La fusion impossible, Guillaume Maujean, Rédacteur en chef "Finance et Marchés" Les Échos
Il n'y aura plus de mariage entre les grands opérateurs boursiers européens. En réclamant au
London Stock Exchange une nouvelle concession de dernière minute pour approuver sa fusion avec
Deutsche Börse, la Commission européenne vient sans doute de mettre fin à un projet de fusion
qui, il est vrai, battait sérieusement de l'aile sur fond de Brexit et d'affaire judiciaire outre-Rhin.
Au cours des quinze dernières années, toutes les combinaisons ont été tentées entre les Bourses de
Londres, Paris et Francfort. Elles ont toutes échoué pour des raisons d'incompatibilité entre
dirigeants, de concurrence ou pour des motifs politiques. Et ce nouveau blocage sonne
certainement le glas des perspectives de consolidation dans le secteur. Le nationalisme économique
a repris ses droits, rendant pratiquement impossible toute tentative de rapprochement. A rebours
du sens de l'histoire qui va vers davantage d'intégration financière. Car il faut des Bourses plus
transparentes, des produits dérivés moins complexes et des chambres de compensation plus
sécurisées. La fragmentation des marchés en une multitude de plates-formes opaques et peu
régulées n'est plus la solution. Les Américains l'ont bien compris, qui ont constitué des acteurs
puissants et intégrés proposant une large gamme de services allant de la gestion des Bourses et
des indices (de plus en plus marginale dans leur activité) jusqu'aux chambres de compensation, et
qui disposent d'une force de frappe considérable. Ils ont désormais un boulevard pour faire leur
marché sur le Vieux Continent. C'est un échec programmé pour l'Europe, au moment où le rôle des
opérateurs boursiers dans le financement de l'économie devient central et où Bruxelles s'attache à
mettre en place son Union des marchés de capitaux. Un de plus.