Analyse de l`effet de l`orientation régulatrice sur le traitement de l

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Analyse de l’effet de l’orientation régulatrice sur le traitement de
l’information contre-attitudinale
Anis Chtourou*
Attaché temporaire d’enseignement et de recherche
Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand II)
* 104, avenue du peuple belge, 59043 Lille
[email protected]
0651922507
Analyse de l’effet de l’orientation régulatrice sur le traitement de l’information contreattitudinale
Résumé :
Cette contribution s’intéresse à l’impact de l’orientation régulatrice sur le processus de
traitement de l’information contre-attitudinale. Les résultats de cette recherche suggèrent que
les messages orientés promotion engendrent davantage de similarité perçue et de crédibilité
perçue mais moins d’effort cognitif, comparés aux messages orientés prévention. Ainsi, l’effet
de la congruence régulatrice affecte uniquement la similarité perçue.
Mots-clés : information contre-attitudinale, orientation régulatrice, comportement du
consommateur
Analysis of the effects of regulatory focus on the processing of counterattitudinal
information
Abstract :
This paper focus on the impact of regulatory focus on the process of counterattitudinal
information. The results show that promotion-oriented messages generate more perceived
similarity and perceived credibility but less cognitive effort, compared to prevention-oriented
messages. Thus, the effect of regulatory fit affects only the perceived similarity.
Key-words: counterattitudinal information, regulatory focus, consumer behavior
Analyse de l’effet de l’orientation régulatrice sur le traitement de l’information contreattitudinale
Introduction
Le consommateur reçoit tous les jours des messages commerciaux de marques concurrentes.
Ces informations ambitionnent, particulièrement, de conquérir des clients déjà attachés à leurs
marques préférées. Les programmes de fidélité mis en place par les entreprises, sont justement
destinés à conserver leur clientèle le plus longtemps possible tandis que les marques
concurrentes tentent de les attirer. La compréhension de l’impact des publicités contreattitudinales s’invite dans ce contexte mais reste à améliorer.
La réactions des individus à une tentative de persuasion d’une marque concurrente a fait
l’objet de nombreux travaux en psychologie (Ditto & al., 1998) et en marketing (Ahluwalia,
2000 ; Maheswaran et Shailendra, 2000). La majorité de ces recherches s’accorde sur
l’activation d’une motivation défensive lorsque l’individu s’expose aux informations pouvant
changer sa structure attitudinale (Ditto et Lopez, 1992). Par conséquent, le message contreattitudinal est susceptible d’engendrer une résistance du consommateur et des réactions
intenses qui peuvent aller jusqu’au dénigrement de la marque concurrente (Ditto & al., 1998).
En tout état de cause, la motivation joue un rôle prépondérant pour expliquer la réaction des
individus aux tentatives de persuasion (Kunda, 1990). Elle a principalement été mesurée à
travers la notion de l’implication (Chaiken et Trope, 1999). La majorité des travaux antérieurs
ne prend en considération qu’une infime partie de la complexité et de l’étendue des
motivations, pourtant très importantes dans la prise de décision. En effet, l’implication ne
s’intéresse qu’à l’intensité et la nature de la motivation et ne se préoccupe pas de son
orientation. Par conséquent, prendre en considération les motivations d’approche-évitement
présente un intérêt considérable dans l’optique de comprendre la perception et le traitement de
1
l’information contre-attitudinale. La théorie de l’orientation régulatrice est au cœur du
principe approche-évitement (Gomez, Gavard-Perret et Mariani, 2010). Elle stipule
l’existence de deux routes motivationnelles engendrant des processus de traitement de
l’information différenciés (Gavard-Perret & al., 2012). De ce fait, les individus orientés
promotion cherchent à obtenir un résultat positif, tandis que ceux orientés prévention
cherchent à éviter un résultat négatif (Higgins, 2002). Par ailleurs, l’orientation régulatrice a
été étudiée dans la littérature comme une variable individuelle chronique ou comme une
variable contextuelle (Pham et Higgins, 2005). L’adéquation entre les deux formes de
l’orientation régulatrice, appelée congruence régulatrice, engendre un sentiment de bien être
provoquant une plus grande facilité du traitement de l’information (Wang et Lee, 2006).
Cette recherche s’intéresse donc à l’influence directe de l’orientation régulatrice du message
sur le l’effort cognitif consacré au traitement de l’information contre-attitudinale, la crédibilité
perçue et la similarité perçue entre la marque préférée et la marque concurrente. L’effet de la
congruence régulatrice sur le processus de traitement de l’information sera ainsi étudié. À la
suite de la présentation du cadre conceptuel de cette recherche, seront posés les hypothèses et
la méthodologie. Les résultats issus de cette recherche sont confrontés aux champs théoriques
mobilisés. Une discussion des contributions et des limites de la recherche sera exposée.
1. Revue de littérature
Les fondements théoriques de cette recherche se composent de deux parties. Dans un premier
temps, nous présentons une revue des premiers travaux relatifs au processus de traitement de
l’information contre-attitudinale. Dans un deuxième temps, la mise en avant de la théorie de
l’orientation régulatrice donne l’opportunité de discuter la nature de son influence sur le
comportement des individus et sur la perception d’une communication publicitaire sur une
marque concurrente.
2
1.1. Le processus de traitement de l’information contre-attitudinale
La littérature relative au traitement de l’information contre-attitudinale s’intéresse
principalement au rôle de la motivation défensive afin de justifier la préférence du
consommateur aux informations congruentes avec son attitude (Maheswaran et Shailendra,
2000 ; Kunda, 1990). Ainsi, comme le souligne Ahluwalia, Burnkrant et Unnava (2000), une
communication perçue comme pouvant affecter l’équilibre du système entraîne un rejet et
engendre un traitement analytique de l’information. En revanche, une information congruente
avec les préférences antérieures d’une personne engendre un sentiment positif qui se traduit
par une plus grande facilité du traitement de l’information (Ditto & al., 1998).
Dans le cas d’une motivation défensive, le traitement de l’information de l’individu sera
biaisé et affecté par le désir d’arriver à une conclusion particulière. Par exemple, lorsqu’un
individu est exposé à une information sur une marque concurrente, sa stratégie de lecture du
message publicitaire peut être affectée par sa motivation de défendre une attitude préexistante
envers sa marque préférée (Maheswaran et Shailendra, 2000). En tout état de cause, lorsqu’un
individu émet un jugement sur un nouveau produit, il peut comparer ce dernier à un autre tout
en formulant une hypothèse de départ. Cette dernière peut stipuler, par exemple, que le
produit A est meilleur que le produit B (Montgomery, Raju et Unnava, 2008). Une fois
l’hypothèse fixée, l’individu, se basant sur les informations stockées dans sa mémoire,
cherche les éléments qui permettent de la soutenir (Mussweiler, 2003 ; Sanbonmatsu & al.,
2005). Montgomery, Raju et Unnava (2008) ont montré que les consommateurs diffèrent sur
les hypothèses qu’ils choisissent de tester lors de leurs expositions à un message publicitaire
sur une marque concurrente. En effet, les consommateurs ayant une forte motivation défensive
vont tester l’hypothèse que leur marque préférée est différente de la marque concurrente et
mettre en avant ce qu’elle peut avoir de plus par rapport à la marque concurrente. En
revanche, les consommateurs ayant une faible motivation défensive vont percevoir la marque
3
concurrente comme une alternative acceptable offrant au moins les mêmes avantages que la
marque préférée. En conséquence de quoi, ils vont tester l’hypothèse que les deux marques
sont similaires.
Les recherches antérieures se sont caractérisées par une prise en compte restrictive des
variables motivationnelles pour justifier le comportement des individus. Elles peinent à
expliquer ce qui pousse l’individu à adopter une motivation défensive pour maintenir une
attitude préexistante. Mettre l’accent sur les mécanismes d’autorégulation des comportements
pour expliquer le traitement de l’information contre-attitudinale semble d’importance. Dans ce
sens, prendre en considération les stratégies d’approche-évitement représente une alternative
permettant de mieux comprendre le traitement des informations contre-attitudinales.
1.2. La théorie de l’orientation régulatrice
Le système motivationnel est au centre de la théorie de l’orientation régulatrice. En effet, afin
d’atteindre un but, les individus utilisent des stratégies de promotion qui reflètent un besoin
d’approche, ou de prévention qui reflètent un besoin d’évitement. L’orientation promotion est
relative aux besoins d’accomplissement et d’avancement et pousse les individus à rechercher
des gains. L’orientation prévention, quant à elle, est associée aux besoins de sécurité et pousse
les individus à éviter des pertes (Higgins, 2002). Il n’en demeure pas moins que les individus
ayant une orientation prévention dominante s’appuient sur des informations qui conduisent à
des décisions moins risquées et raisonnables, et inversement pour les individus orientés
promotion (Avnet et Pham, 2004).
La théorie de l’orientation régulatrice présente ainsi de multiples intérêts. Elle permet,
d’abord, de mieux cerner les interactions entre l’aspect cognitif et motivationnel de la prise de
décision. Elle découle, ensuite du principe d’approche-évitement, très documenté en
comportement du consommateur et en psychologie (Higgins, 2000). Elle explique donc la
4
manière par laquelle les motivations inconscientes influencent les facultés de raisonnement les
plus élaborés (Gomez, Gavard-Perret et Mariani, 2010). Finalement, de plus en plus de
recherches dans le domaine de la persuasion s’intéressent au rôle de l’orientation régulatrice
dans l’étude de l’efficacité de la communication publicitaire (Aaker et Lee, 2001 ; Higgins &
al., 2001). Dans la littérature, l’orientation régulatrice a été étudiée comme une variable
contextuelle engendrée principalement par un message publicitaire, ou comme une variable
individuelle présente chez l’individu d’une manière continuelle et instable (Gomez, GavardPerret et Mariani, 2010). L’effet de l’adéquation entre les deux formes de l’orientation
régulatrice, appelée congruence régulatrice, a été largement documenté dans la littérature et
expérimenté à travers la variation des stimuli et des contextes (Aaker et Lee, 2001). Il ressort
de ces recherches que la congruence régulatrice génère un sentiment de bien-être pour
l’individu (Higgins & al., 2001). Ceci va renforcer son attitude, sa confiance vis-à-vis de son
choix et créer une réaction plus intense envers l’information (Avnet et Higgins, 2006). En
présence d’une congruence régulatrice, l’évaluation positive devient plus positive (Higgins,
2002). Ainsi, comme le souligne Avnet et Higgins (2006), Le consommateur est prêt à payer
un produit plus cher lorsqu’il est sélectionné d’une manière qui concorde avec son état
motivationnel. Selon Wang et Lee (2006), l’effet de la congruence régulatrice ne peut être
observé que lorsque les individus sont faiblement motivés, ce qui confirme la nature
inconsciente du phénomène.
2. Le modèle conceptuel et les hypothèses
Le cadre conceptuel de ce travail est fondé sur l’analyse de l’influence de l’orientation
régulatrice sur traitement de l’information contre-attitudinale. Trois variables ayant fait l’objet
de nombreuses recherches et décrivant la perception et le traitement de l’information ont été
sélectionnées. Il s’agit de la similarité perçue entre la marque préférée et la marque
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concurrente, l’effort cognitif consacré au traitement de l’information et la crédibilité perçue du
message publicitaire. L’objectif de cette recherche est donc d’étudier, l’impact de l’orientation
régulatrice du message sur ces trois variables et d’évaluer, par la suite, l’effet de la congruence
régulatrice sur le processus de traitement de l’information.
Orientation
régulatrice de
l’individu
H4
Similarité
perçue
Orientation
régulatrice du
message
H1 à H3
Effort cognitif
Crédibilité
perçue
Figure 1 : Le modèle conceptuel de la recherche
2.1. L’influence de l’orientation régulatrice du message sur la similarité perçue
La littérature a montré que l’orientation prévention est associée avec la préférence pour le
statu quo, la recherche de la sécurité et le rejet potentiel du changement (Liberman, Idson et
Higgins, 2005). Dans cette perspective, nous proposons que les messages orientés prévention
renforcent la motivation défensive des individus et les amènent à choisir une stratégie de
lecture de recherche des différences entre la marque préférée et la nouvelle marque. Il s’agit
pour ces individus de chercher une éventuelle défaillance de la marque concurrente et de
mettre en avant une distinction particulière de la marque préférée.
En revanche, les messages orientés promotion ont une certaine tendance à favoriser le
changement (Higgins & al., 2001). L’ouverture d’esprit envers le nouveau produit est
6
incontestablement l’une des raisons qui poussent les individus à chercher des similarités entre
leur marque préférée et la marque concurrente. Dans ce cas, l’objectif est de se persuader que
le changement vers la nouvelle marque ne provoque pas de pertes potentielles, étant donné la
similarité des produits. D’où l’hypothèse suivante :
H1 : La similarité perçue entre la marque concurrente et la marque préférée sera plus
importante pour les messages orientés promotion que pour ceux orientés prévention
2.2. L’influence de l’orientation régulatrice du message sur l’effort cognitif
Selon la théorie de l’orientation régulatrice, l’orientation promotion amènerait les
consommateurs à préférer les informations relatives à l’avancement et l’accomplissement,
tandis que l’orientation prévention favoriserait la recherche d’informations relatives à la
sécurité et à la protection (Pham et Higgins, 2005). Les individus exposés à des messages
orientés prévention cherchent, avant tout, à prendre des décisions raisonnables, réfléchies et
moins risquées. Ils prennent donc plus de temps à étudier et analyser l’information de peur de
se tromper ou de commettre des erreurs d’omission (Chaiken et Trope, 1999). De plus,
comme l’a montré Ahluwalia (2000), les messages mettant en avant une conséquence négative
retiennent davantage l’attention des individus et ont plus de poids dans l’évaluation globale
que ceux évoquant une conséquence positive. Par conséquent, les messages orientés
prévention vont probablement nécessiter un plus grand effort cognitif, résultant d’un
traitement systématique et approfondi de l’information. À l’inverse, les messages orientés
promotion déclenchent un état motivationnel plus compatible avec la prise du risque et la
recherche de l’accomplissement (Higgins, 2000). Les individus vont probablement prendre
des décisions rapides et peuvent ainsi faire confiance aux avis d’autres personnes (Chaiken et
Trope, 1999). Les individus exposés aux messages orientés promotion vont donc s’engager
7
dans un traitement heuristique de l’information, nécessitant moins d’effort cognitif. Il est donc
possible de stipuler à ce niveau que :
H2 : L’effort cognitif consacré au traitement de l’information publicitaire sera plus important
pour les messages orientés prévention que pour ceux orientés promotion.
2.3. L’influence de l’orientation régulatrice du message sur la crédibilité perçue
Les messages orientés prévention suscitent plus de prudence et de vigilance car ils mettent
l’accent sur une conséquence négative. Les individus auront donc plus tendance à opter pour
des stratégies d’évitement pour minimiser l’occurrence des pertes et des erreurs (Pham et
Higgins, 2005). Ils vont probablement davantage discréditer le message contre-attitudinal et
remettre en cause sa crédibilité. Les messages orientés promotion, quant à eux, sont associés
avec des stratégies d’accomplissement étant donné qu’ils mettent en avant l’obtention d’une
conséquence positive. Les individus seront plus ouverts au changement et moins méfiants
envers ce type de message. Par conséquent, ils vont moins remettre en cause la crédibilité de
l’information publicitaire contre-attitudinale. D’où l’énoncé de l’hypothèse suivante :
H3 : La crédibilité perçue de l’information publicitaire sera plus importante pour les
messages orientés promotion que pour ceux orientés prévention.
2.4. L’influence de la congruence régulatrice sur le traitement de l’information
L’adéquation entre l’orientation régulatrice des individus et l’orientation du message renforce
la confiance des individus envers leur évalution et leur décision. Elle permet ainsi d’améliorer
l’attitude envers l’information publicitaire ainsi que le pouvoir persuasif de la communication
(Avnet et Higgins, 2006). Elle peut donc faciliter le traitement de l’information et améliorer la
perception du message publicitaire contre-attitudinal. Ces affirmations permettent de formuler
les hypothèses suivantes :
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H4.1 : La similarité perçue entre la marque préférée et la marque concurrente sera plus
importante si l’orientation du message et l’orientation de l’individu sont congruentes que si
elles ne le sont pas.
H4.2 : L’effort cognitif sera moins important si l’orientation du message et l’orientation de
l’individu sont congruentes que si elles ne le sont pas.
H4.3 : La crédibilité perçue sera plus importante si l’orientation du message et l’orientation de
l’individu sont congruentes que si elles ne le sont pas.
3. Méthodologie
Afin de tester le modèle conceptuel, trois produits ont été sélectionnés : crème solaire NIVEA,
dentifrice Colgate et jus d’orange JOKER. Ces produits ont déjà fait l’objet de quelques
travaux empiriques (Aaker et Lee, 2001). Pour chaque produit, deux messages publicitaires
ont été créés : un message orienté promotion et un autre orienté prévention (annexe 1).
Conformément aux travaux de Zhao et Pechmann (2007), un pré-test a été effectué afin de
s’assurer que les deux messages créés pour chaque produit sont perçus comme différents en
termes d’orientation. Ce pré-test consiste à vérifier que l’orientation promotion engendre
davantage des émotions liées à l’exaltation, comme la joie, la gaieté et le bonheur, tandis que
l’orientation prévention engendre davantage des émotions liées à la tranquillité, comme le
soulagement, le calme et la détente. Les résultats ont montré que les messages créés sont
perçus différemment en thermes d’orientation. En effet, les émotions liées à l’exaltation sont
plus importantes pour les messages orientés promotion que pour ceux orientés prévention (t =
11,52 ; p < 0,05) tandis que les émotions liées à la tranquillité sont plus importantes pour les
messages orientés prévention que pour ceux orientés promotion (t = -13,12 ; p < 0,05). Par
ailleurs, un deuxième pré-test effectué a permis de montrer que la catégorie des produits n’a
aucun impact sur les variables dépendantes de notre modèle conceptuel.
9
Cette recherche a été menée à l’aide d’un questionnaire en ligne publié dans des forums
spécialisés pour consommateurs. L’enquête a été réalisée en deux temps. Lors de la première
phase, les individus répondent aux questions relatives à leur marque préférée et leur
orientation régulatrice. Seuls les répondants ayant des marques préférées différentes de celles
choisies pour cette recherche ont été recontactés pour participer au reste de l’enquête. Dans la
deuxième phase, l’individu est exposé à l’une des deux photos correspondant à la marque
concurrente de sa marque de prédilection. In fine, 190 personnes ont été interrogées. Parmi
eux 94 ont été exposés aux messages orientés promotion et 96 ont été exposés aux messages
orientés prévention. L’échelle de mesure du questionnaire relative à l’orientation régulatrice
des individus est issue de l’étude de Gavard-Perret & al. (2012). Elle est composée de 4 items
pour l’orientation prévention à l’exemple de
« Je cherche à atteindre ce que les autres
attendent de moi » et 4 items pour l’orientation promotion à l’exemple de « Je pense souvent à
comment atteindre ce que je désire ». Cette échelle présente une bonne validité convergente
malgré un niveau de fiabilité assez faible (ρ de Jöreskog promotion= 0,638 ; ρ de
Jöreskog prévention= 0,467). Conformément aux recherches de Gavard-Perret & al. (2012), elle a
été transformée en variable dichotomique dans le but de détecter l’orientation régulatrice
dominante pour chaque individu, et ce, en soustrayant l’orientation prévention de l’orientation
promotion pour chaque sujet. Des valeurs positives reflètent une orientation promotion
dominante. Afin de mesurer la similarité perçue, nous avons repris l’échelle développée par
Walsh et Mitchell (2005), composée de trois items, et l’avons adaptée au contexte de cette
recherche. L’effort cognitif a été mesuré au moyen de l’échelle proposée par Griffin & al.
(2002). Concernant la crédibilité perçue, elle a été mesurée avec l’échelle développée par
Loda et Coleman (2005). Un autre item issu de l’étude de Larceneu (2001) a été incorporé
étant donné sa concordance avec le contexte de cette recherche. Il s’agit de « Cette publicité
sur Colgate est fiable ». Les échelles ont
fait l’objet d’une procédure de validation
10
quantitative à travers une analyse exploratoire et une analyse confirmatoire. Les résultats des
analyses en composantes principales, réalisées sur un échantillon de 69 personnes, ont permis
de vérifier la structure unidimensionnelle et la fiabilité des construits. L’indicateur alpha de
Cronbach varie entre 0,73 et 0,94 selon les échelles, ce qui confirme la fiabilité interne de tous
les instruments de mesure utilisés dans cette recherche (annexe 2). L’analyse factorielle
confirmatoire, effectuée sur l’échantillon final, a abouti à la suppression de deux items du
construit effort cognitif et un item du construit crédibilité perçue à cause de leurs faibles
contributions standardisées. Le modèle retenu présente des indices d’ajustement très
satisfaisants (Chi² = 31,99 ; p > 0,01 ; RMSEA = 0,01). La fiabilité des échelles de mesure est
satisfaisante avec des coefficients de cohérence interne (ρ) supérieur à 0,7 pour tous les
construits. Le rhô de la validité convergente (ρvc), est supérieur à 0,5, ce qui permet d’établir
la validité convergente du construit (annexe 2). La validité discriminante est enfin vérifiée
étant donné que la racine carré du rhô de la validité convergente est supérieure à la plus forte
corrélation entre ces trois variables (r = 0,49 entre la similarité perçue et la crédibilité perçue).
4. Résultats
L’objectif de cette recherche consiste à étudier l’influence directe et indirecte de l’orientation
régulatrice du message publicitaire sur le processus de traitement de l’information contreattitudinale. Des tests t de Student ont été effectués afin d’examiner les différences au niveau
de traitement de l’information provoquées par l’orientation régulatrice du message. Les
résultats montrent une différence significative entre la stratégie de lecture engendrée par les
messages orientés promotion et par les messages orientés prévention (t = 10,24 ; p < 0,05). En
effet, les individus vont percevoir plus de similarités entre leur marque préférée et la marque
concurrente lorsque le message publicitaire est orienté promotion (M = 5,38) que lorsqu’il est
orienté prévention (M = 4,20). À la lumière de ces résultats, l’hypothèse H1 peut être validée.
11
Par ailleurs, une relation significative a été constatée entre l’orientation régulatrice du message
et l’effort cognitif (t = -10,04 ; p < 0,05). Les messages orientés prévention provoquent
davantage d’effort cognitif (M = 5,22), comparés à ceux orientés promotion (M = 4,27). Le
traitement de l’information contre-attitudinale diffère selon l’orientation régulatrice du
message. L’hypothèse H2 peut donc être confirmée. De même, la crédibilité perçue de
l’information peut être affectée par l’orientation régulatrice du message publicitaire (t =
16,26 ; p < 0,05). En effet, les messages orientés promotion sont perçus comme plus crédibles
(M = 4,10) que ceux orientés prévention (M = 2,67), ce qui permet de valider l’hypothèse H3.
L’effet de la congruence régulatrice a été testé au moyen d’analyse de variance à deux
facteurs. Les résultats révèlent une relation significative entre la similarité perçue et
l’interaction entre l’orientation du message et l’orientation des individus (F = 6,75 ; p < 0,05).
Ainsi, la similarité perçue entre la marque préférée et la marque concurrente est diminuée
lorsque l’orientation du message est devenue non congruente avec l’orientation des individus.
En effet, la moyenne des similarités perçues est passée de M = 5,49 à M = 5,15 pour les
messages orientés promotion et de M = 4,28 à M = 3,98 pour les messages orientés prévention
(figure 2). Suite à ces résultats, l’hypothèse H4.1 peut être validée.
Figure 2 : L’effet de la congruence régulatrice sur la similarité perçue
12
Finalement, l’effet de la congruence régulatrice n’a pu être détecté ni sur l’effort cognitif (F =
0,42 ; p > 0,05), ni sur la crédibilité perçue (F = 0,20 ; p > 0,05), ce qui nous invite à rejeter
les hypothèses H4.2 et H4.3.
5. Discussion et voies de recherche
Ce travail met en évidence le rôle prépondérant de l’orientation régulatrice du message dans la
perception du message publicitaire. Les messages orientés prévention suscitent chez l’individu
des motivations d’évitement. Ces motivations sont associées avec l’expérimentation
d’émotions liées aux anxiétés. Les individus vont donc privilégier le statu quo, évitant le
risque de changement de marque. Les arguments publicitaires sont perçus comme une menace
qui implique une motivation de défendre l’attitude initiale via des réponses cognitives
biaisées. L’orientation prévention du message engendre davantage une stratégie de lecture qui
consiste à rechercher des différences entre la marque préférée et la marque concurrente, ce qui
reflète une forte motivation d’évitement vis-à-vis de la marque concurrente. L’orientation
promotion, quant à elle, amène l’individu à rechercher les similarités entre sa marque préférée
et la marque concurrente. Son objectif est d’arriver à la conclusion que la marque concurrente
est acceptable et peut être vue comme une alternative intéressante en offrant au moins les
mêmes avantages que la marque préférée. Les informations orientées promotion engendrent
donc une perception plus favorable à l’égard de la marque concurrente.
De plus, selon les résultats, l’orientation régulatrice affecte le style de traitement de
l’information. En effet, l’orientation promotion amènerait les consommateurs à préférer les
informations relatives à l’avancement et l’accomplissement. Les messages orientés promotion
mettent en avant l’obtention d’un résultat positif si le message est suivi. Ce résultat reflète un
état désiré par l’individu. Par conséquent, ce dernier sera moins prudent vis-à-vis de
l’information. Le traitement de l’information s’effectue donc avec moins d’effort cognitif. Les
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messages orientés prévention, quant à eux, suscitent une plus grande vigilance de la part des
consommateurs. Ils mettent en avant l’obtention d’un résultat négatif si le message n’est pas
suivi. Éviter un résultat négatif est ainsi considéré comme un devoir. Ces messages sont donc
associés avec un plus grand effort cognitif. Le style de traitement de l’information provoqué
par l’orientation prévention encourage le traitement en profondeur de l’information, plutôt que
son traitement superficiel. Ces résultats corroborent avec la littérature qui met l’accent sur le
traitement central de l’information lorsque le consommateur se montre vigilant envers
l’information (Chaiken et Trope, 1999).
Cette recherche montre ainsi que les informations sont perçues peu crédibles lorsque le
message est orienté prévention. Ceci est expliqué par le fait que les messages orientés
prévention suscitent davantage de méfiance. Ils amènent les individus à adopter une stratégie
défensive visant à repousser la tentative de persuasion et remettre en cause la fiabilité de
l’information
L’un des objectifs de cette recherche consiste à montrer que la congruence régulatrice facilite
le traitement de l’information contre-attitudinale. Une littérature robuste met en avant une
influence positive de la congruence régulatrice sur l’efficacité persuasive du message (Aaker
et Lee, 2001). Les résultats obtenus n’ont pas permis de valider toutes les hypothèses
concernant l’impact de la congruence régulatrice. Ils semblent contradictoires avec les
recherches antérieures sur la congruence régulatrice qui mettent en évidence une plus grande
facilité de traitement de l’information et une amélioration de la persuasion (Higgins & al.,
2001). Parmi les raisons pouvant expliquer les résultats insuffisants, la forte implication peut
affecter l’impact de la congruence régulatrice. En effet, selon Wang et Lee (2006), l’effet de la
congruence régulatrice n’est envisageable que lorsque les individus sont faiblement impliqués.
Dans cette recherche, les individus sont très susceptibles d’être fortement impliqués car ils
sont exposés aux informations susceptibles de changer leur structure attitudinale.
14
Cette recherche a montré que les informations orientées promotion sont plus efficaces que
celles orientées prévention. En effet, les messages orientés promotion engendrent une plus
grande facilité pour le traitement de l’information. Malgré l’importance de la congruence
régulatrice, il est primordial de souligner que dans le contexte de la persuasion, cibler les
clients d’autres entreprises avec des informations congruentes ne devrait pas être une priorité
pour l’entreprise car un message orienté promotion et non congruent avec l’orientation de
l’individu reste plus efficace qu’un message orienté prévention et congruent, à l’exemple de la
similarité perçue qui est plus élevée pour les messages orientés promotion et non congruents
que ceux orientés prévention et congruents.
Plusieurs voies de recherche peuvent être explorées, à l’exemple des recherches sur le principe
de l’autorégulation. La littérature a montré que la congruence régulatrice engendre un bien
être qui se traduit par une plus grande facilité du traitement de l’information. Cependant, ces
résultats ne prennent pas en considération d’autres paramètres qui peuvent, eux aussi, affecter
le rôle de la congruence régulatrice. Par exemple, lorsque l’individu se rend compte que le
sentiment de « bien-être » a faussé son jugement, il peut procéder à des corrections et des
rectifications afin de régler le biais potentiel (Higgins & al., 2001). Il serait donc judicieux
d’approfondir les recherches sur l’autorégulation et de voir comment le consommateur peut
rectifier son jugement et l’adapter en fonction de ses connaissances. Par ailleurs, il pourrait
être intéressent de prendre en considération davantage de variables, comme l’engagement
affectif envers la marque préférée et besoin cognitif, afin de mieux cerner le traitement de
l’information contre-attitudinale.
15
Bibliographie :
Aaker J.L., et Lee A.Y. (2001), "I" seek pleasures and "we" avoid pains: The role of selfregulatory goals in information processing and persuasion, Journal of Consumer Research,
28, 33-49.
Ahluwalia R. (2000), Examination of psychological processes underlying resistance to
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18
Annexe 1 : les stimuli sélectionnés
Orientation régulatrice du message publicitaire
Produit
Orientation promotion
Orientation prévention
Dentifrice
Colgate
Crème
solaire
NIVEA
Jus
d’orange
JOKER
19
Annexe 2 : Synthèse des analyses factorielles exploratoires et de l’analyse confirmatoire
Construit
Analyse en composantes principales
F1
Str1 Ma marque préférée et la marque Colgate sont tellement
Similarité similaires qu’il est difficile de les distinguer
perçue Str2 J’ai du mal à différencier ma marque préférée et la marque
Colgate tant elles sont similaires
Str3 Ma marque préférée et la marque Colgate sont tellement
similaires qu’on croirait qu’elles sont produites par le même
fabricant
Eff1 Après avoir réfléchi aux arguments de la publicité Colgate,
j’en ai une plus grande compréhension*
Eff2 Après avoir vu la publicité Colgate, j’ai passé beaucoup de
Effort
temps à réfléchir à ses arguments
cognitif
Eff3 Quand j’ai vu la publicité Colgate, j’ai lu attentivement les
informations qu’elle délivrait
Eff4 Pour prendre une décision à propos de Colgate, j’ai besoin du
plus grand nombre d’avis possible*
Eff5 Après avoir vu la publicité Colgate, je n’ai pas arrêté de
penser à ses arguments
Eff6 J’ai lu minutieusement la publicité Colgate même si je ne
suis pas d’accord avec ses arguments
Alpha
0,97
0,98
0,94
0,98
0,94
0,94
0,96
0,84
0,94
0,90
0,90
0,94
CréP1 Le message sur Colgate m’inspire confiance
Crédibilité CréP2 Je peux me fier à ce que dit la publicité sur Colgate
perçue
CréP3 La publicité sur Colgate est honnête
0,95
CréP4 Cette publicité sur Colgate est fiable*
* supprimé à la suite de l’analyse factorielle confirmatoire
0,84
0,96
0,73
Tableau 1 : Résultats des analyses factorielles exploratoires (AFE)
Construit
Similarité
perçue
Effort
cognitif
Crédibilité
perçue
Nombre
d’items
ρ
ρvc
3
0,76 0,52
4
0,79 0,50
3
0,77 0,54
Validité
discriminante
Indices
Chi² = 31,99,
p>0,01
Etablie
RMSEA=0,01
NFI=0,98
Tableau 2 : Résultats de l’analyse factorielle confirmatoire
20
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