Retours d`expérience concernant les activités de veille

Business School
W O R K I N G P A P E R S E R I E S
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Working Paper
2014-137
Retours d’expérience concernant les
activités de veille stratégique dans les
entreprises : vers une évolution de
l’ingénierie ?
Une étude de cas dans une grande
organisation d’un secteur industriel
Manelle Guechtouli
Serge Amabile
Coralie Haller
Adrien Peneranda
http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html
IPAG Business School
184, Boulevard Saint-Germain
75006 Paris
France
1
Retours d’expérience concernant les activités de veille stratégique dans les entre-
prises : vers une évolution de l’ingénierie ?
Une étude de cas dans une grande organisation d’un secteur industriel
Manelle Guechtouli
IPAG Business School, Paris-Nice
Serge Amabile
CERGAM, Aix Marseille Université
Coralie Haller
CERGAM , IAE Aix en Provence
Adrien Peneranda
IMPGT, Aix en Provence
Résumé
Cet article propose une mise en perspective des principales difficultés liées à la mise en
œuvre de système d’information de veille stratégique dans les entreprises. Il s’appuie sur
l’étude approfondie du système de veille d’une grande entreprise du secteur industriel à
travers une recherche-action qui a duré plusieurs mois. Basé sur une approche inductive,
notre étude identifie plusieurs facteurs problématiques que nous classons en 3 catégo-
ries. Ces difficultés sont ensuite discutées et des recommandations managériales sont
formulées.
Mots clefs :
Veille stratégique, organisation, difficultés, formalisation.
Abstract
This paper is dealing with major issues on a competitive intelligence system. Our re-
search is based on an inductive approach as we study the case of the competitive intelli-
gence system of a big technological firm. Results identify 3 categories of factors that are
widely discussed.
Key-words:
Competitive Intelligence, organization, issues, formal, informal.
2
1. Introduction
Des travaux fondateurs d’Aguilar [1967] à des recherches plus récentes [H. Lesca et
al. 2005, Guechtouli, 2007, N. Lesca et Caron-fasan, 2008, salvetat, 2008] un con-
sensus semble s’être établi autour de l’intérêt des activités de veille stratégique pour
les entreprises. Que l’on parle de survie, d’anticipation ou d’adaptation, les auteurs
s’accordent à dire que les activités de veille ou de surveillance de l’environnement
sont essentielles. Le système de veille est un système d’information (N.lesca et Ca-
ron-Fasan, 2008) visant essentiellement à collecter et analyser et traiter des informa-
tions pouvant avoir une portée stratégique et/ou opérationnelle.
Cet intérêt décrit dans la littérature dédiée semble cependant contraster ave le
constat que peuvent faire les chercheurs sur le terrain. En effet, dès le début des
années 1990, des auteurs comme H. Lesca et Raymond [1993] ont souligné que
malgré l’intérêt que porte les managers aux activités de veille, ces derniers avouent
souvent ne pas savoir précisément en quoi consistent ces activités, ni comment les
mettre en place.
Aujourd’hui, les activités de veille passent pour un exercice difficile (Boulifa et
mamlouk, 2009), de nombreux projets « veille » connaissent des situations d’échec
en termes de délai, de cout, de bénéfice ou d’atteinte d’objectifs pour l’organisation
(N. Lesca et Caron-Fasan, 2008). Des facteurs d’échec essentiellement
organisationnels, comportementaux et stratégiques ont ainsi été identifiés dans la
littérature [Ewusi-Mensah et Przasnyski, 1991].
Notre étude s’intéresse également aux facteurs d’échec des systèmes de veille.
Précisément, notre objectif est de comprendre les difficultés que rencontrent les
acteurs en entreprise dans ce contexte. Contrairement aux auteurs précédents, nous
allons partir du terrain dans une démarche inductive. Notre question de recherche
pourra donc être formulée ainsi : Quelles sont les principales difficultés que
rencontrent les acteurs du système de veille sur le terrain?
Notre recherche sera basée sur un cas unique étudié en profondeur. Nous allons pré-
cisément nous intéresser à ce que l’acteur « fait » (Orlikowski, 2002). Notre unité
d’analyse sera l’activité de veille des acteurs et notre objet de recherche l’acteur du
système de veille. Le but de notre recherche sera d’éclairer les managers intéressés
sur les principales difficultés identifiées afin de faciliter l’implémentation et le dé-
ploiement des systèmes de veille dans les organisations.
La première partie de cet article présente le cas étudié, la méthodologie et l’analyse des
données. La seconde partie présente les résultats de la recherche qui sont ensuite discu-
s. La troisième et dernière partie présente la conclusion et les préconisations managé-
riales.
3
1. L’étude de cas: le système de veille de l’entreprise Technotech1.
Les cellules de veille stratégique observées appartiennent à une grande entreprise du
secteur industriel implantée dans le sud de la France. Leader sur son marché en termes
de volumes et de chiffres d’affaires, l’entreprise évolue sur un marché hautement tech-
nologique et fortement concurrentiel. Cela justifie en grande partie notre choix. Nous
avons également choisi ce terrain au regard de nos premières interactions avec des
membres du système de veille qui nous ont confirmé que l’entreprise possédait bien un
système de veille organisé2.
1.1. Méthodologie de la recherche
Notre recherche s’inscrit dans une volonté de compréhension des échanges et des pro-
cessus de diffusion des informations développés au sein de l’entreprise Technotech dans
le cadre de son dispositif de veille stratégique. Ainsi, s’agissant d’explorer le contexte
hétérogène et multidimensionnel du management de l’information au sein d'une grande
organisation, nous avons suivi la recommandation de Miles et Huberman (1984) qui
suggèrent l’adoption d’une méthodologie de nature qualitative pour étudier les phéno-
mènes en profondeur. La perspective envisagée est de dégager des caractéristiques ori-
ginales pour tester, voire compléter une théorie existante (Yin, 1994). Le dispositif de
veille stratégique de Technotech ainsi que le fonctionnement, les comportements et,
plus particulièrement, les échanges d’information de ses acteurs ont donc été étudiés au
moyen d’une étude de cas unique (Yin, 1994 ; Eisenhard, 1989) qui se caractérise par
une importante flexibilité lors des interactions avec le terrain. En effet, au travers de
contacts approfondis avec ce dernier, cette méthode donne accès à une richesse de don-
nées mettant l’accent sur la compréhension des dynamiques présentes (Hlady Rispal,
2009). En outre, notre objet de recherche s’interrogeant sur le « comment » et le « pour-
quoi » d’une situation de gestion, il semble pertinent de recourir à la méthode des cas
(Yin, 2003).
Dans ce contexte, nous avons fait appel à plusieurs modes de recueil de données. D’une
part, nous avons procédé à une analyse de données secondaires en constituant des cor-
pus documentaires (rapports annuels d’activité, notes internes, lettres d’information,
compte-rendus de réunions, etc.). D’autre part, nous avons conduit des entretiens semi-
directifs (Wacheux, 1996) auprès de différents acteurs de Technotech. Précisément,
nous avons réalisé 45 entretiens semi-directifs (d’une durée moyenne de deux heures).
Ces entretiens se sont déroulés dans les locaux de l’entreprise, sur le lieu de travail des
salariés concernés.
En ce qui concerne la détermination de l’échantillon des acteurs interrogés, notre re-
cherche portant sur le dispositif de veille stratégique de l’entreprise, il était pertinent,
dans un premier temps, de rencontrer et d’interroger les acteurs “institutionnels” de la
veille dans l’entreprise. Il s’agit des acteurs dont les activités sont “officiellement” défi-
nies et reconnues par la hiérarchie comme étant temps plein ou à temps partiel) de
participer, de développer et d’animer le dispositif de veille. Pour ces acteurs, la première
1 Pour des raisons évidentes de confidentialité liées à la sensibilité des données recueillies, nous resterons discrets
quant au nom et aux informations pouvant permettre d’identifier l’entreprise.
2 Nous avons interviewé 4 responsables au tout début de l’étude pour avoir un aperçu du système de veille de
l’entreprise.
4
vague d’entretiens s’est donc réalisée à partir d’un critère institutionnel. Au nombre de
12 (3 veilleurs à temps plein et 9 veilleurs à temps partiel), ces personnes ont été ren-
contrées et interrogées de façon exhaustive. Ce premier investissement nous a permis
d'appréhender le réseau des veilleurs de l’entreprise. Notons, toutefois, que notre objec-
tif n’était pas de déterminer les structures exactes de ce réseau mais d’appréhender les
processus d’échanges et de diffusion des informations se réalisant dans l’entreprise et,
en particulier, entre les acteurs de la veille. Exprimé autrement, il s’agissait de saisir la
dynamique des interactions existant entre ces derniers.
Dans un second temps, nous avons interrogé des acteurs de l’entreprise avec lesquels
les veilleurs avaient indiqué avoir développé des échanges d’informations. En d’autres
termes, nous avons sollicité leurs correspondants (boule de neige). La deuxième indica-
tion qui nous a permis de délimiter les personnes à interroger nous a donc été directe-
ment fournie par les acteurs institutionnels de la veille. Il s’agit des acteurs (dont les ac-
tivités dans l’entreprise ne sont pas directement liées à la veille) avec lesquels ils entre-
tiennent une relation de partage d’informations. Ce deuxième groupe d’acteurs forme un
“small world” au sens de Milgram : il s’agit de relations non locales, même très peu
nombreuses, qui réduisent considérablement la distance moyenne entre les individus
sans pour autant nuire à la cohésion locale du réseau (Bouba-Olga, 2003). Douze de ces
correspondants ont ainsi été interrogés.
2. Résultats
2.1. l’organisation globale du système de veille
L’organisation des activités de veille chez Technotech est répartie en plusieurs cellules
de veille de taille très réduite, conformément aux cellules de veille ou d’intelligence
économique observés dans d’autres recherches (Belmondo, 2008, El-mabrouki, 2007).
L’entreprise Technotech possède une cellule de veille dédiée en interne. Malgré leur sta-
tut formel, les acteurs de cette cellule semblent difficiles à identifier et à approcher.
De même, les interactions entre cette cellule centrale et le reste de l’organisation furent
difficile à identifier car extrêmement complexes. Une grande partie de ces interactions
est informelle, irrégulière et emprunte différents supports (mails, réunions, téléphone,
etc.).
Le système de veille possède un statut formel chez Technotech. Il est officiellement or-
ganisé en trois cellules de veille principales à travers l’entreprise et coordonnées par une
cellule de veille centrale (en corporate). Cette cellule centrale reçoit ses directives du
directeur stratégie dont elle dépend hiérarchiquement. Le système est globalement sou-
tenu par le top management dont il reçoit régulièrement des requêtes directes ou indi-
rectes .
Le rôle de cette cellule centrale est de gérer toutes les informations de veille provenant
des veilleurs dans l’entreprise. Cette cellule est également censée coordonner les autres
cellules de veille et faire le lien entre ces derniers et la stratégie. Ainsi, la cellule coor-
donne les équipes de veilleurs dans les trois principales structures de l’entreprise, à sa-
voir les 3 BU (Business Unit) de l’entreprise.
2.2 Les acteurs de la veille
Nous avons classés les acteurs de la veille dans l’entreprise en trois catégories (selon
leurs activités de veille) : les veilleurs formels (regroupant les veilleurs temps plein et
mi-temps), les veilleurs informels et les veilleurs potentiels.
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