John Marenbon, Le temps, l`éternité et la prescience de Boèce à

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John Marenbon, Le temps, l’éternité et la prescience de Boèce à Thomas d’Aquin, Paris : Vrin
(dans la collection « conférences Pierre Abélard »), 2005,
ISBN 2-7116-1770X, 188 p., 21,5 cm, 18 €
(sur le catalogue de Vrin sont indiqués 20,5 cm et 192 p. – mais cela ne correspond pas aux
mesures de l’ouvrage)
John Marenbon amène le lecteur dans une visite guidée à travers les dédales de la pensée
médiévale, où l’acribie de l’argumentation ne cède en rien à l’élégance de la démonstration.
Relisant en philosophe les textes sur la prescience divine des théologiens du Moyen Age
depuis Boèce, en passant par Abélard, jusqu’à Thomas d’Aquin, son but est double : situer le
raisonnement des auteurs cités dans leur contexte propre et mesurer par là même les limites
des outils de l’analyse formelle, en vogue dans la philosophie anglo-saxonne actuelle, pour
rendre justice à ce raisonnement.
Boèce, grand commentateur d’Aristote, fonde quasiment tout l’enseignement de la logique
jusqu’à Abélard. Pourtant, ses outils conceptuels restent limités. J.M. démontre que ce qu’on
appelle aujourd’hui la « solution boécienne » du problème - qui repose sur une connaissance
divine conçue comme atemporelle, prétendument reprise par Thomas d’Aquin - correspond en
fait à une « interprétation charitable » des textes, interprétation la plus cohérente possible,
certes, mais selon nos critères actuels. Boèce lui-même n’aurait pu l’admettre puisque les
méthodes logiques lui manquaient. Sa solution pour résoudre le conflit entre prescience divine
et libre-arbitre humain relève selon J.M. plutôt de l’épistémique : le mode de connaissance de
Dieu, quoique certain, ne menace pas la contingence du futur.
Abélard, tout en développant de nouvelles méthodes logiques, a négligé complètement
l’aspect temporel du problème. Thomas d’Aquin par contre revient à une interprétation plutôt
épistémique, tout en développant l’idée que la connaissance que Dieu a des événements et des
choses, est une connaissance de soi de l’être éternel divin.
Dans sa conclusion, l’auteur dénonce le danger d’une emprise du modèle anglo-saxon
« standardisé » sur la pratique de la philosophie. Cette méthode, fondée sur l’analyse en
propositions numérotées, lit les textes anciens à travers les lunettes des préoccupations
actuelles. Les auteurs classiques ne servent alors que de point de départ, pour ne pas dire de
prétexte ou de caution d’autorité, aux spéculations actuelles, parti pris en soi admissible pour
autant qu’il ne stérilise pas la recherche proprement historique dont le but doit être de rendre
justice aux auteurs du passé selon leurs propres critères. Le mirage de l’hégémonie anglosaxonne pourrait selon J.M. conduire à un appauvrissement intellectuel de la recherche,
notamment francophone – mise en garde particulièrement intéressante sous la plume d’un
philosophe britannique.
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