Evolution des méthodes de calcul de coûts : un regard sur le marché

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Evolution des méthodes de calcul de coûts : un regard sur le marché
Jean TANNOUS Professeur à la FGM
Calculer ses coûts, les optimiser deviennent actuellement une nécessité urgente. Devant
une concurrence acharnée, des produits à cycles de vie de plus en plus courts, des clients
avisés, des charges fixes et indirectes de plus en plus pesantes, etc., le problème de
maîtrise des coûts devient assez sérieux.
Qu’en est-il des thodes d’analyse de coûts appliquées et de leur évolution ? Nos
entreprises libanaises profitent-elles des avantages des unes ou des autres de ces
dernières ? Sont-elles adaptées à une telle entreprise ?
Une revue rapide des thodes de calcul de coûts qui ne cessent d’évoluer depuis les
années cinquante, nous semble utile, avec un arrêt plus marqué au niveau de la méthode
du « coût cible » et de son intérêt éventuel pour les PME libanaises.
I Les méthodes traditionnelle des coûts complets, ABC, G.P et UVA : Evolution et
applications
La méthode traditionnelle des coûts complets qui s’est développée depuis pas mal de
temps, constitue notre point de départ. Elle est à la base des flexions surgies dans ce
domaine.
1- La méthode traditionnelle des coûts complets
Avec un niveau de charges indirectes acceptable dans la composition du prix de revient,
la méthode du coût complet a marré à partir d’une classification fonctionnelle de
l’entreprise en deux types de sections auxiliaires et principales. Ces dernières
appartiennent au cycle d’exploitation des entreprises, soit les « Achats », la
« Production » et la « Vente ». La création de tableaux de répartition de charges
indirectes, la résolution du problème des prestations réciproques entre les sections, le
choix du classement des sections « Administratives et Financières », le calcul du coût
unitaire indirect des sections principales, ont contribué au calcul du prix de revient des
produits.
Le schéma global de ce processus peut se présenter ainsi dans une entreprise
industrielle :
Coût d’achat des matières premières :
- Direct (prix d’achat, transport,..)
- Indirect (coût de fonctionnement du service des achats)
Coût de production :
- Direct (M.O.D travaillant à l’heure ou à la pièce)
- Indirect (coût de fonctionnement des ateliers)
Coût de distribution :
- Direct (emballage,..)
- Indirect (coût de fonctionnement des services commerciaux)
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La somme des coûts d’achat, de production et de distribution, constitue le prix de
revient du produit (cas où les sections « administratives et financières » sont considérées
comme auxiliaires).
La difficulté réside, en fait, dans le calcul de la part indirecte des charges et de son
affectation aux produits concernés. Ceci a été possible par l’application des tableaux de
répartition des charges indirectes selon la méthode des sections homogènes.
2- L’Activity Based Costing
Depuis, des changements ont survenu au niveau de la composition des prix de revient
où les charges indirectes se voient jouer un rôle beaucoup plus important.
Les biais de calcul provoqués par les coefficients de répartition appliqués par la
thode classique, les effets de subventionnement lors du calcul des coûts unitaires et du
choix des unités d’œuvre et d’autres réflexions subjectives, ont meau veloppement
de la thode ABC qui stipulait que ce sont les activités qui consomment les ressources
et les produits qui causent ou consomment les activités.
L’idée de base étant d’annuler les sections et de créer les activités, de remplacer les
unités d’œuvre par les inducteurs de coût, afin de réduire les effets de subventionnement
entre les produits ainsi que les applications jugées subjectives, dans la méthode classique
de calcul des coûts (1).
Les préconiseurs de la méthode la considèrent comme un moyen d’imputation plus
fiable des charges indirectes, d’autant plus qu’elle doit normalement s’accompagner
d’une gestion des activis et des processus ABM (d’après la chaîne de valeurs de M.
PORTER).
3- Les méthodes G.P et U.V.A
A part les autres thodes de coûts partiels développés en parallèle (le direct costing
simple, le direct costing évolué, l’imputation rationnelle, le coût marginal,…), nous avons
assisté au veloppement de la méthode G.P (Georges Perrin) dans les années soixante
(2), puis, inspirée de cette dernière, la méthode U.V.A (3), où les principaux processus
(1) Pour une étude comparative plus complète sur les méthodes traditionnelle et ABC, se référer à
TANNOUS Jean « La méthode ABC. Principes-Applications-Limites et avantages » Revue
Proche-Orient de la Faculté de Gestion et de Management de l’Université Saint Joseph No 15
2003.
(2) PERRIN G. « Prix de revient et contrôle de gestion par la méthode GP » Editions Dunod 1963
(3) FIEVEZ J., KIEEFFER J.P et ZAYA R. « La méthode UVA : du contrôle de gestion à la maîtrise
du profit » Editions Dunod 1999.
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de fabrication des différents produits sont valorisés par rapport à celui d’un produit de
base représentatif de l’activide l’entreprise, ce qui permettra le calcul des coûts de tous
les produits de la gamme (1).
4- Applications académiques et pratiques locales des méthodes précitées
Malgré les limites de la méthode traditionnelle évoquées par les concepteurs des
nouvelles méthodes, elle constituerait toujours un moyen de calcul de coûts efficace pour
les PME libanaises qui peuvent créer leurs propres systèmes, taillés sur mesure, faciles à
comprendre, à gérer et à interpréter. Une fois instaurés, ces systèmes seront la base de
toute construction ultérieure d’autres méthodes plus élaborées.
La méthode ABC ne connaît qu’une application limitée en France (2 à 3 % des
entreprises selon P. MEVELLEC (2)). Elle l’est de même auprès des entreprises
libanaises, mises à part les études réalisées au niveau universitaire (3). Ces dernières
montrent une application très accessible de la méthode surtout pour les PME ayant établi
leurs systèmes de calcul de coût complet ou standard, traditionnels. La création du
mole ABC par la définition d’une vingtaine d’activités, pourrait alléger les biais de
calcul et les effets de subventionnement.
La méthode UVA, un peu plus licate à réaliser, a connu jusque quatre études
universitaires appliquées (4) : en 2001, dans deux entreprises industrielles libanaises
familiales et en 2003, une application au département de la collecte à la direction de la
TVA au ministère des finances libanais et une autre dans un hôtel employant une
trentaine de personnes. Ces essais académiques semblent intéresser les PME libanaises
qui ont fourni toutes les informations nécessaires aux applications.
Malgré la technicité des travaux, les dirigeants de ces entreprises ont été convaincus des
résultats obtenus ainsi que de la nécessité d’améliorer les procédés de calcul des coûts.
(1)Pour une étude détaillée et appliquée à une entreprise libanaise, de la thode U.V.A, se référer aux
travaux du workshop mars 2004 - Université Paris IX Dauphine.
OGER B. et TANNOUS J. « La méthode U.V.A, un outil de gestion du profit pour les PME libanaises ? »
Revue Proche-Orient de la Faculde Gestion et de Management de l’Université Saint Joseph No 17
2005.
(2)MEVELLEC P. « Les difficultés de conception et de mise en œuvre de système ABC » Revue Française
de comptabilité - Novembre 2001.
(3) Se référer aux études réalisées au sein de la Faculté de Gestion et de Management de l’Université Saint
Joseph dans le cadre des projets de fin d’études du DEA « Finances », du Master « Recherche - Finance »
ou du MBAIP , sous la direction du Professeur J. TANNOUS.
(4) idem 3
II La méthode du « coût cible » ou « Target Costing » - Principes et conditions
d’application
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1- Origines et principes de la méthode
Cette partie fera l’objet de développements plus élaborés, pour émettre des ies sur les
éventualités d’application de la méthode auprès des PME libanaises.
En effet, dans les méthodes citées, l’objectif était de calculer le prix de revient des
produits, puis leur prix de vente par application d’une certaine marge bénéficiaire. Nous
cumulons donc les coûts pour obtenir le prix de revient puis le prix de vente.
Dans le « Target Costing », on fait linverse.
Le « coût cible », dénommé « Genka Kikaku », a été inventé chez TOYOTA en 1965 et
se développa à partir des années soixante dix au Japon.
En une vingtaine d’années, il fut la norme suivie par la quasi totalité des industries
automobiles nippones et par plus de 80 % des entreprises des secteurs de l’électronique,
de la construction électrique et des biens d’équipements.
Les japonais partaient donc du marché, en fixant le prix de vente futur d’un produit à
lancer ou remanié, (le prix de vente cible), après soustraction de la marge, ils déduisaient
son coût de revient maximal (le coût cible). Le processus est donc itératif et vise à réduire
le coût estimé du produit jusqu’à l’obtention du coût cible déjà fixé.
Le coût du produit n’est plus une contrainte fie par les services d’approvisionnement
ou de la production mais un objectif à atteindre par la pratique d’un management fondé
sur l’objectivité et les normes visées. C’est donc une gestion de coûts orientée vers le
marc plus qu’un système d’évaluation pure des coûts. En effet, le prix de vente est
aujourd’hui imposé par le marché et non par les coûts.
Le contrôleur de gestion se voit donc dans l’obligation de se retourner vers les clients
externes de l’entreprise. Suite à l’évolution des contextes économiques, à l’accroissement
des coûts des « Recherche et Développement » et de conception, à la montée de la
concurrence, etc. les efforts seront concentrés en amont de la production, au moment de
la conception du produit (surtout que la globalité des coûts générés par ce produit, sont
déterminés durant cette phase) afin de pallier à l’éventualité de rattraper des écarts de
coûts, lors des opérations de fabrication.
2- Les étapes de sa mise en œuvre
Techniquement, les étapes suivantes seront à respecter pour la mise en œuvre d’un
système de « coût cible » :
- Définir un prix de vente que les clients sont prêts à payer ou que la
concurrence est prête à proposer pour un certain produit (une pondération
des différents composants du produit et leur importance par rapport aux
clients pourrait être établie).
- Déterminer le profit cible attendu du produit.
- Calculer le coût cible à partir de la relation :
Coût cible = Prix de vente cible Marge de profit cible
- Calculer un coût estimé du produit, selon les conditions actuelles de
production. Cette estimation reste globale dans les premières phases de
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préparation des produits et sera plus claire et précise lors des phases
d’industrialisation.
- Essayer de réduire la différence entre les coûts estimé et cible fixé
auparavant (le coût estimé est généralement supérieur au coût cible).
La résorption de ce gap entre les deux valeurs peut se situer à deux
niveaux, pour chaque composant du produit :
Celui de la conception, en oeuvrant à partir de solutions techniques tout
en préservant les attentes des consommateurs.
Et celui de la fabrication (si la différence reste importante), en oeuvrant à
partir d’améliorations continues suite aux propositions des responsables de
production et aux effets d’expérience.
Le processus peut être schématisé ainsi :
Si le marché dicte un prix de vente de 1000 €, l’entreprise définit sa marge cible à 200
pour aboutir au coût cible de 800 €. Si les processus traditionnels de production
conduisent à calculer un coût estimé à 950 €, l’entreprise devrait résorber cette
différence (solutions techniques, améliorations continues, etc.) pour atteindre le coût
cible déjà fixé.
Actuellement, deux logiques coexistent en matière de « coût cible » (1) :
Prix de vente cible
1000 €
-
Coût cible 800 €
=
Marge de profit cible
200 €
Coût estimé 950 €
calculé selon les conceptions
traditionnelles
Résorption de la différence par :
- Solutions techniques
- Améliorations continues
- Analyse de valeur
- Effets d’expérience
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