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Si le propre de l’intelligence humaine c’est de connaître la forme existante dans
une matière corporelle où elle s’individualise, elle ne la considère cependant selon les
caractères particuliers dont la revêt cette matière. (Somme théologique, abrégée Sth I, q.
85, a. 1)
L’objet de notre intelligence c’est une chose corporelle considérée dans sa
nature même, ce qu’il y a de commun en toutes ses réalisations particulières. Or, ce sont
toujours des choses particulières qui se présentent à nos sens ou qui sont représentées à
notre imagination. (Sth I, q. 84, a. 7) Afin donc que notre intellect puisse saisir
effectivement son objet, apercevoir la nature ou essence de chaque chose, il est
nécessaire qu’il se tourne vers les images (conversio ad phantasmata).
Les données sensibles sont conservées sous forme d’images dans le sens
commun, qui non seulement les recueille, mais qui en opère la synthèse. Les images
sensibles, en effet, sont déjà les espèces intentionnelles, non des choses prises dans leur
être réel, mais des ressemblances des choses : « il faut dire que notre intellect par
abstraction tire des images les espèces intelligibles, dans la mesure où il considère les
natures des choses en ce que chacune a d’universel ; et cependant c’est dans les images
qu’il en a l’intelligence, car il ne peut avoir l’intelligence des objet dont il considère
abstraitement la nature spécifique, sans se tourner vers les images. » (Sth I, q. 85, a. 1)
Une fois tirée par abstraction des images sensibles, l’espèce intelligible est reçue
par l’intellect possible ; elle actualise en nous la puissance intellective, nous procurant
ainsi l’intellection de la chose.
Dans l’intellection en acte l’objet intelligible coïncide avec le sujet intelligent à
tel point que si l’intellect et l’intelligible, ainsi que le sens et le sensible, restent
distincts dans leur corrélation, c’est pour autant qu’ils sont encore en puissance. (Sth I,
q. 14, a. 2)
C’est seulement dans l’intellection que Dieu a de lui-même que s’effectue
parfaitement cette coïncidence. (Sth I, q. 14, a. 2)
Déjà dans la connaissance angélique l’espèce intelligible est distincte du sujet
intelligent, sauf dans le cas où c’est lui-même que l’ange connaît.
La connaissance que Dieu a des choses autres que lui, dont il aperçoit les raisons
en lui, puisqu’elles ne sont que des participations de ses perfections infinies, n’a
cependant pas le même caractère que la connaissance qu’il a de lui-même, de sa propre
essence : « Dieu ne voit lui-même en lui-même, par sa propre essence, intelligible en