Diagnostic et prise en charge des dysphonies
d’origine neurologique
Publié le 21 Déc 2010
P. KLAP*, L. CREVIER-BUCHMAN**, *Service d’Oto-rhino-laryngologie et de Chirurgie
cervico-faciale, Fondation A. de Rothschild, Paris, **Unité Voix-Parole-Déglutition, Hôpital
Européen Georges-Pompidou, Paris
Les dysphonies d’origine neurologique regroupent un grand nombre d’étiologies. Leur prise
en charge est très souvent pluridisciplinaire et nécessite la collaboration du neurologue, de
l’ORL, du phoniatre et de l’orthophoniste. Nous aborderons successivement dans cet article
les paralysies laryngées périphériques, les dystonies du larynx et les autres pathologies
neurologiques centrales, responsables de dysphonies.
Les paralysies laryngées périphériques
Elles sont dues à une lésion siégeant sur le motoneurone périphérique, sur le nerf récurrent ou
le nerf vague, entre le noyau ambigu et les muscles effecteurs.
La paralysie d’un hémi-larynx entraîne une dysphonie avec une voix bitonale caractéristique.
Lorsque la paralysie immobilise la corde vocale en position intermédiaire ou en abduction, la
voix est soufflée et non sonorisée. A contrario, une immobilité d’un hémi-larynx en position
médiane peut, par un phénomène de compensation de la corde vocale non paralysée,
provoquer une dysphonie minime ou absente qui ne se révèle qu’en fin de journée ou dans la
phonation soutenue. Les paralysies unilatérales provoquent un essoufflement phonatoire lié au
défaut d’affrontement des cordes vocales, tandis que les paralysies bilatérales en fermeture
s’expriment essentiellement par une dyspnée laryngée avec bradypnée inspiratoire, tirage et
cornage ; ces dernières peuvent mettre en jeu le pronostic vital en compromettant gravement
la filière laryngée. Enfin, les paralysies laryngées s’accompagnent fréquemment de troubles
de la déglutition, à type de fausses routes voire de dysphagie.
Endoscope rigide.
La démarche diagnostique nécessite un examen ORL complet avec l’étude des différentes
paires crâniennes. La nasofibroscopie laryngée avec possibilité de réaliser un enregistrement
vidéo est l’examen clé pour analyser la configuration laryngée. On évalue la qualité de la voix
et le degré du handicap grâce à des échelles d’auto-analyse par le patient (Voice Handicap
Index) et des échelles d’analyse perceptive de la qualité de la voix (type GRBAS).
Nasofibroscopie.
La découverte d’une immobilité laryngée devant une dysphonie sans cause traumatique
manifeste doit faire d’abord rechercher une étiologie compressive, en particulier tumorale qui
est une cause majeure précédant les causes iatrogènes, chirurgicales, essentiellement. Dans ce
but, il existe un consensus qui recommande la réalisation d’un scanner intéressant la base du
crâne, le cou, le défilé cervico-thoracique et le médiastin supérieur à la recherche d’une cause
tumorale tout le long du trajet du nerf pneumogastrique et de ses branches. D’autres imageries
comme l’IRM ou la tomodensitométrie à émission de positons (TEP) peuvent compléter le
bilan étiologique, si nécessaire.
L’électromyographie du larynx est un examen riche de renseignements, mais il n’est
réalisé que dans quelques centres spécialisés.
Il a cependant un triple intérêt :
- diagnostique, car il différencie les paralysies laryngées des ankyloses cricoaryténoïdiennes
et des dystonies ;
- pronostique, entre autre, pour décider la mise en œuvre d’un protocole thérapeutique ;
- et topographique, en détectant avec précision les différents muscles du larynx atteints par la
paralysie.
Un consensus recommande la réalisation d’un scanner à la recherche d’une cause tumorale.
La plupart des publications rapportent qu’un tiers des paralysies laryngées unilatérales sont
idiopathiques, c'est-à-dire sans cause retrouvée ; dans ce contexte, on évoque le plus souvent
une étiologie virale et 50 % de ces paralysies laryngées unilatérales « idiopathiques »
régressent spontanément en 6 mois. Les deux autres étiologies principales sont en rapport
avec une intervention chirurgicale et/ou un cancer. Les principales causes chirurgicales sont la
chirurgie de la thyroïde, la chirurgie thoracique, la chirurgie vasculaire, la chirurgie du rachis
cervical et de la base du crâne. Les principales étiologies tumorales sont : les cancers de la
thyroïde, du poumon, de l’œsophage, les adénopathies métastatiques cervicales et
médiastinales, les tumeurs de la base du crâne et les tumeurs cérébrales. Les autres causes
neurologiques (moins de 5 % des cas) sont responsables d’atteintes unilatérales mais
également bilatérales : syndrome de Wallenberg, sclérose latérale amyotrophique,
myasthénie, polyradiculonévrite de Guillain-Barré, maladie de Charcot-Marie-Tooth, sclérose
en plaques, pathologies dégénératives centrales, maladie de Lyme, neuropathies
inflammatoires et infectieuses (tuberculose, VIH, sarcoïdose, diabète, lupus, zona…).
Un tiers des paralysies laryngées unilatérales sont idiopathiques.
La prise en charge des paralysies laryngées unilatérales varie en fonction de l’importance et
de la gravité des signes fonctionnels ; on évaluera ainsi la demande du patient en termes de
qualité vocale, de son état général, sa comorbidité, son état psychologique, et de sa plainte en
termes fonctionnels. Le traitement de la paralysie laryngée unilatérale repose sur la
rééducation orthophonique isolée ou associée à l’intervention chirurgicale. La prise en charge
orthophonique doit être précoce et d’une durée minimum de 3 mois avant d’envisager une
autre stratégie thérapeutique. Le but de la rééducation orthophonique est de rétablir, si
possible, le fonctionnement physiologique de l’émission vocale en retrouvant une pression
sous-glottique suffisante pour permettre un bon accolement des cordes vocales en phonation
et une bonne vibration, retrouver le contrôle de la hauteur, de l’intensité et les qualités du
timbre, sans fatigue ni forçage.
Lorsque l’option chirurgicale est choisie par le patient, il est très utile d’encadrer
l’intervention par quelques séances d’orthophonie qui permettent d’éviter un forçage, toujours
mauvais pour la qualité vocale. En cas d’intervention chirurgicale pour troubles de la
déglutition, l’orthophonie permet d’éduquer le patient en termes de postures et d’adaptation
des textures alimentaires. Le traitement chirurgical correspond soit à une injection par voie
endoscopique, sous anesthésie générale, dans la corde vocale paralysée de diverses substances
(Gelfoam®, collagène ou graisse autologue), soit à la mise en place d’un implant par voie de
cervicotomie sous anesthésie locale, afin de médialiser la corde vocale paralysée. Ces
différentes interventions permettent d’obtenir d’excellents résultats vocaux avec un
affrontement parfait des cordes vocales à la phonation. Quant aux techniques chirurgicales de
réinnervation, elles sont réalisées actuellement de façon marginale, mais sont peut-être une
solution d’avenir.
Les dystonies laryngées
L’atteinte dystonique des muscles du larynx se traduit par une dysphonie spasmodique dans la
plupart des cas, mais peut aussi provoquer une dyspnée inspiratoire dans les formes plus
sévères. Les dystonies du larynx se présentent cliniquement sous la forme d’une dysphonie
spasmodique ou d’une dyspnée permanente.
La dysphonie spasmodique est un trouble rare de la fonction vocale, caractérisé par des
spasmes des muscles du larynx ; elle débute en moyenne vers l’âge de 40 ans et prédomine
chez la femme. La dysphonie spasmodique survient souvent à la suite d’un traumatisme
psychique ou physique ; ce mode de début de la maladie a longtemps servi d’argument pour
étayer l’hypothèse erronée de l’origine psychologique de la maladie.
La dysphonie spasmodique est souvent isolée, mais elle peut être associée à d’autres dystonies
focales. La forme la plus fréquente atteint les muscles adducteurs ou constricteurs du larynx
dont les plus importants s’appellent les muscles thyro-aryténoïdiens ; cette forme clinique se
caractérise par une voix hachée, forcée, éraillée et ponctuée d’arrêts vocaux. Chez le sujet
âgé, elle peut s’associer de tremblements de la voix. Une forme plus rare de dysphonie
spasmodique est due à l’atteinte prédominante des muscles abducteurs ou dilatateurs du
larynx appelés les muscles crico-aryténoïdiens postérieurs ; la voix est alors chuchotée, à
peine audible. Il existe aussi des formes mixtes qui peuvent résulter de phénomènes de
compensation.
La contraction permanente des muscles adducteurs du larynx rétrécit l’espace
glottique et provoque une dyspnée inspiratoire permanente qui peut aboutir à des crises
d’asphyxie. Cette forme rare de dystonie du larynx peut être confondue avec une paralysie des
muscles dilatateurs du larynx.
Matériel de stroboscopie :
1-écran de contrôle ; 2-disque dur ; 3-
boîtier de la caméra ; 4-pédale de contrôle
de la lumière ; 5-pédale de contrôle de la
caméra ; 6-stroboscope.
La vidéo-fibroscopie et la vidéo-stroboscopie permettent l’étude morphologique et dynamique
du larynx. Chez les patients présentant une dysphonie spasmodique, le larynx peut être normal
au repos ou être animé de mouvements anormaux, notamment des aryténoïdes. À la
phonation, la dysphonie spasmodique en adduction se caractérise par des mouvements
saccadés d’adduction des cordes vocales ; dans la dysphonie spasmodique en abduction, on
note un net défaut d’accolement des cordes vocales. La forme typique de la dysphonie
spasmodique est de diagnostic relativement aisé, mais les formes atypiques et les phénomènes
de compensations phonatoires font parfois discuter d’autres étiologies. Parmi celles-ci, citons
la dysphonie psychogène, hypertonique ou d’origine cérébelleuse, la maladie de Parkinson ou
la paralysie des cordes vocales.
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