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Encore une fois, les tensions sur le marché de change et les pressions baissières sur le dinar occupent le de-
vant de la scène. Une monnaie, déjà lourdement affaiblie par la détérioration des fondamentaux de l’écono-
mie, vient d’encaisser un choc externe, manifesté par l’appréciation de l’euro face au dollar, lié au statu quo
monétaire de la Federal Reserve américaine.
Glissement du dinar : « une valse à deux temps »
La récente dépréciation du dinar tunisien était orchestrée comme une valse { deux temps. Elle s’est opérée en deux phases:
Dans une première phase, qui a démarré le lundi 16 septembre 2013, le déséquilibre
entre l’offre et la demande de devises était { l’origine du glissement du dinar. Côté deman-
de, le marché était baissier { cause de l’importance des positions acheteuses de devises,
menées par les grandes entreprises publiques importatrices de produits de base (ETAP,
STIR, Office des céréales, …) a pesé lourdement sur le cours du dinar. Côté offre, rares sont les entreprises exportatrices
qui se sont présentées pour vendre leurs recettes en monnaies étrangères dans la semaine en question. Du coup, la coïnci-
dence de toutes ces demandes avec une offre quasi inexistante, a provoqué le mercredi 18 septembre, une forte baisse de
la monnaie tunisienne, face { l’euro (2.20424 TND) et au dollar (1.65051 TND).
Durant cette phase, l’autorité monétaire a brillé par son absence en début de semaine. Le marché, cependant, a éprouvé
beaucoup de difficultés { comprendre correctement le comportement de l’Institut d’émission dans cette phase de transi-
tion. La BCT a préféré ne pas secourir le dinar, certainement par crainte de percer, par le haut, la barre symbolique des
100 jours d’importation, dans une économie minée par des pronostics, très politisés, sur la faillite du pays.
Le deuxième acte de cette pièce a démarré avec le choc encaissé par le marché interna-
tional des devises (forte baisse du dollar contre l’euro et les devises émergentes) suite { la
décision de la Fed, issue de la réunion du 17-18 septembre, de maintenir son programme
d’assouplissement monétaire QE 3 (Quantitative easing 3), qui consiste à injecter mensuel-
lement 85 milliards de dollars { travers des opérations d’achats d’actifs (MBS et Treasury-
Bond).
Billet Economique
N°7: Octobre 2013
La parité EUR/TND
Entre l’assèchement du marché et le statu quo
monétaire de la Fed
Déséquilibre entre offre et
demande de devises
Assouplissement monétaire
adopté par la Fed
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Quelles sont les vraies raisons de l’effondrement du dollar ?
Pour bien comprendre ce dernier épisode des tensions sur le marché des devises, nous devons remonter jusqu’{ la crise des
subprimes. Trois phases ont jalonné les marchés de change [voir encadré] :
Phase 1 : Crise des subprimes et
politique monétaire ultra-souple
La crise des subprimes et sa transmis-
sion à la sphère elle, a amené la Fed
américaine à engager un cycle baissier
de ses taux d’intérêt directeurs. Le taux
des fed funds a été rame à 0%-0,25%.
Mais compte tenu de la profondeur de
la crise, l’économie américaine n’a
montré aucun signe de reprise. Du
coup, la Fed a été forcée de recourir à
des instruments non conventionnels
(quantitative easing, operation twist, …)
pour sortir l’économie américaine de la
récession. Des injections massives de
liquidités dans le cadre de ses program-
mes de quantitative easing (QE) ou as-
souplissement quantitatif. Le dernier
en date, le QE 3, la Fed s’est engagée
à injecter 85 milliards de dollars par
mois.
Devant cette avalanche de capitaux, les
grands fonds d’investissement ont pré-
féré quitter le territoire américain, où
la croissance est proche de 0%, pour
prendre des positions sur les places
financières émergentes où les taux de
croissance dépassent les 7%. Ce mou-
vement de fuite de capitaux était na-
lisant pour la devise américaine, mais
fortement profitable pour les monnaies
émergentes.
Billet Economique
Phase 2 : L’annonce du "tapering"
par Ben Bernanke
Le président de la Fed, Ben Bernanke a
annoncé, le 22 mai dernier, la sortie
prochaine de sa politique monétaire
ultra-accommodante (annonce du ta-
pering), compte tenu de la multiplica-
tion des indices de la reprise économi-
que au printemps 2013 (croissance du
secteur privé solide et amélioration des
finances publiques). Cette déclaration a
rapidement déclenché des mouve-
ments de sorties massives de capitaux
des économies émergentes et un retour
vers l’économie américaine. A titre in-
dicatif, depuis le 22 mai, l’Inde a enre-
gistré des sorties de capitaux avoisi-
nant les 10 milliards de dollars. Ce po-
sitionnement sur le dollar a provoqué
l’appréciation du billet vert et la chute
des devises émergentes. Ces déprécia-
tions sont imputables { l’apparition
d’un deleveraging massif des marchés
sur fond de réduction du programme
de quantitative easing ou assouplisse-
ment quantitatif (QE3) aux États-Unis,
suite { une orientation positive d’un
certain nombre d’indicateurs avancés
de la conjoncture américaine. Depuis le
mois de mai et jusqu’au 31 août 2013,
la roupie indienne a enregistré une
chute de 23%, la lire turque a baissé de
15% et la roupie indonésienne s’est
dépréciée de 16%.
Phase 3 : Le maintien du statu
quo monétaire par la Fed
Lors de la dernière réunion du Federal
Open Market Committee (FOMC) du 17-
18 septembre 2013, la banque centrale
américaine a surpris les marchés par sa
décision de maintenir le statu quo mo-
nétaire. Certes, les opérateurs n’ont pas
anticipé la hausse des taux directeurs,
mais ils ont plutôt misé sur la baisse du
niveau de ses injections (entre 10 et 15
milliards de dollars), pour ramener les
interventions mensuelles à 75 ou même
à 70 milliards. Mais, la Fed était ferme
sur le maintien de son programme de
QE à 85 milliards. Plusieurs facteurs
expliquent sa position:
1/ Le niveau de l’inflation qui reste
sous contrôle. Les prévisions d’inflation
sous-jacente resteront en dessous de
2%.
2/ La croissance, qui en montrant un
léger ralentissement par rapport { l’été
dernier, demeure très fragile pour pou-
voir ramener le chômage en dessous de
6,5 %.
3/ La forte dépréciation des devises
émergentes, qui pourrait résulter du
durcissement de sa politique monétai-
re, et qui serait fort pénalisante pour
les exportations américaines vers ces
pays, déjà fragilisés ces dernières an-
nées par une dégradation de leurs fon-
damentaux.
4/ La montée de l’incertitude liée à l’is-
sue des prochaines négociations sur le
budget et le plafond de la dette.
5/ Et enfin, la hausse inattendue des
taux d’intérêt { long terme, provoquée
par les anticipations de resserrement
monétaire, qui pourrait étouffer une
reprise déjà embryonnaire.
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Dans le doute, le dinar demeure sous pression
La décision de la Fed s’est abattue sur les marchés comme une douche froide, très pénalisante pour le dollar qui termine
la semaine { 1.63931 TND et très profitable pour l’euro comme pour les autres devises émergentes. Du coup, l’euro enre-
gistre, de nouveau, un record historique de hausse, 2.21855 TND { la fin de la semaine en question, allant jusqu’{ tutoyer
la barre de 2.220 dinars en séance sur la place de Tunis. Les interventions, en fin de semaine, de la BCT n’étaient pas d’une
grande efficacité pour enrayer la dépréciation de la monnaie tunisienne. Elles ont juste réussi à éviter le dérapage de la
parité.
Le glissement du dinar, observé à la fin du mois de septembre, de nouveau face au dollar (retour à la parité 1.650 TND),
confirme bien que ce sont surtout les problèmes internes qui pèsent le plus sur le cours de la monnaie tunisienne. Face à
l’euro, le dinar tunisien demeurera sous pression, pour au moins trois raisons.
1] D’abord, tout porte { croire que l’économie européenne ne va pas tarder { sortir du gouffre de la crise de la
dette souveraine. Certes, la reprise des exportations tunisiennes à destination de la zone euro serait profitable
pour le dinar, mais le rythme d’appréciation de l’euro dépassera certainement celui du dinar.
2] Ensuite, l’intransigeance des républicains sur les orientations du budget fédéral et les débats houleux qui en
résultent sur le plafonnement de la dette pourraient pénaliser le dollar et renforcer les positions acheteuses
de l’euro. Ainsi, le glissement du dinar serait plus visible face { l’euro.
3] Enfin, les tergiversations qui accompagnent le processus de dialogue national, plaident pour la fragilité du
consensus qui émergera. La classe politique tunisienne semble ne pas être consciente du danger qui guette
l’économie. Le prochain gouvernement, quelque soit son degré d’indépendance, et quelque soit son niveau de
compétence, n’aura pas la détermination et l’audace suffisante pour démarrer, en profondeur, les grands
chantiers de réformes indispensables pour remettre la Tunisie sur le sentier d’une croissance soutenue et
pour inverser le trend baissier du dinar.
Les incertitudes politiques se lèveront-elles dans les jours à venir ? Rien n’est moins r. Dans ce contexte, marqué
par une communication brouillonne et contre-productive, très pénalisante pour la monnaie tunisienne, il sera diffici-
le pour la BCT de défendre le dinar surtout avec le tarissement des sources de financement externe (révision à la
baisse du prêt de la Banque mondiale ; une deuxième tranche du crédit du FMI conditionnée à l’avancement des ré-
formes ; …) et notre atterrissage dans le Speculative grade chez toutes les agences de rating. Bref, une correction sur
le taux de change n’est pas à exclure prochainement.
Moez LABIDI
Professeur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Mahdia
Conseiller économique auprès de MAC SA.
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Glossaire
Federal open market committee (FOMC) : organe de la Fed qui pilote la politique moné-
taire.
Fed funds rate ou Federal funds rate : taux d'intérêt au jour le jour pour les prêts entre
banques commerciales.
MBS (Mortgage Backed securities) : titres adossés à des créances hypothécaires. Ce sont
des titres qui sont adossés à des actifs dont les cash flow sont garantis par le principal et
les paiements d'intérêt de prêts immobiliers.
Operation twist : dans le cadre de cet instrument, la Fed est amenée à vendre des titres à
court terme, ce qui pousse les taux courts à la hausse, et à acheter des titres de long ter-
me afin de baisser les taux longs. Contrairement au quantitative easing, cette technique
n’augmente pas la taille du bilan de la Fed.
Quantitative easing (QE) ou assouplissement quantitatif : politique monétaire non
conventionnelle, adoptée par les banques centrales lorsque les instruments convention-
nels (taux d’intérêt, réserves obligatoires, …) ne sont plus en mesure d’être utilisés. Par
exemple, lorsque le taux d’intérêt est très proche de zéro, la banque centrale pourrait
être amenée { chercher des instruments non conventionnels. En particulier, l’assouplisse-
ment quantitatif consiste néralement en une expansion du bilan de la banque centrale
au travers de l'acquisition d'actifs qui peuvent être des titres obligataires (Treasury Bond
et MBS pour la Fed).
Tapering : ralentissement progressif des achats de bons du Trésor et d'actifs (de type
MBS) par la Fed. Ces achats qui se montaient à 85 milliards de dollars par mois, Ben Ber-
nanke, le président de la Fed, s'est déclaré, le 22 mai 2013, prêt à les ralentir.
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Analyste Financier Senior
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Abdelmonam Jebali
Analyste Financier Junior
abdelmonam.jeb[email protected]
Rahma Tayachi Lakhoua
Assistante Analyste Financier
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