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Réalités sociales
Le contact de l’apprenant avec plusieurs groupes sociaux a des effets multiples sur
l’acquisition de la langue seconde. Mackey a identifié le groupe familial, la communauté, le
milieu de travail, le groupe scolaire, le groupe ethnique, le groupe religieux, de loisirs, les
contacts impersonnels avec la radio, la télévision et le cinéma ou bien la lecture comme
étant les réalités sociales qui se développent autour du sujet. (Mackey : 163).
Avant d’être une pratique de l’école, l’apprentissage des langues étrangères était
l’apanage des familles fortunées qui avaient des gouvernantes pour leurs enfants.
Aujourd’hui cette pratique a été remplacée par l’appel à des écoles bilingues ou par l’envoi
des enfants à l’étranger (camps, visites, etc.) afin de parler les langues. En ce qui concerne
les familles qui résident à l’étranger, le choix va soit vers l’utilisation prédominante de la
langue de la communauté de résidence, soit vers la conservation de la langue du pays
d’origine. La nouvelle communauté peut exercer une influence croissante sur
l’apprentissage des adultes ou des enfants baignés dans la langue qu’ils parleront plus
aisément. Si celui qui veut apprendre n’a pas de contact avec le milieu où cette langue est
parlée, il devra remédier à ce handicap et aller à l’étranger, expérience qui s’est avérée
extrêmement efficace. Excepté les cas des émigrants qui doivent apprendre la langue du
pays d’adoption afin de s’y intégrer, c’est de plus en plus fréquent que le milieu de travail
exige la maîtrise des langues étrangères (le cas des compagnies multinationales où il existe
une langue de communication connue par tous). La conservation et l’amélioration de la
langue seconde peuvent être favorisées par les groupes ethniques ou religieux dans de
diverses manifestations sociales et culturelles ou par les contraintes d’ordre militaire ou
politique (l’obligation des officiers roumains d’apprendre l’anglais, langue officielle dans les
structures de l’OTAN).
Le contact avec la langue est parfois modelé par le locuteur natif, celui qui modifie sa
propre production pour la rendre plus compréhensible, en créant « une langue pour les
étrangers » ou des « xénolectes », d’après le terme introduit en 1977 par Ferguson et repris
en 1982 par Clyne. Les adaptations linguistiques influencent tous les domaines de la
langue : la phonétique – par les pauses et les accents exagérés, la morphologie – par la
réduction des formes verbales à l’infinitif, la syntaxe – par la modification de l’ordre des mots
et la suppression de certaines particules, le lexique – par l’évitement de certains mots et
l’utilisation fréquente des formules de contrôle. C’est ainsi qu’on peut arriver à une phrase
de type : « Toi aller mairie bureau police, compris ? » à la place de « Il faut que vous alliez à
l’antenne des services de police à la mairie » (Klein : 65)
À côté des écoles et des professeurs de cours privés, les médias (radio, TV, cinéma)
et la lecture des documents authentiques offrent d’excellentes occasions d’apprentissage en
mettant le locuteur en présence de la langue parlée ou écrite par les locuteurs natifs.
Tous ces rapports existants entre l’apprenant et les divers groupes sociaux sont
influencés par une série de facteurs contraignants.
L’un des facteurs les plus importants est le temps ; plus on alloue du temps au
procès d’apprentissage, plus les résultats sont bons. Le nombre d’heures nécessaires varie
selon le spécifique de la langue, les traits individuels et les objectifs de l’apprentissage. Il y a
des méthodes qui ont infirmé la théorie conformément à laquelle l’acquisition d’une langue
étrangère est un procès très long et laborieux. La méthode dite « de l’armée » créée par
l’armée américaine pendant la II-ème Guerre Mondiale, réussit dans un temps très court, 9-
12 mois, pendant lequel l’apprenant se consacre entièrement à l’étude de la langue, à
assurer la maîtrise de la langue à apprendre.
La langue, ce système homogène, composé de dialectes, sociolectes ou registres de
langue, est transmise par différents canaux (parlé ou écrit) et acquiert de multiples valeurs:
économique, administrative, politique, militaire, historique ou culturelle. L’apprentissage de
la langue seconde fondé sur les mêmes réalités linguistiques et influencé par les mêmes
facteurs sociaux est pourtant différent d’une personne à l’autre, car chaque apprenant
apporte dans l’équation ses propres traits psychologiques.