Depuis cette date, le TND n'a jamais cessé de glisser. En fait, le recours à la dévaluation officielle du dinar
avait soigné momentanément le malaise des finances extérieures, à la faveur de la relance des industries
exportatrices et du tourisme. Comme la Tunisie avait ensuite adhéré aux accords GATT (Organisation
mondiale du commerce, OMC) et conclu avec l'Union européenne (UE) un accord de libre-échange (appelé
accord d'association), la libéralisation progressive de son commerce extérieur a créé de nouveau une pression
sur les importations. Les équilibres extérieurs se sont alors rompus, ce qui a poussé les autorités compétentes à
laisser glisser le TND par souci de rétablissement de l'équilibre. Mais, vu que le démantèlement tarifaire avec
l'UE s'est poursuivi jusqu'à 2008, le déséquilibre est devenu évolutif, ce qui a nécessité des corrections
successives de change. Entre-temps, le secteur industriel a été malmené sans qu'il ne soit consolidé (en dehors
du tiers des PMI ayant élaboré des projets de mise à niveau), le chômage industriel s'est amplifié, le déficit de
la balance commerciale s'est creusé, l'endettement extérieur a explosé, etc.
La situation dramatique s'est aggravée davantage depuis 2011 avec l'extension de la grande distribution et des
concessionnaires auto, l'installation de nouvelles enseignes internationales de chaînes spécialisées,
l'établissement d'un libre-échange avec la Turquie (tenace compétiteur) et la mise en panne des secteurs
pourvoyeurs de devises (tourisme, phosphate, textile).
Depuis 2016, les droits de douane sur les biens de consommation en provenance d'autres marchés (notamment
des pays asiatiques) ont été ramenés à 20%, ce qui a contribué au développement de l'importation des produits
chinois et autres pays à bas prix (dont des produits de marques européennes fabriqués dans ces pays).
Aujourd'hui, le TND est côté à ≈0,4€, s'inscrivant en dépréciation globale de l'ordre de -72% depuis 1985, soit
une dévalorisation annuelle moyenne de 4%. C'est terrifiant !!
Cette dévalorisation du dinar a boosté artificiellement les activités exportatrices sur le dos de ses travailleurs, et
a profité peut-être aux affairistes, aux rentiers et aux contrebandiers s'adonnant aux activités d'importation de
biens de consommation. En revanche, elle a douloureusement impacté l'écrasante majorité des Tunisiens, de la
classe moyenne mais surtout de la classe pauvre. Le SMIG, qui valait 90 TND au courant des années 80 (≈140
€), vaut aujourd'hui 330 DT (≈135 €).
Si nous continuons suivre aveuglément les instructions du FMI en la matière, en nous limitant à libérer la
parité euro-dinar ou dollar-dinar pour tenter d'atténuer la pression sur les réserves en devises, le processus
demeurera divergeant et le dinar poursuivra sa chute sans parachute, avec toutes les conséquences
douloureuses et irréversibles: accroissement proportionnel de l'endettement extérieur, renchérissement des
biens de consommation de première nécessité (céréales, médicaments…), envolée de l'inflation, surpression
fiscale… jusqu'à l'explosion sociale.
Les vraies solutions
Quand on détecte une fuite d'eau dans un mur, le recours au masticage soigne en apparence le défaut et
provisoirement, mais ne le répare jamais sur le moyen terme, la fuite reprenant quelque temps après. Un vrai
professionnel recourt à la réparation de la conduite ayant fuité, même si son intervention nécessite des travaux
lourds et la mise à contribution d'un maçon et d'un peintre.
Il en est de même pour les équilibres macroéconomiques. Au lieu de rafistoler par la dévaluation du TND pour
tenter d'obtenir un équilibre extérieur précaire et provisoire, il serait plus indiqué de traiter sérieusement les
causes de la problématique, produisant toujours les mêmes effets.
Aussi ne serait-il pas grand temps de commencer par :
1) enclencher les «clauses de sauvegarde» prévues dans l'accord de libre-échange passé avec l'UE en 1995;