Capacité inspiratoire : un paramètre fonctionnel simple et pertinent

L
es paramètres spirométriques les plus utilisés actuelle-
ment en routine restent le VEMS et la capacité vitale
(CV), cette dernière se limitant souvent à la capacité
vitale forcée (CVF) représentée sous forme de courbe bit-volume.
Cette simplification est entérinée par les recommandations inter-
nationales récentes, notamment sur la BPCO et l’asthme. Depuis
quelques années, de multiples études ont pourtant démontré la
pertinence, en pathologie obstructive, d’autres paramètres évaluant
la distension de repos et dynamique à l’effort. À côté de la clas-
sique CV lente (CVL) et de la mesure des volumes en pléthysmo-
graphie, la capacité inspiratoire est un paramètre particulièrement
simple, redécouvert assez récemment. Son intérêt essentiel est d’être
mesurable rapidement et facilement dans quasiment toutes les
situations cliniques. Un des rôles de l’exploration fonctionnelle
respiratoire est d’appréhender les mécanismes et les composantes
de la dyspnée et de la limitation à l’exercice. La CI s’avère par-
ticulièrement intéressante dans cette indication, mais aussi dans
l’évaluation des traitements bronchodilatateurs.
DÉFINITION ET TECHNIQUE DE MESURE
La capacité inspiratoire est le volume inspiratoire maximal mobi-
lisable à partir du volume télé-expiratoire, qu’il s’agisse de la capa-
cité résiduelle fonctionnelle (CRF) ou d’un volume différent, notam-
ment à l’effort ( f i g u r e 1 ) . C’est donc la somme du volume courant
VT et du volume de réserve inspiratoire (VRI). La quasi-totalité
des spiromètres actuels, en dehors des matériels de poche, per-
mettent la détermination de la CI au cours de la spirométrie lente.
Si la méthodologie de la CVL est bien définie (1), privilégiant la
CV inspiratoire (CVI) après expiration au volume résiduel (VR),
aucune recommandation officielle n’a, à ce jour, précisé les cri-
tères exacts de réalisation de la CI seule, notamment en termes
d’acceptabilité et de reproductibilité. Sur le plan technique, il est
essentiel d’obtenir un état ventilatoire stable, visualisé sur le spiro-
gramme pendant plusieurs cycles. Cet état stable est évidemment
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Capacité inspiratoire : un paramètre fonctionnel
simple et pertinent
Inspiratory capacity: a simple and relevant functional parameter
T. Perez*
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La Lettre du Pneumologue - Volume VII - n
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3 - mai-juin 2004
* Service d’explorations fonctionnelles respiratoires et clinique des maladies
respiratoires, hôpital Calmette, CHRU de Lille.
Résumé : La capacité inspiratoire (CI), définie comme le volume inspiré maximal à partir de la capacité résiduelle fonctionnelle,
est un paramètre particulièrement simple à mesurer, altéré dans la plupart des pathologies restrictives et obstructives, mais
encore peu utilisé en routine clinique. Sa pertinence clinique a pourtant été récemment documentée par de multiples études, en
particulier pour évaluer de façon indirecte la distension statique ou dynamique à l’exercice dans la bronchopneumopathie chro-
nique obstructive (BPCO). La CI est un déterminant important de la dyspnée et s’avère significativement corrélée aux perfor-
mances à l’exercice dans l’asthme et dans la BPCO. C’est aussi un paramètre complémentaire essentiel du volume expiratoire
maximal-seconde (VEMS) pour évaluer la réversibilité sous bronchodilatateur. Enfin, son intérêt a été récemment suggéré dans
d’autres pathologies comme l’insuffisance cardiaque et les pneumopathies interstitielles.
Mots-clés : Capacité inspiratoire - Spirométrie - Dyspnée - Distension dynamique - Exercice - Bronchodilatateurs.
Summary: Inspiratory capacity (IC) defined as the volume inspired from functional residual capacity (FRC) to total lung capa-
city (TLC) is simple to obtain and altered in most obstructive and restrictive pulmonary disorders. Its clinical relevance has been
demonstrated recently by a number of studies, particularly for the evaluation of static and exercise dynamic hyperinflation in
chronic obstructive pulmonary disease (COPD). IC is an important determinant of dyspnea and appears significantly related
to exercise performance in COPD and asthma. It is also very useful to evaluate bronchodilator response, particularly in patients
with no significant change in forced expiratory volume in one second (FEV1). Furthermore it was recently shown to be correlated
to clinical status in other diseases such as interstitial lung disorders and cardiac failure.
Keywords: Inspiratory capacity - Spirometry - Dyspnea - Dynamic hyperinflation - Exercise - Bronchodilators.
beaucoup plus difficile à obtenir à l’exercice. La méthode usuelle
et la plus simple est d’obtenir la CI à partir de la CRF ou du volume
télé-expiratoire, sans mesure du volume de réserve expiratoire
(VRE), et de répéter la manœuvre 3 à 4 fois. Il suffit de demander
au patient d’inspirer ou de gonfler à fond, puis de reprendre une
respiration normale. Cette technique est la seule utilisée en pratique
à l’effort. L’autre méthode consiste à calculer indirectement la CI
à partir d’une CV inspiratoire recommandée en première intention
par l’European Respiratory Society (ERS) ( 1 ). Les deux méthodes
donnent en théorie des résultats similaires (figure 1) mais on ne
dispose d’aucune étude comparant les deux techniques. Comme
pour tout paramètre spirométrique, l’obtention de trois mesures
techniquement acceptables et reproductibles est indispensable,
en tout cas au repos. Il n’y a pas de critère définissant une repro-
ductibilité satisfaisante pour la CI seule, alors que les valeurs
maximales concernant la CVI sont de 200 ml selon l’ATS et de
1 0 0 ml ou 5 % (valeur la plus grande) selon l’ERS. Un écart infé-
rieur à 5 % entre les deux meilleures valeurs de CI est proposé
par certains auteurs (2, 3).
Une étude a montré une très bonne reproductibilité à court terme
de la mesure chez des patients BPCO, proche de celle du VEMS
cart moyen : CI : 0,07 L ; VEMS : 0,06 L). Cette reproductibili
était meilleure que celle de la CV lente ou forcée (2).
L’interprétation des valeurs obtenues reste actuellement délicate,
en l’absence de valeurs théoriques intégrant l’écart-type résiduel
de la distribution chez les sujets sains. Les seules équations
publiées et utilisables actuellement en Europe sont celles de
l’ERS, qui déterminent la CI à partir des valeurs théoriques de
capacité pulmonaire totale (CPT) et de CRF (1). Une estimation
de l’écart-type siduel (RSD) à partir d’une population française
importante a été présentée en 2000 ( 4 ). Selon cette étude, les
valeurs théoriques chez l’adulte sont les suivantes (H : taille en
mètres, A : âge) :
chez l’homme : CI = 5,65
x
H 0,009
x
A 5,99 ; RSD = 0 , 4 7 ;
chez la femme : CI = 4,36
x
H 0,001
x
A 4,99 ; RSD = 0 , 4 0 .
Selon ces équations, la distribution chez 95 % des sujets normaux
correspondrait à cette valeur théorique ± 1,64 RSD (soit 0,77 l chez
l’homme et 0,65 l chez la femme).
PERTINENCE CLINIQUE
Intérêt au repos
La capacité inspiratoire est altérée dans de multiples situations,
qu’il s’agisse de pathologies obstructives ou restrictives. En dehors
de l’obésité altérant assez spécifiquement le VRE, la plupart des
pathologies retentissant sur la CV modifient surtout la CI. Dans les
pathologies neuromusculaires, le VRE peut également être dimi-
nué en cas de faiblesse importante des muscles expiratoires.
La distension est un élément physiopathologique majeur dans la
BPCO et l’asthme sévère. Cette distension, de déterminisme com-
plexe, est en grande partie liée à la limitation des débits expira-
toires induite par l’obstruction bronchique. Les autres mécanismes
possibles sont la modification de l’élasticité pulmonaire et la mise
en jeu précoce des muscles inspiratoires en fin d’expiration. La dis-
tension, lorsqu’elle atteint le VR et la CRF, retentit habituellement
nettement sur la CI, la CPT augmentant moins, en général, que les
deux premiers volumes. La réduction de la CI peut être extrême
chez l’emphysémateux, y compris au repos ( f i g u r e 2 ). Cette ampu-
tation de la CI constitue, en pratique, une contrainte “restrictive”,
puisqu’elle limite considérablement la réserve inspiratoire, notam-
ment à l’exercice (voir ci-après).
La dyspnée, en pathologie respiratoire (y compris obstructive),
est souvent crite dans la littérature anglo-saxonne comme un effort
inspiratoire augmenté, une incapacité à inspirer profondément,
un effort inspiratoire non récompensé. Il n’est donc pas surpre-
nant qu’apparaisse un lien entre dyspnée et CI, qui reflète la réserve
inspiratoire effective.
Dans l’asthme et la BPCO, l’intérêt de la simple CI de repos est
souligné par deux études récentes montrant dans les deux patho-
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Figure 2. Exemple de distension statique extrême chez un patient emphy-
sémateux très vère (VEMS : 0,88 l, 23 % de la valeur théorique ; CRF :
8,74 l, 246 % de la valeur théorique).
La CI est considérablement diminuée, induisant une “contrainte restric-
tive” dès le repos.
Figure 1. Définition de la CI : volume inspiré maximal à partir de la
CRF de repos (ou du volume télé-expiratoire dans d’autres situations).
Les manœuvres lors d’une capacité vitale inspiratoire ou à partir de la
CRF donnent en principe des résultats similaires, mais la deuxième tech-
nique est préférable, et de réalisation plus simple. C’est la seule utili-
sable à l’exercice.
logies une forte corrélation entre la CI de repos et la tolérance à
l’effort évaluée par la puissance maximale (Wmax) et la consom-
mation maximale d’oxygène (V
.O2max) (5, 6) (figure 3).
Au cours des exacerbations sévères de BPCO nécessitant une
hospitalisation, une diminution de la CI qui s’associe à une limita-
tion constante et sévère des débits expiratoires est constatée (7).
L’amélioration de cette limitation expiratoire en fin d’hospitali-
sation chez certains patients s’accompagne d’une augmentation
de la CI (7). Une amélioration importante de la CI semble éga-
lement être un facteur prédictif de sevrage de la ventilation méca-
nique chez les patients atteints de BPCO en insuffisance respira-
toire aiguë (8).
En revanche, aucune donnée ne permet actuellement de recom-
mander l’utilisation de la CI comme paramètre de surveillance
au long cours, notamment pour évaluer les modifications de la
distension.
Bien que la pertinence de la CI en pathologie interstitielle et res-
trictive n’ait pas encore fait l’objet d’études à large échelle, elle est
également très vraisemblable. Dans une population de 20 p a t i e n t s
présentant des pathologies interstitielles d’étiologies variées, la
dyspnée à l’exercice était inversement proportionnelle (r = 0,58)
au rapport entre V
T
de repos et CI (9).
Il a également été mis récemment en évidence un lien entre la dys-
p n é e et la CI chez l’insuffisant cardiaque, puisquen analyse multi-
variée celle-ci était le seul paramètre prédictif de la V
.O 2 m a x
(r = 0,71). La CI était inversement corrélée à la pression capil-
laire pulmonaire, évoquant un lien avec l’intensité de l’œdème
alvéolaire et interstitiel (10).
L’intérêt de la CI n’a pas été évalué de façon systématique dans les
pathologies neuromusculaires et pariétales thoraciques, mais il est
vraisemblable qu’elle ait une valeur pronostique au moins égale
à celle de la CV, avec l’avantage supplémentaire d’une réalisation
très facile.
Intérêt à l’exercice
Les mécanismes de la limitation à l’effort dans les pathologies
obstructives, et en particulier dans la BPCO, ont été précisés assez
récemment. L’un des mécanismes essentiels est la distension dyna-
mique, induite par la limitation des débits expiratoires. Celle-ci,
très fréquente au repos et particulièrement en décubitus chez les
patients BPCO (11), devient quasiment constante à l’effort (12),
obligeant le patient à augmenter progressivement son volume
télé-expiratoire (VTE, ou EELV en anglais) s’il veut augmenter ses
débits ventilatoires. Si l’on considère que la capacité pulmonaire
totale (CPT) ne se modifie pas significativement à l’exercice ( 1 3 ),
toute diminution progressive de la CI en cours d’épreuve signifie
une augmentation parallèle du VTE par rapport à la CRF de repos
(figure 4). La CI, effectuée au repos puis à intervalles réguliers
au cours de l’exercice, est la seule technique utilisable en routine
pour évaluer indirectement cette hyperinflation dynamique (14).
Il est recommandé d’acquérir plusieurs volumes courants dans
les 30 dernières secondes de chaque palier (en veillant à l’absence
de dérive en volume), puis d’effectuer une manœuvre de CI pour
obtenir le volume télé-expiratoire. On demande au patient d’ins-
pirer à fond en le stimulant. Une deuxième mesure de CI peut être
utile pour s’assurer de l’absence de dérive. La CI va également
permettre de caler” la courbe bit-volume par rapport à la
courbe débit-volume maximale effectuée préalablement au repos,
et ainsi de visualiser la limitation des débits expiratoires( f i g u r e 5 ).
On peut ainsi déterminer, à partir de la CI, le rapport VTE/CPT,
qui constitue un indice de distension dynamique. Les matériels
d’épreuve d’effort récents permettent de mesurer et de visualiser ces
paramètres en routine. Contrairement au sujet sain, qui augmente
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Figure 3. La puissance maximale à l’exercice (Wmax) est très signifi-
cativement corrélée à la simple CI de repos chez ces patients BPCO ou
asthmatiques. Adapté de Murario, Chest 1998.
Figure 4. La CI permet d’évaluer indirectement la distension dynamique
et, inversement, la diminution de la distension sous bronchodilatateur.
Cela n’est vrai que dans les situations où la CPT reste constante, ce qui
n’est pas toujours le cas après bronchodilatateur. On considère par
contre que la CPT ne varie pas significativement à l’exercice.
son volume courant en partie aux dépens du VRE, les patients
BPCO développent très fréquemment une distension dynamique
progressive à l’exercice, proportionnelle à leur limitation expira-
toire ( 1 5 ). Dans une série importante de patients BPCO, la CI dimi-
nuait en moyenne à l’exercice de 0,37 ± 0,39 l, soit 14 %de la
valeur théorique, alors qu’elle peut augmenter légèrement en
moyenne chez le sujet sain (+ 0 , 1 7 ±0 , 4 6 l). Cela amène au concept
de “contrainte restrictive” chez le patient BPCO, puisque la CI
représente la limite pratique dexpansion du V
T
à lexercice
( f i g u r e 6 ) ( 1 5 ). L’hyperinflation dynamique à l’exercice diminue
la longueur des muscles inspiratoires, et donc leur force de con-
traction, et augmente la charge élastique, le travail ventilatoire et
la consommation d’oxygène par les muscles respiratoires. Il en
résulte également une détérioration du couplage neuromécanique
(qui est la relation entre l’effort inspiratoire et le volume courant
mobilisé) et une majoration de la dyspnée (16). La V
.O2max des
patients BPCO est corrélée au V
T
maximal au pic de l’exercice,
ce dernier étant lui même significativement lié à la CI au pic de
l’effort ( 1 5 ). La dyspnée au pic de l’exercice est significativement
corrélée à la réserve inspiratoire dynamique (CI – V
T
au pic).
Il semble également possible d’évaluer très facilement la disten-
sion dynamique d’exercice en effectuant une mesure de la CI avant
et juste aps un test de marche de 6 minutes. La dyspe à la marche
est corrélée chez le patient BPCO à la diminution de la CI ainsi
mesurée (3).
L’un des mécanismes d’efficacité des bronchodilatateurs courte
action ou longue action est de limiter cette distension dynamique,
indépendamment d’une efficacité sur le VEMS, paramètre clas-
sique de réversibilité. L’amélioration de la performance à l’exer-
cice sous bronchodilatateur est très significativement corrélée à
la réduction de la distension dynamique et donc à l’amélioration
de la CI au repos et pendant l’effort (17, 18).
Bien que cette hypothèse n’ait pas encore été confire par d’autres
études que celle précédemment citée (9), il est vraisemblable que
la CI et son évolution dynamique à l’exercice soit également un
paramètre pertinent dans les pathologies infiltratives pulmonaires.
Intérêt comme paramètre de réversibilité
Le troisième intérêt majeur de la CI est l’évaluation de la réversi-
bilité sous bronchodilatateur. Bien que le VEMS soit le critère de
référence classique pour mettre en évidence une réversibilité sous
bronchodilatateur, de nombreux patients ressentent un bénéfice
clinique de ce type de traitement sans être réversibles sur ce seul
critère. L’un de ces mécanismes est la diminution de la distension.
Si l’on consire, par analogie avec l’effort, que la CPT se modifie
peu sous bronchodilatateur, l’amélioration de la CI signifie une duc-
tion de la CRF (figure 4). La comparaison de la CI pré- et post-
bronchodilatateur peut néanmoins sous-estimer l’amélioration de
la distension si la CPT diminue aussi. Il peut à l’inverse être o b s e r v é
dans quelques cas une augmentation “paradoxale” de la CPT sous
bronchodilatateur, correspondant vraisemblablement à la levée de
la pneumoconstriction due à la contraction des fibres musculaires
lisses tissulaires. Néanmoins, la corrélation entre le gain en CI et
la diminution de la CRF est correcte (r =0,6) chez l ’ e m p h y s é m a-
teux ( 1 9 ). Elle est naturellement excellente (r = 0,93) chez les
patients ne modifiant pas leur CPT sous bronchodilatateur.
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Figure 6. Profils ventilatoires à l’exercice du sujet
sain et du patient BPCO. Chez le BPCO, l’hyper-
inflation dynamique induite par la limitation des
débits expiratoires se traduit par une réduction de la
CI et de la réserve inspiratoire (“contrainte restric-
tive”). La ventilation à haut volume pulmonaire aug-
mente le travail élastique, diminue l’efficacité des
muscles inspiratoires et majore leur consommation
d’oxygène. La dyspnée résulte en partie d’un décou-
plage neuroventilatoire.
Figure 5. Courbes débit-volume obtenues à l’exercice chez un patient
BPCO sévère (VEMS : 0,89 l, 29 % de la valeur théorique). La mesure
de la CI à chaque palier permet de situer le volume courant par rapport
à la courbe débit-volume maximale, en prenant comme référence la CPT
considérée comme constante. Ce patient présente une distension dyna-
mique majeure liée à la limitation des débits expiratoires.
Chez les patients sévèrement distendus, quelle qu’en soit l’étio-
logie, l’amélioration de la CI est bien plus fréquente que celle du
VEMS. Dans une large série de patients très distendus, une amé-
lioration significative du VEMS seul était obtenue dans seule-
ment 11 % des cas, alors qu’une augmentation de la CI avec
duction parallèle du VR concernait 43 % des patients ( 2 0 ).
L’“effet volume” est d’autant plus prédominant que le patient
présente une obstruction sévère ( 2 1 ). L’amélioration de la CI sous
bronchodilatateur longue action est également plus importante
que celle du VEMS chez les patients BPCO distendus (22). Lors
d’un test de bronchodilatation maximale, utilisant une nébulisa-
tion de salbutamol et de bromure d’ipratropium à forte dose chez
des patients BPCO stables, l’amélioration de la CI s’avérait net-
tement supérieure à celle du VEMS (0,34 l versus 0,15 l), et sans
lien avec l’effet du bronchodilatateur sur la limitation des débits
expiratoires évaluée par la technique NEP (pression expiratoire
négative) (2). Chez les patients BPCO non réversibles en termes
de VEMS, on constate une amélioration de la CI et donc de la
distension, alors que la limitation des débits expiratoires reste
inchangée (23, 24). Les patients semblent privilégier, en termes
de “stratégie ventilatoire”, la diminution de la distension, source
majeure de dyspnée. Dans la BPCO, l’amélioration de la CI sous
différents bronchodilatateurs est plus importante chez les patients
ayant une CI basale diminuée (< 80 % de la valeur théorique) ;
elle est d’ailleurs significativement corrélée dans ce sous-groupe
à l’amélioration de la dyspnée ( 2 5 ) . L’effet plateau sur la CI atteint
son maximum 30 minutes après l’administration du bronchodi-
latateur.
Une seule étude a fourni des résultats contradictoires dans la
BPCO, en ne retrouvant aucun lien entre l’amélioration de la dys-
pnée sous bronchodilatateur et le gain en CI ( 2 6 ). Les auteurs
expliquent cette absence de corrélation avec les modifications de
la dyspnée par la variabilité importante de la CI au repos, liée à
la fois à la distension et à l’obstruction expiratoire et inspiratoire.
En revanche, une corrélation très significative apparaissait entre
la variation de la dyspnée sous bronchodilatateur et le volume
inspiré maximal-seconde (VIMS), paramètre dynamique prenant
en compte l’efficacité de l’inspiration. Ces données contradictoires
nécessitent une confirmation par d’autres études.
En l’absence de données précises à large échelle sur la repro-
ductibilité de la mesure, le problème pratique est de déterminer
le niveau d’amélioration de la CI permettant de définir une réver-
sibilité sur ce paramètre. encore, il n’existe pas de recom-
mandation officielle. Plusieurs études ont proposé un seuil de
10 ou 12 % par rapport à la valeur de base pour définir une réver-
sibilité significative sur la CI (2, 20, 25). D’autres auteurs retien-
nent comme seuil 10 % de la valeur théorique (19).
UTILISATION PRATIQUE ET PERSPECTIVES
En pratique, la CI est un complément utile de la CVF dans l’éva-
luation de nombreuses pathologies, notamment obstructives.
C’est le paramètre le plus simple pour évaluer indirectement la
distension et la contrainte restrictive. Sa simplicité de réalisation
et les résultats des récentes études justifient son emploi large,
voire systématique, lors des tests de réversibilité sous broncho-
dilatateur chez les patients considérés comme “non réversibles”
en termes de VEMS. Nous avons vu son intérêt majeur en asso-
ciation avec la courbe débit-volume au cours de l’exercice. Des
incertitudes persistent néanmoins quant à l’interprétation des
valeurs en longitudinal, compte tenu de l’absence de données à
large échelle sur sa reproductibilité et du niveau de variation
considéré comme cliniquement significatif. Son intérêt dans la
surveillance au long cours des pathologies obstructives reste donc
à évaluer. La CI pourrait, par exemple, s’avérer utile dans le dépis-
tage des exacerbations de BPCO, alors que le VEMS a montré
son faible intérêt dans cette indication. La CI est également par-
ticulièrement pertinente dans l’évaluation de la dyspnée d’effort,
que ce soit en pathologie obstructive ou restrictive. Son utilisa-
tion et ses indications devraient s’élargir rapidement.
R
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