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18
MARCHES PUBLICS
Entrée en vigueur
de la «nouvelle» réglementation
des marchés publics
attendue pour le 1er juillet 2013
uvcw I Mars 2013 I n°876 I Focus
A quelles réjouissances
ou déconvenues faut-il s’attendre?
Marie-Laure Van Rillaer
Conseiller
La «nouvelle» réglementation des marchés
publics a déjà beaucoup fait parler d’elle. Et on
attendait avec impatience la parution complète
de ses textes, notamment l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions
de travaux publics1. A quoi faut-il s’attendre ?
De quoi pouvons-nous nous réjouir et de quelles
déceptions devons-nous guérir ?
L’objectif du présent article est de passer en revue les nouveautés essentielles de cette nouvelle réglementation et particulièrement les points de changement auxquels chaque pouvoir
adjudicateur sera attentif pour éviter tout écueil désagréable.
Outre quelques rappels utiles à propos des modes, modalités de passation(1.) et passation des marchés publics(2.),
nous axerons nos propos davantage sur les nouvelles règles
générales d’exécution(3.). Nous renvoyons le lecteur vers une
précédente contribution qui avait déjà présenté un premier
aperçu de ce qui changeait2. De plus, très prochainement, un
troisième article sur la nouvelle réglementation des marchés
publics complétera l’information en présentant aux lecteurs la
ligne du temps d’un marché public.
1. MODES ET MODALITÉS DE PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS2
A. Adjudication, appel d’offres et procédure
négociée avec ou sans publicité
L’adjudication et l’appel d’offres restent, dans le cadre de cette
nouvelle réglementation, des modes de passation généraux
auxquels il peut être recouru librement sans motifs particuliers. Au niveau du vocabulaire utilisé, il faut retenir qu’il ne
sera plus question d’adjudication publique et d’appel d’offres
général, mais bien d’adjudication ouverte et d’appel d’offres
ouvert, changement de vocabulaire qui permettra d’unifier les
appellations.
En ce qui concerne la procédure négociée, de grandes nouveautés sont à épingler.
Commençons d’abord par la procédure négociée sans publicité.
A.R. établissant les règles générale d’éxécution des marchés publics et des concessions de travaux publics, 14.01.2013, N.B., 14.02.2013.
Nous renvoyons le lecteur vers la précédente contribution dans cette revue par Mathieu Lambert, Nouvelle réglementation des marchés publics : un premier
aperçu de ce qui change, Mouv. comm., n° 862, nov. 2011, p. 39 et 55. / 2 En vue de la présente contribution, nous faisons volontairement omission de certaines
nouvelles modalités de passation, a priori moins susceptibles d’intéresser la majorité des pouvoirs locaux; il s’agit du dialogue compétitif (L. 15.6.2006, art.
27 – A.R. 15.7.2011, art. 111 et 55.), du système d’acquisition dynamique (L. 15.6.2006, art. 29 – A.R. 15.7.2011, art. 125 et 55.) et de l’enchère électronique (L.
15.6.2006, art. 30 – A.R. 15.7.2011, art. 130 et 55.). / 3 Art. 26, par. 1er.
1
2
La loi du 15 juin 20063 prévoit quatorze hypothèses de procédure négociée sans publicité là
où la loi du 24 décembre 1993 n’en connaissait que onze4. Outre la multiplication des
hypothèses de procédure négociée sans publicité, constatons que les conditions de recours
à certaines hypothèses ont été assouplies, permettant donc plus d’utilisation de cette procédure qui reste toutefois d’exception5. Passons
brièvement en revue les nouveautés:
• faible montant : les seuils de 5.500 euros
et de 67.000 euros passent respectivement
à 8.500 euros et 85.000 euros6; le recours
à la procédure négociée sans publicité pour
les marchés dont la dépense à approuver ne
dépasse pas 200.000 euros reste autorisé
pour les marchés de services des catégories 6
et 8 de l’annexe A et de toutes les catégories
de l’annexe B7;
• absence de demande de participation (appropriée) ou d’offre (appropriée) pour autant que les conditions initiales du marché
ne soient pas substantiellement modifiées et
que pour les marchés atteignant les seuils de
publicité européenne, un rapport soit communiqué à la Commission européenne à sa
demande;
• dépôt d’offre(s) irrégulière(s) ou inacceptable(s)
pour autant que les conditions initiales du
marché ne soient pas substantiellement modifiées et que le pouvoir adjudicateur consulte
les soumissionnaires qui répondaient aux exigences de sélection et ont remis une offre formellement régulière8;
• fournitures complémentaires de même nature et de mêmes caractéristiques, devenues
nécessaires à la suite d’une circonstance imprévue, pour autant que le montant cumulé
des fournitures complémentaires n’excède
pas cinquante pour cent du montant du
marché initial, que le montant cumulé de
tous les marchés n’atteigne pas le seuil de
publicité européenne et que l’on ne dépasse,
en règle générale, une durée de trois ans;
• fournitures cotées et achetées à une bourse
de matières premières;
• fournitures achetées à des conditions particulièrement avantageuses auprès d’un fournisseur cessant définitivement ses activités
commerciales ou d’un mandataire de justice
en cas de faillite ou de réorganisation judiciaire.
© shutterstock - Denisenko
En ce qui concerne la procédure négociée avec
publicité, la nouvelle réglementation instaure,
outre les hypothèses déjà prévues par la loi du
24 décembre 1993, quelques nouveautés inté-
ressantes:
•
faible montant : 200.000 euros pour les
marchés de fournitures et de services (relevant de l’annexe II A) de la loi et 600.000
euros pour les marchés de travaux9;
• généralisation de la procédure négociée avec
publicité pour les marchés de services relevant de l’annexe II, B de la loi10.
Enfin, notons que la nouvelle réglementation
crée une nouvelle modalité de passation: la
procédure négociée directe avec publicité, mélange de la procédure négociée avec publicité
et de celle sans publicité. Plus concrètement, à
l’instar de la procédure négociée avec publicité, ce nouveau mode de passation contraint le
pouvoir adjudicateur à publier un avis de marché11 et ne se contente pas d’une consultation
d’un ou plusieurs soumissionnaires comme
en procédure négociée sans publicité. Cela
étant, cette procédure est directe puisqu’étant
de «type ouvert», s’effectuant en une fois, avec
une seule décision administrative portant tant
sur l’aspect de sélection que sur celui d’attribution. Cette nouvelle modalité hybride n’est
autorisée que dans l’hypothèse d’un faible
montant : 200.000 euros pour les marchés
de fournitures et de services et 600.000 euros
pour les travaux12.
Procédure Négociée
avec publicité
200 000 €
en fournitures et services
4
L. 24.12.1993, art. 17, par. 2. / 5 C’est-à-dire dont le
recours doit être motivé par des circonstances de droit
et de fait. / 6 Lecture combinée des articles 26, par.
1er, 1°, a), de la L. 15.6.2006 et de l’art. 105, par. 1er, de
l’A.R. 15.7.2011. / 7 Pointons entre autres les services
suivants : services financiers, d’hôtellerie, de restauration,
juridiques, de placement et de fourniture de personnel,
sociaux et sanitaires ainsi que récréatifs, culturels et
sportifs. / 8 Si la première procédure de passation a été
obligatoirement soumise à la publicité européenne,
le pouvoir adjudicateur peut élargir la consultation à
d’autres soumissionnaires tandis que si la première
procédure n’a pas été obligatoirement soumise à la
publicité européenne, le pouvoir adjudicateur ne pourra
pas élargir la consultation. / 9 Lecture combinée des
articles 26, par. 2, 1° d), de la L. 15.6.2006 et 105 de l’A.R.
15.7.2011. / 10 L. 15.6.2006, art. 26, par. 2, 4°. /
11
Uniquement au niveau belge puisque ce nouveau
mode de passation, hybride, n’est pas connu de la
réglementation européenne et constitue donc une
particularité belge. / 12 Lecture combinée des art. 2, par.
1er, 3°, 32 et 105 de l’A.R. 15.7.2011.
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19
uvcw I Mars 2013 I n°876 I Focus
20
B. Accord-cadre
L’accord-cadre est défini comme l’accord
intervenant entre un ou plusieurs pouvoirs
adjudicateurs et un ou plusieurs adjudicataires
qui a pour objet d’établir les termes régissant
les marchés à passer au cours d’une période
donnée13.
Si le mécanisme de l’accord-cadre est déjà
connu sous la forme des marchés à bordereau de prix ou marchés-stocks passés avec
un adjudicataire, la nouvelle réglementation
permet désormais de passer un accord-cadre
avec plusieurs adjudicataires. Cette nouveauté
constitue une belle avancée pour les pouvoirs
adjudicateurs qui pourront voir leurs besoins
être satisfaits par plusieurs adjudicataires à la
fois ou successivement14.
La nouvelle réglementation précise qu’aucune
modification substantielle ne pourra être
apportée aux termes déjà fixés dans l’accordcadre et que sa durée, de même que celle des
marchés fondés sur cet accord-cadre, ne pourra dépasser quatre années, sauf cas exceptionnels dûment motivés15.
C. Marchés groupés
Les marchés groupés peuvent être définis
comme des mécanismes de regroupement
des pouvoirs adjudicateurs et donc de la
commande publique. Ces marchés groupés
couvrent d’une part, les centrales de marchés
ou d’achat16, nouveauté de cette nouvelle
réglementation et, d’autre part, les marchés
conjoints17, déjà connus sous l’ère de l’ancienne réglementation18.
Lorsqu’un pouvoir adjudicateur recourt à une
centrale d’achat ou de marché, il est dispensé
d’organiser lui-même une procédure de passation19. Ce mécanisme est entré en vigueur le
15 février 2007.
Le marché conjoint connaît quant à lui deux
nouveautés : d’une part, il est ouvert non seulement aux pouvoirs adjudicateurs, mais également aux personnes de droit privé; d’autre
part, la nouvelle réglementation consacre une
jurisprudence qui admettait que des paiements séparés par personne participant au
marché conjoint puissent être prévus dans les
documents du marché20.
D. Tranches conditionnelles
Le marché à tranche(s) ferme(s) et
conditionnelle(s) peut se définir comme un
marché au sein duquel le pouvoir adjudicateur
n’est engagé qu’à concurrence des tranches
fermes, se gardant la possibilité de commander ou non, en fonction de diverses circonstances, la ou les tranches conditionnelles.
© shutterstock - lenetstan
Ce mécanisme, déjà connu et pratiqué sous l’ancienne réglementation des
marchés publics, reçoit ainsi une consécration légale. Par ailleurs, le pouvoir
adjudicateur devra démontrer la nécessité de recourir à un tel mécanisme21 .
E. Reconduction
Nouveauté destinée à trancher une controverse, l’article 37, par. 2, de la loi du
15 juin 2006 permet explicitement la reconduction d’un marché public, dès
sa conclusion et suivant les modalités prévues dans les documents du marché.
La durée totale du marché et de ses reconductions ne peut, en règle générale,
dépasser quatre années à partir de la conclusion du marché. Deux remarques
sont à formuler. D’une part, la reconduction ne doit être confondue avec la
possibilité de répéter un marché selon le prescrit de l’article 26, par. 1er, 2°, b),
de la loi du 15 juin 2006. D’autre part, l’estimation du marché devra prendre
en compte les reconductions22.
2. PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS (A.R. 15.7.2011)
A. Variantes et options
Bien que connues et largement utilisées dans le cadre de l’ancienne réglementation, les variantes et les options ne connaissaient ni définitions ni régime
juridique complet. C’est chose désormais corrigée. La variante est un mode
alternatif de conception ou d’exécution du marché public alors que l’option
est un élément accessoire, non strictement nécessaire à l’exécution du marché23. La réglementation définit également ce qu’il faut entendre par variante
obligatoire, facultative ou libre et par option obligatoire et libre24. Elle règle
aussi leurs modalités de présentation, leurs conditions d’admission ainsi que
la manière d’être traitées lors de la comparaison des offres25.
B. Lots
L’allotissement technique, qui consiste à diviser un marché public en vue en
principe d’une attribution distincte, était déjà reconnu par l’ancienne réglementation.
La nouvelle réglementation va toutefois apporter de nombreux éclaircissements et nouveautés.
Tout d’abord, source de difficultés administratives inutiles, la règle contenue
dans l’article 18, al. 2, de la loi du 24 décembre 1993 qui imposait aux pouvoirs adjudicateurs, pour pouvoir renoncer à la passation d’un ou plusieurs
lots d’un marché public, de s’en être expressément réservé la possibilité dans
les documents de marché, a été abolie. La loi du 15 juin 2006 prévoit désormais la règle inverse26.
L. 15.6.2006, art. 3, 15°. / 14 Les exemples sont nombreux : engagement d’infirmières intérimaires, enlèvement de véhicules lors d’événements festifs par des
dépanneurs, passation de nombreux actes notariés qu’un seul notaire n’a pas la capacité d’absorber. / 15 L. 15.6.2006, art. 32. / 16 L. 15.6.2006, art. 2, 4°. / 17 L.
15.6.2006, art. 38. / 18 L. 24.12.1993, art. 19. / 19 L. 15.6.2006, art. 15. / 20 L. 15.6.2006, art. 38. / 21 L. 15.6.2006, art. 37, par. 1er. / 22 A.R. 15.7.2011, art. 24, al. 1er, 5°. /
23
A.R. 15.7.2011, art. 2, 10° et 11°. / 24 Voyez les articles 9 et 10 de l’A.R. 15.7.2011. / 25 A.R. 15.7.2011, art. 9, 10, 100 et 101. / 26 L. 15.6.2006, art. 36, al. 2.
13
• une première catégorie de marchés soumis à l’entièreté des
règles générales d’exécution dès que le montant estimé du
marché est supérieur à 30.000 euros (auparavant 22.000
euros32);
• une seconde catégorie de marchés aucunement soumis aux
règles générales d’exécution si le montant estimé du marché
est inférieur à 8.500 euros (auparavant 5.500 euros33), sans
préjudice de la possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’expressément rendre les règles générales d’exécution en tout ou
en partie applicables;
27
A.R. 15.7.2011, art. 54, par. 2, al. 2. / 28 A.R. 15.7.2011, art. 58, par. 4. / 29 A.R.
15.7.2011, art. 62 et 63. / 30 A.R. 15.7.2011, art. 61, par. 4. / 31 A.R. 14.1.2013,
art. 5, par. 2. / 32 A.R. 26.9.1996, art. 3, par. 1er. / 33 A.R. 26.9.1996, art. 3, par.
3. / 34 A.R. 14.1.2013, art. 6, par. 1er. / 35 A.R. 14.1.2013, art. 9, par. 4. / 36 A.R.
14.1.2013, art. 10 (moyens électroniques), 12 (sous-traitants), 13 (sous-traitance
et causes d’exclusion), 18 (confidentialité), 25 à 30 (cautionnement), 44 à 63
(moyens d’action du pouvoir adjudicateur, réclamations et requêtes, incidents
d’exécution, résiliation), 66 (conditions générales de paiement), 68 à 73
(opposition et saisie-arrêt, intérêt pour retard, interruption ou ralentissement
de l’exécution, réfaction pour moins-value, compensation, actions judiciaires),
78 à 81 (personnel, organisation du chantier, modifications apportées au
marchés de travaux), 84 (responsabilité de l’entrepreneur), 86 (amendes pour
retard en travaux), 96 (dispositions applicables à la promotion de travaux),
123 (amendes pour retard en fournitures), et 154 (amendes pour retard en
services). / 37 A.R. 14.1.2013, art. 25, par. 1er. / 38 A.R. 14.1.2013, art. 25, par. 2,
al. 3. / 39 A.R. 14.1.2013, art. 25, par. 2, al. 4. / 40 C.G.Ch., art. 6, par. 1er. / 41 A.R.
14.1.2013, art. 27, par. 1er, al. 1.
21
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Ensuite, le pouvoir adjudicateur a la possibilité de limiter le • une troisième catégorie de marchés ne connaissant qu’un
nombre de lots pour lesquels le soumissionnaire dépose offre27 noyau dur d’articles des règles générales d’exécution si l’estiet fixer des niveaux d’exigences minimales en termes de sélec- mation du marché est située entre 8.500 euros et 30.000
tion séparément, en fonction de chaque lot ou en cas d’attri- euros.
bution de plusieurs lots à un même soumissionnaire28.
Par ailleurs, quel que soit le montant estimé du marché, mais à
l’exception de la disposition interdisant d’allonger les délais de
C. Sélection
paiement et de vérification et d’insérer dans les documents de
Autrefois appelée phase de sélection qualitative, cette étape marché une clause abusive en matière de paiement, les règles
préalable consistant à vérifier la situation d’un candidat ou générales d’exécution ne sont notamment pas applicables aux
d’un soumissionnaire et à sélectionner ceux jugés suffisam- marchés de services financiers et juridiques34.
ment convenables reçoit désormais l’appellation de sélection. En ce qui concerne les dérogations, il est précisé que les délais
Cette sélection se divise en deux points: d’une part, les droits de paiement et de vérification ne peuvent être rendus plus
d’accès qui visent la situation personnelle ou juridique des longs que ce que prévoit la réglementation, toute disposition
candidats ou soumissionnaires et, d’autre part, la sélection contraire étant réputée non écrite. Comme autrefois, il ne
qualitative qui concerne les capacités économique, financière, peut être dérogé aux règles obligatoires que dans la mesure
technique et professionnelle.
rendue indispensable par les exigences particulières du marEn ce qui concerne les droits d’accès, notons deux nouveautés: ché considéré. La liste des dispositions auxquelles il est dérogé
d’abord, la nouvelle réglementation consacre l’obligation du devra figurer de manière explicite au début du cahier spécial
candidat ou soumissionnaire de joindre à sa demande de par- des charges35. En outre, la dérogation à certaines dispositions36
ticipation ou à son offre une attestation dont il résulte qu’il est fera l’objet d’une motivation formelle. A défaut d’une telle
en règle en matière de paiement de ses cotisations de sécurité motivation formelle dans le cahier spécial des charges, la désociale et – c’est la nouveauté – une attestation dont il résulte rogation en question est réputée non écrite. Cette sanction,
qu’il est en règle par rapport à ses obligations fiscales profes- qui n’existait pas auparavant, n’est cependant pas applicable
sionnelles29; ensuite, l’on reconnaît dans la réglementation le lorsqu’une convention est signée par les parties.
mécanisme de la déclaration sur l’honneur, qui demeure une
faculté encouragée, ne vaut que pour les droits d’accès et ne B. Cautionnement
dispense pas le pouvoir adjudicateur de vérifier les droits d’ac- Quelques nouveautés sont à épingler en matière de cautioncès du soumissionnaire pressenti30.
nement :
• la réglementation modifie quelque peu les hypothèses d’absence d’obligation de cautionnement. Outre les marchés de
3. EXÉCUTION DES MARCHÉS PUBLICS
fournitures et de services dont le délai d’exécution ne dépasse
(A.R. 14.1.2013)
pas quarante-cinq jours et ceux de services des catégories 3,
Alors que les dispositions relatives à l’exécution des marchés 4, 18, 21 et 24 de l’annexe II de la loi, il n’y a pas d’obligales marchés dont le montant est
publics étaient logées dans l’arrêté royal du 26 septembre 1996 tion de cautionnement pour
37
inférieur
à
50.000
euros
;
et son annexe constituant le cahier général de charges, la nouvelle réglementation diffère dans la présentation des articles • l’arrêté royal du 14 janvier 2013 précise aussi que le caurégissant l’exécution des marchés publics. Nous pouvons dé- tionnement est constitué pour chaque marché conclu dans
sormais dire au revoir à l’annexe qu’est le fameux cahier géné- le cadre d’un accord-cadre avec application des exceptions,
ral de charges qui formait l’ensemble des conditions générales le cas échéant et sans préjudice de la possibilité pour le poude prévoir un cautionnement global pour
contractuelles applicables aux relations entre pouvoirs adjudi- voir adjudicateur
38
l’accord-cadre
;
cateurs et adjudicataires. Dès leur entrée en vigueur, nous ne
parlerons plus que d’un seul corps de texte: les règles générales • l’on y précise aussi que le cautionnement est constitué pour
tranche d’un marché à tranches fermes et conditiond’exécution, toutes logées dans un seul document, l’arrêté chaque
39
nelles
;
royal du 14 janvier 2013.
• toujours à propos du cautionnement, remarquons que la
Quelles nouveautés doivent retenir notre attention?
nouvelle réglementation supprime l’application automatique d’une pénalité40 lorsque la preuve du cautionnement
A. Champ d’application et dérogations
A l’instar de ce que prévoyait l’ancienne réglementation, la n’est pas rapportée dans le délai imparti, soit dans les trente
sauf délai plus long prévu
nouvelle réglementation divise les marchés publics en trois jours de la conclusion du marché,
41
;
dans
les
documents
du
marché
31
catégories :
uvcw I Mars 2013 I n°876 I Focus
22
• sous l’ère de l’ancienne réglementation, le cautionnement
ne pouvait servir qu’au paiement des amendes ou pénalités
ainsi qu’au montant des dommages, débours ou dépenses
résultant de l’application des mesures d’office42. La nouvelle réglementation élargit les possibilités de compensation sur toutes sommes revenant au pouvoir adjudicateur,
en ce compris un trop-payé indûment43. Ce prélèvement est
subordonné à l’établissement d’un procès-verbal transmis à
l’adjudicataire afin de permettre à celui-ci de faire valoir ses
moyens de défense44;
• sauf disposition contraire dans les documents du marché, le
cautionnement est transféré de plein droit en cas de reconduction45.
C. Modifications de marché
La nouvelle réglementation apporte des éclaircissements terminologiques utiles quant à la notion d’avenant, qui constitue
une convention établie entre les parties liées par le marché en
cours d’exécution et ayant pour objet une modification des
documents de marché46.
L’avenant est donc à distinguer de la modification unilatérale,
qui, elle, ne nécessite pas d’accord de l’adjudicataire, relève du
pouvoir d’injonction d’une autorité publique et consacre ainsi
le principe de la mutabilité des contrats administratifs.
La nouvelle réglementation apporte un changement majeur
en matière de modification unilatérale puisque, désormais,
sa valeur est limitée à 15 % du montant initial du marché47,
outre les conditions déjà existantes de ne pas changer l’objet
du marché et d’accorder une juste compensation à l’adjudicataire, s’il y a lieu48.
Regrettons que le pouvoir réglementaire belge, malgré les interventions de notre association durant les travaux au sein de
la Commission fédérale des Marchés publics, ait ainsi figé à un
seuil très peu élevé de 15 % la possibilité de modifier en plus
(ou en moins ?) un marché public en cours d’exécution. Il est
ainsi malheureusement fait fi des contraintes et aléas propres
à tout marché et nécessitant qu’une modification intervienne.
Cette modification majeure (et dommageable pour la bonne
tenue des marchés publics, tant pour les adjudicataires que
pour les pouvoirs adjudicateurs) de la réglementation sur ce
point fait écho à une jurisprudence européenne qui privilégie
une remise en concurrence systématique au nom du principe
d’égalité de traitement des soumissionnaires au détriment de
l’intérêt public et de la bonne exécution d’un marché public49.
mesure d’office, en informe le tiers qui a constitué le cautionnement sur sa demande écrite52
E. Circonstances imprévisibles
L’article 56 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 reprend, en
le réaménageant cependant substantiellement, le contenu de
l’article 16, par. 2, 1° à 3°, du cahier général de charges. Cette
disposition confirme ainsi l’application de la théorie de l’imprévision dans le cadre des marchés publics.
Ainsi, comme précédemment, l’adjudicataire peut soit pour
demander une prolongation des délais d’exécution, soit
lorsqu’il a subi un préjudice très important, pour demander
une autre forme de révision ou la résiliation du marché, se
prévaloir de circonstances qu’il ne pouvait raisonnablement
pas prévoir lors du dépôt de l’offre ou de la conclusion du
marché, qu’il ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles
il ne pouvait obvier, bien qu’il ait fait toutes les diligences
nécessaires.
L’on sait que l’appréciation de l’importance du préjudice subi
était sujette à interprétations diverses. Un seuil fixe désormais
ce préjudice important à 2,5 % du montant initial du marché.
En tout état de cause, le préjudice est jugé important lorsqu’il
a atteint 100.000 euros. Et en cas de révision du marché prenant la forme d’une indemnité, une franchise égale à 17,5 %
du montant du préjudice (mais au maximum 20.000 euros)
est appliquée.
L’on devra regretter un seuil de préjudice important fixé de
manière aussi basse puisque cette révision du marché d’une
part constitue une entorse au caractère forfaitaire des marchés
publics et, d’autre part, fait application de la théorie de l’im-
D. Moyens d’action du pouvoir adjudicateur
S’il n’y a pas de nouveauté notable à signaler en ce qui concerne
les pénalités et amendes pour retard, en ce qui concerne les
mesures d’office, la nouvelle réglementation précise qu’elles ne
peuvent être appliquées qu’en cas de manquement grave dans
l’exécution du marché lorsqu’après le délai pour faire valoir ses
moyens de défense, l’adjudicataire est resté inactif ou a présenté des moyens jugés non justifiés par le pouvoir adjudicateur50.
Parmi les mesures d’office dont dispose le pouvoir adjudicateur, se retrouve la résiliation avec confiscation du cautionnement, comme précédemment. La nouveauté réside dans
la circonstance qu’à défaut de cautionnement constitué, un
montant équivalent est acquis de plein droit au pouvoir adjudicateur à titre de dommages et intérêts forfaitaires51.
Nouveauté intéressante pour les sociétés de cautionnement, le
pouvoir adjudicateur qui dresse un procès-verbal ou qui notifie à l’adjudicataire le refus de réception ou l’application d’une
C.G.Ch., art. 20, par. 7. / 43 A.R. 14.1.2013, art. 30 et le Rapport au Roi commentant cette disposition. / 44 Selon les modalités prévues de l’article 44, par. 2, de
l’A.R. 14.1.2013. / 45 A.R. 14.1.2013, art. 32. / 46 A.R. 14.1.2013, art. 2, 20°. / 47 A.R. 14.1.2013, art. 37, al. 1er. / 48 A.R. 26.9.1996, art. 7 et 8. / 49 C.J.U.E., aff. C-454/06,
19.6.2008. / 50 A.R. 14.1.2013, art. 2, 14°, et 47, par. 1er. / 51 A.R. 14.1.2013, art. 47, par. 2, 1°. / 52 A.R. 14.1.2013, art. 31, al. 3.
42
F. Paiements
L’on en avait entendu parler, voici les nouvelles règles applicables aux délai et modalités de paiement.
En marché de travaux54, tant pour les acomptes que pour le
dernier paiement pour solde ou le paiement unique du montant du marché, l’entrepreneur est tenu d’introduire une déclaration de créance datée, signée et appuyée d’un état détaillé
des travaux réalisés justifiant selon lui le paiement demandé.
Le pouvoir adjudicateur dispose alors d’un délai de vérification de 30 jours à partir de la date de réception de la déclaration de créance et de l’état détaillé des travaux. Comme
antérieurement, le pouvoir adjudicateur procède aux vérifications utiles et dresse un procès-verbal mentionnant les travaux
acceptés en paiement et le montant qu’il estime dû, envoie ce
procès-verbal à l’adjudicataire et l’invite à dresser et introduire
dans les cinq jours une facture pour le montant indiqué. A
l’échéance de ce premier délai de 30 jours, le pouvoir adjudicateur dispose d’un second délai de 30 jours pour procéder
au paiement, second délai éventuellement prolongé soit par le
nombre de jours de dépassement du délai dont dispose l’adjudicataire pour introduire sa facture soit par le nombre de jours
nécessaires pour recevoir la réponse de l’entrepreneur à propos
du montant réel de ses dettes sociales ou fiscales55.
En marché de fournitures56, le pouvoir adjudicateur dispose
également d’un délai de vérification, non de la déclaration de
créance ou de l’état détaillé, mais de la livraison. Ce délai de
30 jours débute le lendemain de l’arrivée des fournitures pour
autant que le pouvoir adjudicateur soit en possession du bordereau ou de la facture. A l’échéance de ce premier délai, il
dispose d’un second délai de 30 jours, pour autant qu’il soit en
possession de la facture ainsi que des autres documents éventuellement exigés.
En marché de services enfin57, le pouvoir adjudicateur dispose
à nouveau d’un double délai: d’abord, un premier délai de
30 jours pour procéder aux vérifications des services prestés
(réception technique ou provisoire); ensuite, à l’échéance de
ce premier délai, court un second délai de 30 jours pour procéder au paiement, conformément aux modalités fixées dans
les documents du marché. Le pouvoir adjudicateur précisera
utilement dans ceux-ci qu’il souhaite recevoir déclaration de
créance, facture ou état détaillé, car le délai de paiement risquerait de courir à défaut de recevoir de tels documents…
G. Cession de marché
Définie par la nouvelle réglementation comme étant la convention par laquelle un adjudicataire cessionnaire remplace un
adjudicataire cédant ou par laquelle un pouvoir adjudicateur
cessionnaire remplace un pouvoir adjudicateur cédant, la cession de marché implique l’accord de la partie cédée (soit le
pouvoir adjudicateur, soit l’adjudicataire) et exige le maintien
des conditions essentielles du marché58. En outre, en cas de
cession de marché entre adjudicataires, le cessionnaire devra
répondre aux exigences de sélection appropriées.
H. Mais encore…
Relevons qu’il est précisé que tout délai mentionné en jours
dans l’arrêté royal du 14 janvier 2013 s’entend comme un
délai de jours de calendrier, sauf qu’il est expressément mentionné en jours ouvrables59.
Enfin, le mécanisme de révision des prix devient obligatoire
pour tous les marchés, sauf pour les «petits» marchés, dont le
montant estimé est inférieur à 120.000 euros ou dont le délai
d’exécution initial est inférieur à 120 jours ouvrables ou 180
jours de calendrier60.
4. CONCLUSION
La nouvelle réglementation des marchés publics a le mérite
d’introduire de belles avancées dans la passation et l’exécution des marchés publics et d’éclaircir de nombreux points
d’ombre existant dans l’ancienne réglementation. L’on devra
toutefois regretter nouvelles règles générales d’exécution, en ce
qui concerne les modifications de marché ou les circonstances
imprévisibles.
La Cellule Marchés publics et Fonctionnement institutionnel
reste au service de nos membres, au travers de l’assistanceconseil, l’animation du Réseau Marchés publics & PPP et de
prochaines formations.
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P. Wéry, Droit des obligations, Volume 1, Bruxelles, De Boeck, 2011, 2e éd., p. 554 et 55. / 54 A.R. 14.1.2013, art. 95. / 55 Dues en vertu de l’article 30ter, par. 4 de
la loi du 27 juin 1969 et de l’article 400, 1°, du CIR92. / 56 A.R. 14.1.2013, art. 120 et 127. / 57 A.R. 14.1.2013, art. 150 et 160. / 58 A.R. 14.1.2013, art. 2, 9°, et 38. / 59
A.R. 14.1.2013, art. 4. / 60 A.R. 15.7.2011, art. 20.
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uvcw I Mars 2013 I n°876 I Focus
prévision, rejetée en droit commun des contrats53. En d’autres
termes, les pouvoirs publics, étrangers à des circonstances
imprévisibles qui occasionnent un dommage aisément qualifié
d’important» aux adjudicataires, doivent supporter les conséquences de la survenance de ces circonstances imprévisibles en
lieu et place des adjudicataires, comme cela se passe dans les
contrats passés selon le droit commun.
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