Management des activités de veille stratégique : entre une

Business School
W O R K I N G P A P E R S E R I E S
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Working Paper
2014-146
Management des activités de veille
stratégique : entre une
organisation formelle et informelle
Manelle Guechtouli
http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html
IPAG Business School
184, Boulevard Saint-Germain
75006 Paris
France
1
Management des activités de veille stratégique : entre une
organisation formelle et informelle.
Manelle Guechtouli
IPAG Business School, Paris et Nice
manel.guechtouli@ipag.fr
Résumé
Cet article s’intéresse aux aspects organisationnels et humains liés à la mise en œuvre d’un système d’information de
veille stratégique en entreprise. L’idée principale étant d’apporter des clés d’interprétation aux managers qui souhai-
tent implémenter/renouveler les activités de veille dans leurs organisations. Il s’inscrit clairement dans une perspec-
tive de contribution à l’ingénierie des systèmes de veille considérant ces derniers comme un soutien à la pise de déci-
sion. A la lumière d’une revue de la littérature, nous proposons une analyse des systèmes de veille considérant les
aspects formels et informels de ces derniers. Une illustration à travers un cas d’entreprise est développée et des re-
commandations managériales sont formulées.
Mots clefs :
Veille stratégique, organisation, formalisation.
Management of competitive intelligence activities: between
formal and informal.
Abstract
This paper is about human and organizational issues of a Competitive Intelligence (CI) system. The idea here is to
help managers who want to implement/refresh CI activities in their companies. After a literature review, we suggest
to analyze organizational issues in BI systems by considering their formal and informal aspects. Results are widely
discussed.
Keywords:
Business Intelligence, organization, formal, informal.
2
Introduction
La veille stratégique peut être présentée comme un système informationnel qui vise es-
sentiellement à fournir, analyser puis à diffuser des informations à valeur ajoutée auprès
des décideurs [C.W. Choo, 2002, H. Lesca et al, 2005]. Les pratiques de veille straté-
gique cherchent à accroître la réactivité de l’entreprise en détectant des signaux faibles
[Ansoff, 1975] ou signes d’alerte précoce [H. Lesca, 2003] qui permettent à l’entreprise
de s’adapter aux changements en émergence ou à venir dans son environnement. Ces
activités s’inscrivent clairement dans une perspective d’aide à la décision à travers des
pratiques de management de l’information.
Des travaux fondateurs de F.J Aguilar [1967] à des recherches plus récentes [M.J Han-
non, 1997; C.W.Choo, 2002 ; M. Salles, 2003, N. Lesca et Caron-Fasan, 2008, D. Sal-
vetat, 2008] un consensus semble s’être établi dans la littérature pour ce qui est de
l’utilité et de l’intérêt des activités de veille pour une entreprise.
Cela dit, dans le même temps, plusieurs auteurs soulignent les difficultés liées à la mise
en place au déploiement des pratiques de veille dans la pratique (N. Lesca et M-L. Ca-
ron-Fasan, 2008, I. Boulifa Tamboura et Z. Ben Ammar Mamlouk, 2009). En effet, les
managers sur le terrain avouent souvent ne pas savoir précisément en quoi consistent les
activités de veille, ni comment les mettre en place [H. Lesca, 2003]. Ce constat nous
amène à reprendre le questionnement suivant : pourquoi la veille stratégique n’est-elle
pas pratiquée et repérée de façon plus précise par les acteurs dans les entreprises ? Ou
en d’autres termes, Peut-on aider les manager a mieux comprendre ces pratiques et la
manière dont elles sont mise en place en entreprise ?
Ces questionnements inscrivent clairement notre article dans la perspective d’une con-
tribution à l’ingénierie des systèmes d’information de veille stratégique. Nous allons par
conséquent tenter de répondre à la question précédente en considérant essentiellement
les aspects structurels et organisationnels des systèmes de veille.
Notons dans un premier temps que les problématiques d’organisation des activités de
veille (ou d’IE1) dans les entreprises ne sont pas récentes. Dans les années 1970, les pro-
cessus de veille commencent à être formalisés en entreprise avec l’apparition de « cel-
lules de veille » : ceux que l’on appelle communément « les veilleurs » constituent un
personnel – généralement à temps plein chargé par le management de faire de la veille
et affecté à un service particulier de l’entreprise (souvent la stratégie, le marketing ou la
R&D2, [M.J Hannon, 1997]). Ces cellules de veille témoignent d’un passage d’une
veille individuelle à une veille organisationnelle et reflètent une prise de conscience du
caractère nécessairement collectif de la veille.
De fait, vu le nombre de sources d’information qui existent pour une entreprise (les in-
formations publiées, les informations collectées via les clients, les fournisseurs, les ven-
deurs, etc.) la tâche de collecte d’information semble accablante voire impossible si elle
est confiée à une ou deux personnes dans l’entreprise [Gilad et Gilad, 1986].
1 IE : Intelligence Economique (au sens de Martre, 1994). Ici, nous employons indifféremment les ternes veille et
Intelligence économique car les différences entre les deux concepts ne sont pas significatives.
2 Recherche et Développement.
3
En effet, les capacités cognitives humaines étant naturellement limitées [H.A. Simon,
1986], ces personnes seraient vite submergées par la quantité d’informations à traiter.
De plus, Gilad [1989, p. 32] note que, souvent, les entreprises qui assignent uniquement
un seul analyste aux taches de collecte, d’analyse et de diffusion de l’information de
veille rencontrent des difficultés à convaincre les managers d’utiliser les résultats du
processus de veille et à gagner en crédibilité et en pertinence quant aux informations
de veille H. Lesca [1994] précise ainsi que l’écoute intelligente et attentive de
l’environnement ne peut être que l’affaire de l’entreprise toute entière et non pas uni-
quement d’une partie de ses membres.
Si l’on accepte l’aspect collectif de la veille on comprend alors le besoin d’une organisa-
tion des activités de veille et des ressources allouées, cette organisation pouvant être
formelle ou informelle [Gilad, 1989, p. 67].
Aujourd’hui, cette problématique d’organisation/structuration/ formalisation des activi-
tés de veille semble toujours d’actualité. En effet, D. Salvetat ( 2008, p.44) distinguent
trois principales oppositions concernant la structuration de la gestion informationnelle
dans la littérature : l’internalisation/externalisation, la centralisation /décentralisation, et
la formalisation/non formalisation. Ces oppositions résultent de visions théoriques di-
vergentes qui abondent dans un sens ou dans l’autre selon des arguments différents.
L’objectif théorique de cet article est de repenser l’ingénierie des systèmes de veille
pour proposer des solutions basées sur des savoirs « actionnables » (au sens de M-J.
Avenier, 2005) dans ce domaine. En pratique, notre but est fournir une aide aux mana-
gers lors de la mise en place/refonte ou réorganisation de ces systèmes.
L’article est scindé en deux grandes parties. La première revient sur les fondements
théoriques de notre approche. La seconde est une étude de cas qui s’intéresse au système
de veille d’une grande entreprise de haute technologie.
1. Fondements théoriques
Toutes les entreprises n’ont pas forcément besoin d’une approche organisée concernant
les problématiques de veille [Gilad, 1989]. En effet, l’entreprise peut opter pour une
marche de veille organisée ou non selon ses préférences et son mode de fonctionne-
ment.
Concrètement, l’entreprise se trouve face à un certain nombre de questionnements con-
cernant notamment la manière d’organiser ses activités de veille, les acteurs concernés
par ces activités, les services impliqués, les outils utilisés, le support du management et
de la direction générale, etc.
De plus, les managers doivent pouvoir justifier leurs choix quant à l’allocation des res-
sources (humaines et matérielles) de l’entreprise. Dans ce contexte, décider du degré de
formalisation du processus de veille semble d’autant plus complexe.
Afin de mieux comprendre cet aspect du système de veille, considérons de manière sim-
pliste que ce dernier peut être placé sur un axe représentant un continuum allant du for-
mel à l’informel (
Figure 1 Degrés de formalisation du système de veille). Nous pouvons considérer les
deux cas extrêmes représentés : le système formel et le système informel.
SIVS formel
SIVS informel
Formalisation
4
Opter pour un système purement formel et structuré implique que l’entreprise connaît a
priori ses besoins et qu’elle a identifié ses cibles et les personnes concernées par le pro-
cessus de veille. Dans ce cas, les veilleurs sont désignés par le management, le proces-
sus de veille est clairement identifié et l’information souvent centralisée. Il semblerait
que plus le processus est formalisé (avoir une procédure préalablement définie), plus il
correspond à des zones de problèmes connus et déjà analysés avec précision [E. Patey-
ron, 1997].
Par opposition, dans un processus purement informel ou non structuré, aucune procé-
dure n’est mise en place par le management, chaque employé décide de la manière dont
il organise ses propres activités de veille, selon ses préférences et ses compétences.
Dans ce cas, la veille est souvent « éclatée » dans l’entreprise, la centralisation de
l’information dépend du type d’organisation choisi par les acteurs. Il semble difficile
d’avoir un retour sur la vision stratégique de l’entreprise s’il n’y a pas de lien formel
entre les veilleurs et la stratégie de l’entreprise.
Le processus de veille informel soutient avant tout des informations informelles (comme
les informations orales ou les rumeurs) qui circulent plus facilement et plus rapidement
dans ce contexte. Prendre le temps de formaliser une information peut avoir des consé-
quences négatives. Certains auteurs comme E. Pateyron [1997] soutiennent notamment
que le fait de formaliser une information prend du temps par rapport à une information
non formalisée. Ce temps pris peut avoir une influence sur l’utilité de l’information car
plus elle date et moins elle a d’intérêt.
Les deux approches précédentes sont radicalement opposées et les points de vue diffè-
rent quant au choix de l’approche la plus avantageuse. A ce sujet, B. Gilad et T. Gilad
[1986] concèdent plus d’avantages et moins d’inconvénients au processus formel tandis
que J-P Romani et F. Bournois [2000] préconisent une communication informelle (entre
le responsable veille et son réseau afin de faire fonctionner le dispositif).
Pour notre part, nous avons choisi de relativiser les résultats des auteurs précédents. En
effet, notre but n’est pas de trancher en faveur de l’une ou de l’autre des approches. Il
consiste plutôt à comprendre l’utilité de chacune d’elle pour pouvoir aider des managers
à comprendre les tenants et les aboutissants dans chaque contexte. 3. Nous allons résu-
mer les avantages et inconvénients de chaque type de système dans le tableau suivant :
3 Précisons par ailleurs que ce qui nous intéresse ici n’est pas l’information de veille en elle-même, qui peut être
considérée suivant sa source comme formelle ou informelle3, mais uniquement le processus que l’on forma-
lise ou non selon les besoins, préférences et organisation fonctionnelle de l’entreprise.
tion du système de veille
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