Chapitre 0
Introduction
Si la théorie des probabilités a été originellement motivée par l’analyse des jeux de hasard,
elle occupe aujourd’hui une place centrale dans la plupart des sciences. Tout d’abord, de par
ses applications pratiques : en tant que base des statistiques, elle permet l’analyse des données
recueillies lors d’une expérience, lors d’un sondage, etc. ; elle a également conduit au développe-
ment de puissants algorithmes stochastiques pour résoudre des problèmes inabordables par une
approche déterministe ; elle possède en outre de nombreuses applications directes, par exemple
en fiabilité, ou dans les assurances et la finance. D’un côté plus théorique, elle permet la modé-
lisation de nombreux phénomènes, aussi bien en sciences naturelles (physique, chimie, biologie,
etc.) qu’en sciences humaines (économie, sociologie, par exemple) et dans d’autres disciplines
(médecine, climatologie, informatique, réseaux de communication, traitement du signal, etc.).
Elle s’est même révélée utile dans de nombreux domaines de mathématiques pures (algèbre,
théorie des nombres, combinatoire, etc.) et appliquées (EDP, par exemple). Finalement, elle a
acquis une place importante en mathématiques de par son intérêt intrinsèque, et, de par sa
versatilité, possède un des spectres les plus larges en mathématiques, allant des problèmes les
plus appliqués aux questions les plus abstraites.
Le concept de probabilité est aujourd’hui familier à tout un chacun. Nous sommes constam-
ment confrontés à des événements dépendant d’un grand nombre de facteurs hors de notre
contrôle ; puisqu’il nous est impossible dans ces conditions de prédire exactement quel en sera
le résultat, on parle de phénomènes aléatoires. Ceci ne signifie pas nécessairement qu’il y ait
quelque chose d’intrinsèquement aléatoire à l’œuvre, mais simplement que l’information à notre
disposition n’est que partielle. Quelques exemples : le résultat d’un jeu de hasard (pile ou face,
jet de dé, roulette, loterie, etc.) ; la durée de vie d’un atome radioactif, d’un individu ou d’une
ampoule électrique ; le nombre de gauchers dans un échantillon de personnes tirées au hasard ;
le bruit dans un système de communication ; la fréquence d’accidents de la route ; le nombre de
SMS envoyés la nuit du 31 décembre ; le nombre d’étoiles doubles dans une région du ciel ; la
position d’un grain de pollen en suspension dans l’eau ; l’évolution du cours de la bourse ; etc.
Le développement d’une théorie mathématiques permettant de modéliser de tels phéno-
mènes aléatoires a occupé les scientifiques depuis plusieurs siècles. Motivés initialement par
l’étude des jeux de hasard, puis par des problèmes d’assurances, le domaine d’application de la
théorie s’est ensuite immensément élargi. Les premières publications sur le sujet remontent à
G. Cardano 1avec son livre Liber De Ludo Aleæ (publié en 1663, mais probablement achevé
1. Girolamo Cardano (1501, Pavie - 1576, Rome), parfois connu sous le nom de Jérôme Cardan, mathématicien,
philosophe et médecin italien. Féru d’astrologie, on dit qu’il avait prévu le jour de sa mort, mais que celle-ci ne
semblant pas vouloir se produire d’elle-même, il se suicida afin de rendre sa prédiction correcte.
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