L’édito 1ER OCTOBRE 2014 Une thématique en trompe l’œil Cela ne fait plus de doute. La conjoncture européenne s’essouffle depuis quelques mois, comme en atteste l’affaiblissement continu de la plupart des indicateurs économiques avancés de la zone (PMI, IFO, INSEE etc.). Longtemps privilégié, le scénario d’une reprise graduelle est désormais sujet à caution. Cette stagnation économique, dont on ne sait encore pas si elle est transitoire, durable, ou, pire, si elle constitue le présage d’un enchaînement plus structurellement récessif, ne laisse d’inquiéter. Préoccupation d’autant plus justifiée que ce sont bien, in fine, les fondamentaux économiques qui régissent le directionnel de marché. Pourquoi donc, dans ces conditions, les indices actions ne corrigent-ils pas davantage, en prévision de perspectives bénéficiaires des entreprises forcément plus incertaines ? Parce qu’au cours de ces dernières années, le scénario s’est enrichi d’un nouvel acteur majeur (la BCE), dont le volontarisme inédit est supposé compenser une gouvernance politique défaillante à l’échelle de la zone. Jusqu’à quand ? Pour résumer, sans cette présence aujourd’hui incontournable de la Banque centrale, les marchés d’actions européens se positionneraient vraisemblablement un cran plus bas. Les interrogations qui découlent de ce credo sont nombreuses : par-delà son impact psychologique immédiat, cette posture historiquement accommodante de la BCE peut-elle durablement entretenir une tendance haussière en bourse au mépris d’une réalité économique objectivement préoccupante ? Autrement dit, pendant combien de temps ces promesses sont-elles susceptibles de « porter » les marchés ? Ensuite, dans quelle mesure, une fois effectivement mises en place, ces actions suffiront-elles à relancer durablement une activité économique aujourd’hui atone ? Enfin, quand bien même la nature de ces mesures serait réellement appropriée et potentiellement efficace dans le processus de transmission de la politique monétaire à l’économie réelle, combien de temps cela prendra-t-il et, dans ce cas, les marchés auront-ils la patience d’attendre ? La prégnance de ces questions, et le fait que nul ne soit vraiment encore en mesure d’y répondre, explique et résume la nervosité et les atermoiements actuels des marchés financiers. La BCE incarne l’espoir tout comme son action suscite le doute. L’espoir que ses mesures portent véritablement leurs fruits sur un horizon raisonnable ; le doute qu’elles s’avèrent malgré tout insuffisantes. On sent que les marchés ont envie d’y croire. Pour preuve : ils saluent généreusement chaque intervention de Mario Draghi. Mais que celui-ci déserte quelques temps l’actualité financière et le doute resurgit en même temps que des dégagements s’opèrent. Au premier semestre, les gérants misaient à juste titre sur une poursuite de la progression d’indices boursiers européens gouvernés par la perspective d’une amélioration (certes poussive mais réelle et régulière) de la conjoncture eurolandaise. Quelque chose a changé depuis cet été. Il n’est pas incongru de redouter que l’affaissement désormais régulier de l’activité en zone euro soit de nature à remettre en cause le scénario initial de rattrapage des bourses européennes. Les marchés d’actions américains, paradoxalement, suscitent également une méfiance grandissante à mesure que les sommets sont atteints et dépassés. Pour le coup, ce ne sont pas les fondamentaux économiques qui inquiètent outreAtlantique. Ceux-ci sont au beau fixe et justifient pleinement cette ascension quasi continue des indices. Parler de bulle est de ce fait hors de propos. Mais les arbres ne grimpant pas jusqu’au ciel, les intervenants se mettent à redouter, par anticipation, que la machine puisse se gripper. Et tout en ayant salué en bourse, jour après jour, les résultats particulièrement enviables de l’économie américaine, ils refusent pour autant d’ignorer les facteurs potentiels de déstabilisation qui la guettent. On citera bien évidemment l’intervention militaire en Irak (par définition facteur d’incertitude), mais également et surtout la normalisation annoncée de la politique monétaire de la Fed. Tout à fait entre nous, les marchés n’en fontils pas un peu trop avec ça ? Ainsi, consciente qu’elle a tardé à réagir, dans un souci louable de laisser le temps à la reprise en cours de s’installer et de se pérenniser, la Fed, nous dit-on, pourrait être contrainte de frapper plus fort pour compenser son retard « behind the curve ». Or, un changement trop violent serait facteur de déstabilisation, à l’instar, toute proportion gardée, de 1994. Plus sérieusement, qui peut croire une seconde que la Fed puisse emprunter cette voie aventureuse ? C’est pourquoi, nous semble-t-il, la normalisation monétaire américaine ne constitue pas le risque le plus sérieux pour les marchés. Tout d’abord, parce qu’étant annoncée de longue date, sa survenance n’est plus une surprise pour personne ; ensuite, parce que si cette normalisation intervient, c’est que l’économie américaine, qui tourne désormais à un rythme auto-entretenu, n’en a objectivement plus besoin. N’est-ce pas là, en définitive, la meilleure des nouvelles pour les marchés d’actions américains ? Non, très clairement, selon nous, ce n’est pas l’action de la Fed qui doit le plus inquiéter les marchés d’actions US. Mais la capacité ou pas des entreprises à continuer à délivrer à l’infini des résultats en progression spectaculaire depuis plusieurs années. En trompe l’œil, la thématique des banques centrales aura du mal à masquer plus longtemps les véritables menaces qui sont respectivement d’ordre macro et microéconomique en Europe et aux EtatsUnis. Joseph Alfonsi LGA INVESTISSEMENT ASSOCIÉ - 32, rue Notre Dame des Victoires - 75002 Paris - Tél : 01.56.33.88.00 - [email protected] - www.lga-ia.com Société de gestion de portefeuille - SA au capital de 700 000 euros - RCS Paris 347 493 702 - Agrément AMF GP90040