsi, dans un repère relatif lié au référentiel relatif, le point M étudié a pour coordonnées,
!
Or M = xr ~uxr + yr ~uyr + zr ~uzr ,
(6.1)
et dans le repère absolu, lié au référentiel absolu, le même point a pour coordonnées,
!
Oa M = xa ~uxa + ya ~uya + za ~uza .
55
(6.2)
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
56
Il est important de bien écrire les vecteurs de base en faisant apparaı̂tre le référentiel choisi pour éviter toute
ambiguité.
Ce qui va nous intéresser par la suite, c’est de caractériser le mouvement absolu du point M à partir de son
mouvement relatif. Pour cela, nous allons relier les vitesses par rapport à chacun des référentiels. Puis, nous
ferons de même pour les accélérations.
6.2
6.2.1
Composition des vitesses
Vitesses relative et absolue
La vitesse relative est, par définition, la vitesse du point M par rapport au référentiel relatif,
~vr =
dxr
dyr
dzr
~ux +
~uy +
~uz .
dt r
dt r
dt r
(6.3)
La vitesse absolue, quant à elle, est la vitesse par rapport au référentiel absolu. Pour la relier à la vitesse relative,
!
nous allons partir de Oa M en faisant apparaı̂tre le mouvement relatif :
!
!
!
Oa M = Oa Or + Or M
(6.4)
!
= Oa Or + xr ~uxr + yr ~uyr + zr ~uzr .
(6.5)
La vitesse absolue est obtenue en dérivant par rapport au temps. Les vecteurs de base du repère relatif sont a
priori mobiles par rapport au référentiel absolu et peuvent donc dépendre du temps. On obtient donc
!
dO a O r
dxr
dyr
dzr
d~uxr
d~uyr
d~uzr
~va =
+
~ux +
~uy +
~uz + xr
+ yr
+ zr
.
(6.6)
dt
dt r
dt r
dt r
dt
dt
dt
Dans l’équation (6.6), on reconnait la vitesse relative donnée équation (6.3). Tout ce qui reste correspond
à la vitesse absolue si la vitesse relative est nulle. C’est donc la vitesse absolue d’un point immobile dans le
référentiel relatif. Cela correspond donc à la vitesse du référentiel relatif par rapport au référentiel absolu, à
l’endroit où est M . Cette vitesse est appelée vitesse d’entraı̂nement et notée ~ve . D’où, finalement,
~va = ~vr + ~ve ,
(6.7)
avec
!
dO a O r
d~uxr
d~uyr
d~uzr
+ xr
+ yr
+ zr
.
(6.8)
dt
dt
dt
dt
La relation (6.7) est très intuitive. La difficulté va consister à simplifier l’expression de ~ve qui fait apparaı̂tre
des dérivées de vecteurs de base.
Si les référentiels sont en translation l’un par rapport à l’autre, les vecteurs de base d’un repère lié au
référentiel relatif sont invariants dans le référentiel absolu et leur dérivée est donc nulle. Mais ce n’est pas
toujours le cas. Si ces vecteurs de base tournent par rapport au référentiel absolu, on peut les voir comme un
~ Et donc
solide indéformable tournant avec une vitesse angulaire ⌦.
~ve =
d~uxr
~ ^ ~ux .
=⌦
r
dt
Il en est de même pour les deux autres vecteurs.
Ainsi, la vitesse d’entraı̂nement peut s’écrire plus simplement,
!
dO a O r
~ ^ ~ux + yr ⌦
~ ^ ~uy + zr ⌦
~ ^ ~uz
~ve =
+ xr ⌦
r
r
r
dt
!
dO a O r ~
=
+ ⌦ ^ (xr ~uxr + yr ~uyr + zr ~uzr ).
dt
Finalement,
~ve =
!
!
dO a O r ~
+ ⌦ ^ Or M .
dt
(6.9)
(6.10)
(6.11)
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
57
Les mouvements du référentiel relatif par rapport au référentiel absolu peuvent être décomposés en une translation de l’origine du repère relatif plus un mouvement de rotation de ses axes.
Cette expression, que l’on peut aussi écrire
!
~ ^ Or M
~ve = ~va (Or ) + ⌦
,
(6.12)
est similaire à celle de Varignon, ce qui n’est pas une surprise car le référentiel relatif peut être vu comme un
solide indéformable de taille infinie. Elle a l’avantage d’être simple à retenir et à calculer.
Il apparaı̂t alors clairement que la vitesse d’entraı̂nement dépend de la position du point M . On ne peut
plus parler de la vitesse du référentiel relatif par rapport au référentiel absolu, mais de la vitesse du référentiel
relatif à l’endroit où se trouve le point étudié.
6.2.2
Application : Référentiels en translation
On dit que deux référentiels sont en translation l’un par rapport à l’autre si les axes ne tournent pas. Ainsi,
un référentiel lié à une nacelle de la grande roue représentée figure 6.2 est en translation par rapport au sol.
Figure 6.2 – Exemple de mouvement de translation : chaque nacelle est en translation par rapport au sol.
(Dessin téléchargé sur Internet).
Si les vecteurs du repère relatif sont simplement translatés par rapport au référentiel absolu, ils ne changent
ni d’orientation, ni de sens. Et donc leur dérivée par rapport au temps est nulle. L’expression de la vitesse
d’entraı̂nement est alors très simple,
!
dO a O r
~ve =
.
(6.13)
dt
Elle ne dépend pas du point M . Tous les points du référentiel relatif se déplacent à la même vitesse par rapport
au référentiel absolu.
Exemple : Une voiture sous la pluie
Considérons une voiture qui roule à une vitesse constante sur une route rectiligne et horizontale. Il pleut et
la pluie tombe verticalement par rapport à la route. Comment tombe la pluie par rapport à la voiture ? Nous
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
vr
58
va
ve
vr
-ve
Figure 6.3 – Exemple de la pluie tombant sur une voiture en mouvement
allons commencer par définir arbitrairement les référentiels d’étude : supposons que le référentiel relatif est lié
à la route et l’absolu, à la voiture. La vitesse de la pluie par rapport au sol est donc la vitesse relative et c’est
la vitesse absolue que nous cherchons. La vitesse d’entraı̂nement, qui va nous permettre de faire le lien, est
égale à l’opposé de la vitesse de la voiture. Ainsi, il apparait clairement sur le graphe de la figure 6.3 que le
pare-brise d’une voiture est plus exposé à la pluie que la lunette arrière quand la voiture avance. C’est conforme
à l’observation.
6.2.3
Application : Référentiels en rotation simple
Nous allons supposer maintenant que les axes du référentiel relatif tournent par rapport au référentiel absolu.
Mais pour simplifier, nous considérerons que les origines des deux repères restent toujours confondues. Cette
situation correspond, par exemple, au cas d’un manège. La vitesse d’entraı̂nement peut s’écrire plus simplement,
!
~ ^ OM
~ve = ⌦
.
(6.14)
Elle dépend clairement de la position du point M .
Exemple : Un manège
Considérons un manège tournant à une vitesse angulaire ⌦ constante. Le tenancier, monté sur la manège, se
déplace d’un enfant à l’autre pour ramasser les tickets. On définit cette fois-ci le référentiel absolu lié à la Terre
et le référentiel relatif lié au manège.
La vitesse d’entraı̂nement peut être calculée en utilisant la formule précédente et les coordonnées cylindriques,
~ve = ⌦~uz ^ r~ur = r⌦~u✓ .
(6.15)
Elle dépend de r, la distance à l’axe du manège du tenancier. ~ve correspond donc à la vitesse de déplacement
du manège par rapport à la Terre sous les pieds du tenancier. On définit le point coı̈ncidant ou le point d’entraı̂nement, noté E comme un point fixe par rapport au référentiel relatif et coı̈ncidant avec le point M étudié,
c’est à dire situé constamment sous les pieds du tenancier dans cet exemple. E est redéfini à chaque pas du
tenancier. ~ve est la vitesse du point E par rapport au référentiel absolu.
La notion de point coı̈ncidant permet de trouver la vitesse d’entraı̂nement sans calcul dans les cas simples
comme celui-ci.
6.3
Composition des accélérations
Nous allons maintenant faire de même pour les accélérations.
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
6.3.1
59
Accélérations relative et absolue
L’accélération relative est, par définition, l’accélération du point M par rapport au référentiel relatif et peut
être calculée en dérivant la vitesse relative :
~ar =
d2 xr
d 2 yr
d 2 zr
~uxr +
~uy + 2 ~uzr .
dt2
dt2 r
dt
(6.16)
L’accélération absolue est, quant à elle, l’accélération par rapport au référentiel absolu et est obtenue en dérivant
la vitesse absolue. Pour pouvoir la relier à l’accélération relative, nous allons commencer par exprimer la vitesse
absolue en faisant apparaı̂tre toutes les coordonnées,
~va =
!
dO a O r
dxr
dyr
dzr
~ ^ (xr ~ux + yr ~uy + zr ~uz ).
+
~ux +
~uy +
~uz + ⌦
r
r
r
dt
dt r
dt r
dt r
(6.17)
Il n’y a plus qu’à dériver chacun des termes. . . C’est très long mais pas compliqué,
!
d2 O a O r
d2 xr
d 2 yr
d 2 zr
dxr d~uxr
dyr d~uyr
dzr d~uzr
+
~uxr +
~uyr + 2 ~uzr +
+
+
2
2
2
dt
dt
dt
dt
dt dt
dt dt
dt dt
~
d⌦
dx
dy
dz
r
r
r
~ ^(
+
^ (xr ~uxr + yr ~uyr + zr ~uzr ) + ⌦
~ux +
~uy +
~uz )
dt
dt r
dt r
dt r
~ ^ (xr d~uxr + yr d~uyr + zr d~uzr ).
+⌦
(6.18)
dt
dt
dt
!
Dans l’équation précédente, on reconnait Or M , ~vr et ~ar . En écrivant les dérivées des vecteurs unitaires à l’aide
~ comme précédemment, on obtient,
du vecteur ⌦,
~aa
=
~aa
=
!
d2 O a O r
~ ^ ~vr
+ ~ar + ⌦
dt2
~
! ~
d⌦
+
^ Or M + ⌦
^ ~vr
dt
!
~ ^ (⌦
~ ^ Or M
+⌦
),
(6.19)
ou, en regroupant les termes identiques,
~aa =
!
~
! ~
!
d2 O a O r
~ ^ ~vr + d⌦ ^ Or M
~ ^ Or M
+ ~ar + 2⌦
+ ⌦ ^ (⌦
).
2
dt
dt
(6.20)
Ouf ! Ne reste plus qu’à interpréter chacun de ces termes.
6.3.2
Accélération d’entraı̂nement
Si le point M est immobile dans le référentiel relatif, son accélération absolue correspondra alors à l’accélération
du référentiel relatif par rapport au référentiel absolu en ce point particulier. On l’appelle alors accélération d’entraı̂nement. En annulant ~vr et ~ar dans l’équation (6.20), on obtient,
~ae =
!
~
! ~
!
d⌦
d2 O a O r
~ ^ Or M
+
^ Or M + ⌦
^ (⌦
).
dt2
dt
(6.21)
Ce résultat étant difficile à obtenir, il doit être connu de l’étudiant.
Remarques :
— Dans l’expression de l’accélération d’entraı̂nement, les parenthèses sont indispensables pour le double
~ ^⌦
~ = ~0 !
produit vectoriel, car le résultat dépend de l’ordre dans lequel on fait le calcul. En e↵et, ⌦
ve
— On peut vérifier que ~ae 6= d~
.
Il
faut
donc
apprendre
la
formule
et
éviter
de
calculer
~
a
à
partir
de ~ve .
e
dt
C’est une faute classique.
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
6.3.3
60
Accélération complémentaire ou de Coriolis
Contrairement à ce que nous avions trouvé pour la vitesse, l’accélération absolue n’est pas égale à la somme
des accérérations relatives et d’entraı̂nement. Dans l’équation (6.20), il y a un terme supplémentaire appelé
accélération complémentaire ou de Coriolis et noté
~ ^ ~vr .
~ac = 2⌦
(6.22)
Finalement, la loi de composition des accélérations s’écrit,
~aa = ~ar + ~ae + ~ac .
(6.23)
Appliquons cette relation à des cas simples.
6.3.4
Référentiels en translation
Comme nous l’avons vu avec les vitesses, les vecteurs de base ne tournent pas dans le cas de référentiels en
~ = ~0. Les relations précédentes deviennent alors beaucoup plus simples
translation, et donc ⌦
!
d2 O a O r
~aa = ~ar + ~ae
avec
~ae =
(6.24)
dt2
puisque ~ac = ~0. Ce résultat ne dépend pas du point M . L’accélération d’entraı̂nement est donc la même en tout
point du référentiel mobile.
Si le référentiel relatif est en translation rectiligne uniforme par rapport au référentiel absolu, ~ae = ~0 et donc
~aa = ~ar .
(6.25)
La relation fondamentale de la dynamique sera donc la même dans deux référentiels en translation rectiligne
uniforme l’un par rapport à l’autre. C’est pourquoi, tout référentiel en translation rectiligne uniforme par rapport
à un référentiel galiléen est aussi galiléen.
6.3.5
Référentiels en rotation
~
Reprenons l’exemple du manège qui tourne à une vitesse constante ⌦.
Supposons d’abord que le tenancier est à une distance r de l’axe et immobile par rapport au manège. Ses
accélérations relative et de Coriolis sont donc nulles. Ne reste que l’accélération d’entraı̂nement qui peut être
calculée en appliquant la formule,
~ ^ (⌦
~ ^ r~ur ) = r⌦2 ~ur .
~ae = ⌦
(6.26)
Là encore, ce résultat simple aurait pu être trouvé sans calcul : il s’agit de l’accélération du point d’entraı̂nement
qui a un mouvement circulaire uniforme ici.
!
~
Si la vitesse du manège n’est plus constante, le terme supplémentaire ddt⌦ ^ OM est aussi facile à calculer et
conduit à la composante orthoradiale de l’accélération d’entraı̂nement, qui devient
~ae =
˙ u✓ .
r⌦2 ~ur + r⌦~
(6.27)
Si le tenancier se déplace, il faut, en plus, tenir compte de l’accélération de Coriolis qui n’est pas intuitive
et qu’il faut calculer directement à l’aide de la formule.
6.4
Dynamique du point dans un référentiel non galiléen
La Terre tourne et l’on doit appliquer les lois de la mécanique dans des référentiels galiléens. Comment faire ?
On peut négliger le mouvement de la Terre et supposer que le référentiel terrestre est galiléen, comme on l’a
toujours fait. Est-ce correct ? Quelle erreur faisons nous avec cette approximation ?
Dans toute la suite, on va supposer que le référentiel absolu est galiléen. Cette hypothèse n’était pas nécessaire
jusqu’à présent car on ne faisait que de la cinématique. Mais, pour appliquer la relation fondamentale de la
dynamique, on en a besoin.
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
6.4.1
61
Loi du mouvement dans un référentiel non galiléen
On doit appliquer les lois de la physique dans un référentiel galiléen et l’on veut étudier le mouvement dans
un autre référentiel, lié à la Terre par exemple, qui ne l’est pas. Grâce à ce que l’on a appris précédemment,
rien de plus simple. Dans le référentiel absolu, galiléen, on a
X
X
m~aa =
F~ext
et donc
m(~ar + ~ae + ~ac ) =
F~ext
(6.28)
que l’on peut réécrire ainsi,
m~ar =
X
F~ext
m~ae
m~ac .
(6.29)
Il s’agit de la relation fondamentale de la dynamique dans un référentiel quelconque qui nécessite de prendre en
compte deux termes supplémentaires appelés force d’inertie d’entraı̂nement et force d’inertie complémentaire
ou de Coriolis, respectivement.
En deux articles publiés en 1831 et 1835 dans le Journal de l’École polytechnique, Gaspard-Gustave de Coriolis
(1792-1843) met en évidence la notion de ⌧ force d’entraı̂nement et de ⌧ forces centrifuges composées . Ces
dernières prendront le nom de force de Coriolis.
6.4.2
Exemples d’application
Dans une voiture
Pour comprendre, considérons une voiture qui freine en ligne droite dans un référentiel absolu supposé
galiléen. Un passager de la voiture subit son poids et la réaction du siège. C’est tout. Si la voiture freine, sa
vitesse diminue, mais le passager, en vertu du principe de l’inertie, continue sur sa lancée à une vitesse supérieure
à celle de la voiture, si la ceinture de sécurité ne le retient pas. Il a donc l’impression d’être projeté en avant.
Si l’on se place dans le référentiel de la voiture maintenant, celle-ci est immobile. En cas de freinage, ce
référentiel n’est pas galiléen. Et donc, en plus du poids et de la réaction du siège, il faut prendre en compte la
force d’inertie d’entraı̂nement qui est vers l’avant. C’est elle qui éjecte le passager en cas de freinage brusque. Elle
correspond à l’inertie du passager qui continue sur sa lancée comme nous l’avons vu dans le référentiel terrestre.
Ce n’est donc pas une force qui découle d’une interaction fondamentale, comme le poids, mais du principe de
l’inertie. D’où son nom. Certains se refusent à la qualifier de force, même si elle modifie le mouvement dans le
référentiel d’étude, comme les vraies forces.
On aurait pu aussi prendre, comme exemple, une voiture qui tourne. L’inertie du passager va faire qu’il va
continuer tout droit. Dans le référentiel de la voiture, cela correspond à une force centrifuge.
Centrifugeuse
Considérons un tambour de machine à laver qui tourne à une vitesse constante de 700 tours par minute.
Un linge, situé à une distance r = 30 cm de l’axe de rotation, subira, dans le référentiel du tambour, une force
d’inertie d’entraı̂nement centrifuge
F~ie = mr⌦2 ~ur = 1 612 m ~ur .
(6.30)
C’est 164 fois plus fort que la gravitation terrestre !
6.4.3
Rotation de la Terre
E↵ets de l’accélération d’entraı̂nement
La Terre tourne autour de son axe de rotation Nord-Sud à une vitesse angulaire d’un tour par jour. On
supposera que cette vitesse est constante, ce qui est une bonne approximation. La force d’inertie d’entraı̂nement
associée sera centrifuge, comme dans l’exemple de la centrifugeuse. Elle dépend de l’éloignement à l’axe de
rotation. Elle sera donc nulle aux pôles et maximale sur l’équateur.
2
L’accélération d’entraı̂nement maximale vaut donc ae = RT ⌦2 = 0, 034m/s , le rayon de la Terre étant
égal à 6 371 km. C’est faible par rapport à g, la constante de gravitation. Elle est encore plus faible aux autres
latitudes. De plus, ~ae n’est pas forcément colinéraire à ~g .
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
62
En fait, l’accélération d’entraı̂nement, ne dépendant que de la position sur la Terre, est incluse dans la
valeur de g que l’on utilise. Il n’est pas nécessaire de la rajouter. C’est une des raisons pour lesquelles g n’est
pas uniforme.
E↵ets de l’accélération de Coriolis
L’accélération de Coriolis, quant à elle, dépend de la vitesse relative et est donc spécifique à chaque mouvement. Mais comme la vitesse angulaire de rotation de la Terre est très faible, de l’ordre de 7 ⇥ 10 5 rad/s, il
faudrait des vitesses de l’ordre du kilomètre par seconde pour ne plus être négligeable devant g.
En conséquence, pour la plupart des mouvements étudiés, on peut raisonnablement négliger l’accélération
complémentaire devant g. Il existe cependant quelques expériences historiques célèbres qui ont mis en évidence
l’e↵et de cette force d’inertie. C’est le cas de la déviation vers l’Est et du pendule de Foucault.
~ et ~vr
Déviation vers l’Est. Considérons une chute libre d’un corps de masse m à une latitude . Les vecteurs ⌦
~ ^ ~vr sera donc orienté suivant un parallèle
sont tous les deux dans le plan du méridien terrestre. Le vecteur ⌦
et la force d’inertie correspondante pointe vers l’Est. Sa norme vaut 2m⌦vr cos .
Les forces extérieures appliquées au système étudié sont donc son poids, qui prend en compte la force
d’inertie d’entraı̂nement et la force d’inertie de Coriolis. En orientant l’axe z verticalement et l’axe des x suivant
un parallèle orienté vers l’Est, on a
mẍ
=
mz̈
=
2m⌦vr cos
(6.31)
mg.
(6.32)
Si le solide est lâché sans vitesse initiale, il aura, en première approximation, une vitesse verticale vr = gt. Ainsi,
mẍ = 2m⌦gt cos ,
(6.33)
que l’on peut intégrer facilement pour obtenir
x(t) =
1
⌦gt3 cos .
3
(6.34)
La durée de la chute peut être obtenue à partir de la hauteur de chute en notant que z(t) = h
pour une chute libre sur une hauteur h, la déviation vers l’Est observée devrait être
1
x = ⌦g cos
3
✓
2h
g
◆3/2
.
1 2
2 gt .
Ainsi,
(6.35)
L’expérience a été faite à plusieurs reprises. Ferdinand Reich, en 1831, a fait tomber des projectiles dans
un puits de mine profond de 158 m à Freiberg (Saxe). Les 106 expériences ont donné des déviations vers l’Est
comprises entre 26,9 et 28,7 mm. Un calcul à l’aide de la formule approximative précédente donne, en prenant
= 51o , une déviation de 27,5 mm. Pas mal !
L’amplitude de la déviation est très faible par rapport à la hauteur de la chute. Pour avoir un e↵et plus fort,
il faudrait se mettre sur l’équateur. On peut aussi diminuer g en utilisant une machine d’Atwood. Cela a été
fait au Vatican en 1912 par le Père Hagen 1 , sur une hauteur de 23 m et a confirmé les calculs théoriques.
Le pendule de Foucault. Le calcul est plus complexe. Pour expliquer simplement le phénomène observé, Léon
Foucault (1819-1868) a proposé d’imaginer l’expérience au pôle. Le plan d’oscillation d’un pendule simple y
serait fixe par rapport aux étoiles et ferait donc un tour complet par rapport à la Terre en 24 heures. A une
autre latitude, la trajectoire du pendule est une ellipse qui fait une rotation complète en un temps T0 / sin ,
avec T0 = 24 h, comme nous allons le démontrer.
L’expérience a été faite au Panthéon à Paris en 1851, puis répétée maintes fois par Foucault et a toujours
donné, avec précision, le résultat attendu. Elle apporte la preuve expérimentale que la Terre n’est pas un
référentiel galiléen et qu’il faut choisir des axes fixes par rapport aux étoiles.
1. John G. Hagen, How Atwoods machine shows the rotation of the earth even quantitatively, International congress of mathematicians, Cambridge, August 1912. Disponible en ligne.
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
63
Le pendule de Foucault mesurait 67 m avec une masse de 28 kg. Il tournait de 11o par heure. Il y a un
pendule de Foucault au musée des Arts et Métiers à Paris et au musée du Temps à Besançon.
Pour faire le calcul, considérons un axe Ox horizontal, pointant vers l’Ouest, un axe Oy pointant vers le Sud
et un axe Oz pointant vers le haut. Le point O est à une latitude . Sans la force de Coriolis, les équations d’un
pendule simple s’écrivent
ẍ = !02 x
et
ÿ = !02 y,
(6.36)
dans l’approximation des petits mouvements, avec !02 = g/L.
~ = ⌦ sin ~uz
La force de Coriolis peut aisément être calculée à partir des coordonnées des vecteurs ⌦
⌦ cos ~uy et ~vr = ẋ~ux + ẏ~uy ,
F~ic = 2mẏ⌦ sin ~ux
2mẋ⌦ sin ~uy
2mẋ⌦ cos ~uz .
(6.37)
L’ajout de cette force dans les équations du mouvement conduit à deux équations di↵érentielles du second ordre
couplées,
ẍ
=
!02 x + 2ẏ⌦ sin
(6.38)
ÿ
=
!02 y
(6.39)
2ẋ⌦ sin .
L’astuce pour résoudre ces équations couplées est de poser Z = x + iy, qui satisfait alors l’équation di↵érentielle
simple
Z̈ + 2i⌦ sin Ż + !02 = 0,
(6.40)
qui est à coefficients complexes. On cherche alors les racines du polynôme caractéristique et l’on obtient une
solution de la forme
✓
◆
q
q
Z(t) = exp [ i⌦ sin t] A cos !02 + ⌦2 sin2 t + B sin !02 + ⌦2 sin2 t .
(6.41)
Les termes en sinus et cosinus correspondent aux oscillations du pendule. Le terme exponentiel, correspond à
une phase entre x et y et donc, à la rotation du plan d’oscillation observée par Foucault. On en déduit que ce
plan fait un tour complet en
2⇡
T0
T =
=
,
(6.42)
⌦ sin
sin
avec T0 = 24 h. A une latitude = 48, 8o , on trouve T = 32h.
6.4.4
Autres théorèmes pour un point matériel dans un référentiel non galiléen
Pour un point matériel, les théorèmes du moment cinétique et de l’énergie cinétique découlent directement de
la relation fondamentale de la dynamique. Et donc, on peut aussi les appliquer dans un référentiel non galiléen
à la condition de prendre en compte les forces d’inertie.
Il est important de noter que la force d’inertie de Coriolis est perpendiculaire au déplacement et qu’elle ne
travaille donc pas. Pour les forces d’entraı̂nement, il faut faire un calcul spécifique. Voici deux exemples.
Energie potentielle d’entraı̂nement pour un référentiel en translation rectiligne uniformément
accéléré
Considérons le cas de deux référentiels en translation rectiligne l’un par rapport à l’autre. On va supposer
que le référentiel absolu est galiléen et que l’accélération d’entraı̂nement, ~ae , est constante.
Considérons maintenant un point matŕiel de masse m. La seule force d’inertie qu’il subit est donc la force
d’inertie d’entraı̂nement, F~e = m~ae , qui est uniforme est constante.
En choisissant les axes de façon à avoir ~ae = ae ~ux , on a, pour un déplacement quelconque d~l = dx~ux +
dy~uy + dz~uz ,
dEpe =
W = F~e d~l = mae dx.
(6.43)
Ainsi, Epe = mae x + cte. C’est comme pour le poids. En d’autres termes, tout se passe comme si le champ de
pesanteur n’était plus ~g mais ~g ~ae .
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
64
Imaginons un objet dans une boı̂te en chute libre : dans le référentiel de la boı̂te, la résultante des forces
subies par l’objet est donc nulle. Il sera en apesanteur ou impesanteur. Evidemment, l’objet est aussi en chute
libre, mais par rapport la boı̂te, tout se passe comme s’il flottait sans force extérieure appliquée. L’arrivée sur
le sol risque d’être dramatique. Dans la pratique, pour tester l’apesanteur, on utilise des vols paraboliques en
avion, comme représentés sur la figure 6.4.
Figure 6.4 – Vols paraboliques en impesanteur (figure du CNES).
Durant la phase parabolique, si l’on néglige les frottements, on peut supposer que l’avion coupe ses moteurs. Il
n’est alors soumis qu’au poids. Sa vitesse horizontale est constante et sa vitesse verticale diminue. La trajectoire
est alors parabolique et la somme des forces extérieures subies par les passagers par rapport à l’avion, est nulle.
Les paraboles sont répétées plusieurs fois de suite.
Energie potentielle associée à la force d’entraı̂nement centrifuge
Considérons un référentiel en rotation uniforme par rapport à un référentiel absolu supposé galiléen. On note
~ e = ⌦e ~uz son vecteur rotation.
⌦
Pour un point matériel de masse m, la seule force d’inertie qui travaille est la force d’inertie d’entraı̂nement,
F~e = mr⌦2 ~ur . Seul le déplacement suivant ~ur va contribuer au travail. Il suffit de prendre alors d~l = dr~ur .
L’énergie potentielle associée peut être aisément calculée pour obtenir Epe = 12 mr2 ⌦2 + cte.
6.5
Et pour le mouvement d’un solide ?
Pour un solide, c’est plus compliqué car les forces d’inertie ne seront pas nécessairement les mêmes en tout
point du solide. L’intégration n’est pas forcément facile. Pour la rotation de la Terre, les objets étudiés étant
de petite taille par rapport à la planète, on peut supposer que la force d’inertie d’entraı̂nement est la même en
chaque point du solide. On la laisse dans ~g , comme pour un point matériel. L’accélération de Coriolis est, quant
à elle, souvent négligeable.
C’est plus simple avec des référentiels en translation par rapport à un référentiel galiléen car l’accélération
d’entraı̂nement est identique en tout point du solide. On peut donc l’appliquer au centre de masse, comme pour
le poids.
Si le référentiel d’étude est le référentiel barycentrique, alors le moment de la force d’inertie d’entraı̂nement
par rapport à G sera nul. C’est pourquoi on peut appliquer directement le théorème du moment cinétique par
rapport à G dans le référentiel du centre de masse, même s’il n’est pas galiléen. Pour un point matŕiel de masse
m, la seule force d’inertie qui travaille est la force d’inertie d’entraı̂nement, qui vaut
CHAPITRE 6. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS ET FORCES D’INERTIE
6.6
65
English vocabulary
référentiel galiléen
inertial reference frame
référentiel non-galiléen
non-inertial reference frame
force fictive ou pseudo-force fictitious forces
force d’inertie
inertial force
pendule de Foucault
Foucault pendulum.
Main result : In a rotating reference frame, that is rotating relative to an inertial reference frame, Newton’s
second law becomes
m~ar = F~imp + F~centrif ugal + F~Coriolis + F~Euler ,
(6.44)
with the apparent acceleration ~ar , the impressed external forces F~imp , the centrifugal force,
F~centrif ugal =
the Coriolis force,
F~Coriolis =
~ ⇥ (⌦
~ ⇥ ~r),
m⌦
(6.45)
~ ⇥ ~vr ,
2m⌦
(6.46)
and the Euler force,
~
d⌦
⇥ ~r.
(6.47)
dt
Fictitious forces, also called a phantom forces or pseudo forces, do not arise from any physical interaction
between two objects, but rather from the acceleration of the non-inertial reference frame itself.
At either the North Pole or South Pole, the plane of oscillation of a pendulum remains fixed relative to the
distant masses of the universe while Earth rotates underneath it, taking one sidereal day to complete a rotation.
So, relative to Earth, the plane of oscillation of a pendulum at the North Pole undergoes a full clockwise rotation
during one day ; a pendulum at the South Pole rotates counterclockwise.
F~Euler =
m
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