Choc septique, hémorragique, cardiogénique, anaphylactique

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Choc septique, hémorragique, cardiogénique, anaphylactique
Dr Jérôme Lacotte
Pr Jean-Luc Dubois-Randé
Fédération de Cardiologie
Hôpital Henri Mondor, Créteil
Points principaux
L'état de choc est défini comme une insuffisance circulatoire aboutissant à une
hypoxie tissulaire. D’un point de vue physiopathologique, ce défaut de perfusion
tissulaire peut être du à :
- Une hypovolémie absolue dont le modèle est le choc hémorragique,
- Une hypovolémie relative par vasoplégie telle qu’on peut la constater dans un
choc anaphylactique,
- Une défaillance initiale de la pompe cardiaque, entraînant une chute du débit
cardiaque comme c’est le cas lors d’un choc cardiogènique.
Le choc septique répond à une physiopathologie beaucoup plus complexe,
pouvant associer certains des mécanismes précédents à un trouble majeur de la
microcirculation responsable d'une mauvaise distribution et donc d’une mauvaise
utilisation de l'oxygène à l’étage tissulaire.
L’état de choc est dans tous les cas une urgence vitale, grevée d’un mauvais
pronostic, justifiant un diagnostic rapide basé sur la constatation d’anomalies de
l'hémodynamique et de signes de vasoconstriction cutanée. Outre les mesures
symptomatiques (oxygénation, remplissage vasculaire, drogues vaso-actives ou
inotropes positives), le traitement devra avant tout être étiologique.
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I – Etiologies et physiopathologie
1. Choc cardiogénique
Il est caractérisé par la chute du débit cardiaque (index cardiaque <2 l/mn/m2)
responsable des signes d’hypoperfusion tissulaire, associée à une augmentation des
pressions en amont se traduisant par l'apparition de signes congestifs gauches
(crépitants) et/ou droits (turgescence et reflux hépato-jugulaire, œdèmes des
membres inférieurs). Dans ce cas, l'hypoxémie est consécutive à un défaut d'apport
en oxygène (d'où une différence artério-veineuse en oxygène élargie). Quatre
mécanismes physiopathologiques peuvent être à l’origine d’un choc cardiogénique :
a) Baisse de la contractilité myocardique
C’est le cas le plus fréquent, consécutif à un infarctus avec nécrose étendue, à
une décompensation d’une cardiopathie dilatée hypokinétique (d'origine
valvulaire, ischémique, hypertensive, toxique, infectieuse, sinon primitive) ou à la
prise de médicaments inotropes négatifs (bêtabloquants, inhibiteurs calciques, anti-
arythmiques, antidépresseurs tricycliques).
b) Bradycardie ou tachycardie extrême
Il s’agit surtout des troubles du rythme ventriculaire, des tachycardies
supraventriculaires (fibrillation et flutter) avec réponse ventriculaire rapide et des
bradycardies (blocs sino-auriculaires ou auriculo-ventriculaires).
c) Anomalie de l'écoulement sanguin intracardiaque
Ce sont des causes rares correspondant aux pathologies valvulaires chroniques
et aiguës (insuffisance mitrale par rupture de cordage spontanée, septique ou
ischémique, insuffisance aortique septique ou secondaire à une dissection aortique)
et aux complications des prothèses valvulaires (thrombose occlusive de prothèse
mécanique, désinsertion, rupture d'une bioprothèse dégénérée). De façon
exceptionnelle, citons les ruptures septales post-infarctus, les myxomes et thrombi
auriculaires occlusifs.
d) Dysfonction ventriculaire droite
Trois formes particulières de choc cardiogénique sont secondaires à une
dysfonction ventriculaire droite aig: la tamponnade, l’embolie pulmonaire grave et
l’infarctus du ventricule droit. Elles seront diagnostiquées sur le contraste existant
entre l’absence de signes d’œdème pulmonaire (sauf dysfonction cardiaque gauche
associée) et l’importance des signes d’insuffisance cardiaque droite.
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2. Choc septique
La physiopathologie du choc septique est complexe, associant anomalies
cardiaques et vasculaires avec pour conséquence principale une distribution
anormale du sang dans la microcirculation d'où le terme de choc "distributif".
L'oxygène mal distribué dans les tissus est utilisé de façon hétérogène, ce qui
explique que la différence artério-veineuse en oxygène reste normale (contrairement
aux autres types de chocs).
Ces troubles de la micro-circulation témoignent d'une réponse inflammatoire
systémique résultant de l'action de substances microbiennes (endotoxine libérée lors
de la destruction bactérienne, exotoxine sécrétée par la bactérie). Celles-ci
provoquent la libération de médiateurs de l'inflammation par le système immunitaire
(cytokines, fractions du complément, kallicréine, histamine, platelet activating factor,
monoxyde d'azote) provoquant une dérégulation des débits sanguins régionaux
(atteinte de la micro-circulation), une vasodilatation artérielle et veineuse (secondaire
à l’atteinte des cellules musculaires lisses vasculaires) et une exsudation
plasmatique (lésions endothélium vasculaire). A ces conséquences vasculaires se
surajoutent un effet inotrope négatif direct, retardé, de mécanisme encore obscur.
De ce fait, deux phases se succèdent généralement dans un choc septique : l'une
hyperkinétique pendant laquelle l'augmentation du débit cardiaque arrive à
compenser la baisse des résistances vasculaires, l'autre hypokinétique,
correspondant à la chute du débit cardiaque, consécutive à l'action inotrope négative
des médiateurs libérés par l'inflammation.
Tous les états septiques peuvent se compliquer d’un choc septique :
pneumopathie, pyélonéphrite, cholécystite… Toutefois, les germes les plus souvent
impliqués sont les bacilles gram négatif dont la lyse produit une endotoxine
(lipopolysaccharide) et les cocci gram positif. Plus rarement il s’agit d’anaérobies, de
levures, de mycobactéries, de virus ou de parasites (plasmodium falciparum)
3. Choc hémorragique
Il s’agit d’une hypovolémie absolue secondaire à une perte brutale et importante
de masse sanguine également responsable d’une anémie aiguë, les deux
mécanismes participant à l’hypoxémie tissulaire.
Le saignement peut être interne ou extériori: hémorragies digestives,
traumatismes avec hémothorax, hémopéritoine, hématome profond (splénique,
hépatique, rétropéritonéal, du psoas).
4. Choc anaphylactique
Il est consécutif à une réaction anaphylactique importante et brutale (type 1 de la
classification de Gell et Coombs) survenant après contact avec un allergène auquel
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le sujet aura été préalablement sensibilisé. Le choc est secondaire à la libération par
dégranulation des cellules effectrices (mastocytes et polynucléaires basophiles)
après un contact allergène-IgE de puissants médiateurs vasoplégiants (histamine,
produits dérivés de l'acide arachidonique, prostaglandines, leucotriènes, sérotonine,
bradykinines).
La libération de ces substances vasodilatatrices engendre une chute brutale des
résistances vasculaires systémiques (d'ou hypovolémie relative) et une augmentation
de la perméabilité capillaire (hypovolémie absolue et œdèmes) entraînant un
exsudat. Dans un premier temps, la pression artérielle reste stable sous l'effet d'une
augmentation du débit cardiaque par tachycardie. Rapidement se constitue le choc,
par baisse des pressions de remplissage et chute du débit cardiaque.
Les allergènes à l’origine de cette réaction sont d’origine venimeuse
(hyménoptères) ou médicamenteuse : antibiotiques (béta-lactamines, sulfamides),
curares.
Le choc anaphylactoïde est assez proche du choc anaphylactique puisqu’il est
également consécutif à la libération des mêmes substances vasodilatatrices.
Cependant cette libération ne se fait pas par le biais d’un contact allergène-anticorps
mais par l’action directe d’un toxique (ex : produit de contraste iodés).
III – Diagnostic
1. Clinique
Le diagnostic d'état de choc sera porté sur l’association de signes :
- d’insuffisance circulatoire aiguë se traduisant par une hypotension artérielle
(classiquement pression artérielle systolique <80 mmHg, avec différentielle
pincée), une oligo-anurie (<30ml/h ou à 0.5 ml/kg/h) à confirmer par sondage
vésical si besoin et une tachycardie avec pouls filant. Ces données chiffrées
(pression artérielle, diurèse, tachycardie) sont néanmoins à nuancer : la
tachycardie peut manquer en cas de prise de traitement bradycardisant, le choc
peut être patent malgré des chiffres de pression artérielle subnormaux chez un
patient sévèrement hypertendu d’habitude. Au cours de l’évolution du choc on
peut aussi noter des troubles de la conscience (confusion, agitation,
désorientation) par hypoperfusion cérébrale, une polypnée signant l’acidose
métabolique (parfois aggravée par un œdème pulmonaire) ou une cyanose.
- de vasoconstriction cutanée : marbrures (débutant aux genoux, pouvant se
généraliser), temps de recoloration cutané allongé (>3 secondes), extrémités
froides (surtout dans le choc cardiogénique), teint livide, sueurs.
La recherche d’une étiologie prendra en compte le contexte (polytraumatisme,
douleur thoracique, contact avec allergène, syndrome septique). Sont en faveur
d'une origine :
- septique : fièvre, frissons, hypothermie, signes infectieux focalisés,
- hémorragique : pâleur cutanéo-muqueuse, hémorragie extériorisée ou occulte
(touchers pelviens systématiques ainsi que la recherche de sang dans le liquide
gastrique), traumatisme de l’hypochondre gauche (rupture de rate),
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- cardiogénique : signes d'insuffisance cardiaque gauche et/ou droite, anomalie
auscultatoire (souffle, galop), phlébite, pouls paradoxal,
- anaphylactique : rash cutané (urticaire), oedème de Quincke, bronchospasme,
dyspnée laryngée, douleurs abdominales, nausées, vomissements.
2. Paraclinique
Le diagnostic d'état de choc étant avant tout clinique, les examens paracliniques
permettront surtout d'apprécier le retentissement du choc et l'efficacité du traitement,
de dépister les complications (défaillance d'organes) et de confirmer les hypothèses
diagnostiques.
Le bilan classique comprend :
- gaz du sang : acidose métabolique (alcalose respiratoire possible à la phase
précoce) avec hyperlactactémie (lactates > 2 mmol/l),
- ionogrammes sanguin et urinaire : insuffisance rénale fonctionnelle ou organique
(nécrose tubulaire) en rapport avec un « rein de choc »,
- cytolyse, cholestase hépatique dans le cadre d’un « foie de choc »,
- NFS-plaquettes : anémie (hémorragie, hémolyse), hyperleucocytose, neutropénie
ou thrombopénie (septique, allergique),
- TP-INR, TCA, fibrinogène : recherche d'une CIVD (choc septique ou
anaphylactique surtout),
- enzymes cardiaques (CPK, Myoglobine, Troponine),
- dosage de la CRP et prélèvements bactériologiques (hémocultures réalisées
rapidement au rythme de 2 ou 3 à une heure d’intervalle, ECBU, prélèvements
locaux),
- ECG et RP systématiques.
3. Exploration hémodynamique
Une exploration hémodynamique sera réalisée sauf choc hémorragique ou
anaphylactique évident, surtout s’il existe des arguments pour une cardiopathie sous-
jacente (antécédents cardio-vasculaires, anomalies cliniques ou
électrocardiographiques, élévation enzymatique) ou lorsque la nature et les
mécanismes du choc sont incertains.
Elle se fait de plus en plus souvent en première intention par l’écho-doppler
cardiaque transthoracique ou transoesophagien qui permet de préciser la taille et la
morphologie des cavités cardiaques (notamment celle du VG), les fonctions
diastolique et systolique (globale et segmentaire) du VG, les pressions artérielles
pulmonaires, l’état du péricarde, des valves et de l'aorte initiale. De plus, elle permet
d’apprécier l’index cardiaque et les pressions de remplissage droites. Il s’agit donc
d’un examen simple, non invasif, souvent disponible, renouvelable si besoin, capable
d’effectuer un bilan étiologique et hémodynamique quasiment exhaustif puisque
seule la pression capillaire pulmonaire ne peut être calculée.
D’autres moyens existent mais nécessitent la pose d’un cathéter veineux central.
On peut dans un premier temps se contenter de monitorer la pression veineuse
centrale (PVC) sur un cathéter simple, notamment pour initier ou surveiller un
remplissage vasculaire que l’on proscrira en cas de pressions élevées. Pour un bilan
hémodynamique complet on aura recours à un cathétérisme cardiaque droit type
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