32 Espaces préhilbertiens : projection orthogonale sur un sous

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32
Espaces préhilbertiens : projection
orthogonale sur un sous-espace de
dimension finie. Applications à
l’approximation des fonctions
32.1
Espaces préhilbertiens
On rappelle qu’une forme bilinéaire sur un espace vectoriel réel E est une application
ϕ: E×E →
R
(x, y) 7→ ϕ (x, y)
telle que pour tout x dans E l’application y 7→ ϕ (x, y) est linéaire et pour tout y dans E
l’application x 7→ ϕ (x, y) est linéaire.
On dit que ϕ est :
– symétrique si ϕ (x, y) = ϕ (y, x) pour tous x, y dans E ;
– positive si ϕ (x, x) ≥ 0 pour tout x dans E ;
– définie si pour x dans E l’égalité ϕ (x, x) = 0 équivaut à x = 0.
Définition 32.1 Un produit scalaire sur un espace vectoriel réel E est une forme bilinéaire
symétrique définie positive.
On note en général
(x, y) 7−→ hx | yi
un tel produit scalaire.
Définition 32.2 Un espace préhilbertien est un espace vectoriel réel muni d’un produit scalaire.
Exercice 32.1 Soient E un espace vectoriel réel de dimension n, (ei )1≤i≤n une base de E et
n
P
ω=
ωk ek fixé dans E. À tout couple (x, y) de vecteurs de E, on associe le réel :
k=1
hx | yi =
n
X
k=1
843
ωk xk yk .
844
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Montrer que l’application h· | ·i est un produit scalaire sur E si, et seulement si, toutes les
composantes de ω sont strictement positives.
Pour E = Rn et ωk = 1 pour tout k compris entre 1 et n, le produit scalaire obtenu est le
produit scalaire canonique de Rn .
Solution 32.1 L’application h· | ·i définit une forme bilinéaire symétrique sur E pour tout
ω ∈ E.
Si h· | ·i est un produit scalaire, on a alors ωk = hek | ek i > 0 pour tout k compris entre 1 et n.
n
P
Réciproquement si tous les ωk sont strictement positifs, on a hx | xi =
ωk x2k ≥ 0 pour tout
k=1
x ∈ E et hx | xi = 0 équivaut à ωk x2k = 0 pour tout k compris entre 1 et n, ce qui équivaut à
xk = 0 pour tout k, soit à x = 0.
En conclusion, h· | ·i définit un produit scalaire sur E si, et seulement si, tous les ωk sont
strictement positifs.
Exercice 32.2 Donner une condition nécessaire et suffisante sur les réels a, b, c, d pour que
l’application :
(x, y) 7→ hx | yi = ax1 y1 + bx1 y2 + cx2 y1 + dx2 y2
définisse un produit scalaire sur E = R2 .
µ
Solution 32.2 Pour tous réels a, b, c, d, cette application est bilinéaire de matrice A =
a b
c d
¶
dans la base canonique de R2 .
Elle est symétrique si, et seulement si, cette matrice A est symétrique, ce qui équivaut à b = c.
Pour b = c, h· | ·i est bilinéaire symétrique et pour tout x ∈ R2 , on a :
hx | xi = ax21 + 2bx1 x2 + dx22
Si on a un produit scalaire, alors a = he1 | e1 i > 0, d = he2 | e2 i > 0 et pour tout vecteur
x = e1 + te2 , où t est un réel quelconque, on a hx | xi = a + 2bt + dt2 > 0, ce qui équivaut à
δ = b2 − ad < 0.
Réciproquement si b = c, a > 0, d > 0 et b2 − ad < 0 alors h· | ·i est bilinéaire symétrique et
pour tout x ∈ E, on a :
hx | xi = ax21 + 2bx1 x2 + dx22
µ
¶
d 2
b
2
= a x1 + 2 x1 x2 + x2
a
a
õ
!
¶2
ad − b2 2
b
=a
x1 + x2 +
x2 ≥ 0
a
a2
b
avec hx | xi = 0 si, et seulement si, x1 + x2 = 0 et x2 = 0, ce qui équivaut à x = 0.
a
Donc h· | ·i est un produit scalaire si, et seulement si, b = c, a > 0, d > 0 et b2 − ad < 0.
Exercice 32.3 Soient n un entier naturel non nul, x0 , · · · , xn des réels deux à deux distincts
et ω ∈ Rn+1 . À quelle condition, nécessaire et suffisante, sur ω l’application :
ϕ : (P, Q) 7→
n
X
ωi P (xi ) Q (xi )
i=0
définit-elle un produit scalaire sur l’espace vectoriel Rn [x] ?
Espaces préhilbertiens
845
Solution 32.3 L’application ϕ définit une forme bilinéaire symétrique sur Rn [x] pour tout
ω ∈ Rn .
Si ϕ est un produit scalaire, en désignant par (Li )0≤i≤n la base de Lagrange de Rn [x] définie
par :
n
Y
x − xk
Li (x) =
(0 ≤ i ≤ n)
x
i − xk
k=0
k6=i
(Li est le polynôme de degré n qui vaut 1 en xi et 0 en xk pour k 6= i), on a alors ωj =
ϕ (Lj , Lj ) > 0 pour tout j compris entre 1 et n.
n
P
Réciproquement si tous les ωj sont strictement positifs, on a ϕ (P, P ) =
ωi P 2 (xi ) ≥ 0 pour
i=1
tout x ∈ Rn et ϕ (P, P ) = 0 équivaut à ωi P 2 (xi ) = 0 pour tout i, ce qui équivaut à P (xi ) = 0
pour tout i compris entre 0 et n soit à P = 0 (P est un polynôme dans Rn [x] qui a n +1 racines
distinctes, c’est donc le polynôme nul).
En conclusion, ϕ définit un produit scalaire sur Rn [x] si, et seulement si, tous les ωi sont
strictement positifs.
Exercice 32.4 n étant un entier naturel non nul, on note Pn l’ensemble des polynômes trigonométriques de degré inférieur ou égal à n, c’est-à-dire l’ensemble des fonctions de R dans R
la forme :
n
X
(ak cos (kx) + bk sin (kx)) .
P : x 7→ P (x) = a0 +
k=1
1. Montrer que Pn est un espace vectoriel et préciser sa dimension.
2. Montrer que si P ∈ Pn s’annule en 2n + 1 points deux à deux distincts dans [−π, π[ , alors
P = 0 (utiliser les expressions complexes des fonctions cos et sin).
3. Montrer que si x0 , · · · , x2n sont des réels deux à deux distincts dans [−π, π[ , alors l’application :
2n
X
ϕ : (P, Q) 7→
P (xi ) Q (xi )
i=0
définit un produit scalaire sur l’espace vectoriel Pn .
Solution 32.4
1. Il est clair que Pn est un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel des applications de
R dans R. En notant respectivement ck et sk les fonctions x 7→ cos (kx) pour k ≥ 0
et x 7→ sin (kx) pour k ≥ 1, Pn est engendré par la famille Bn = {ck | 0 ≤ k ≤ n} ∪
{sk | 1 ≤ k ≤ n} , c’est donc un espace vectoriel de dimension au plus égale à 2n + 1.
Montrons que cette famille de fonctions est libre. Pour ce faire, on procède par récurrence
sur n ≥ 1.
π
et π
Pour n = 1, si a0 + a1 cos (x) + b1 sin (x) = 0, en évaluant cette fonction en 0,
2
successivement, on aboutit au système linéaire :

 a0 + a1 = 0
a0 + b1 = 0

a0 − a1 = 0
qui équivaut à a0 = b0 = b1 = 0. La famille {c0 , c1 , s1 } est donc libre.
n
P
Supposons le résultat acquis au rang n − 1 ≥ 1. Si P = a0 +
(ak ck + bk sk ) = 0, en
k=1
846
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
dérivant deux fois, on a :
P 00 = −
n
X
k 2 (ak ck + bk sk ) = 0
k=1
Il en résulte que :
2
00
2
n P + P = n a0 +
n−1
X
¡
¢
n2 − k 2 (ak ck + bk sk ) = 0
k=1
et l’hypothèse de récurrence nous dit que n2 a0 = 0, (n2 − k 2 ) ak = 0 et (n2 − k 2 ) bk pour
tout k compris entre 1 et n − 1, ce qui équivaut à dire que a0 = 0 et ak = bk = 0 pour
tout k compris entre 1 et n − 1 puisque n2 − k 2 6= 0. Il reste alors an cn + bn sn = 0, ce qui
implique an = 0, en évaluant en x = 0 et bn = 0. La famille Bn est donc libre.
On verra un peu plus loin que cette famille est orthogonale pour un produit scalaire naturel
sur Pn , formée de fonctions non nulles, et en conséquence libre.
2. Posant z = eix pour tout réel x, on a :
n µ
X
¶
zk + zk
zk − zk
P (x) = a0 +
ak
+ bk
2
2i
k=1
µ
¶
¶¶
µ
µ
n
1X
1
1
k
k
= a0 +
ak z + k − ibk z − k
2 k=1
z
z
¶
n µ
1X
1
k
= a0 +
(ak − ibk ) z + (ak + ibk ) k
2 k=1
z
ou encore :
n
z n P (x) = a0 z 2n +
¢
1 X¡
(ak − ibk ) z n+k + (ak + ibk ) z n−k = Q (z)
2 k=1
Il en résulte que si P s’annule en 2n + 1 points deux à deux distincts, x0 , · · · , x2n , dans
[−π, π[ , alors le polynôme complexe Q ∈ C2n [z] s’annule en 2n + 1 points distincts du
cercle unité, eix0 , · · · , eix2n , ce qui revient à dire que c’est le polynôme nul et P = 0.
3. On vérifie facilement que ϕ est une forme bilinéaire symétrique et positive. L’égalité
ϕ (P, P ) = 0 entraîne que P ∈ Pn s’annule en 2n + 1 points deux à deux distincts dans
[−π, π[ et en conséquence P = 0.
¢
¡
Exercice 32.5 Montrer que, pour toute fonction α ∈ C 0 [a, b] , R∗+ , l’application :
Z
b
ϕ : (f, g) 7→
f (t) g (t) α (t) dt
a
définit un produit scalaire sur l’espace vectoriel E = C 0 ([a, b] , R) .
Solution 32.5 Avec la structure de corps commutatif de R et la linéarité et positivité de l’intégrale, on déduit que ϕ est une forme bilinéaire symétrique positive sur E. Sachant que l’intégrale
sur [a, b] d’une fonction continue et à valeurs positives est nulle si, et seulement si, cette fonction
est nulle, on déduit que ϕ est une forme définie. Donc ϕ est un produit scalaire sur E.
Inégalités de Cauchy-Schwarz et de Minkowski
847
Plus généralement, on se donne une fonction α définie sur un intervalle réel ouvert I = ]a, b[ ,
avec −∞ ≤ a < b ≤ +∞, continue à valeurs réelles strictement positives, et on note :
½
¾
Z b
0
2
E = f ∈ C (I) |
f (x) α (x) dx < +∞
a
En utilisant l’inégalité :
¢
1¡ 2
f + g2 ,
2
on vérifie que E est un espace vectoriel et que l’application
Z b
(f, g) 7→
f (x) g (x) α (x) dx
|f g| ≤
a
définit un produit scalaire sur E.
Exercice 32.6 Montrer que l’application :
Z
π
(f, g) 7→
f (t) g (t) dt
−π
définit un produit scalaire sur l’espace vectoriel F des fonctions définies sur R à valeurs réelles,
continues et périodiques de période 2π.
Solution 32.6 Ce sont les mêmes arguments qu’à l’exercice précédent compte tenu qu’une
fonction de F est nulle si, et seulement si, elle est nulle sur [−π, π] .
32.2
Inégalités de Cauchy-Schwarz et de Minkowski
(E, h· | ·i) désigne un espace préhilbertien et on note pour tout x dans E, kxk =
p
hx|xi.
Théorème 32.1 (Inégalité de Cauchy-Schwarz) Pour tous x, y dans E on a :
|hx | yi| ≤ kxk kyk
l’égalité étant réalisée si, et seulement si, x et y sont liés.
Démonstration. Si x = 0 ou x 6= 0 et y = λx avec λ ∈ R, on a alors l’égalité pour tout
y ∈ E.
On suppose donc que x est non nul et y non lié à x. La fonction polynomiale P définie par :
P (t) = ky + txk2 = kxk2 t2 + 2 hx | yi t + kyk2
est alors à valeurs strictement positives, le coefficient de t2 étant non nul, il en résulte que son
discriminant est strictement négatif, soit :
hx | yi2 − kxk2 kyk2 < 0
ce qui équivaut à |hx | yi| < kxk kyk .
On peut déduire de cette inégalité quelques inégalités intéressantes sur les réels ou sur les
fonctions continues (voir le paragraphe 35.1).
Une conséquence importante de l’inégalité de Cauchy-Schwarz est l’inégalité triangulaire de
Minkowski.
848
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Théorème 32.2 (Inégalité de Minkowski) Pour tous x, y dans E on a :
kx + yk ≤ kxk + kyk
l’égalité étant réalisée si, et seulement si, x = 0 ou x 6= 0 et y = λx avec λ ≥ 0 (on dit que x
et y sont positivement liés).
Démonstration. Si x = 0, on a alors l’égalité pour tout y ∈ E.
Si x 6= 0 et y = λx avec λ ∈ R, on a :
kx + yk = |1 + λ| kxk ≤ (1 + |λ|) kxk = kxk + kyk
l’égalité étant réalisée pour λ ≥ 0. Pour λ < 0, l’inégalité est stricte puisque dans ce cas
|1 + λ| < 1 + |λ| = 1 − λ.
On suppose que x est non nul et y non lié à x. On a :
kx + yk2 = kxk2 + 2 hx | yi + kyk2
et avec l’inégalité de Cauchy-Schwarz :
kx + yk2 < kxk2 + 2 kxk kyk + kyk2 = (kxk + kyk)2
ce qui équivaut à kx + yk < kxk + kyk .
p
De l’inégalité de Minkowski, on déduit que l’application x 7→ kxk = hx|xi définit une
norme sur E.
De cette inégalité, on déduit l’inégalité équivalente suivante :
∀ (x, y) ∈ E 2 , |kxk − kyk| ≤ kx + yk
Par récurrence, on montre facilement que pour tous vecteurs x1 , · · · , xp , on a :
kx1 + · · · + xp k ≤ kx1 k + · · · + kxp k .
Les deux égalités qui suivent sont utiles en pratique.
Théorème 32.3 Pour tous x, y dans E on a :
¢
1¡
kx + yk2 − kxk2 − kyk2
2
¢
1¡
=
kx + yk2 − kx − yk2 ,
4
¡
¢
kx + yk2 + kx − yk2 = 2 kxk2 + kyk2 .
hx | yi =
La deuxième identité est l’égalité du parallélogramme. Elle est caractéristique des normes
déduites d’un produit scalaire (voir le théorème 35.3).
Exercice 32.7 Montrer que pour tout entier n ≥ 2 et tout n-uplet (x1 , · · · , xn ) de vecteurs de
E, on a :
X
¡
¢
kε1 x1 + · · · + εn xn k2 = 2n kx1 k2 + · · · + kxn k2
ε∈{−1,1}n
(identité généralisée du parallélogramme).
Orthogonalité
849
Solution 32.7 On procède par récurrence sur n ≥ 2.
Pour n = 2, c’est l’égalité du parallélogramme classique.
Supposons le résultat acquis pour n ≥ 2. Pour x1 , · · · , xn , xn+1 dans E et ε ∈ {−1, 1}n , on a :
kε1 x1 + · · · + εn xn + xn+1 k2 + kε1 x1 + · · · + εn xn − xn+1 k2
¡
¢
= 2 kε1 x1 + · · · + εn xn k2 + kxn+1 k2
donc :
X
ε∈{−1,1}
°2
° n+1
°
°X
°
°
ε k xk ° =
°
°
°
n+1
k=1
X
(ε,εn+1 )∈{−1,1}n ×{−1,1}
°2
° n+1
°
°X
°
°
ε k xk °
°
°
°
k=1
°
°2 
°2 °
n
n
°
°
°X
°X
X
°
°
°
°

εk xk − xn+1 ° 
εk xk + xn+1 ° + °
=
°
°
°
°
°
k=1
k=1
ε∈{−1,1}n

°
°2
n
°X
°
X
°
°
=2
εk xk ° + kxn+1 k2 
°
°
°
k=1
ε∈{−1,1}n
° n
°2
°
X °
°X
°
=2
εk xk ° + 2 · 2n kxn+1 k2
°
°
°
n
k=1
ε∈{−1,1}
= 2n+1
n+1
X
kxk k2
k=1
32.3
Orthogonalité
L’inégalité de Cauchy-Schwarz nous dit que pour tous vecteurs x et y non nuls dans E, on
a:
−1 ≤
hx | yi
≤1
kxk kyk
ce qui implique qu’il existe un unique réel θ dans [0, π] tel que :
hx | yi = cos (θ) kxk kyk
Le réel θ est la mesure dans [0, π] de l’angle géométrique que font les vecteurs x et y dans
E − {0} .
Pour θ ∈ {0, π} , on a |hx | yi| = kxk kyk , ce qui équivaut à dire que les vecteurs x et y sont
liés.
π
Pour θ = , on a hx | yi = 0.
2
Définition 32.3 On dit que deux vecteurs x et y appartenant à E sont orthogonaux si hx | yi =
0.
Théorème 32.4 (Pythagore) Les vecteurs x et y sont orthogonaux dans E si, et seulement
si :
kx + yk2 = kxk2 + kyk2
850
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
De manière générale, on a :
kx + yk2 = kxk2 + 2 cos (θ) kxk kyk + kyk2
On vérifie facilement par récurrence sur p ≥ 2, que si x1 , · · · , xp sont deux à deux orthogonaux, on a alors :
° p
°
p
°X °2 X
°
°
xk ° =
kxk k2
°
°
°
k=1
k=1
Définition 32.4 L’orthogonal d’une partie non vide X de E est l’ensemble :
X ⊥ = {y ∈ E | ∀x ∈ X, hx | yi = 0} .
Il est facile de vérifier que X ⊥ est un sous espace vectoriel de E.
Définition 32.5 On appelle famille orthogonale dans E toute famille (ei )i∈I de vecteurs de E
telle que hei | ej i = 0 pour tous i 6= j dans I. Si de plus kei k = 1 pour tout i ∈ I, on dit alors
que cette famille est orthonormée ou orthonormale.
Théorème 32.5 Une famille orthogonale de vecteurs non nuls de E est libre.
Démonstration. Si (ei )i∈I est une telle famille et si
P
λj ej = 0 où J est une partie finie
j∈J
de I on a alors pour tout k ∈ J :
*
0=
X
+
λj ej | ek
= λk kek k2 ,
j∈J
avec kek k 6= 0 et nécessairement λk = 0.
Exemple 32.1 Sur Rn [x] muni du produit scalaire
(P, Q) 7→ hP | Qi =
n
X
P (xk ) Q (xk ) ,
k=0
où (xk )0≤k≤n est une suite de réels deux à deux distincts, la base de Lagrange correspondante
est orthonormée (voir l’exercice 32.3).
Exercice 32.8 Montrer que, sur l’espace vectoriel F des fonctions réelles, continues et 2πpériodiques muni du produit scalaire :
Z π
(f, g) 7→
f (x) g (x) dx,
−π
½
la famille
1
1
1
√ , √ cos (nt) , √ sin (mt) | (n, m) ∈ N∗ × N∗
π
π
2π
¾
est orthonormée.
Le procédé d’orthogonalisation de Gram-Schmidt
851
Solution 32.8 Pour n 6= m dans N, on a :
Z π
Z
1 π
cos (nt) cos (mt) dt =
(cos ((n + m) t) + cos ((n − m) t)) dt = 0,
2 −π
−π
pour n 6= m dans N∗ , on a :
Z π
Z
1 π
sin (nt) sin (mt) dt =
(cos ((n − m) t) − cos ((n + m) t)) dt = 0
2 −π
−π
et pour (n, m) ∈ N × N∗ , on a :
Z π
Z
1 π
cos (nt) sin (mt) dt =
(sin ((n + m) t) − sin ((n − m) t)) dt = 0.
2 −π
−π
Pour n = 0, on a :
Z
π
dt = 2π
−π
°
°
° 1 °
°
donc ° √ °
= 1 et pour n ≥ 1 :
2π °
Z π
 Z π
1
2

cos (nt) dt =
(cos (2nt) + 1) dt = π


2 −π
−π
Z π
Z

1 π

2

sin (nt) dt =
(1 − cos (2nt)) dt = π
2 −π
−π
°
° °
°
° 1
° ° 1
°
° = ° √ sin (nt)° = 1.
√
donc °
cos
(nt)
° π
° ° π
°
32.4
Le procédé d’orthogonalisation de Gram-Schmidt
Théorème 32.6 (orthonormalisation de Gram-Schmidt) Pour toute famille libre (xi )1≤i≤p
dans E, il existe une unique famille orthonormée (ei )1≤i≤p dans E telle que :
½
Vect {e1 , · · · , ek } = Vect {x1 , · · · , xk }
∀k ∈ {1, · · · , p} ,
hxk | ek i > 0
Démonstration. On procède par récurrence sur p ≥ 1.
Pour p = 1, on a nécessairement e1 = λ1 x1 avec λ1 ∈ R∗ et 1 = ke1 k2 = λ21 kx1 k2 , donc
1
λ21 =
ce qui donne deux solutions pour λ1 . La condition supplémentaire hx1 | e1 i > 0
kx1 k2
1
x1 .
entraîne λ1 > 0 et on obtient ainsi l’unique solution e1 =
kx1 k
Supposons p ≥ 2 et construite la famille orthonormée (ei )1≤i≤p−1 vérifiant les conditions :
½
Vect {e1 , · · · , ek } = Vect {x1 , · · · , xk }
∀k ∈ {1, · · · , p − 1} ,
hxk | ek i > 0
¢
¡ 0
Si e1 , · · · , e0p−1 , ep est une solution à notre problème on a alors nécessairement e0k = ek pour
tout k compris entre 1 et p − 1 (unicité pour le cas p − 1). La condition Vect {e1 , · · · , ep } =
Vect {x1 , · · · , xp } entraîne :
p−1
X
ep =
λj ej + λp xp
j=1
852
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Avec les conditions d’orthogonalité :
∀j ∈ {1, · · · , p − 1} , hep | ej i = 0
on déduit que :
λj + λp hxp | ej i = 0 (1 ≤ j ≤ p − 1)
et :
Ã
ep = λp
xp −
p−1
X
!
hxp | ej i ej
= λp yp
j=1
Du fait que xp ∈
/ Vect {x1 , · · · , xp−1 } = Vect {e1 , · · · , ep−1 } on déduit que yp 6= 0 et la condition
kep k = 1 donne :
1
|λp | =
kyp k
La condition supplémentaire :
*
0 < hxp | ep i =
1
λp
Ã
ep −
!
p−1
X
λj e j
+
| ep
=
j=1
1
λp
entraîne λp > 0. Ce qui donne en définitive une unique solution pour ep .
La construction d’une famille orthonormée (ei )1≤i≤p peut se faire en utilisant l’algorithme
suivant :

1
 f1 = x1 , e1 = kf1 k f1
k−1
P
hxk | ej i ej , ek = kf1k k fk , (k = 2, · · · , p)
 f k = xk −
j=1
Le calcul de kfk k peut être simplifié en écrivant que :
*
+
k−1
X
kfk k2 = fk | xk −
hxk | ej i ej
j=1
*
= hfk | xk i =
xk −
k−1
X
+
hxk | ej i ej | xk
j=1
= kxk k2 −
k−1
X
hxk | ej i2
j=1
(fk est orthogonal à ej pour 1 ≤ j ≤ k − 1). Les hxk | ej i étant déjà calculés (pour obtenir fk ),
il suffit donc de calculer kxk k2 . En fait le calcul de hfk | xk i est souvent plus rapide.
k
P
1
Dans la base (xi )1≤i≤p chaque vecteur ek s’écrit ek =
µj xj , avec µk =
> 0.
kfk k
j=1
Corollaire 32.1 Si F est un sous-espace vectoriel de dimension finie ou infinie dénombrable
de E, alors il existe une base orthonormée pour F.
Démonstration. On raisonne par récurrence en utilisant le théorème de Gram-Schmidt.
Si E est un espace euclidien de dimension finie et B = (ei )1≤i≤n une base orthonormée de E,
alors tout vecteur x ∈ E s’écrit :
x=
n
X
k=1
hx | ek i ek =
n
X
k=1
xk ek
Le procédé d’orthogonalisation de Gram-Schmidt
853
et on a pour tous vecteurs x, y dans E, en notant X la matrice de x dans la base B :
hx | yi =
n
X
hx | ek i hy | ek i =
k=1
n
X
xk yk = t XY
k=1
et :
2
kxk =
n
X
2
hx | ek i =
k=1
n
X
x2k .
k=1
Ces égalités sont des cas particuliers des égalités de Parseval valables de manière plus générale
dans les espaces de Hilbert.
Exercice 32.9 Montrer que l’application :
Z
2
(P, Q) 7→ hP | Qi =
(2 − t) P (t) Q (t) dt
0
définit un produit scalaire sur R2 [x] . Donner une base orthonormée.
Solution 32.9 La fonction t 7→ 2−t étant à valeurs strictement positives sur ]0, 2[ , il est facile
de vérifier que h· | ·i est un produit scalaire.
En utilisant l’algorithme de Gram-Schmidt, on définit la base orthonormée (Pi )0≤i≤2 par :

Z 2
1

2


Q0 = 1, kQ0 k =
(2 − t) dt = 2, P0 = √


2

0


2


Q1 = x − hx | P0 i P0 = x −


3

4
3
2
kQ
1 k = hQ1 | xi = , P1 = x − 1

9
2


8
2

2
2
2


Q2 = x − hx | P0 i P0 − hx | P1 i P1 = x2 − x +


5
5
√



6
8

 kQ2 k2 = hQ2 | x2 i = , P2 =
(5x2 − 8x + 2)
75
4
Une base orthonormée de R2 [x] est donc :
Ã
!
√
¢
1 3
6¡ 2
√ , x − 1,
5x − 8x + 2
4
2 2
Z 1
Exercice 32.10 Montrer que l’application (P, Q) 7→
P (t) Q (t) dt définit un produit scalaire
−1
sur R2 [x] . Donner la matrice dans la base canonique et déterminer une base orthonormée.
Solution 32.10 On sait déjà que h· | ·i est un produit scalaire.
En utilisant l’algorithme de Gram-Schmidt, on définit la base orthonormée (Pi )0≤i≤2 par :

Z 1

1
2


Q0 = 1, kQ0 k =
dt = 2, P0 = √



2
−1



Q
=
x
−
hx
|
P
i
P
=
x
1
0
0

√



3
2
2
kQ1 k = hQ1 | xi = , P1 = √ x
3
2



1

2
2
2
 Q2 = x − hx | P0 i P0 − hx | P1 i P1 = x2 −


3¶
µ



8
3√
1
2

2
2

10 x −
 kQ2 k = hQ2 | x i = , P2 =
45
4
3
854
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Une base orthonormée de R2 [x] est donc :
Ã
√
¶!
µ
1
3 3√
1
√ , √ x,
10 x2 −
3
2 2 4
Exercice 32.11 On note h· | ·i le produit scalaire défini sur R [X] par :
Z +1
P (t) Q (t)
√
(P, Q) 7→ hP | Qi =
dt
1 − t2
−1
1. Montrer que :
Z
1
√
∀n ∈ N,
0
(2n)! π
t2n
dt =
2
2n
1−t
2 (n!)2 2
2. En utilisant le procédé d’orthogonalisation de Gram-Schmidt, déduire de la base canonique
(1, X, X 2 ) de R2 [X] , une base orthonormée de R2 [X] .
Solution 32.11
1. Pour tout entier naturel n, on note :
Z
1
√
Tn =
0
t2n
dt
1 − t2
1
La fonction à intégrer est positive et équivalente au voisinage de 1 à la fonction √ √
,
2 1−t
elle est donc intégrable sur [0, 1] .
On a :
Z 1
1
π
√
T0 =
dt = arcsin (1) =
2
2
1−t
0
et pour n ≥ 1, une intégration par parties donne :
Z 1
Z 1
√
t
2n−1
√
Tn =
t
dt = (2n − 1)
x2n−2 1 − t2 dt
1 − t2
0
0
Z 1 2(n−1)
¡
¢
t
√
= (2n − 1)
1 − t2 dx = (2n − 1) (Tn−1 − Tn )
2
1−t
0
On a donc la relation de récurrence :
∀n ≥ 1, Tn =
2n − 1
Tn−1
2n
et avec la valeurs initiale T0 , on déduit que :
2n − 1 2n − 3
31π
···
2n 2 (n − 1)
422
321π
2n 2n − 1 2n − 2 2n − 3
···
=
2n 2n 2 (n − 1) 2 (n − 1)
4222
(2n)! π
=
2n
2 (n!)2 2
Tn =
Le procédé d’orthogonalisation de Gram-Schmidt
855
2. On pose Q0 = 1 et on a
Z
1
1
√
kQ0 k =
dt = 2
2
−1 1 − t
2
Donc :
P0 =
Z
1
√
0
1
dt = π
1 − t2
1
1
Q0 = √
kQ0 k
π
Puis Q1 (X) = X − λP0 où λ est tel que hP0 | Q0 i = 0, ce qui donne :
Z 1
t
√
λ = hP0 | Xi =
dt = 0
2
−1 1 − t
par parité. On a Q1 (X) = X et :
Z 1
Z 1
t2
t2
2
π
2
√
kQ1 k =
dt = 2 √
dt = 2 π =
2
2
2
1 − t2
−1 1 − t
0
Donc :
1
P1 =
Q1 =
kQ1 k
r
2
X
π
Puis Q2 (X) = X 2 − λP0 − µP1 où λ, µ sont tels que hP0 | Q2 i = hP1 | Q2 i = 0, ce qui
donne :
√
Z 1
­
®
1
t2
1 π
π
2
√
λ = P0 | X = √
dt = √
=
2
π −1 1 − t2
π2
et :
r Z 1
­
®
2
t3
√
µ = P1 | X 2 =
dt = 0
π −1 1 − t2
√
π 1
1
2
2
√ = X 2 − et :
par parité. On a Q2 (X) = X − λP0 = X −
2
2
π
­
® ­
®
kQ2 k2 = Q2 | X 2 − λP0 = Q2 | X 2
Z
Z 1
t2
t4
1 1
√
√
=
dt −
dt
2
2 −1 1 − t2
−1 1 − t
4!
1π
π
= 4 2π −
=
22
22
8
Donc :
1
P2 =
Q2 =
kQ2 k
r
¢
2¡ 2
2X − 1
π
Conclusion, une base orthonormée de R2 [X] est donnée par :
!
Ã
r
r
¢
1
2
2¡ 2
X,
2X − 1
(P0 , P1 , P2 ) = √ ,
π
π
π
n
(n)
Exercice 32.12 Pour tout entier n positif ou nul, on note π2n (x) = (x2 − 1) et Rn = π2n .
On munit E = R [x] du produit scalaire défini par :
Z 1
2
∀ (P, Q) ∈ E , hP | Qi =
P (x) Q (x) dx
−1
856
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
1. Montrer que Rn est un polynôme de degré n de la parité de n.
2. Calculer, pour n ≥ 1, les coefficients de xn et xn−1 dans Rn .
3. Montrer que, pour n ≥ 1, pour tout entier k compris entre 1 et n et tout P ∈ R [x] , on
a:
Z 1
Z 1
(k)
(k−1)
π2n (t) P (t) dt = −
π2n (t) P 0 (t) dt
−1
−1
4. Montrer que, pour n ≥ 1 et tout polynôme P ∈ Rn−1 [x] , on a hRn | P i = 0.
5. En déduire que la famille (Rn )n∈N est orthogonale dans E.
6. Calculer kRn k , pour tout entier n positif ou nul. Les polynômes Pn =
polynômes de Legendre normalisés.
1
Rn sont les
kRn k
Solution 32.12
1. Pour n = 0 on a R0 = π0 = 1. Pour n ≥ 1 le polynôme :
π2n (x) =
n
X
(−1)n−k Cnk x2k
k=0
est de degré 2n et sa dérivée d’ordre n :
Rn (x) =
X
(−1)n−k Cnk
n
≤k≤n
2
(2k)!
x2k−n
(2k − n)!
est un polynôme de degré n.
Le polynôme π2n est pair donc sa dérivée d’ordre n, Rn est de la parité de n.
(2n)!
(n)
2. Le coefficient dominant de Rn est βn =
et le coefficient de xn−1 est nul du fait que
n!
Rn est de la parité de n.
3. Une intégration par parties donne, pour tout entier k compris entre 1 et n et tout P ∈
R [x] :
Z 1
Z 1
h
i1
(k)
(k−1)
(k−1)
π2n (t) P (t) dt = π2n (t) P (t)
−
π2n (t) P 0 (t) dt
−1
−1
−1
Et utilisant le fait que −1 et 1 sont racines d’ordre n du polynôme π2n (x) = (x − 1)n (x + 1)n ,
(k−1)
on a π2n (±1) = 0, de sorte que :
Z 1
Z 1
(k)
(k−1)
π2n (t) P (t) dt = −
π2n (t) P 0 (t) dt
−1
−1
4. En effectuant n intégrations par parties, on obtient :
Z 1
Z 1
(n)
n
π2n (t) P (t) dt = (−1)
π2n (t) P (n) (t) dt
−1
−1
Pour P ∈ Rn−1 [X] , on a P (n) = 0 et :
D
E ­
®
(n)
hRn | P i = π2n | P = π2n | P (n) = 0
Meilleure approximation dans un espace préhilbertien
857
5. Chaque polynôme Rk étant de degré k, on déduit de la question précédente que hRn | Rm i =
0 pour 0 ≤ n < m et par symétrie hRn | Rm i = 0 pour n 6= m dans N. La famille
{Rn | n ∈ N} est donc orthogonal dans R [x] .
6. En utilisant 4. on a :
Z 1
Z 1
(n)
2
n
kRn k =
π2n (t) Rn (t) dt = (−1)
π2n (t) Rn(n) (t) dt
−1
−1
Z 1
= (−1)n βn(n) n!
π2n (t) dt = (2n)! (−1)n In
−1
où :
Z
Z
1
In =
1
π2n (t) dt =
−1
¡2
¢n
t − 1 dt
−1
Pour n ≥ 1, on a :
Z
1
In =
¡
¢n−1 ¡ 2
¢
t −1
t − 1 dt =
Z
1
2
−1
¡2
¢n−1
t −1
t · tdt − In−1
−1
et une intégration par parties donne :
·
¸ Z 1
Z 1
¡2
¢n−1
¢n
¢n
1 ¡2
1 ¡2
t −1
t · tdt = t
t −1
−
t − 1 dt
2n
−1
−1 2n
1
= − In
2n
soit la relation de récurrence :
In = −
soit In = −
1
In − In−1
2n
2n
In−1 . Il en résulte que :
2n + 1
In = (−1)n
et :
(2n) (2 (n − 1)) · · · 2
22n (n!)2
I0 = (−1)n
2
(2n + 1) (2n − 1) · · · 1
(2n + 1)!
22n (n!)2
2
kRn k = (2n)!
2=
22n (n!)2
(2n + 1)!
2n + 1
2
r
soit kRn k = 2n n!
32.5
2
.
2n + 1
Meilleure approximation dans un espace préhilbertien
Théorème 32.7 (projection orthogonale) Soit F un sous espace vectoriel de dimension
finie de E. Pour tout vecteur x ∈ E, il existe un unique vecteur y dans F tel que :
kx − yk = d (x, F ) = inf kx − zk
z∈F
Ce vecteur est également l’unique vecteur appartenant à F tel que x − y ∈ F ⊥ .
Son expression dans une base orthonormée (ei )1≤i≤n de F est donnée par :
y=
n
X
k=1
hx | ek i ek
858
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
et on a :
2
2
2
2
kx − yk = kxk − kyk = kxk −
n
X
hx | ek i2
(32.1)
k=1
Démonstration. Soit (ei )1≤i≤n une base orthonormée de F (le théorème de Gram–Schmidt
nous assure l’existence d’une telle base). Pour x dans E, on définit le vecteur y ∈ F par :
y=
n
X
hx | ek i ek
k=1
On a alors hx − y | ej i = 0 pour tout j ∈ {1, · · · , n} , c’est-à-dire que x − y ∈ F ⊥ . Le théorème
de Pythagore donne alors, pour tout z ∈ F :
kx − zk2 = k(x − y) + (y − z)k2
= kx − yk2 + ky − zk2 ≥ kx − yk2
et on a bien kx − yk = d (x, F ) .
S’il existe un autre vecteur u ∈ F tel que kx − uk = d (x, F ) = δ, de :
δ 2 = kx − uk2 = kx − yk2 + ky − uk2 = δ 2 + ky − uk2
on déduit alors que ky − uk = 0 et y = u.
On sait déjà que le vecteur y ∈ F est tel que x − y ∈ F ⊥ . Supposons qu’il existe un autre
vecteur u ∈ F tel que x − u ∈ F ⊥ , pour tout z ∈ F, on a alors :
kx − zk2 = k(x − u) + (u − z)k2
= kx − uk2 + ku − zk2 ≥ kx − uk2
donc kx − uk = d (x, F ) et u = y d’après ce qui précède.
La dernière égalité se déduit de :
kxk2 = k(x − y) + yk2 = kx − yk2 + kyk2
Remarque 32.1 Il est parfois commode d’exprimer le résultat précédent sous la forme :
°2
°
n
n
°
°
X
X
°
°
hx | ek i2 ,
yk ek ° = kxk2 −
∀x ∈ E,
inf n °x −
°
(y1 ,··· ,yn )∈R °
k=1
k=1
où (ei )1≤i≤n est un système orthonormé.
Si x est un vecteur de E, alors le vecteur y de F qui lui est associé dans le théorème précédent
est la meilleure approximation de x dans F. En considérant la caractérisation géométrique
x − y ∈ F ⊥ , on dit aussi que y est la projection orthogonale de x sur F .
On note y = pF (x) et on dit que l’application pF est la projection orthogonale de E sur F.
On a donc :
¡
¢
(y = pF (x)) ⇔ y ∈ F et x − y ∈ F ⊥ ⇔ (y ∈ F et kx − yk = d (x, F ))
Meilleure approximation dans un espace préhilbertien
859
et dans une base orthonormée de F, une expression de pF est :
∀x ∈ E, pF (x) =
n
X
hx | ek i ek .
k=1
L’égalité pF (x) = x équivaut à dire que x ∈ F et pF (x) = 0 équivaut à dire que x ∈ F ⊥ .
Dans le cas où E est de dimension finie et F = E, pF est l’application identité.
De l’inégalité (32.1) , on déduit que pour tout vecteur x ∈ E, on a :
2
kpF (x)k =
n
X
hx | ek i2 ≤ kxk2 .
k=1
Cette inégalité est l’inégalité de Bessel.
Si F = {0} , on peut définir pF et c’est l’application nulle. On suppose donc, a priori, F non
réduit à {0} .
¶
µ
1
a
Exemple 32.2 Si D = Ra est une droite vectorielle, une base orthonormée de D est
kak
hx | ai
et pour tout x ∈ E, on a pD (x) =
a.
kak2
Exemple 32.3 Sur l’espace vectoriel F des fonctions continues et 2π-périodiques muni du
produit scalaire :
Z π
(f, g) 7→ hf | gi =
f (x) g (x) dx
−π
la meilleure approximation, pour la norme déduite de ce produit scalaire, d’une fonction f ∈ F
par un polynôme trigonométrique de degré inférieur ou égal à n est donnée par :
¿
À
À
À
n ¿
n ¿
X
X
c0
c0
ck
ck
s
sk
√ +
√ +
√k
Sn (f ) = f | √
f|√
f|√
π
π k=1
π
π
2π
2π k=1
n
n
1X
1
1X
hf | ck i ck +
hf | sk i sk
=
hf | c0 i c0 +
2π
π k=1
π k=1
où ck : x 7→ cos (kx) pour k ≥ 0 et sk : x 7→ sin (kx) pour k ≥ 1. Soit :
n
n
X
a0 (f ) X
+
ak (f ) cos (kx) +
bk (f ) sin (kx)
Sn (f ) (x) =
2
k=1
k=1
où les ak (f ) et bk (f ) sont les coefficients de Fourier trigonométriques de f définis par :
Z
Z
1 π
1 π
f (t) cos (kt) dt et bk (f ) =
f (t) sin (kt) dt
ak (f ) =
π −π
π −π
L’opérateur de projection orthogonale de F sur Pn est l’opérateur de Fourier.
La série :
X
a0 (f ) +
(an (f ) cos (nx) + bn (f ) sin (nx))
est la série de Fourier de f.
860
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Si (ei )1≤i≤n est une base (non nécessairement orthonormée) de F, alors la projection orthon
P
gonale d’un vecteur x de E sur F est le vecteur y =
yj ej , où les composantes yj , pour j
j=1
compris entre 1 et n, sont solutions du système linéaire :
hx − y | ei i = 0 (1 ≤ i ≤ n) ,
soit :
n
X
hei | ej i yj = hx | ei i (1 ≤ i ≤ n) .
j=1
Ce système est appelé système d’équations normales.
Du théorème de projection orthogonale, on déduit le résultat suivant qui justifie l’existence
du supplémentaire orthogonal d’un sous-espace vectoriel de E de dimension finie.
Corollaire 32.2 Pour tout sous espace vectoriel F de dimension finie de E on a E = F ⊕ F ⊥ .
Démonstration. Pour tout x ∈ F ∩ F ⊥ , on a kxk2 = hx | xi = 0 et x = 0. Donc F ∩ F ⊥ =
{0} .
Soit x ∈ E et y ∈ F sa projection orthogonale dans F. On a x − y ∈ F ⊥ et x = y + (x − y) ∈
F + F ⊥ . D’où l’égalité E = F ⊕ F ⊥ .
¡ ⊥¢
Dans
le
cas
où
E
est
de
dimension
finie,
on
a
dim
F
= dim (E) − dim (F ) , donc
³¡ ¢ ´
¡ ⊥ ¢⊥
¡ ¢⊥
⊥ ⊥
dim F
= dim (F ) et avec l’inclusion F ⊂ F
, on déduit qu’on a l’égalité F ⊥ = F.
Remarque 32.2 Pour F de dimension infinie, on a toujours F ∩ F ⊥ = {0} mais pas nécessairement E = F ⊕ F ⊥ . On Zconsidère par exemple l’espace vectoriel E = C 0 ([0, 1] , R) muni
1
du produit scalaire hf | gi =
f (t) g (t) dt. Pour F = R [x] , du théorème de Weierstrass on
0
déduit que F ⊥ = {0} et pourtant on a E 6= F ⊕ F ⊥ .
Exercice 32.13 On munit l’espace vectoriel R [x] du produit scalaire :
Z +∞
(P, Q) 7→ hP | Qi =
P (t) Q (t) e−t dt.
0
1. Justifier la convergence des intégrales hP | Qi pour tous P, Q dans R [x] et le fait qu’on a
bien un produit scalaire.
2. Construire une base orthonormée de R3 [x] .
3. Soit P = 1 + x + x3 . Déterminer Q ∈ R2 [x] tel que kP − Qk soit minimal.
Solution 32.13
1. On vérifie par récurrence que :
Z
+∞
∀k ∈ N,
tk e−t dt = k!
0
et de ce résultat on déduit que l’application h· | ·i est bien définie sur R [x] . On vérifie
ensuite facilement que c’est un produit scalaire.
Meilleure approximation dans un espace préhilbertien
861
2. En utilisant le procédé de Gram-Schmidt sur la base (1, x, x2 , x3 ) de R3 [x] , on a :

Q0


=1
Q0 = 1, kQ0 k2 = 1, P0 =


kQ0 k




Q1



=x−1
P1 = x − hx | P0 i P0 = x − 1, kQ1 k2 = 1, P1 =


kQ1 k



2
2
2
2


 Q2 = x − hx | P0 i P0 − hx | P1 i P1 = x − 4x + 2
Q2
1
kQ2 k2 = 4, P2 =
= (x2 − 4x + 2)

kQ2 k
2







Q3 = x3 − hx3 | P0 i P0 − hx3 | P1 i P1 − hx3 | P2 i P2




= x3 − 9x2 + 18x − 6




Q3
1

2

= (x3 − 9x2 + 18x − 6)
 kQ3 k = 36, P3 =
kQ3 k
6
3. Le polynôme Q est la projection orthogonale de P sur F = R2 [x] donnée par :
Q=
2
X
hP | Pk i Pk .
k=0
Le calcul des hP | Pk i peut être évité en remarquant que dans la base orthonormée (P0 , P1 , P2 , P3 )
de E = R3 [x] , on a :
P =
3
X
hP | Pk i Pk = Q + hP | P3 i P3
k=0
le coefficient hP | P3 i s’obtenant en identifiant les coefficients de x3 dans cette égalité (P
est de degré 2 au plus), soit :
hP | P3 i = 6.
On a donc :
Q = P − hP | P3 i P3 = 9x2 − 17x + 7
et :
d (P, R2 [x]) = kP − Qk = |hP | P3 i| = 6.
Z
Exercice 32.14 Calculer
1
2
(x2 − ax − b) dx.
inf
(a,b)∈R2
−1
Solution 32.14 En munissant l’espace E = C 0 ([−1, 1]) du produit scalaire :
Z 1
hf, gi =
f (x) g (x) dx
−1
on a :
Z
M=
1
inf
(a,b)∈R2
−1
¡
x2 − ax − b
¢2
dx =
inf kf − Qk2
Q∈R1 [x]
2
où f (x) = x . Le théorème de projection orthogonale donne :
M = kf − P k2 = kf k2 − kP k2
862
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
où P est la projection orthogonale de f sur R1 [x] , soit P = hf, P0 i P0 + hf, P1 i P1 où (P0 , P1 )
est une base orthonormée de R1 [x] . Le procédé de Gram-Schmidt donne :
√
1
3
P0 (x) = √ , P1 (x) = √ x
2
2
et on a :
hf, P0 i =
2 1
√ , hf, P1 i = 0
3 2
donc :
P (x) =
1
3
et :
2 2
8
− =
5 9
45
En utilisant la base canonique (1, x) de R1 [x] , le système d’équations normales est :
½
h1 | 1i y1 + h1 | xi y2 = hx2 | 1i
hx | 1i y1 + hx | xi y2 = hx2 | xi
M=
soit :


 2y1 = 2
3
2

 y2 = 0
3
1
1
8
ce qui donne y1 = et y2 = 0, soit P = et M = kf k2 − kP k2 = .
3
3
45
Z 1
Exercice 32.15 Calculer inf 2
x2 (ln (x) − ax − b)2 dx.
(a,b)∈R
0
Solution 32.15 On munit l’espace vectoriel E = C ([0, 1]) du produit scalaire :
Z 1
(f, g) 7→ hf | gi =
f (x) g (x) dx
0
et on note f la fonction définie sur [0, 1] par :
½
x ln (x) si x ∈ ]0, 1]
f (x) =
0 si x = 0.
Avec lim x ln (x) = 0, on déduit que f ∈ E.
x→0
Avec ces notations il s’agit donc de calculer :
δ 2 = d (f, F )2 =
inf
°
°
°f − ax2 − bx°2
2
(a,b)∈R
où F = Vect {x, x2 } . On sait que si (P1 , P2 ) est une base orthonormée de F, alors :
δ 2 = kf − hf | P1 i P1 − hf | P2 i P2 k2
= kf k2 − hf | P1 i2 − hf | P2 i2
Meilleure approximation dans un espace préhilbertien
863
Une telle base orthonormée s’obtient avec le procédé de Gram-Schmidt :
√
½
P1 = √3x,
P2 = 5 (4x2 − 3x) .
Puis avec :

Z 1
1

n

xn+1 ln (x) dx = −
 ∀n ∈ N, hf | x i =
(n + 2)2
0
Z 1

2

 kf k2 =
x2 ln2 (x) dx = ,
27
0
on obtient :
√

3


 hf | P1 i = −
9
√


 hf | P2 i = 5
12
et :
1
432
La projection orthogonale de f sur F étant donnée par :
δ2 =
1
24 33
=
5
19
P = hf | P i P1 + hf | P2 i P2 = x2 − x
3
12
On peut aussi déterminer cette projection orthogonale P = ax2 + bx en utilisant le système
d’équations normales :
½
hf − P | xi = 0,
hf − P | x2 i = 0,
soit :
ce qui donne a =

4

 3a + 4b = − ,
3

 4a + 5b = − 5 ,
4
5
19
et b = − . Le minimum cherché est alors :
3
12
δ 2 = kf k2 − kP k2 =
2
31
1
−
=
.
27 432
432
Théorème 32.8 Si F est un sous espace vectoriel de dimension finie de E, alors la projection
orthogonale pF de E sur F est linéaire et continue avec kpF k = 1.
Démonstration. Si (ei )1≤i≤n est une base orthonormée de F, on a alors :
∀x ∈ E, pF (x) =
n
X
hx | ek i ek
k=1
La linéarité de pF se déduit alors facilement de cette expression. D’autre part, avec :
∀x ∈ E, kpF (x)k2 = kxk2 − kx − pF (x)k2 ≤ kxk2
et pF (x) = x pour tout x ∈ F, on déduit que pF est continue avec kpF k = 1.
864
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Pour tout x ∈ E la fonction J définie sur E par :
∀z ∈ E, J (z) = kz − xk2
est différentiable sur E. En effet, pour z, h dans E, on a :
J (z + h) − J (z) = 2 hz − x | hi + khk2 = J 0 (z) (h) + o (khk) .
La meilleure approximation de x dans F est donc définie par :
½
y ∈ F,
∀h ∈ F, J 0 (y) (h) = 0.
Ce résultat est en fait un cas particulier du résultat suivant.
Théorème 32.9 Soient E un espace vectoriel normé, F un sous-espace vectoriel de E, J une
fonction convexe de E dans R différentiable en un point y ∈ F. Le vecteur y est solution du
problème de minimisation :
(
y∈F
(32.2)
J (y) = inf J (z)
z∈F
si, et seulement si :
½
y∈F
∀h ∈ F, J 0 (y) (h) = 0
(32.3)
où J 0 (y) désigne la différentielle de J en y.
Démonstration. Supposons y solution de (32.2) . Pour tout h ∈ F la fonction ϕ définie
par :
∀t ∈ R, ϕ (t) = J (y + th)
est dérivable en 0 avec ϕ0 (0) = J 0 (y) (h) et atteint son minimum en t = 0, on a donc ϕ0 (0) =
0, soit J 0 (y) (h) . On peut remarquer qu’à ce stade de la démonstration la convexité de J
n’intervient pas.
Réciproquement supposons (32.3) vérifié. Pour z ∈ F et tout réel t ∈ ]0, 1] , avec la convexité
de la fonction J, on a :
J (y + t (z − y)) ≤ J (y) + t (J (z) − J (y)) ,
soit :
∀t ∈ ]0, 1] ,
J (y + t (z − y)) − J (y)
≤ J (z) − J (y)
t
et :
J (y + t (z − y)) − J (y)
≤ J (z) − J (y) ,
t→0
t
c’est-à-dire que J (y) ≤ J (z) pour tout z ∈ F et y est solution de (32.2) .
0 = J 0 (y) (z − y) = lim
Déterminants de Gram
32.6
865
Déterminants de Gram
Définition 32.6 Soit n un entier naturel non nul. On appelle matrice de Gram d’une famille
(xi )1≤i≤n de vecteurs de E, la matrice :


hx1 | x1 i hx1 | x2 i · · · hx1 | xn i
 hx2 | x1 i hx2 | x2 i · · · hx2 | xn i 


G (x1 , · · · , xn ) = 

..
..
..
.
.


.
.
.
.
hxn | x1 i hxn | x2 i · · · hxn | xn i
et le déterminant de cette matrice, noté g (x1 , · · · , xn ) , est appelé déterminant de Gram de la
famille (xi )1≤i≤n .
Remarque 32.3 Si F est un sous-espace vectoriel de E de dimension n ≥ 1 et (xi )1≤i≤n une
base de F, alors la matrice G (x1 , · · · , xn ) est la matrice du système d’équations normales qui
permet de déterminer la projection orthogonale sur F d’un vecteur x de E.
Théorème 32.10 Si n est un entier naturel non nul, alors pour toute famille (xi )1≤i≤n de
vecteurs de E, on a :
rg (G (x1 , · · · , xn )) = rg (x1 , · · · , xn ) .
Démonstration. Si tous les vecteurs xi sont nuls, alors la matrice de Gram correspondante
est la matrice nulle et le résultat est évident.
On suppose donc que les xi ne sont pas tous nuls et on désigne par F le sous-espace vectoriel
de E engendré par {x1 , · · · , xn } . Le procédé de Gram-Schmidt nous permet de construire une
base orthonormée (ei )1≤i≤p de F, avec 1 ≤ p ≤ n, et dans cette base on écrit :
xi =
p
X
aki ek (1 ≤ i ≤ n)
k=1
Pour i, j compris entre 1 et n, on a alors :

p
hxi | xj i =
X
k=1
soit en notant :



A=

aki akj

a1j


= (a1i , · · · , api )  ... 
apj
a11 a12 · · · a1n
a21 a22 · · · a2n
..
.. . .
..
.
.
.
.
ap1 ap2 · · · apn



 ∈ Mp,n (R)

G (x1 , · · · , xn ) = t AA
En munissant Rn et Rp de leurs structures euclidiennes canoniques, on a pour tout X ∈ Rn ,
h AAX | XiRn = hAX | AXiRp = kAXk2Rp et on en déduit que ker ( t AA) = ker (A) , puis avec
le théorème du rang que t AA et A ont même rang. On a donc :
t
rg (G (x1 , · · · , xn )) = rg (A) = rg (x1 , · · · , xn )
puisque A est la matrice du système de vecteurs (xi )1≤i≤n dans la base (ei )1≤i≤p .
866
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Corollaire 32.3 Si n est un entier naturel non nul, alors pour toute famille (xi )1≤i≤n de vecteurs de E, on a g (x1 , · · · , xn ) ≥ 0 et ce système est libre si, et seulement si, g (x1 , · · · , xn ) > 0.
Démonstration. On reprend les notations de la démonstration du théorème précédent.
Si le système (xi )1≤i≤n est lié, on a alors :
rg (G (x1 , · · · , xn )) = rg (A) < n
et la matrice G (x1 , · · · , xn ) est non inversible dans Mn (R) , son déterminant est donc nul.
Si le système (xi )1≤i≤n est libre, on a alors :
rg (G (x1 , · · · , xn )) = rg (A) = n
et la matrice G (x1 , · · · , xn ) est inversible dans Mn (R) , son déterminant est donc non nul. En
considérant que la matrice G (x1 , · · · , xn ) = t AA est symétrique positive (h t AAX | XiRn =
kAXk2Rn ≥ 0 pour tout X ∈ Rn ), on déduit que ce déterminant est strictement positif.
Remarque 32.4 Dans le cas de deux vecteurs x, y non nuls dans E, on a :
µ
¶
hx | xi hx | yi
g (x, y) =
= kxk2 kyk2 − hx | yi2
hx | yi hy | yi
et la condition g (x, y) ≥ 0 avec égalité si, et seulement si, les vecteurs x et y sont liés est tout
simplement le théorème de Cauchy-Schwarz.
Si x et y sont non nul, en notant θ la mesure dans [0, π] de l’angle que font ces vecteurs, on a :
¡
¢
g (x, y) = kxk2 kyk2 1 − cos2 (θ) = kxk2 kyk2 sin2 (θ)
et il en résulte que g (x, y) ≤ kxk2 kyk2 , l’égalité étant réalisée si, et seulement si, ces deux
vecteurs sont orthogonaux.
Le théorème qui suit généralise cette remarque en donnant une interprétation géométrique
du déterminant de Gram.
Si x, y sont deux vecteurs non nuls dans E, on note (x, y) la mesure dans [0, π] de l’angle
que font ces vecteurs.
Théorème 32.11 Soient n un entier naturel supérieur ou égal à 2, (xi )1≤i≤n une famille libre
de vecteurs dans E et (ei )1≤i≤n la base orthonormée de F = Vect {x1 , · · · , xn } déduite par le
procédé de Gram-Schmidt avec la condition hxk | ek i > 0 pour tout k compris entre 1 et n. On
a alors :
g (x1 , · · · , xn ) =
n
Y
cos2 (xk , ek )
k=2
2
n
Y
kxk k2
k=1
= sin (x1 , x2 )
n
Y
2
cos (xk , ek )
k=3
n
Y
kxk k2 si n ≥ 3
k=1
Démonstration. On a vu (démonstration du théorème 32.6) que :
ek =
1
yk (1 ≤ k ≤ n)
kyk k
Déterminants de Gram
867
où y1 = x1 et yk = xk −
k−1
P
hxk | ej i ej pour k compris entre 2 et n. La matrice de passage de
j=1
(ei )1≤i≤n à (xi )1≤i≤n est alors donnée par :

ky1 k

 a
A =  .21
 ..
an1
0
ky2 k
...
···
···
...

0
..
.
...
0
an,n−1 kyn k
et :
2
g (x1 , · · · , xn ) = det (A) =
n
Y




kyk k2
k=1
De xk = kyk k ek +
k−1
P
hxk | ej i ej , pour k compris entre 2 et n, et de l’orthogonalité des ej , on
j=1
déduit que :
kyk k = hxk | ek i = kxk k cos (xk , ek )
ce qui donne en tenant compte de ky1 k = kx1 k :
g (x1 , · · · , xn ) =
n
Y
2
cos (xk , ek )
n
Y
kxk k2
k=1
k=2
Pour n ≥ 3, en écrivant que :
ky2 k2 = kx2 − hx2 | e1 i e1 k2 = kx2 k2 − hx2 | e1 i2
avec :
hx2 | e1 i = kx2 k cos (x2 , e1 ) = kx2 k cos (x2 , x1 )
on obtient :
¡
¢
ky2 k2 = kx2 k2 1 − cos2 (x2 , x1 ) = kx2 k2 sin2 (x1 , x2 )
et :
g (x1 , · · · , xn ) = sin2 (x1 , x2 )
n
Y
cos2 (xk , ek )
k=3
n
Y
kxk k2
k=1
Corollaire 32.4 Si n est un entier naturel supérieur ou égal à 2, alors pour toute famille
(xi )1≤i≤n de vecteurs non nuls de E, on a :
0 ≤ g (x1 , · · · , xn ) ≤
n
Y
kxk k2 .
k=1
La borne inférieure est atteinte si, et seulement si, la famille (xi )1≤i≤n est liée et la borne
supérieure est atteinte si, et seulement si, la famille (xi )1≤i≤n est orthogonale.
Démonstration. Si la famille (xi )1≤i≤n est liée, on a alors g (x1 , · · · , xn ) = 0.
868
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
On suppose donc cette famille libre et dans ce cas, on a g (x1 , · · · , xn ) > 0 et le théorème
n
Q
précédent nous dit que g (x1 , · · · , xn ) ≤
kxk k2 , l’égalité étant réalisée si, et seulement si, on
k=1
a cos2 (xk , ek ) = 1 pour tout k compris entre 2 et n, ce qui compte tenu de :
2
2
2
2
kyk k = cos (xk , ek ) kxk k = kxk k −
k−1
X
hxk | ej i2
j=1
équivaut à hxk | ej i = 0 pour tout j compris entre 1 et k − 1, soit à xk = yk = kyk k ek pour
tout k compris entre 1 et n et le système (xi )1≤i≤n est orthogonal.
Les déterminants de Gram nous permettent de donner une expression du degré d’approximation d’un élément x de E par des éléments d’un sous-espace vectoriel F de dimension finie
ainsi qu’une expression de la projection orthogonale de x sur F. Précisément, on a le résultat
suivant.
Théorème 32.12 Soient F un sous-espace vectoriel de dimension finie de E et (xi )1≤i≤n une
base de F. Pour tout x dans E, on a :
s
g (x1 , · · · , xn , x)
d (x, F ) =
g (x1 , · · · , xn )
et la meilleure approximation de x par des éléments de F est le vecteur
n
X
gj,x (x1 , · · · , xn )
y=
xj ,
g (x1 , · · · , xn )
j=1
où gj,x (x1 , · · · , xn ) est le déterminant de la
de la matrice de Gram G (x1 , · · · , xn )
 matrice déduite

hx1 | xi


..
en remplaçant sa colonne numéro j par 
.
.
hxn | xi
Démonstration. En notant y la projection orthogonale de x sur F, on a :
d (x, F )2 = kx − yk2 = kxk2 − kyk2
et pour tout i compris entre 1 et n :
hxi | xi = hxi | x − yi + hxi | yi = hxi | yi
du fait que x − y ∈ F ⊥ et xi ∈ F. En utilisant la linéarité du déterminant par rapport à la
dernière colonne, on en déduit que :


hx1 | x1 i · · · hx1 | xn i
hx1 | yi


..
..
..


.
.
···
.
g (x1 , · · · , xn , x) = 

 hxn | x1 i · · · hxn | xn i

hxn | yi
2
2
hx | x1 i · · · hx | xn i d (x, F ) + kyk
= d (x, F )2 g (x1 , · · · , xn ) + g (x1 , · · · , xn , y)
= d (x, F )2 g (x1 , · · · , xn )
Déterminants de Gram
869
(le système {x1 , · · · , xn , y} étant lié, puisque y ∈ F, on a g (x1 , · · · , xn , y) = 0), soit :
s
g (x1 , · · · , xn , x)
d (x, F ) =
g (x1 , · · · , xn )
D’autre part, la projection orthogonale y de x sur F s’écrit y =
n
P
aj xj , les coefficients aj
j=1
étant solutions du système d’équations normales :
 


hx1 | xi
a1
 


...
G (x1 , · · · , xn )  ...  = 

hxn | xi
an
et en utilisant les formules de Cramer, on obtient, pour j compris entre 1 et n :
aj =
gj,x (x1 , · · · , xn )
g (x1 , · · · , xn )
Remarque 32.5 Si la base (xi )1≤i≤n est orthonormée, on a alors :
g (x1 , · · · , xn ) =
n
Y
kxk k2 = 1
k=1
donc :
d (x, F ) =
p
g (x1 , · · · , xn , x)
et pour les coefficients aj , on retrouve aj = hxj | xi .
Exemple 32.4 On se place sur E = C ([0, 1]) muni du produit scalaire :
Z 1
(f, g) 7→
f (x) g (x) dx.
0
Pour tout entier naturel non nul n, on a :
d (xn , Rn−1 [x]) =
avec :
¯
¯
¯
¯
¡
¢
¯
g 1, x, · · · , xn−1 = ¯
¯
¯
¯
1
2
1
2
1
3
1
n
1
n+1
1
..
.
..
.
s
g (1, x, · · · , xn−1 , xn )
,
g (1, x, · · · , xn−1 )
···
···
..
.
1
n
1
n+1
···
1
2n−1
..
.
¯
¯
¯
¯
¯
¯=
¯
¯
¯
Q
0≤i<j≤n−1
Q
0≤i,j≤n−1
(voir le lemme 32.1), ce qui peut aussi s’écrire :
Ã
¡
g 1, x, · · · , x
¢
n−1
=
n−1
Q
!3
j!
j=0
n−1
Q
.
(n + j)!
j=0
On en déduit alors que :
(n!)2
√
d (x , Rn−1 [x]) =
.
(2n)! 2n + 1
n
(j − i)2
(i + j + 1)
870
32.7
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Les théorèmes de Müntz
Pour ce paragraphe, on se place sur E = C ([0, 1]) muni du produit scalaire :
Z 1
(f, g) 7→ hf | gi =
f (x) g (x) dx,
0
on note k·k2 la norme déduite de ce produit scalaire et k·k∞ la norme de la convergence uniforme
sur l’intervalle [0, 1] .
On rappelle que pour tout entier naturel non nul n, on note en la fonction x 7→ xn .
Le théorème de Weierstrass nous dit que R [x] = Vect {en | n ∈ N} est dense dans (E, k·k∞ )
et avec kf k2 ≤ kf k∞ pour toute fonction f ∈ E, on déduit que R [x] est également dense dans
(E, k·k2 ) . Les théorèmes de Müntz permettent de caractériser
© λ les suites
ª strictement croissantes
n
de réels positifs pour lesquelles l’espace vectoriel Vect x | n ∈ N est dense dans E, muni
respectivement des normes k·k2 et k·k∞ .
Comme conséquence du théorème de Weierstrass on a le premier résultat de densité suivant.
Théorème 32.13 Soit {θn | n ∈ N} un système libre dans E. L’espace vectoriel F = Vect {θn | n ∈ N}
est dense dans (E, k·k2 ) si, et seulement si, pour tout entier naturel p, on a :
g (θ0 , · · · , θn , ep )
= 0.
n→+∞ g (θ0 , · · · , θn )
lim
Démonstration. En notant, pour tout entier naturel n :
Fn = Vect {θk | 0 ≤ k ≤ n}
on a g (θ0 , · · · , θn ) > 0 puisque le système {θk | 0 ≤ k ≤ n} est libre et pour tout entier naturel
p:
g (θ0 , · · · , θn , ep )
= d (ep , Fn )
g (θ0 , · · · , θn )
Supposons que F soit dense dans (E, k·k2 ) et soit p un entier naturel. Pour tout réel ε strictement positif on peut alors trouver un entier n0 et une fonction P ∈ Fn0 tels que kep − P k2 < ε.
On a alors :
d (ep , Fn0 ) = inf kep − Qk2 ≤ kep − P k2 < ε
Q∈Fn0
De plus pour tout entier n ≥ n0 , on a Fn0 ⊂ Fn et donc d (ep , Fn ) ≤ d (ep , Fn0 ) , ce qui permet
de déduire que :
∀n ≥ n0 , d (ep , Fn ) < ε
On a donc ainsi montré que pour tout entier naturel p, on a :
lim d (ep , Fn ) = 0
n→+∞
Réciproquement si cette condition est vérifiée, avec la bilinéarité du produit scalaire et la
linéarité du déterminant par rapport à la dernière colonne, on déduit que :
∀P ∈ R [x] , lim d (P, Fn ) = 0
n→+∞
Avec la densité de R [x] dans (E, k·k2 ) , on déduit que pour toute fonction f ∈ E et pour
tout réel ε strictement positif il existe une fonction polynomiale P telle que kf − P k2 < ε. En
Les théorèmes de Müntz
871
désignant par n0 un entier naturel tel que d (P, Fn0 ) < ε et en notant P0 ∈ Fn0 la projection
orthogonale de P sur Fn0 , on a :
kf − P0 k2 ≤ kf − P k2 + kP − P0 k2 = kf − P k2 + d (P, Fn0 ) < 2ε
et :
d (f, Fn0 ) ≤ kf − P0 k2 < 2ε
En écrivant que d (f, Fn0 ) = kf − Q0 k2 , où Q0 ∈ Fn0 est la projection orthogonale de f sur
Fn0 , on a donc kf − Q0 k2 < 2ε. Ce qui montre bien la densité de F dans (E, k·k2 ) .
Lemme 32.1 Si p est un entier naturel non nul, λ0 , λ1 , · · · , λp et x0 , x1 , · · · , xp sont des réels
tels que xj + λi 6= 0 pour tous i, j compris entre 1 et p, on a alors :
Q
(xj − xi ) (λj − λi )
µµ
¶¶
1
0≤i<j≤p
Q
det
=
xj + λ i
(xj + λi )
0≤i,j≤p
0≤i,j≤p
(déterminant de Cauchy ).
Démonstration.
S’il
µµ
¶¶existe deux indices i 6= j tels que xj = xi [resp. λj = λi ], la ma1
trice Ap =
a alors deux colonnes [resp. deux lignes] identiques et sont
xj + λ i
0≤i,j≤p
déterminant est nul. L’égalité annoncée est donc vérifiée.
On suppose que les xi , ainsi que les λi sont deux à deux distincts et on désigne par Fp la
fonction rationnelle définie sur R \ {−λ0 , · · · , −λp } par :
p−1
Q
Fp (x) =
j=0
p
Q
(x − xj )
.
(x + λi )
i=0
Le numérateur de Fp est de degré p et son dénominateur de degré p + 1, on a donc une
décomposition en éléments simples de la forme :
Fp (x) =
p
X
i=0
αi
,
x + λi
les coefficients αi étant donnés par :
p−1
Q
αi = lim (x + λi ) Fp (x) =
x→−λi
j=0
p
Q
(λi + xj )
.
(λi − λj )
j=0
j6=i
En développant le déterminant :
¯
1
1
1
¯ x +λ
xp−1 +λ0
xp +λ0
¯ 0 0 ···
¯
..
..
..
...
¯
.
.
.
Dp = ¯
1
1
¯ x +λ1
.
.
.
xp−1 +λp−1
xp +λp−1
¯ 0 p−1
¯ Fp (x0 ) · · · Fp (xp−1 ) Fp (xp )
¯
¯
¯
¯
¯
¯,
¯
¯
¯
872
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
suivant la dernière ligne, en tenant compte de Fp (xj ) = 0 pour tout j compris entre 0 et p − 1,
on obtient :
Dp = Fp (xp ) det (Ap−1 )
p
P
αi
D’autre part, en écrivant que Fp (xj ) =
et en utilisant le fait que le déterminant
i=0 xj + λi
est une forme multilinéaire alternée, on a aussi :
Dp = αp det (Ap )
On a donc Fp (xp ) det (Ap−1 ) = αp det (Ap ) et :
p−1
Q
(xp − xj ) (λp − λj )
Fp (xp )
j=0
det (Ap ) =
det (Ap−1 )
det (Ap−1 ) = p
p−1
Q
Q
αp
(xp + λi )
(xj + λp )
i=0
On conclut alors par récurrence sur
Pour p = 1, on a :
¯ 1
1
¯
¯ x0 +λ0 x1 +λ0
det (A1 ) = ¯ 1
1
¯
x0 +λ1
x1 +λ1
j=0
p ≥ 1.
¯
¯
(x1 − x0 ) (λ1 − λ0 )
¯
¯=
¯ (x1 + λ0 ) (x1 + λ1 ) (x0 + λ0 ) (x0 + λ1 )
Et supposant le résultat acquis pour p − 1, on a :
p−1
Q
det (Ap ) =
=
(xp − xj ) (λp − λj )
Q
(xj − xi ) (λj − λi )
Q
(xj + λi )
0≤i<j≤p−1
j=0
p
Q
p−1
Q
(xp + λi )
(xj + λp )
0≤i,j≤p−1
i=0
j=0
Q
(xj − xi ) (λj − λi )
p
Q
0≤i<j≤p
p
Q
(xp + λi )
i=0
(xp−1 + λi ) · · ·
i=0
p
Q
Q
=
0≤i<j≤p
(x0 + λi )
i=0
(xj − xi ) (λj − λi )
Q
(xj + λi )
0≤i,j≤p
Dans ce qui suit, on se donne une suite strictement croissante de réels positif :
0 ≤ λ0 < λ1 < · · · < λn < λn+1 < · · ·
et pour tout entier naturel n, on note θn la fonction définie par :
∀x ∈ [0, 1] , θn (x) = xλn .
Lemme 32.2 Pour tout entier naturel non nul n, on a :
µj−1
¶
n
Q
Q
2
(λj − λi )
j=0 i=0
¶
g (θ0 , · · · , θn ) = n µ n
Q Q
(λj + λi + 1)
j=0
i=0
et pour tout entier naturel p :
¯
n ¯
Y
¯ λi − p ¯
1
¯
¯
d (ep , Vect {θk | 0 ≤ k ≤ n}) = √
2p + 1 i=0 ¯ λi + p + 1 ¯
Les théorèmes de Müntz
873
Démonstration. Pour tout réel positif ou nul, on note simplement xλ la fonction x 7→ xλ .
Pour tous réels positifs ou nuls λ et µ, on a :
­
®
xλ | xµ =
1
λ+µ+1
et :
µµ
g (θ0 , · · · , θn ) = det
1
λj + λi + 1
Q
¶¶
0≤i<j≤n
Q
=
0≤i,j≤n
(λj − λi )2
(λi + λj + 1)
0≤i,j≤n
ce qui peut aussi s’écrire :
g (θ0 , · · · , θn ) =
n
Q
µj−1
Q
j=0
i=0
n
Q
µ
j=0
n
Q
¶
2
(λj − λi )
¶
(λj + λi + 1)
i=0
On a aussi :
g (θ0 , · · · , θn , ep ) =
n
Q
j=0
soit :
µ
n
Q
n
Q
µj−1
Q
j=0
i=0
¶
2
(λj − λi )
n
Q
(λi − p)2
i=0
¶
(λj + λi + 1) (λj + p + 1)
n
Q
(λi + p + 1) (2p + 1)
i=0
i=0
µj−1
Q
¶
n
Q
(λi − p)2
(λj − λi )
i=0
j=0 i=0
¶ n
g (θ0 , · · · , θn , ep ) = n µ n
Q
Q Q
(λj + λi + 1)
(λi + p + 1)2 (2p + 1)
n
Q
j=0
i=0
2
i=0
et en notant Fn = Vect {θk | 0 ≤ k ≤ n} , on en déduit que :
s
¯
n ¯
Y
¯ λi − p ¯
g (θ0 , · · · , θn , ep )
1
¯
¯
d (ep , Fn ) =
=√
g (θ0 , · · · , θn )
2p + 1 i=0 ¯ λi + p + 1 ¯
En utilisant la suite définie par λn = n pour tout entier naturel n, on retrouve :
n−1
d (xn , Rn−1 [x]) = √
Y n−i
(n!)2
1
√
=
2n + 1 i=0 n + i + 1
(2n)! 2n + 1
De ces calculs on déduit, avec les notations qui précèdent, le premier résultat de densité
suivant.
Théorème 32.14 L’espace vectoriel F = Vect {θn | n ∈ N} est dense dans (E, k·k2 ) si, et
seulement si :
n
Y
λi − p
=0
∀p ∈ N, lim
n→+∞
λ +p+1
i=0 i
Et de ce résultat on déduit le premier théorème de Müntz.
874
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Théorème 32.15 (Müntz) L’espace vectoriel F = Vect {θn | n ∈ N} est dense dans (E, k·k2 )
si, et seulement si :
+∞
X
1
= +∞.
λ
n
n=1
Démonstration. On a λn > λ0 ≥ 0 pour tout entier naturel non nul, donc
défini pour n ≥ 1.
Supposons F dense dans (E, k·k2 ) , on a alors :
∀p ∈ N, lim
n→+∞
n
Y
i=0
1
est bien
λn
λi − p
=0
λi + p + 1
Si la suite (λn )n∈N est bornée, étant croissante positive, elle converge vers un réel λ > 0 et la
+∞
P 1
est divergente. Si cette suite n’est pas bornée, étant croissante, elle diverge vers
série
n=1 λn
l’infini. Si N ⊂ {λk | k ∈ N} , on a alors :
+∞
+∞
X
X
1
1
≥
= +∞
λ
n
n=1 n
n=1
Dans le cas contraire il existe un entier naturel p tel que p 6= λk pour tout k ∈ N et avec
lim λn = +∞ on déduit qu’il existe un entier i0 tel que λi > p pour tout i > i0 . De :
n→+∞
lim
n→+∞
i0
n
Y
Y
λi − p
λi + p + 1
λi − p
=
lim
=0
n→+∞
λ
+
p
+
1
λ
−
p
λ
+
p
+
1
i
i
i
+1
i=0
i=0
n
Y
i=i0
on déduit que :
+∞
X
i=i0 +1
µ
ln
λi − p
λi + p + 1
¶
= −∞
et du fait que :
µ
¶
µ
¶
λi − p
2p + 1
2p + 1
ln
= ln 1 −
v −
λi + p + 1
λi + p + 1 i→+∞ λi + p + 1
v −
i→+∞
2p + 1
λi
cela équivaut à :
+∞
X
1
=∞
λ
i=i +1 i
0
n
Q
λi − p
1
= +∞. Pour p, n dans N, on note un,p =
.
n=1 λn
i=0 λi + p + 1
Si p ∈ {λk | k ∈ N} , on a alors un,p = 0 à partir d’un certain rang. Si p ∈
/ {λk | k ∈ N} , on
distingue deux cas. Si la suite (λn )n∈N est bornée, alors elle converge vers un réel λ > 0 et :
¯
¯ ¯
¯
¯ λi − p ¯ ¯ λ − p ¯
¯=¯
¯
lim ¯
¯λ + p + 1¯ = µ < 1
i→+∞ ¯ λi + p + 1 ¯
Réciproquement supposons que
+∞
P
on peut donc trouver un entier i0 tel que :
¯
¯
¯ λi − p ¯
¯≤µ+ε<1
∀i ≥ i0 , ¯¯
λi + p + 1 ¯
Les théorèmes de Müntz
et :
875
∀n > i0 , |un,p | ≤ |ui0 ,p | (µ + ε)n−i0
ce qui entraîne lim un,p = 0. Si la suite (λn )n∈N n’est pas bornée, elle diverge alors vers l’infini
n→+∞
et λi − p est strictement positif à partir d’un rang i0 avec :
µ
¶
¶
µ
λi − p
2p + 1
2p + 1
ln
= ln 1 −
v −
λi + p + 1
λi + p + 1 i→+∞
λi
µ
¶
+∞
P
λi − p
ln
ce qui entraîne
= −∞, équivalent à lim un,p = 0. Dans tous les cas, on
n→+∞
λi + p + 1
i=i0 +1
a lim un,p = 0 pour tout entier naturel p, ce qui équivaut à la densité de F dans (E, k·k2 ) .
n→+∞
De ce théorème on déduit le résultat de densité suivant dans E muni de la norme de la
convergence uniforme.
Théorème 32.16 (Müntz) Si avec les notations qui précèdent, on suppose de plus que λ0 =
0 et λ1 ≥ 1, alors l’espace vectoriel F = Vect {θn | n ∈ N} est dense dans (E, k·k∞ ) si, et
seulement si :
+∞
X
1
= +∞.
λ
n=1 n
Démonstration. Si F est dense dans (E, k·k∞ ) , il est alors dense dans (E, k·k2 ) et le
+∞
P 1
théorème précédent nous dit que
= +∞.
n=1 λn
+∞
P 1
Réciproquement, on suppose que
= +∞. Pour tout entier n ≥ 2 on a λn − 1 > 0 et
n=1 λn
+∞
©
ª
P
1
donc
= +∞, ce qui équivaut à la densité de G = Vect xλn −1 | n ≥ 1 dans (E, k·k2 )
n=2 λn − 1
(on note xλ la fonction x 7→ xλ ). Pour toute fonction polynomiale P et pour tout réel ε > 0,
n
P
on peut trouver une fonction ϕ =
ak xλk −1 dans G telle que kP 0 − ϕk2 < ε, où P 0 désigne le
k=1
polynôme dérivé de P. On désigne alors par θ la primitive sur [0, 1] de la fonction ϕ telle que
ϕ (0) = P (0) , soit :
n
X
ak λk
θ = P (0) +
x ∈F
λ
k
k=1
(l’hypothèse λ0 = 0 nous dit que 1 ∈ F ) et pour tout réel x ∈ [0, 1] avec l’inégalité de CauchySchwarz, on a :
¯
¯Z x
¯
¯
√
0
(P (t) − ϕ (t)) dt¯¯ ≤ kP 0 − ϕk2 x ≤ kP 0 − ϕk2 < ε
|P (x) − θ (x)| = ¯¯
0
soit kP − θk∞ < ε. On a donc ainsi montré que toute fonction polynomiale peut être uniformément approchée sur [0, 1] par des éléments de F. Avec le théorème de Weierstrass on en déduit
alors que F est dense dans (E, k·k∞ ) .
Exemple 32.5 Si (pn )n≥1 est la suite des nombres premiers positifs rangée dans l’ordre crois+∞
P 1
= +∞ et on en déduit que l’espace vectoriel Vect {1, xpn | n ≥ 1} est
sant, on sait que
n=1 pn
dense dans (E, k·k∞ ) .
876
32.8
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
Inégalité de Bessel et égalité de Parseval
On suppose que E est de dimension infinie et on désigne par B = {en | n ∈ N} une famille
orthonormée dans E (le théorème de Gram-Schmidt nous permet de construire une telle famille).
Définition 32.7 Pour tout x ∈ E la suite (hx | en i)n∈N est appelée suite des coefficients de
Fourier de x relativement à B et la série de terme général hx | en i en série de Fourier de x
relativement à B.
Pour tout x ∈ E et pour tout n ∈ N, on note :
Sn (x) =
n
X
hx | ek i ek
k=0
la nème somme partielle de la série de Fourier de x relativement à B.
Ces définitions sont données par analogie aux coefficients et séries de Fourier trigonométriques d’une fonction continue et 2π-périodique sur R.
Théorème 32.17 (Bessel) Pour tout x ∈ E, la série de terme général hx | en i2 est convergente et :
+∞
X
hx | en i2 ≤ kxk2 .
n=0
Démonstration. Pour tout entier naturel n, Sn (x) est la projection orthogonale de x sur
Fn = Vect {ek | 0 ≤ k ≤ n} , donc :
n
X
hx | ek i2 = kxk2 − kx − sn (x)k2 ≤ kxk2
k=0
ce qui entraîne la convergence de la série à termes positifs
P
hx | en i2 avec l’inégalité :
n∈N
+∞
X
hx | en i2 ≤ kxk2 .
n=0
En utilisant le fait que le terme général d’une série convergente tend vers 0, on déduit le
résultat suivant.
Corollaire 32.5 (Riemann-Lebesgue) Pour tout x ∈ E on a :
lim hx | en i = 0.
n→+∞
Exemple 32.6 Dans le cas des séries de Fourier trigonométriques, l’inégalité de Bessel s’écrit
sous la forme :
Z
+∞
1 π 2
a0 (f )2 X ¡
2
2¢
+
an (f ) + bn (f ) ≤
f (t) dt,
2
π
−π
n=1
où les coefficients an (f ) et bn (f ) sont les coefficients de Fourier de la fonction f et le théorème
de Riemann-Lebesgue nous dit que :
lim an (f ) = lim bn (f ) = 0.
n→+∞
Ce résultat peut aussi se montrer directement.
n→+∞
Inégalité de Bessel et égalité de Parseval
877
Définition 32.8 On dit qu’une famille orthonormée B = {en | n ∈ N} est totale dans E si le
sous espace vectoriel de E engendré par B est dense dans (E, k·k) .
Dire que la famille orthonormée B est totale dans E équivaut à dire que pour tout x dans
E et pour tout réel ε > 0 il existe un entier n ∈ N et un (n + 1)-uplet (c0 , c1 , · · · , cn ) ∈ Rn+1
tels que :
°
°
n
°
°
X
°
°
ck ek ° < ε.
°x −
°
°
k=0
Ce qui équivaut encore à dire que tout x dans E est limite d’une suite d’éléments de Vect (B) .
Théorème 32.18 Avec les notations qui précédent, les propriétés suivantes sont équivalentes.
(i) La famille orthonormée B est totale.
(ii) Pour tout x dans E, on a :
x=
+∞
X
hx | en i en
n=0
(série convergente dans (E, k·k)).
(iii) Pour tous x, y dans E, on a :
X
hx | en i hy | en i = hx | yi
n∈N
(égalité de Parseval).
(iv) Pour tout x dans E, on a :
X
hx | en i2 = kxk2
n∈N
(égalité de Parseval).
Démonstration. Pour tout entier naturel n, on note :
Fn = Vect {ek | 0 ≤ k ≤ n}
(i) =⇒ (ii) On suppose que la famille B est totale. Pour x ∈ E et tout réel ε > 0, il existe
n0
P
alors un entier naturel n0 et un vecteur y =
ck ek ∈ Fn0 tel que kx − yk < ε. Pour tout entier
n ≥ n0 , le vecteur Sn (x) =
n
P
k=0
hx | ek i ek est la projection orthogonale de x sur Fn et en tenant
k=0
compte de Fn0 ⊂ Fn , on déduit que :
kx − Sn (x)k = d (x, Fn ) ≤ kx − yk < ε
On a donc ainsi prouvé que lim kx − Sn (x)k = 0, c’est à dire que dans (E, k·k) on a l’égalité
x=
+∞
P
n=0
n→+∞
hx | en i en .
(ii) =⇒ (iii) On suppose que, pour tout x ∈ E, on a x =
utilisant le fait que pour tout x ∈ E on a x −
n
P
k=0
y ∈ E on a :
*
x−
n
X
k=0
hx | ek i ek | y −
n
X
k=0
+∞
P
hx | ek i ek ∈ Fn⊥ , on déduit que pour tout
+
hy | ek i ek
hx | en i en dans (E, k·k) . En
n=0
= hx | yi −
n
X
k=0
hx | ek i hy | ek i
878
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
et avec l’inégalité de Cauchy-Schwarz on a :
¯
¯ °
°°
°
n
n
n
¯
¯ °
°°
°
X
X
X
¯
¯ °
°°
°
hx | ek i hy | ek i¯ ≤ °x −
hx | ek i ek ° °y −
hy | ek i ek °
¯hx | yi −
¯
¯ °
°°
°
k=0
ce qui entraîne :
k=0
k=0
¯
¯
n
¯
¯
X
¯
¯
lim ¯hx | yi −
hx | ek i hy | ek i¯ = 0
n→+∞ ¯
¯
k=0
c’est-à-dire que hx | yi =
+∞
P
n=0
hx | en i hy | en i .
(iii) =⇒ (iv) Il suffit de faire y = x dans ce qui précède.
+∞
P
hx | en i2 , pour tout x ∈ E, en écrivant que :
(iv) =⇒ (i) Si kxk2 =
n=0
°
°2
n
n
°
°
X
X
°
°
2
hx | ek i ek ° = kxk −
hx | ek i2
0 ≤ °x −
°
°
k=0
k=0
µ n
¶
P
on déduit que x = lim
hx | ek i ek et la densité de Vect (B) dans E.
n→+∞
k=0
Exemple 32.7 Dans le cas des séries de Fourier trigonométriques, la densité de l’espace vectoriel P des polynômes trigonométriques dans (F, k·k∞ ) entraîne la densité de P dans (F, k·k2 ) ,
c’est-à-dire que la famille orthonormée :
½
¾
1
1
1
∗
∗
B = √ , √ cos (nt) , √ sin (mt) | (n, m) ∈ N × N
π
π
2π
est totale et on a l’égalité de Parseval :
+∞
¢ 1
a0 (f )2 X ¡
+
an (f )2 + bn (f )2 =
2
π
n=1
Z
π
f 2 (t) dt.
−π
L’égalité :
+∞
a0 (f ) X
f=
+
(an (f ) cn + bn (f ) sn )
2
n=1
(cn (x) = cos (nx) et sn (x) = sin (nx)) dans (F, k·k2 ) s’exprime en disant que la série de
Fourier de la fonction f ∈ F converge en moyenne quadratique.
Définition 32.9 On dit qu’une famille orthonormée B est maximale dans E s’il n’est pas
possible de trouver un vecteur unitaire e ∈ E tel que B∪{e} soit encore une famille orthonormée
dans E.
Théorème 32.19 Si B = {en | n ∈ N} est une famille orthonormée maximale dans E, alors
pour tout x ∈ E la condition hx | en i = 0 pour tout n ∈ N équivaut à x = 0.
Démonstration.
½
¾Si x 6= 0 dans E est tel que hx | en i = 0 pour tout n ∈ N, alors le
1
système B ∪
x est orthonormé ce qui contredit le caractère maximal de B. On a donc
kxk
nécessairement x = 0.
Ce théorème peut s’exprimer en disant que si B est une famille orthonormée maximale
dans E, alors tout vecteur x ∈ E est uniquement déterminé par ses coefficients de Fourier
relativement à B.
Inégalité de Bessel et égalité de Parseval
879
Théorème 32.20 Une famille orthonormée totale dans E est maximale.
Démonstration. On suppose que la famille orthonormée B est totale et qu’il existe un
vecteur e ∈ E tel que la famille B ∪ {e} soit encore orthonormée. Cette famille est également
totale et avec l’identité de Parseval, on a :
2
kek =
+∞
X
2
2
he | en i + kek =
n=0
+∞
X
he | en i2
n=0
et nécessairement kek = 0 ce qui est contradictoire avec kek = 1. On déduit donc que la famille
orthonormée B est maximale.
Théorème 32.21 Si l’espace préhilbertien E est de dimension infinie et, complet alors une
famille orthonormée est totale si, et seulement si, elle est maximale.
Démonstration. On sait déjà qu’une famille orthonormée totale est maximale. Supposons
n
P
que la famille orthonormée B soit maximale. Pour x ∈ E on note toujours Sn (x) =
hx | ek i ek
k=0
sa n-ème somme partielle de Fourier. Pour m > n on a :
2
kSn (x) − Sm (x)k =
m
X
k=n+1
2
hx | ek i ≤
+∞
X
hx | ek i2
k=n+1
et ce reste tend vers 0 quand n tend vers l’infini (Bessel). La suite (Sn (x))n∈N est donc de
Cauchy dans E et elle converge si E est complet. On note y sa limite. Pour m > n on a :
hy − sm (x) | en i = hy | en i − hx | en i
et avec l’inégalité de Cauchy-Schwarz :
|hy | en i − hx | en i| ≤ ky − sm (x)k ken k = ky − sm (x)k
puis en faisant tendre m vers l’infini on déduit que hy | en i = hx | en i . Les vecteurs x et y
ont donc mêmes coefficients de Fourier relativement à B ils sont donc égaux puisque B est
maximale.
880
Espaces préhilbertiens, projection orthogonale
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