Fermeture d’hôpitaux : rumeurs ou réalités ?
par Jean-François Steiert, vice-président de la Fédération suisse des patients
« J’ai lu dans le « matin » de dimanche dernier que les grandes caisses-
maladies on des projets de réduction massive du réseau hospitalier en Suisse,
et notamment dans le canton de Fribourg. J’ai toujous cru que les cantons
étaient compétents pour leurs hôpitaux et que les caisses-maladies n’étaient
que les payeurs pour les assurés. Qu’en est-il vraiment, et quel est le risque de
fermeture d’hôpitaux ? »
L’article de presse que vous citez découle de déclarations faites par le patron de la
plus grande caisse-maladie suisse, la compagnie Helsana. M. Manser a annoncé
dans la presse alémanique qu’il fallait à terme fermer quelque 250 hôpitaux dans
notre pays (sur environ 300), en invoquant des critères de qualité et d’économicité.
Certes, la planification hospitalière est l’affaire des cantons, mais les assureurs
interviennent à plusieurs titres dans les choix de planification hospitalière : ils
négocient des conventions avec les prestataires et peuvent, dans le cadre de ces
négociations, exercer une pression à la restructuration; c’est ainsi que santé suisse
Fribourg a joué un rôle important dans la pression exercée sur l’hôpital de Meyriez.
Comment contourner la loi
D’autre part, les assureurs peuvent chercher à influencer les décisions politiques en
intervenant sur les choix des assurés, notamment en ce qui concerne les assurances
privées (complémentaires) ; c’est ainsi qu’Helsana a déclaré publiquement vouloir
conclure avec 50 hôpitaux privilégiés des contrats de partenariat qui assureront, en
premier lieu aux assurés privés d’Helsana, des prestations particulières ; en aiguillant
vers des hôpitaux privilégiés une partie de ses assurés – essentiellement les assurés
privés, pour lesquels de nombreuses règles de protection du patient fixées dans la loi
fédérale sur l’assurance-maladie ne sont pas entièrement valables. l’assureur a la
possibilité d’influencer le flux des patients vers les hôpitaux et ainsi, de manière
indirecte, la planification hospitalière. En procédant de la sorte, Helsana n’enfreint
pas la loi, mais la contourne. Tout en prétendant être les représentants des assurés,
les assureurs cherchent ainsi à restreindre massivement l’offre hospitalière en évitant
tout débat démocratique. Cette attitude devient encore plus problématique lorsque
l’on peut prendre connaissance de la liste des 30 premiers hôpitaux – sur 50 au
maximum – avec lesquels Helsana a conclu des contrats : en Suisse romande, il n’y
a aucun hôpital fribourgeois, neuchâtelois, jurassien ou valaisan. Le porte-parole
d’Helsana nous console en expliquant que, dans les vingt derniers hôpitaux à
rejoindre la liste, il y aura certainement encore de la place pour ces cantons. C’est
peut-être vrai, mais comme il y a aussi une bonne dizaine de cantons alémaniques
sans hôpital sur la liste d’Helsana, il reste au plus une place pour le canton de
Fribourg. La pression des caisses-maladie sur le système hospitalier va s’accroître
ces prochaines années ; une première manière d’y mettre un frein et d’assurer des
choix démocratiques sur la planification hospitalière, c’est de dire non, le premier
juin, à l’article constitutionnel sur la santé qui veut donner plus de pouvoir encore aux
assureurs en matière de planification hospitalière.