32 Espaces préhilbertiens : projection orthogonale sur un sous

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Espaces préhilbertiens : projection
orthogonale sur un sous-espace de
dimension finie. Applications à
l’approximation des fonctions
32.1 Espaces préhilbertiens
On rappelle qu’une forme bilinéaire sur un espace vectoriel réel Eest une application
ϕ:E×ER
(x, y)7→ ϕ(x, y)
telle que pour tout xdans El’application y7→ ϕ(x, y)est linéaire et pour tout ydans E
l’application x7→ ϕ(x, y)est linéaire.
On dit que ϕest :
symétrique si ϕ(x, y) = ϕ(y, x)pour tous x, y dans E;
positive si ϕ(x, x)0pour tout xdans E;
définie si pour xdans El’égalité ϕ(x, x) = 0 équivaut à x= 0.
Définition 32.1 Un produit scalaire sur un espace vectoriel réel Eest une forme bilinéaire
symétrique définie positive.
On note en général
(x, y)7−→ hx|yi
un tel produit scalaire.
Définition 32.2 Un espace préhilbertien est un espace vectoriel réel muni d’un produit scalaire.
Exercice 32.1 Soient Eun espace vectoriel réel de dimension n, (ei)1inune base de Eet
ω=
n
P
k=1
ωkekfixé dans E. À tout couple (x, y)de vecteurs de E, on associe le réel :
hx|yi=
n
X
k=1
ωkxkyk.
843
844 Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Montrer que l’application h· | ·i est un produit scalaire sur Esi, et seulement si, toutes les
composantes de ωsont strictement positives.
Pour E=Rnet ωk= 1 pour tout kcompris entre 1et n, le produit scalaire obtenu est le
produit scalaire canonique de Rn.
Solution 32.1 L’application h· | ·i définit une forme bilinéaire symétrique sur Epour tout
ωE.
Si h· | ·i est un produit scalaire, on a alors ωk=hek|eki>0pour tout kcompris entre 1et n.
Réciproquement si tous les ωksont strictement positifs, on a hx|xi=
n
P
k=1
ωkx2
k0pour tout
xEet hx|xi= 0 équivaut à ωkx2
k= 0 pour tout kcompris entre 1et n, ce qui équivaut à
xk= 0 pour tout k, soit à x= 0.
En conclusion, h· | ·i définit un produit scalaire sur Esi, et seulement si, tous les ωksont
strictement positifs.
Exercice 32.2 Donner une condition nécessaire et suffisante sur les réels a, b, c, d pour que
l’application :
(x, y)7→ hx|yi=ax1y1+bx1y2+cx2y1+dx2y2
définisse un produit scalaire sur E=R2.
Solution 32.2 Pour tous réels a, b, c, d, cette application est bilinéaire de matrice A=µa b
c d
dans la base canonique de R2.
Elle est symétrique si, et seulement si, cette matrice Aest symétrique, ce qui équivaut à b=c.
Pour b=c, h· | ·i est bilinéaire symétrique et pour tout xR2,on a :
hx|xi=ax2
1+ 2bx1x2+dx2
2
Si on a un produit scalaire, alors a=he1|e1i>0, d =he2|e2i>0et pour tout vecteur
x=e1+te2,test un réel quelconque, on a hx|xi=a+ 2bt +dt2>0,ce qui équivaut à
δ=b2ad < 0.
Réciproquement si b=c, a > 0, d > 0et b2ad < 0alors h· | ·i est bilinéaire symétrique et
pour tout xE, on a :
hx|xi=ax2
1+ 2bx1x2+dx2
2
=aµx2
1+ 2 b
ax1x2+d
ax2
2
=aõx1+b
ax22
+ad b2
a2x2
2!0
avec hx|xi= 0 si, et seulement si, x1+b
ax2= 0 et x2= 0,ce qui équivaut à x= 0.
Donc h· | ·i est un produit scalaire si, et seulement si, b=c, a > 0, d > 0et b2ad < 0.
Exercice 32.3 Soient nun entier naturel non nul, x0,··· , xndes réels deux à deux distincts
et ωRn+1.À quelle condition, nécessaire et suffisante, sur ωl’application :
ϕ: (P, Q)7→
n
X
i=0
ωiP(xi)Q(xi)
définit-elle un produit scalaire sur l’espace vectoriel Rn[x]?
Espaces préhilbertiens 845
Solution 32.3 L’application ϕdéfinit une forme bilinéaire symétrique sur Rn[x]pour tout
ωRn.
Si ϕest un produit scalaire, en désignant par (Li)0inla base de Lagrange de Rn[x]définie
par :
Li(x) =
n
Y
k=0
k6=i
xxk
xixk
(0 in)
(Liest le polynôme de degré nqui vaut 1en xiet 0en xkpour k6=i), on a alors ωj=
ϕ(Lj, Lj)>0pour tout jcompris entre 1et n.
Réciproquement si tous les ωjsont strictement positifs, on a ϕ(P, P ) =
n
P
i=1
ωiP2(xi)0pour
tout xRnet ϕ(P, P )=0équivaut à ωiP2(xi) = 0 pour tout i, ce qui équivaut à P(xi)=0
pour tout icompris entre 0et nsoit à P= 0 (Pest un polynôme dans Rn[x]qui a n+1 racines
distinctes, c’est donc le polynôme nul).
En conclusion, ϕdéfinit un produit scalaire sur Rn[x]si, et seulement si, tous les ωisont
strictement positifs.
Exercice 32.4 nétant un entier naturel non nul, on note Pnl’ensemble des polynômes trigo-
nométriques de degré inférieur ou égal à n, c’est-à-dire l’ensemble des fonctions de Rdans R
la forme :
P:x7→ P(x) = a0+
n
X
k=1
(akcos (kx) + bksin (kx)) .
1. Montrer que Pnest un espace vectoriel et préciser sa dimension.
2. Montrer que si P∈ Pns’annule en 2n+ 1 points deux à deux distincts dans [π, π[,alors
P= 0 (utiliser les expressions complexes des fonctions cos et sin).
3. Montrer que si x0,···, x2nsont des réels deux à deux distincts dans [π, π[,alors l’ap-
plication :
ϕ: (P, Q)7→
2n
X
i=0
P(xi)Q(xi)
définit un produit scalaire sur l’espace vectoriel Pn.
Solution 32.4
1. Il est clair que Pnest un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel des applications de
Rdans R.En notant respectivement cket skles fonctions x7→ cos (kx)pour k0
et x7→ sin (kx)pour k1,Pnest engendré par la famille Bn={ck|0kn} ∪
{sk|1kn},c’est donc un espace vectoriel de dimension au plus égale à 2n+ 1.
Montrons que cette famille de fonctions est libre. Pour ce faire, on procède par récurrence
sur n1.
Pour n= 1,si a0+a1cos (x) + b1sin (x)=0,en évaluant cette fonction en 0,π
2et π
successivement, on aboutit au système linéaire :
a0+a1= 0
a0+b1= 0
a0a1= 0
qui équivaut à a0=b0=b1= 0.La famille {c0, c1, s1}est donc libre.
Supposons le résultat acquis au rang n11.Si P=a0+
n
P
k=1
(akck+bksk) = 0,en
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dérivant deux fois, on a :
P00 =
n
X
k=1
k2(akck+bksk) = 0
Il en résulte que :
n2P+P00 =n2a0+
n1
X
k=1 ¡n2k2¢(akck+bksk) = 0
et l’hypothèse de récurrence nous dit que n2a0= 0,(n2k2)ak= 0 et (n2k2)bkpour
tout kcompris entre 1et n1,ce qui équivaut à dire que a0= 0 et ak=bk= 0 pour
tout kcompris entre 1et n1puisque n2k26= 0.Il reste alors ancn+bnsn= 0,ce qui
implique an= 0,en évaluant en x= 0 et bn= 0.La famille Bnest donc libre.
On verra un peu plus loin que cette famille est orthogonale pour un produit scalaire naturel
sur Pn,formée de fonctions non nulles, et en conséquence libre.
2. Posant z=eix pour tout réel x, on a :
P(x) = a0+
n
X
k=1 µak
zk+zk
2+bk
zkzk
2i
=a0+1
2
n
X
k=1 µakµzk+1
zkibkµzk1
zk¶¶
=a0+1
2
n
X
k=1 µ(akibk)zk+ (ak+ibk)1
zk
ou encore :
znP(x) = a0z2n+1
2
n
X
k=1 ¡(akibk)zn+k+ (ak+ibk)znk¢=Q(z)
Il en résulte que si Ps’annule en 2n+ 1 points deux à deux distincts, x0,··· , x2n,dans
[π, π[,alors le polynôme complexe QC2n[z]s’annule en 2n+ 1 points distincts du
cercle unité, eix0,··· , eix2n,ce qui revient à dire que c’est le polynôme nul et P= 0.
3. On vérifie facilement que ϕest une forme bilinéaire symétrique et positive. L’égalité
ϕ(P, P ) = 0 entraîne que P∈ Pns’annule en 2n+ 1 points deux à deux distincts dans
[π, π[et en conséquence P= 0.
Exercice 32.5 Montrer que, pour toute fonction α∈ C0¡[a, b],R
+¢,l’application :
ϕ: (f, g)7→ Zb
a
f(t)g(t)α(t)dt
définit un produit scalaire sur l’espace vectoriel E=C0([a, b],R).
Solution 32.5 Avec la structure de corps commutatif de Ret la linéarité et positivité de l’inté-
grale, on déduit que ϕest une forme bilinéaire symétrique positive sur E. Sachant que l’intégrale
sur [a, b]d’une fonction continue et à valeurs positives est nulle si, et seulement si, cette fonction
est nulle, on déduit que ϕest une forme définie. Donc ϕest un produit scalaire sur E.
Inégalités de Cauchy-Schwarz et de Minkowski 847
Plus généralement, on se donne une fonction αdéfinie sur un intervalle réel ouvert I= ]a, b[,
avec −∞ ≤ a < b +,continue à valeurs réelles strictement positives, et on note :
E=½f∈ C0(I)|Zb
a
f2(x)α(x)dx < +¾
En utilisant l’inégalité :
|fg| ≤ 1
2¡f2+g2¢,
on vérifie que Eest un espace vectoriel et que l’application
(f, g)7→ Zb
a
f(x)g(x)α(x)dx
définit un produit scalaire sur E.
Exercice 32.6 Montrer que l’application :
(f, g)7→ Zπ
π
f(t)g(t)dt
définit un produit scalaire sur l’espace vectoriel Fdes fonctions définies sur Rà valeurs réelles,
continues et périodiques de période 2π.
Solution 32.6 Ce sont les mêmes arguments qu’à l’exercice précédent compte tenu qu’une
fonction de Fest nulle si, et seulement si, elle est nulle sur [π, π].
32.2 Inégalités de Cauchy-Schwarz et de Minkowski
(E, h· | ·i)désigne un espace préhilbertien et on note pour tout xdans E, kxk=phx|xi.
Théorème 32.1 (Inégalité de Cauchy-Schwarz) Pour tous x, y dans Eon a :
|hx|yi| ≤ kxkkyk
l’égalité étant réalisée si, et seulement si, xet ysont liés.
Démonstration. Si x= 0 ou x6= 0 et y=λx avec λR,on a alors l’égalité pour tout
yE.
On suppose donc que xest non nul et ynon lié à x. La fonction polynomiale Pdéfinie par :
P(t) = ky+txk2=kxk2t2+ 2 hx|yit+kyk2
est alors à valeurs strictement positives, le coefficient de t2étant non nul, il en résulte que son
discriminant est strictement négatif, soit :
hx|yi2− kxk2kyk2<0
ce qui équivaut à |hx|yi| <kxkkyk.
On peut déduire de cette inégalité quelques inégalités intéressantes sur les réels ou sur les
fonctions continues (voir le paragraphe 35.1).
Une conséquence importante de l’inégalité de Cauchy-Schwarz est l’inégalité triangulaire de
Minkowski.
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