Le jugement
Un jugement est un acte de pensée exprimé dans un langage par lequel nous affirmons ou nions quelque chose;
affirmer qu?un jugement est vrai revient à dire que, dans l?esprit de celle ou de celui qui l?énonce, ce jugement est
crédible et acceptable. On peut le définir aussi comme un acte de pensée affirmant ou niant un rapport entre deux
concepts ou deux termes. Ainsi, le tableau est vert et le mari n?est pas cocu sont des jugements qui établissent un
rapport d?inclusion dans le premier cas, d?exclusion dans le second.
En philosophie, on utilise trois grands types de jugements : le jugement de fait (ou appelé aussi jugement
d?observateur), le jugement d?interprétation, le jugement de valeur ou de prescription (appelé aussi le jugement
d?évaluateur)
Le jugement d?observateur :
Ce type de jugement énonce un constat. Il porte sur un fait observable, un événement, une réalité existante ou les
propos d?une personne telle qu?un auteur, un témoin. Autant que possible, il se veut exempt d?interprétation
subjective ou d?évaluation personnelle, et dans cette mesure, il est vérifiable par observation. Mais, les choses ne
sont pas toujours aussi simples : d?une part, les faits comme les écrits, portent la plupart du temps à interprétation
et sont dès lors objets d?argumentation où des théories diverses se mesurent; d?autre part, dans l?argumentation,
nous acceptons des jugements de réalité sur la foi de ce qu?affirme la science ou un témoin. Dans ces deux derniers
cas, la crédibilité de tels jugements dépendra de celle de la source elle-même.
Le jugement d?interprétation :
Type de jugement cherchant à catégoriser les faits sur lesquels il porte. Par ce type de jugement, on essaie
d?affirmer ou de nier un attribut d?un sujet, le sujet étant ici un fait, l?attribut, une caractéristique. En ce sens, un
jugement interprétatif repose sur une analyse et une comparaison.
Exemple : L?escalade est un sport est dangereux. (Il s?agit bien ici d?un jugement interprétatif reposant sur le
jugement de fait suivant : dans la dernière décennie au Québec, il y a eu 10 accidents mortels attribués à la pratique
de l?escalade.) On dit que ce sport est dangereux, dans la mesure où il y a, en moyenne 1 personne à chaque année
qui meure à cause de ce sport. Pour dire qu?un sport est dangereux, on peut se baser sur le fait que régulièrement,
des morts surviennent durant la pratique de ce sport. C?est donc son caractère répétitif qui nous permet d?établir le
niveau de dangerosité. Par contre, on pourrait aussi comparer ce sport avec un autre encore plus dangereux, sans
pour autant nier son caractère risqué. On s?entendra généralement sur le fait que jouer au golf est peut-être moins
risqué que d?escalader des parois rocheuses ou glacées...
Le jugement de valeur :
Ce type de jugement implique une appréciation, une évaluation fondée sur des critères le plus souvent implicites.
Par exemple, l?énoncé « le temps est bien précieux » est un jugement de valeur. Qu?est-ce qu?un bien précieux ?
Quels sont les critères pour juger de ce qui est un bien précieux pour l?humain ? Ce type de jugement, on le voit,
fait intervenir des valeurs. Celles-ci ne sont pas toujours définies par chacun de la même manière. Le jugement de
valeur est donc plus subjectif que le jugement de fait, car il implique un choix que l?on doit cependant justifier.
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Le jugement 1
C?est ainsi qu?il doit être établi d?après des critères explicites et soumis à l?examen de la raison. Autrement dit, le
choix sur lequel repose le jugement de valeur ne doit pas être arbitraire, il doit être rationnellement justifié.
D?ailleurs, la discussion autour des jugements de valeur est un objet privilégié de la philosophie.
Le jugement de prescription :
Ce type de jugement émet un conseil, une recommandation, une obligation. Il incite à poser une action.
L?affirmation « il faut profiter de son temps » énonce un jugement de ce type. Fondé sur un idéal ou une norme, il
présuppose un jugement de valeur, par exemple le jugement « il faut profiter de son temps », contient le jugement
implicite suivant : « profiter de son temps est bien ». Il peut aussi découler de la constatation d?un fait ou d?une
réalité, par exemple, le fait que la vie est souvent trop courte. La force d?un jugement de prescription dépend, en
bonne partie, du bien-fondé des jugements de valeurs ou de la réalité qui lui sont préalables. Elle dépend aussi de
ce qu?on gagnerait ou de ce que perdrait à aller ou à ne pas aller dans le sens de ce qui est recommandé.
La thèse
La thèse est un jugement, c?est-à-dire une affirmation ou une négation, dont on peut dire qu?elle est vraie ou
fausse, acceptable ou non. C?est toujours une réponse à une question.
Par exemple, sont des thèses les affirmations suivantes : « l?éducation est nécessaire au bonheur » ou « l?ignorance
est le pire des maux ». Ne le sont pas les énoncés suivants : « Qu?est-ce que le bonheur ? » ou « L?éducation et son
influence sur le bonheur ».
Une thèse ne peut être simplement énoncée. Elle doit être clarifiée, précisée et justifiée. On la justifie à l?aide
d?autres jugements, appelés arguments, articulés de manière à former une preuve attestant le bien-fondé de la thèse
défendue. On la clarifie à l?aide de définitions, d?explications, d?illustrations et on peut la préciser en la
reformulant.
Les arguments
Le développement d?une argumentation suppose une certaine stratégie en vue d?atteindre la fin, qui est de
convaincre du bien-fondé de notre point de vue, de notre thèse. Les arguments se fondent sur des faits, des
connaissances ou des valeurs. Pour être efficaces, ils seront acceptables, ordonnés, pertinents, cohérents et
suffisants. Ils devront aussi être bien développés afin qu?il soit facile d?en comprendre le sens et d?établir leur lien
avec la thèse que l?on défend.
Les arguments sont des jugements invoqués pour soutenir une thèse ou une conclusion. Ils sont, idéalement, de
bonnes raisons que l?on a de soutenir ce que l?on pense. L?articulation de ces arguments constitue la justification
de notre position.
Les critères d?évaluation de l?argumentation
Il existe trois critères pour distinguer les raisonnements valables des raisonnements fallacieux en général.
Le premier critère, la crédibilité ou l?acceptabilité, concerne les arguments en eux-mêmes ou leur source :
méritent-ils notre assentiment, sont-ils généralement admis, peut-on les vérifier ? Les sources sont-elles
fiables ? Crédibles ?
1.
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Le jugement de valeur : 2
Le deuxième critère, la pertinence, concerne le rapport thématique (le lien) qui relie les arguments entre eux
et avec la thèse: les arguments ont-ils un réel rapport entre eux et avec la thèse ?
2.
Le troisième critère, la suffisance, concerne la valeur du raisonnement dans son ensemble: les arguments
soutiennent-ils adéquatement la thèse ? La preuve contribue-t-elle à rendre acceptable ou crédible la thèse
défendue ?
3.
L'acceptabilité des arguments
Crédibilité de la source
Un argument sera davantage susceptible de recevoir l?assentiment général s?il est vérifiable. Nous pouvons faire
référence à des travaux, des études et à des auteurs qui ont déjà travaillé la question. Cependant, il faut bien
s?assurer que cette référence est une source fiable d?information. On évalue la fiabilité de la source en examinant
les points suivants : d?abord, l?auteur est un expert dans un domaine et son expertise est attestée par d?autres
experts. Par ailleurs, le point de vue qu?il défend relève des compétences que lui confère son expertise. Et
finalement, on peut démontrer que l?auteur n?est pas en conflit d?intérêt.
Crédibilité de l'information
Pour examiner la crédibilité de l'information, il faut d?abord savoir à quel type de jugement ou d?énoncé on a
affaire. Un énoncé descriptif (un jugement de fait) ne s?évalue pas de la même façon qu?un jugement de valeur ou
qu?un jugement d?interprétation. En effet, «Socrate est mort en 399 avant Jésus-Christ» (jugement de fait),
«Socrate était laid» (jugement de valeur) ou «Condamner les innocents est une erreur» (jugement d?interprétation)
sont trois types de jugement qui ne s?évaluent pas de la même manière.
Un jugement de fait sera acceptable s?il est attesté par une ou des observations, s?il est vérifiable immédiatement
ou non. Par exemple, le jugement de fait «La terre tourne autour du soleil» ne se vérifie pas de la même manière
que «La neige est blanche.» Il peut être attesté aussi par des références historiques, des expériences, des études que
l?on peut nommer ou des statistiques sérieuses.
Pour trancher à propos de l?acceptabilité d?un jugement d?interprétation on aura recours à la comparaison ou au
questionnement ainsi qu?à la conceptualisation. On devra définir le sens que l?on donne au terme utilisé pour
qualifier le fait ou l?action. Nous questionnerons aussi la pertinence de l?interprétation.
Quant aux jugements de valeur et prescriptif, il s?agit de démontrer que l?adoption de ce qu?ils énoncent, comme
valeur ou comme prescription, mérite l?assentiment général parce qu?il est mieux de partager cette valeur ou
d?adopter ce principe dans les circonstances.
La pertinence
Ce critère d?évaluation considère le lien qui unit les arguments entre eux. Un argument est pertinent dans la mesure
où il permet réellement de soutenir une position, une thèse ou un argument secondaire, c?est-à-dire lorsqu?il est
directement utile aux propos que l?on veut soutenir. En ce sens, un argument sera pertinent si et seulement si le
lien qui l'unit aux propos à soutenir est clair et évident. Comment s?assurer que nos arguments soient appropriés ?
Il faut d?abord s?assurer que l?argument invoqué ne passe pas à côté du sujet, qu?il parle du même thème. Ensuite,
il faut se demander si ce que l?on dit a un rapport direct, indirect ou implicite avec ce que l?on veut prouver. S?il a
un rapport indirect ou implicite, il faudra clarifier ce rapport afin de le rendre plus explicite. Si l?explication
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Les critères d?évaluation de l?argumentation 3
s?égare ou qu?elle s?éternise, c?est qu?au départ, il n?était pas pertinent d?invoquer cet argument.
La suffisance de la preuve
La cohérence
Ce critère s?attarde aux liens qui unissent les arguments entre eux, mais aussi ceux unissant les différentes parties
du texte. Une pensée cohérente est une pensée qui enchaîne différentes propositions ou énoncés sans contradiction
aucune, ni dans le tout ni dans les parties.
La suffisance des raisonnements
Ce critère d?évaluation s?affaire aussi à considérer le lien qui unit les arguments entre eux. L?évaluation porte,
cette fois-ci, sur la preuve dans sa globalité. Elle évalue donc la qualité du développement lui-même. Une preuve
sera suffisante si et seulement si elle repose sur un développement dont les énoncés sont articulés pour former des
raisonnements conduisant logiquement aux conclusions qu?ils veulent soutenir, c'est-à-dire sans contradiction (de
manière cohérente) et le plus efficacement possible. Le nombre, le poids et la qualité des arguments et des relations
qu'ils entretiennent entre eux, appuient, justifient ou démontrent logiquement l?acceptabilité de la thèse défendue.
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