Systèmes linéaires invariants A. Définition A.1. Notion de système On essaye souvent de modéliser un système physique en interaction avec l’extérieur ou d’autres systèmes en distinguant des entrées, un état et des sorties (figure 4-1). n entrées Système m sorties Fig. 4-1 : Modélisation d’un système physique A un instant donné, l’état du système peut dépendre de son histoire antérieure et des actions instantanées qu’il subit. Les entrées représentent ces actions extérieures. Une sortie peut représenter une action sur un autre système qui lui serait connecté. Ce peut également être une grandeur interne caractéristique de l’état du système (une observable qu’un expérimentateur pourrait mesurer par exemple). De manière générale, à tout instant une sortie dépend de l’état du système et de l’état de chacune des entrées. Cette modélisation suppose que entrées et sorties fonctionnement comme des canaux unidirectionnels (parfois matérialisés par des flèches sur les schémas). C’est-à-dire, par exemple, que la manière dont est exploitée une sortie n’a pas d’influence sur le comportement du système étudié. Il faut d’autre part que le fonctionnement de ce système n’interfère pas avec le signal d’entrée. Par exemple la grandeur physique en entrée peut être l’intensité d’un courant si celui-ci est fourni par une source idéale de courant. Mais si ce courant est débité par une source de tension il peut dépendre de la résistance d’entrée du système (sauf si celle-ci est infinie). Il sera alors impossible de choisir l’intensité comme grandeur d’entrée. A.2. Système scalaire Nous nous limitons aux systèmes dits scalaires, c’est-à-dire comportant une entrée et une sortie, notées respectivement e(t) et s(t) sur la figure 4-2. Ces quantités e(t) et s(t) représentent des signaux et le système effectue un traitement. Le signal de sortie s(t) est souvent appelé réponse du système à l’excitation e(t). La transformation réalisée par ce système peut être modélisée par un opérateur F : s( t ) = F[e( t )] S. Tisserant – ESIL – Traitement du signal – 2008-2009 4 -1 e(t) Système s(t) Fig. 4-2 : Système scalaire B. Propriétés des systèmes Dans ce paragraphe nous passons en revue quelques propriétés qui peuvent caractériser certains systèmes. B.1. Linéarité Un système, caractérisé par la transformation F, est linéaire si et seulement si : ∀(e1 , e 2 ) et ∀(λ1 , λ 2 ) F[λ1 e1 ( t ) + λ 2 e 2 ( t )] = λ1 F[e1 ( t )] + λ 2 F[e 2 ( t )] B.2. Invariance temporelle Un système, caractérisé par la transformation F, est invariant, ou stationnaire, si et seulement si une translation temporelle sur l’entrée entraîne la même translation sur la sortie : ∀e et ∀τ s( t − τ) = F[e( t − τ)] B.3. Causalité En physique un effet ne peut précéder sa cause. Un système est dit causal s’il respecte cette propriété. C’est-à-dire que si le signal d’entrée e(t) est nul pour t < t0, il en est de même pour le signal de sortie s(t) : e( t ) = 0 ∀t ≤ t 0 ⇒ s( t ) = 0 ∀t ≤ t 0 B.4. Stabilité Un système est stable si à tout signal d’entrée e(t) borné correspond une réponse s(t) bornée. Un signal f(t) est borné si ∃ A ≥ 0 tel que ∀ t |f(t)| ≤ A. C. Système linéaire invariant et réponse impulsionnelle C.1. Définition La réponse impulsionnelle, ou percussionnelle, h(t) d’un système, caractérisé par la transformation F, correspond à la réponse de ce système lorsqu’il est soumis en entrée à une impulsion de Dirac : S. Tisserant – ESIL – Traitement du signal – 2008-2009 4 -2 h(t) = F[δ(t)] C.2. Réponse du système linéaire Considérons un système linéaire invariant (souvent nommé SLIT : Système Linéaire Invariant en Temps). Soit e(t) un signal d’entrée quelconque. D’après la définition de la distribution de Dirac nous pouvons écrire : e( t ) = +∞ ∫ −∞ e(u ) δ( t − u ) du Comme la transformation du filtre est linéaire nous pouvons écrire : s( t ) = F[e( t )] = +∞ ∫ −∞ e(u ) F[δ( t − u )] du Si le filtre est invariant nous avons : F[δ( t − u )] = h ( t − u ) Ce qui nous donne : s( t ) = F[e( t )] = +∞ ∫ −∞ e(u ) h ( t − u ) du L’intégrale obtenue correspond au produit de convolution e(t)∗h(t). La réponse d’un système linéaire invariant à un signal quelconque e(t) en entrée est égale au produit de convolution de ce signal avec la réponse impulsionnelle h(t) de ce système : s ( t ) = h ( t ) * e( t ) = +∞ ∫ −∞ e(u ) h ( t − u ) du = +∞ ∫ −∞ e( t − u ) h (u ) du C.3. Causalité Pour un système linéaire invariant causal nous avons h(t) = 0 pour t < 0, car δ(t) = 0 pour t < 0. La réciproque est vraie. En effet pour un système causal la réponse s(t) ne doit pas dépendre de l’excitation au-delà de t. Reprenons l’expression du produit de convolution : s( t ) = +∞ ∫ −∞ e(u ) h ( t − u ) du Pour que cette condition soit respectée, quelque soit le signal en entrée, il est nécessaire et suffisant d’avoir h(t-u) = 0 pour u > t, soit encore h(t) = 0 pour t < 0. Nous avons alors : S. Tisserant – ESIL – Traitement du signal – 2008-2009 4 -3 s( t ) = t ∫ −∞ e(u ) h ( t − u ) du = +∞ ∫0 e( t − u ) h (u ) du C.4. Stabilité Cherchons quelle condition doit vérifier la réponse impulsionnelle d’un système linéaire invariant pour que celui-ci soit stable. Considérons une excitation bornée : ∃A ≥ 0 tel que ∀t e( t ) ≤ A La sortie doit également être bornée : ∃ B ≥ 0 tel que ∀t s( t ) ≤ B Nous savons que : s( t ) = +∞ ∫ −∞ e( t − u ) h (u ) du ≤ +∞ ∫ −∞ e( t − u ) h (u ) du Donc si le signal d’entrée est borné : s( t ) ≤ +∞ ∫ −∞ e( t − u ) h (u ) du ≤ A +∞ ∫ −∞ h (u ) du Un système linéaire invariant est donc stable si sa réponse impulsionnelle est intégrable en valeur absolue : ∃ C ≥ 0 tel que +∞ ∫ −∞ h ( t ) dt = C C.5. Réponse indicielle La réponse indicielle g(t) d’un système est définie comme le signal obtenu en sortie de ce système lorsqu’un échelon unité u(t) est appliqué en entrée. Si nous notons F la transformation qui caractérise l’action du système, nous avons pour la réponse indicielle : g(t) = F[u(t)] Nous pouvons également relier la réponse indicielle à la réponse impulsionnelle : g(t ) = h (t ) * u (t ) = +∞ ∫−∞ u ( t − v) h ( v) dv = t ∫ − ∞ h(v) dv La réponse indicielle correspond à l’intégrale de la réponse impulsionnelle. S. Tisserant – ESIL – Traitement du signal – 2008-2009 4 -4 D. Equation différentielle et système linéaire invariant Il existe de très nombreux systèmes physiques pour lesquels entrée et sortie sont reliées par une équation différentielle linéaire à coefficients constants du genre : n ∑ak a 0 s( t ) + k =1 d k s( t ) dt k m = b 0 e( t ) + ∑ bk k =1 d k e( t ) dt k Montrons qu’un tel système est linéaire et invariant. Il est très facile de vérifier la linéarité, qui est une conséquence immédiate de la linéarité de l’équation différentielle. Vérifions l’invariance temporelle. Soit e(t) un signal quelconque et s(t) la réponse correspondante. Vérifions que quelque soit τ, e(t - τ) et s(t - τ) sont reliés par la même équation différentielle. Nous savons que : n a 0 s(u ) + ∑ak k =1 d k s(u ) du k m = b 0 e( u ) + ∑ bk k =1 d k e( u ) du k Nous pouvons choisir u = t - τ. Pour toute fonction nous avons : d f (u ) d f (u ) d u d f (u ) = = dt du dt du Ce qui, par itération, se vérifie pour toute dérivée d’ordre supérieur. Nous pouvons donc écrire l’équation différentielle vérifiée par e(u) et s(u) sous la forme : n a 0 s(u ) + ∑ak k =1 d k s(u ) dt k m = b 0 e( u ) + ∑ bk d k e( u ) dt k k =1 C’est-à-dire : n a 0 s ( t − τ) + ∑ k =1 ak d k s( t − τ) dt k m = b 0 e ( t − τ) + ∑ k =1 bk d k e ( t − τ) dt k Le signal retardé en sortie s(t - τ) est donc la réponse du système au signal retardé en entrée e(t - τ). Nous venons de vérifier que tout système gouverné par une équation différentielle linéaire à coefficients constants est un système linéaire invariant. La réciproque n’est pas vraie. L’opérateur retard Ta en fournit le contre-exemple : s( t ) = Ta [e( t )] = e( t − a ) Il est facile de vérifier qu’il s’agit d’un opérateur linéaire et invariant. Par contre, entrée et sortie d’un tel système ne sont pas reliées par une équation différentielle. S. Tisserant – ESIL – Traitement du signal – 2008-2009 4 -5 E. Fonction de transfert harmonique Considérons un système linéaire invariant caractérisé par sa réponse impulsionnelle h(t). Prenons la transformée de Fourier de l’équation reliant les signaux en entrée et en sortie : s( t ) = h ( t ) * e( t ) ⇔ S( jω) = H ( jω) E ( jω) E(jω) et S(jω) représentant les transformées de Fourier de e(t) et s(t) respectivement. La transformée de Fourier de la réponse impulsionnelle H(jω) est appelée fonction de transfert, ou transmittance, harmonique du système. Les transformées E(jω) et S(jω) représentent les spectres en fréquence des entrée et sortie. Ils sont reliés par la fonction de transfert harmonique du système. C’est en général en fonction complexe de la pulsation, dont nous noterons G(ω) le module ou gain et φ(ω) l’argument ou phase : H( j ω) = G (ω) e j φ(ω) D'autre part nous définissons la fonction de transfert statique comme : H 0 = lim H( jω) ω→0 Considérons le cas particulier d’un système gouverné par une équation différentielle à coefficients constants. Prenons la transformée de Fourier des deux membres de cette équation. La dérivation se transformant en une multiplication par jω il vient : n a 0 S( j ω) + ∑ a k ( jω) m k S( j ω) = b0 E( j ω) + k =1 ∑ bk ( jω)k E( jω) k =1 Il est possible de factoriser E(jω) et S(jω) dans chacun des membres. Nous pouvons donc calculer la fonction de transfert harmonique du système : m ∑ b k ( jω) k H( jω) = S( j ω) k = 0 = n E( j ω) ∑ a k ( jω) k = N( j ω) D( j ω) k =0 La fonction de transfert apparaît comme une fraction de polynômes en jω. Le filtre est alors dit rationnel. S. Tisserant – ESIL – Traitement du signal – 2008-2009 4 -6