Mauvaise Nouvelle - Synthèse des relations maître-disciple
humain. Le mot (lu, écrit ou parlé) est aussi un objet sensible qui se présente aux sens externes : c’est un sensible
commun (comme le nombre, la figure, le mouvement, etc).
L’homme est un animal rationnel : son mode de connaissance passe du sensible à l’intelligible mais le verbe reste
un point de départ pour l’enseignement du maître. Que ce point de départ soit verbal ne l’invalide pas au regard du
mode abstractif.
Le De Magistro reprend le mode de connaître d’Aristote. L’empirisme pur de Démocrite enseigne que la
connaissance est une fusion avec l’objet connu. L’intentionnalité pure de Parménide enseigne que le connaissant
se fond dans l’objet connu. Le scepticisme enseigne que l’objet reste inconnaissable.
Saint Thomas enseigne que la connaissance est une action commune de l’intelligence et de l’intelligible dans la
chose sensible. Cette connaissance s’effectue par degrés successifs (le phantasme est un stade intermédiaire
entre le concret singulier sensible et le concept abstrait). La forme à abstraire est en puissance dans le monde
sensible externe : c’est l’intelligence qui la fait passer de la puissance à l’acte. Notre intelligence, par induction,
extrait la forme (idée) des objets extérieurs afin de la faire exister sur un mode abstrait dans ma raison.
Contre Averroès (III De Anima, Comm. 5), saint Thomas ne dit pas qu’il existe un seul intellect patient pour tous les
hommes. Le maître aide l’élève à ordonner sa recherche dans le sens de la logique naturelle à l’esprit humain.
Chacun se forme ainsi des notions générales à partir de ses propres domaines d’investigation. C’est l’élève qui
engendre en lui son propre savoir.
C. La nature des « premiers principes » :
Au contact du réel sensible, l’intelligence reconnaît vrais des « principes premiers » que saint Thomas nomme
« dignitates » et traduits souvent par les traducteurs français par axiomes . La plupart du temps, ils semblent
désigner les principes de contradiction, d’identité, de tiers-exclus. Ces premiers principes ne sont pas les principes
proches ou moyen-termes de la conclusion du syllogisme, intelligés par l’intelligence : ces axiomes premiers n’en
sont que les conditions logiques ultimes.
De nombreux commentateurs définissent l’induction comme principe de connaissance des premiers principes,
sans préciser que l’induction est aussi principe de connaissance des définitions qui engendrent les jugements
(deuxième opération) et les syllogismes (troisième opération).
Le maître dispose l’intelligence du disciple à connaître, mais l’acte de connaître est celui du disciple seul. Saint
Augustin enseignait l’illumination divine dans notre acte de connaissance. Pour le Docteur Commun, l’abstraction
de l’intelligence opère de façon autonome par induction. Dans sa Création Dieu a disposé des premiers principes
reconnus pour vrais par les hommes afin de progresser dans la science et la sagesse. Mais ce sont nos inductions
personnelles qui fournissent les principes de nos syllogismes et donc de notre science2, point de départ de notre
choix de conscience.
IX. Quelques mots sur la philosophie juive au Moyen Âge
À suivre…
1 Sur les paliers du processus : Michel Siggen : L’expérience chez Aristote.
2 “cum omnis scientia per demonstrationem habeatur, demonstrationis autem medium sit definition”
(In Physicorum, Liber 1, Lectio 1, n° 1.