Le procédé risque de ne s’intéresser qu’à l’ef-
ficience, c’est-à-dire au prix sans se préoccu-
per de la qualité des soins.
Comment s’occuper des données non techni-
ques, par exemple la qualité du suivi au long
cours de patients chroniques; la prise en
charge de patients pour lesquels les «guide-
lines» ne s’appliquent pas.
Qui va décider quelles données vont être sou-
mises à évaluation?
les assureurs? (Helsana a fixé unilatéra-
lement les critères de qualité de son pro-
grammé cité antérieurement en utilisant, il
est vrai, certaines données publiques.)
– l’Etat?
les spécialistes?
les généralistes?
Un tel système est-il applicable dans la réalité
de tous les jours? Le recueil des données
devra être fait par les médecins eux-mêmes,
ajoutant par là de nouvelles charges adminis-
tratives, bientôt insupportables.
Comment fixer la «récompense» de ceux qui
«performent» bien?
Y aura-t-il des conséquences inattendues?
Par exemple sélection dans la clientèle de pa-
tients «faciles» et qui rentrent aisément dans
le moule du système et qui risquent rappor-
ter plus que des patients «difficiles» (très
âgés, cas «sociaux» …).
Qui va contrôler les données fournies? Des
«inspecteurs» neutres? Vous vous voyez ac-
cueillir chez vous, sourire aux lèvres, un gen-
til contrôleur qui va fouiner dans vos dossiers
pour vérifier la fiabilité des données que vous
avez transmises?
Le mot de la fin. Il est probable que ce système,
sous la pression de l’efficience toujours plus
grande, entre en vigueur dans un avenir pas trop
lointain, en tous cas pour des activités chiffrables
du travail médical. Il sera impératif que les mé-
decins ne se laissent pas imposer des normes
impossibles, concoctées par des experts confor-
tablement installés dans leurs bureaux agréable-
ment ventilés (un patient ça peut parfois sen-
tir …): déshabiller une vieille dame de 80 ans,
arthrosique et qui tousse pour ausculter ses pou-
mons en moins de trois minutes, voilà la perfor-
mance! Non, la médecine ce n’est pas ça … pour
le moment?
Références
1 Fisher ES. Paying for performance – risks and recommenda-
tions. N Engl J Med. 2006;355:1845–7.
2 Rowe JW. Pay for performance and accountability: related
themes in improving health care. Ann Intern Med. 2006;145:
695–9.
EDITORIAL Forum Med Suisse 2007;7:197 197
La mode est à la performance: + x pour les bé-
néfices des banques, les exportations, les rende-
ments des placements; – x millisecondes pour le
100 mètres plat, le 100 mètres nage libre. Dans
un monde où tout se monnaie et se paie, le lien
est vite fait: il faut payer (récompenser) la per-
formance. Vous pensiez y échapper dans l’in-
timité de votre cabinet? Vous avez tort!
Deux articles récents s’intéressent à cette problé-
matique appliquée à la médecine [1, 2]. Bien
sûr, le problème n’est pas le paiement mais la per-
formance et comment on la définit. Le Petit Robert
nous aide, comme toujours: Performance: «résul-
tat chiffré obtenu par un cheval […], un athlète
[…]. Résultat optimal qu’une machine peut obte-
nir […].» Il est vrai qu’il existe une connotation
moins chiffrable ou normative de la performance
dans le domaine de la psychologie par exemple.
N’empêche que le danger de vouloir chiffrer toute
activité humaine, et médicale en particulier, est
bien là. La machine est en route: le Congrès amé-
ricain va demander, devant les coûts sans cesse
croissants du système de santé, de mettre en route
un système de «pay for performance» pour les
hôpitaux et in fine pour les médecins eux-mêmes.
Il est prévu des récompenses financières pour
les «bonnes» performances ou alors une bonne
publicité de la part des assureurs pour certains
médecins performants ou encore un allègement
des tâches administratives. L’histoire d’Helsana
avec son programme «Assurance Médecin de fa-
mille – Qualité du Cabinet médical» va exactement
dans le même sens (j’y reviendrai).
On ne peut nier que certains aspects de la qua-
lité du travail d’un médecin ou d’un hôpital peu-
vent être évalués même sans une quantification
absolue. N’envoyons-nous pas nos patients chez
un «bon» chirurgien ou un «bon» spécialiste
sans pouvoir toujours expliquer de manière
claire pourquoi nous le jugeons bon!
Il existe sans doute des mesures fiables de la qua-
lité «technique» du travail médical. Par exemple:
combien de patients post infarctus reçoivent-ils
un bêtabloquant? Combien de patients fragiles
de plus de 65 ans sont-ils vaccinés contre la
grippe saisonnière? Mais cet aspect technique
n’est qu’une fraction du travail médical. Tant
d’autres aspects sont difficilement chiffrables: la
relation, l’empathie, le dévouement. Des ques-
tionnaires de satisfaction du patient devraient
pouvoir répondre à ces questions, paraît-il. Si le
jugement de la performance peut probablement
inciter à travailler plus correctement, et c’est là
un avantage possible de la méthode, plusieurs
questions restent sans réponse ou du moins avec
des réponses insatisfaisantes. Ces nombreuses
zones de flou doivent absolument mettre en
garde le corps médical [1]. Parmi celles-ci:
Le médecin-athlète? Le médecin-machine?
Antoine de Torrenté
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