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Keywords: Reduction, properties, causal power, realization, functionalism, non reductive
physicalism, eliminativism.
I
NTRODUCTION
La thèse de la « réalisation multiple » est une thèse qui affirme que les états
psychologiques peuvent être réalisés dans une grande diversité d’organismes et de structures.
Ainsi, l’état psychologique d’un organisme consistant à éprouver, de la douleur par exemple,
peut être réalisé dans un homme ou dans un autre mammifère, voire un mollusque ou encore
dans un être plus lointain, comme un extra-terrestre.
La thèse de la réalisation multiple émerge dans le débat philosophique, en tant que
réponse à la menace que représentait la thèse de l’identité psychoneurale initiée par U.T.
Place (1956), H. Feigl (1958), J.J.C. Smart (1959) et D. Armstrong (1968). Cette thèse, qui ne
connut qu’un succès éphémère
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, affirmait que chaque genre d’état où d’événement mental est
identique à un genre d’état ou d’événement dans le cerveau. Cependant, affirmer qu’il existe
une identité ne revient pas à affirmer qu’il existerait une sorte de corrélation plus ou moins
complexe, entre les évènements mentaux et les processus cérébraux. En effet, pour les tenants
de la thèse de l’identité, que des états de conscience puissent être corrélés avec des processus
n’aide en rien la compréhension ; en fait, « dire qu’ils sont corrélés, c’est dire qu’il y a
quelque chose ‘de plus’ » (Smart 1959, p. 117). Par conséquent, pour bannir toute idée de
corrélation, il est donc affirmé que les propriétés mentales sont identiques à des propriétés
matérielles ou physiques. Ainsi Smart ajoute : « vous ne pouvez pas corréler quelque chose
avec lui-même. » (Ibid., p. 117). L’étoile du matin ne peut être en corrélation avec l’étoile du
soir. Autrement dit, identité et corrélation, s’excluent mutuellement. Ainsi, il n’y aurait donc
selon la thèse de l’identité, aucun événement ou état mental au-dessus ou en dehors
d’événements ou d’états du cerveau. Un seul type de chose et deux types de descriptions de ce
type de chose unique, subsisteraient. Resterait alors à la science empirique à déterminer, quels
états mentaux pourraient être identifiés aux états cérébraux
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1
L’article d’Hilary Putnam « Psychological Predicates », dans lequel est formulé l’argument de la réalisation
multiple et qui constitue l’argument décisif contre l’identité psychophysique, est publié en 1967.
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L’identité dont parle Smart et les autres défenseurs de la théorie, est une identité dans le sens strict. Si A et B
sont strictement identiques, alors A est B. Strict, dans l’usage fait par les tenants de la théorie de l’identité, n’est
donc pas synonyme de « similarité », comme dans le cas,
par exemple, de deux exemplaires identiques
d’automobiles sortant de la chaîne de montage d’une usine. La référence de cette identité est calquée sur les
résultats de la recherche scientifique. On a par exemple découvert que la lumière est une décharge électrique ou