JurisClasseur Pratique notariale Février 2014
Comment rédiger une transaction ?
Les écueils à éviter.
Par Maître Haïba OUAISSI
Avocat Associé Cabinet Cassius Partners
Maître de Conférences auprès des Facultés de droit
Membre du Centre de Recherches Individus Justice Entreprises (CRIJE)
1. Aperçu rapide
1.1. Éléments-clés
Les articles 2044 et suivants du Code civil soumettent la transaction à diverses règles.
La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou
préviennent une contestation à naître au moyen de concessions réciproques.
Les juges du fond apprécient de manière souveraine l’existence de concessions réciproques qui
impliquent que les accords des parties sont qualifiés de transaction. Les dispositions convenues
ne doivent pas être contraires à l’ordre public.
La transaction ne peut avoir d’effet que si au moment elle est conclue, le salarié ne se
trouve plus sous la direction et le contrôle de l’employeur.
La transaction bénéficie de l’autoride la chose jugée en dernier ressort, ce qui signifie que
l’affaire est définitivement réglée par la transaction et qu’il n’est plus possible de venir la
contester devant un tribunal.
La transaction ne met fin au litige que sous réserve de son exécution. Elle ne peut donc être
opposée par l’une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions.
La transaction est gouvernée par l’effet relatif des contrats qui interdit aux tiers de se prévaloir
de l’autorité d’une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus. Un tiers peut néanmoins
invoquer la renonciation à un droit contenu dans la transaction.
Si la date portée sur la transaction n’est pas celle à laquelle elle a été signée, le juge du fond
doit rechercher à quelle date elle a été effectivement conclue.
1.2. Textes
C. civ., art. 2044 à 2058
2. Préparation de l’acte
2.1. Mise au point de la stratégie avec le client
2.1.1. Analyse de l'objectif du client
Afin d'éviter les lenteurs de la justice, les incertitudes sur l'issue du litige, les manœuvres
dilatoires et les frais de procédure, les parties recourent à ce mécanisme contractuel qu'est la
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transaction pour régler leur différend.
Extinction du droit d'agir en justice. - Par l'effet de la transaction, l'action en justice
relative au droit litigieux est éteinte. Le juge n'a pas le pouvoir de trancher la contestation à
laquelle les parties ont mis fin. Si une instance était en cours, elle s'achève par le
dessaisissement du juge. De plus, la transaction fait obstacle à toute demande en justice
ultérieure. Si, malgré tout, une telle demande était formée, elle se heurterait à "l'exception de
transaction" (sic) empêchant le juge d'examiner l'affaire au fond.
2.1.2. Choix à exercer
Il conviendra de contrôler :
Étendue des concessions réciproques ;
Contrôler l'existence de titres décisifs ;
Contrôler l'existence de jugement passé en force de chose jugée ;
Validité des pièces ;
Validité du titre.
Concessions réciproques. - Des sacrifices réciproques sont indispensables. Toutefois, il n'est
pas nécessaire que les sacrifices réciproques soient d'égale valeur puisque la rescision pour
lésion est exclue.
Contrepartie inexistante ou dérisoire. - Si l'une des parties abandonne ses droits pour une
contrepartie inexistante ou dérisoire, il y a matière à nullité de la transaction.
<attention>
Manque à son devoir d'information et de conseil lavocat qui établit un acte de transaction sans
attirer l'attention de l'une des parties sur le fait que l'autre ne consent aucune concession.
</attention>
2.1.3. Alertes
Transaction faite en vertu d'un titre nul. - "Il y a lieu à l'action en rescision contre une
transaction lorsqu'elle a été faite en exécution d'un titre nul, à moins que les parties n'aient
expressément traité sur la nullité" (C. civ., art. 2054).
<conseil>
Ce texte appelle trois séries d'observations :
le "titre" visé par la loi doit être entendu largement ; la notion ne doit pas être limitée à
l'acte instrumentaire ; elle englobe en réalité tout acte ou fait générateur du droit invoqué
par l'une des parties à la transaction ;
la transaction n'est rescindable que si les parties - ou tout au moins l'une d'entre elles -
ont traité dans l'ignorance de la nullité du titre ;
la transaction est inattaquable lorsque les parties ont transigé sur la nullité elle-même.
</conseil>
Transaction sur pièces reconnues fausses. - "La transaction faite sur pièces qui, depuis,
ont été reconnues fausses, est entièrement nulle" (C. civ., art. 2055). Ce texte sous-entend
que les parties n'étaient pas informées de la fausseté des documents lors de la conclusion de
la transaction. En effet, la nullité doit être exclue si les parties ont transigé tout en connaissant
l'une et l'autre la fausseté des pièces ; dans ce cas, les contractants n'ont commis aucune
erreur mais ont eu, au contraire, la volonté formelle de remédier à la situation.
Par exemple, une transaction relative à une captation de testament encourt l'annulation
lorsque ce testament est faux. Mais le faux visé par la loi ne concerne que l'acte instrumentaire
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lui-même et non les faits ou actes juridiques en vertu desquels il a été établi.
Transaction après jugement. - "La transaction sur un procès terminé par un jugement
passé en force de chose jugée, dont les parties ou l'une d'elles n'avaient point connaissance,
est nulle" (C. civ., art. 2056). "Si le jugement ignoré des parties était susceptible d'appel, la
transaction sera valable". La nullité de la transaction est subordonnée à la réunion de deux
conditions.
Jugement passé en force de chose jugée. - D'une part, un jugement "passé en force de
chose jugée" est nécessaire. Cette expression s'entend du jugement qui n'est susceptible
d'aucun recours suspensif d'exécution (CPC, art. 500). Lorsque l'appel est possible (C. civ., art.
2056, al. 2), il y a encore matière à litige et par conséquent, à transaction. La même solution
s'impose pour le jugement susceptible d'opposition.
Ignorance des parties. - D'autre part, il faut que le jugement qui tranche le litige faisant
l'objet de la transaction ait été ignoré des parties ou de l'une d'entre elles. Autrement dit, la
transaction a été conclue alors que, à l'insu de l'un des intéressés au moins, il n'existe plus de
contestation. Les droits reconnus par un jugement passé en force de chose jugée peuvent
cependant faire l'objet d'une transaction valable si la partie qui a obtenu cette décision
souhaite se soustraire aux difficultés que pourrait soulever son exécution.
Transaction suivie de la découverte de titres décisifs. - Il convient de distinguer deux
situations.
Celle où les parties ont transigé sur toutes les affaires litigieuses qu'elles pouvaient avoir entre
elles. La règle est que la découverte de titres inconnus lors de la transaction n'est pas une
cause de rescision de l'opération. Toutefois, la nullité est encourue si les pièces ont été
retenues "par le fait de l'une des parties".
Dans la seconde hypothèse "la transaction serait nulle si elle n'avait qu'un objet sur lequel il
serait constaté, par des titres nouvellement découverts, que l'une des parties n'avait aucun
droit". La nullité suppose donc une contestation particulière. Elle doit être prononcée alors
même que les pièces n'auraient pas été dissimulées par le fait de l'un des intéressés. Encore
faut-il que ces pièces anéantissent le droit de l'un d'entre eux (C. civ., art. 2057).
2.2. Vérifications préalables
Il conviendra de contrôler :
Capacité des parties ;
Existence d'une contestation ;
Intention de mettre fin au litige ;
Libre disposition des droits, objet de la transaction.
2.2.1. Parties à l'acte
Capacité. - La transaction est un contrat qui, conformément au droit commun, suppose un
accord de volontés des parties ; celles-ci doivent donc avoir la capacité de contracter. Comme
elle est un acte de disposition grave, elle suppose un système de représentation ou
d'assistance lorsqu'elle concerne un mineur non émancipé ou un majeur protégé.
Mandataire conventionnel. - Certains mandataires professionnels sont assez fréquemment
appelés à transiger. Ils doivent pour cela y être habilités par le mandat qui leur a été donné.
En revanche, le pouvoir de transiger des assureurs et experts demeure régi pour une large
part par les solutions traditionnelles du Code civil.
<attention>
Si le mandataire a été au-delà de ce que son mandant lui a permis de faire, la transaction sera
maintenue (CPC, art. 417). Mais la responsabilité professionnelle du mandataire infidèle pourra
être mise en œuvre.
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</attention>
Assurance. - Une clause spéciale du contrat d'assurance "responsabilité" est nécessaire pour
que l'assureur ait le pouvoir de transiger avec la victime du dommage. Cette clause a pour
effet majeur de rendre inopposable à l'assureur la transaction conclue directement par l'assuré
avec la victime.
Expert. - Il ne saurait transiger au nom de l'une des parties. Il n'y est autorisé que s'il est
muni d'un pouvoir spécial. À défaut, l'expert ne peut que conseiller un accord ; la conclusion
de la transaction suppose une intervention des parties elles-mêmes.
Absent. - La représentation du présumé absent et l'administration de ses biens sont soumises
aux règles applicables à l'administration légale sous contrôle judiciaire telle qu'elle est prévue
pour les mineurs (C. civ., art. 113). L'administrateur ne peut donc transiger au nom de
l'absent qu'avec l'autorisation du juge des tutelles (V. JCl. Notarial Formulaire, V° Absence,
fasc. 10).
Héritier ayant accepté à concurrence de l'actif net. - Il semble que l'héritier qui a accepté
à concurrence de l'actif net, l'héritier bénéficiaire suivant l'ancienne terminologie, administre
son propre bien et non celui d'autrui. Dans ces conditions, il convient de lui reconnaître le droit
de conclure une transaction. Et ceci sans avoir à solliciter une autorisation de justice ou le
consentement des créanciers et légataires.
Procédures collectives. - Le débiteur peut transiger seul si le litige a un caractère
strictement personnel, par exemple une action en réparation d'un préjudice matériel ou moral.
En dehors de cette hypothèse, une transaction ne peut être envisagée par le débiteur,
l'administrateur ou le liquidateur qu'avec l'autorisation du juge-commissaire (C. com., art. L.
642-24 et L. 622-7). De plus, en cas de liquidation judiciaire, la transaction est soumise à
l'homologation du tribunal si son objet est d'une valeur indéterminée ou excède la compétence
en dernier ressort de ce tribunal (C. com., art. L. 642-24, al. 2).
Sociétés. - De nombreux textes précisent les pouvoirs des dirigeants de sociétés (C. civ., art.
1849 et C. com., art. L. 221-4 et L. 221-5, L. 222-2, L. 223-18 et L. 225-64). Pour être
valable, la transaction conclue au nom de la société doit être conforme à l'objet social.
Toutefois, s'agissant de la société à responsabilité limitée, "dans les rapports avec les tiers, la
société est engagée même par les actes qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle
ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte
tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer
cette preuve" (C. com., art. L. 223-18, al. 5). Des dispositions analogues sont applicables aux
sociétés anonymes (C. com., art. L. 225-64, al. 2).
Consentement des parties. - La transaction suppose le consentement des parties. Elle n'est
valable que si ce consentement existe vraiment et n'est pas vicié. La nullité de la transaction
pour vice du consentement est régie par des textes spéciaux. La transaction peut être
rescindée pour "dol ou violence" (C. civ., art. 2053, al. 2). L'erreur "dans la personne ou sur
l'objet de la contestation" permet d'attaquer la transaction (C. civ., art. 2053, al. 1er), "l'erreur
de droit" n'est pas une cause de nullité (C. civ., art. 2052, al. 2). À cela s'ajoute que "l'erreur
de calcul dans une transaction doit être réparée" (C. civ., art. 2058).
La rescision pour lésion est exclue (C. civ., art. 2052, al. 2).
<attention>
La transaction n'est pas valable si elle a été faite en exécution d'un titre nul (C. civ., art. 2054)
ou sur des pièces qui depuis ont été reconnues fausses (C. civ., art. 2055). La même solution
est applicable à la transaction intervenue dans l'ignorance d'un jugement passé en force de
chose jugée (C. civ., art. 2056) ou de titres décisifs (C. civ., art. 2057).
</attention>
Intention de mettre fin au litige. - Il est indispensable que les parties aient eu réellement
l'intention de mettre un terme à leur litige.
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2.2.2. Nécessité d'une contestation
Contestation née ou à naître. - La transaction suppose une contestation née ou à naître (C.
civ., art. 2044).
Transaction judiciaire. - La transaction est réalisable à tous les stades de la procédure.
<attention>
La transaction peut, au gré des intéressés, être totale ou partielle. Dans ce dernier cas, le
procès continue sur les points litigieux non réglés.
</attention>
Transaction extrajudiciaire. - Dans ce cas, les parties trouvent elles-mêmes une solution à
leur différend et évitent ainsi de le porter en justice. Pour cela, il est nécessaire qu'un droit
acquis soit en cause. La transaction est inconcevable lorsque le différend a trait à un droit
éventuel ou à une simple expectative.
2.2.3. Validité de la transaction
Objet de la transaction. - Tout droit pouvant donner lieu à un litige est susceptible de
transaction. Mais il va de soi que les parties ne sauraient transiger sur des droits dont elles
n'ont pas la libre disposition (C. civ., art. 1128).
Droits extrapatrimoniaux. - Les droits extrapatrimoniaux sont hors du commerce. Par
conséquent, les litiges relatifs à l'état des personnes ne peuvent être réglés par voie de
transaction. La solution est indiscutable en matière de filiation.
Droits inaliénables. - Les droits patrimoniaux inaliénables ne sont pas susceptibles de
transaction. Aussi convient-il par exemple d'exclure du domaine de la transaction les pensions
alimentaires s'il s'agit de droits alimentaires à venir. Elle doit en revanche être validée
lorsqu'elle porte sur des arrérages échus.
Les biens qui sont inaliénables en vertu de la loi ou de la convention ne peuvent faire l'objet
d'une transaction : biens dépendant du domaine public...
Ordre public. - Le titulaire d'un droit ayant un caractère d'ordre public ne peut normalement
y renoncer. La transaction est bien évidemment nulle lorsque l'une des parties renonce par
avance à l'exercice d'une prérogative d'ordre public. En revanche, elle est valable si le droit en
question est né ou aurait déjà pu être exercé.
Baux. - La matière du louage d'immeuble, baux à loyer, baux commerciaux et baux ruraux, ne
constitue pas un terrain favorable à la transaction ; en effet, la réglementation comporte de
nombreuses dispositions présentant un caractère impératif.
<conseil>
Toutefois la distinction rappelée au paragraphe précédent permet de transiger lorsque le droit
est né. Ainsi, le titulaire du droit au renouvellement d'un bail rural ou commercial ne peut y
renoncer à l'avance ; il peut le faire lorsque le renouvellement lui est acquis.
</conseil>
Contrat de travail. - S'agissant des relations du travail, le domaine d'application de la
transaction est très réduit, la matière étant régie pour l'essentiel par des dispositions
impératives.
La nullité d'une transaction doit être prononcée :
lorsque l'opération porte sur la résiliation du contrat de travail en l'absence de
licenciement intervenu dans les formes légales ;
lorsque les parties ont artificiellement qualifié de période d'essai un contrat de travail à
durée indéterminée.
La transaction ne peut concerner que des droits acquis, par exemple les salaires échus.
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