Université Paris 7 – Denis Diderot Année 2005/2006
Licence 2 — MIAS MI4
Fonctions de plusieurs variables
1 Notions de dérivée
1.1 Prologue
Avant d’expliquer les notions de dérivées pour les fonctions de plusieurs variables, il est utile de
se rappeler comment on procède pour définir la dérivée d’une fonction d’une variable. Soit ]a, b[
un intervalle de R,f:]a, b[Rune fonction continue et x0]a, b[. Une première façon de dire
que fest dérivable en x0consiste à regarder le taux de variation
f(x0+t)f(x0)
t,pour t6= 0 et x0+t]a, b[,
et à demander que ce rapport admette une limite lorsque ttend vers 0. Nous ferons référence à ce
point de vue comme étant celui de Newton–Leibniz, ces deux illustres savants en étant à l’origine.
Il existe un autre procédé, plus géométrique. Nous dessinons le graphe Γf:= {(x, f(x))
]a, b[×R|x]a, b[}et pour tout x]a, b[différent de x0, nous traçons la droite xpassant
par les deux points (x0, f(x0)) et (x, f(x)). Lorsque l’on fait tendre xvers x0, on demande que
a bx x
f(x)
0
Fig. 1 – La droite xpassant par les deux points (x0, f(x0)) et (x, f(x)) et le graphe de f
la droite xse positionne asymptotiquement vers une limite x0, qui sera visualisée géométri-
quement comme la droite tangente à Γfau point (x0, f(x0)). Nous ferons référence à ce point
a bx
f(x)
0
Fig. 2 – La droite limite x0est la tangente à Γfau point (x0, f(x0))
de vue comme étant celui de Fermat. Notons que l’on peut qualifier la droite tangente en disant
que c’est la droite qui approche le mieux le graphe de fau voisinage du point (x0, f (x0)).
La dérivabilité de fen x0se formulera en disant que :
1
le taux de variation f(x0+t)f(x0)
tadmet une limite, que l’on notera f(x0)et que l’on appellera
la dérivée de fen x0, si l’on adopte le point de vue de Newton–Leibniz,
la droite xadmet une limite x0lorsque xtend vers x0, que l’on appellera la droite tangente
au graphe de fau point (x0, f(x0)), si l’on adopte le point de vue de Fermat.
On fait le lien entre les deux points de vue en remarquant que f(x0+t)f(x0)
test la pente de la
droite xet sa limite f(x0)est la pente de la droite tangente x0.
Nous allons voir qu’essentiellement, si on cherche à transposer ces deux points de vue à des
fonction à valeurs réelles de plusieurs variables, on obtient deux définitions différentes.
1.2 Dérivation selon un vecteur
On se place dorénavant dans Rnmuni des normes ||·||2,||·||, etc. (noter que, grâce aux résultats
obtenus au chapitre précédent, on sait que le choix de la norme est indifférent pour tout ce qui
concerne les notions de limite). On note (e1,··· , en)la base canonique de Rn.
Soit Uun ouvert de Rn,f:URune fonction, aUet vRnun vecteur. Comme Uest
ouvert et aU, il existe r > 0tel que la boule ouverte B2(a, r) := {xRn| ||xa||2< r}soit
incluse dans U. En particulier, pour tout t]r
||v||2,r
||v||2[, on a :
||tv||2< r a+tv B2(a, r) =a+tv U.
Ainsi l’application
r
||v||2
,r
||v||2R
t7−f(a+tv)
est bien définie.
U
a
v
Fig. 3 – Si t]r
||v||2,r
||v||2[, alors a+tv U
Définition 1 Soit Uun ouvert de Rn,f:URune fonction, aUet vRnun vecteur.
On dit que «fest dérivable en adans la direction v»ssi la fonction t7−f(a+tv)est dérivable
en 0. Alors on note
Dvf(a) := lim
t0
f(a+tv)f(a)
t(1)
et on appelle cette quantité la dérivée de fdans la direction ven a.
Remarque 1 — Cette notion n’a d’intérêt que si v6= 0. Par ailleurs si vet wsont deux vecteurs
non nuls et colinéaires, c’est à dire, s’il existe λRtel que w=λv, alors
f(a+tw)f(a)
t=f(a+tλv)f(a)
t=λf(a+tλv)f(a)
λt =λf(a+sv)f(a)
s,
2
s:= λt. Et donc on voit que f(a+tw)f(a)
tadmet une limite lorsque t0ssi f(a+sv)f(a)
s
admet une limite lorsque s0. Donc « fest dérivable en adans la direction v» ssi « fest
dérivable en adans la direction w». Enfin en passant à la limite dans l’identité ci-dessus, on
obtient que :
Dλvf(a) = Dwf(a) = λDvf(a).
Remarque 2 En pratique, nous n’utiliserons que des dérivés dans les directions
e1,··· , en, où (e1,··· , en)est la base canonique de Rn. Nous utilisons alors une notation spéciale
pour désigner Dekf(a): on note
f
xk
(a) := Dekf(a) := lim
t0
f(a+tek)f(a)
t.
On appellera f
xkla « dérivée partielle de fpar rapport à la variable xk». Analysons le sens de
cette limite. Soit (x1,··· , xn)les coordonnées de adans la base (e1,··· , en). Alors les coordonnées
de a+teksont :
(x1,··· , xk1, xk+t, xk+1,··· , xn).
Ainsi, pour calculer f
xk(a), on calcule la limite
lim
t0
f(x1,··· , xk+t, ··· , xn)f(x1,··· , xn)
t,
c’est à dire : on gèle toutes les variables xj, pour j6=k, et on dérive par rapport à xk.
Autrement dit, on se ramène à la dérivation d’une fonction d’une variable !
Exemple — Prenons la fonction fdéfinie sur R2par :
f(x, y) = x2cos y
et cherchons sa dérivée partielle par rapport à xpour toute valeur de (x, y). Pour cela on gèle
y(qui joue donc momentanément le rôle d’un paramètre) et on dérive par rapport à x. Cela
donne : f
x(x, y) = 2xcos y.
De même, si on veut calculer la dérivée partielle de fpar rapport à y, on gèle la variable yet
on dérive par rapport à x:f
y (x, y) = x2sin y.
Remarque 3 — Enfin nous pouvons observer que la définition de la dérivée que nous venons
de voir est une généralisation aux fonctions de plusieurs variables du concept de dérivée selon
Newton–Leibniz.
Définition 2 Soit Uun ouvert de Rnet f:URune fonction
Si fadmet une dérivée dans la direction ven tout point ade U, on dit alors que : « fadmet
une dérivée dans la direction vsur U»
Si pour tout k[[1, n]],fadmet une dérivée dans la direction eksur Uet si toutes les fonctions
f
xk
:UR
x7−f
xk
(x)
sont continues, on dit que : « fest de classe C1sur U».
3
1.3 Différentielle d’une fonction de plusieurs variables
L’idée est à présent de s’inspirer du point de vue de Fermat : la dérivée doit contenir l’information
qui permet de trouver la meilleure approximation du graphe de fau voisinage d’un point (a, f(a))
qui soit un hyperplan. En effet, nous notons que, si fest une fonction d’un ouvert Ude Rnvers R,
alors son graphe Γf:= {(x, f(x)) Rn×R|xU}est une hypersurface de Rn+1. Au voisinage
d’un point (a, f(a)), il est donc normal d’essayer d’approcher Γfpar un hyperplan passant par
(a, f(a)). Cet hyperplan peut être lui-même construit en prenant le graphe d’une fonction affine
F(x) = α+(x),:RnRest linéaire.
Le plus difficile dans l’histoire consiste à trouver la meilleure forme linéaire . Car, une fois que
l’on a fixé , on en déduit facilement α: pour cela on demande que ΓFpasse le point (a, f(a))1
et donc que f(a) = F(a), ce qui entraîne α=f(a)(a)et donc F(x) = f(a)(a) + (x) =
f(a) + (xa).
Supposons donc que αsoit tel que f(a) = F(a). On va choisir de façon à ce que f(x)soit très
très proche de F(x)lorsque xest très proche de a. De façon plus précise, il est raisonable de
demander que le rapport
f(x)F(x)
xatende vers 0lorsque xa.
Puisque F(x) = f(a) + (xa), cela signifie que :
f(x)f(a)(xa)
xatende vers 0lorsque xa.
Définition 3 Soit Uun ouvert de Rn,f:URune fonction et aU. On dit que «fest
différentiable en a»ssi il existe une application linéaire :RnRtelle que
lim
hB(0,r);h0
f(a+h)f(a)(h)
h= 0.(2)
Ou encore :
a+hU, f(a+h) = f(a) + (h) + ||h||ε(h),
|| · || est une norme (quelconque) et ε(h)est une fonction qui s’annule en 0et qui est continue
en 0(donc en particulier limh0ε(h) = 0). La forme linéaire est alors unique, est appelée « la
différentielle de fen a»et est notée
dfa:= ℓ.
Remarque 1 — Une des différence avec la définition de la dérivabilité dans la direction d’un
vecteur est que la limite dans (1) était la limite d’une fonction définie sur R, tandis que la limite
dans (2) est la limite d’une fonction définie sur un ouvert de Rnet donc nécessite les notions de
topologies vues au chapitre précédent pour être définie correctement.
Remarque 2 — Ainsi, si fadmet une différentielle dfaen a, alors on a :
a+hU, f(a+h) = f(a) + dfa(h) + ||h||ε(h),où lim
h0ε(h) = 0.
Exemples de fonctions différentiable
1c’est la moindre des choses si on demande que le graphe ΓFde Fapproche Γfau voisinage du point (a, f(a))
4
a) Les fonctions affines. Soit f:RnRune fonction affine, c’est à dire de la forme
f(x) = α+(x),αRet (Rn).
Alors, pour tout aRn,
f(a+h) = α+(a+h) = α+(a) + (h) = f(a) + (h)
et est linéaire. Donc fadmet une différentielle en a, qui est ; i.e. dfa=. Ainsi l’application
df :Rn(Rn)est constante et est égale à partout.
b) La somme de deux fonctions différentiables. Soit URnun ouvert et fet gdeux
applications différentiables de Uvers R. Alors la somme
f+g:UR
x7−f(x) + g(x)
est différentiable sur Uet, aU,
d(f+g)a=dfa+dga.
La preuve est immédiate et est laissée au lecteur à titre d’exercice.
c) Le produit de deux fonctions différentiables. Soit URnun ouvert et fet gdeux
applications différentiables de Uvers R. Alors le produit
fg :UR
x7−f(x)g(x)
est différentiable sur Uet, aU,
d(fg)a=f(a)dga+g(a)dfa.
En effet nous avons, aU,
f(a+h) = f(a) + dfa(h) + ||h||ε1(h)et g(a+h) = g(a) + dga(h) + ||h||ε2(h).
et en multipliant ces deux identités entre elles :
f(a+h)g(a+h) = f(a)g(a) + f(a)dga(h) + g(a)dfa(h)
+ [dfa(h)dga(h) + ||h|| (ε1(h)(g(a) + dga(h)) + ε2(h)(f(a) + dfa(h)))] ,
et on vérifie que le terme entre crochets est de la forme ||h||ε(h), limh0ε(h) = 0.
d) La composition d’une fonction différentiable avec une fonction dérivable. Soit U
Rnun ouvert, f:URune fonction différentiable, ]α, β[un intervalle de Ret g:]α, β[R
une fonction dérivable. On suppose que l’image f(U)de fest contenue dans ]α, β[. Alors
gf:UR
x7−g(f(x))
est différentiable sur Uet, aU,
f(gf)a=g(f(a)) dfa.
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