« L’approche contractuelle
du concept de gouvernance »
Darine BAKKOUR
ES n°2013-04
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L’approche contractuelle du concept de gouvernance
Darine BAKKOUR
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Décembre 2013
Résumé
Le présent papier vise à expliciter les fondements théoriques du concept de gouvernance.
Nous soulignons, tout d’abord, la théorie de l’agence de Jensen et Meckling (1976) qui
concerne toute relation entre mandataire et mandant. Ainsi, au niveau d’un État, il s’agit de la
relation entre le peuple (mandant) et l’élu du peuple (mandataire). Ensuite, nous distinguons
trois cadres conceptuels dans le champ de l’économie des contrats, i.e. la théorie des
incitations (TI), la théorie des contrats incomplets (TCI) et la théorie des coûts de transactions
(TCT), qui fournissent des éclaircissements sur le concept de gouvernance d’un système.
Mots clés : concept de gouvernance, théorie de l’agence, l’économie des contrats.
Introduction
Contrairement aux études associent le concept de gouvernance à l’entreprise ou au niveau de
l’État, nous considérons que la gouvernance s’applique à un système quel qui soit. Par
système nous entendons l’idée d’organisation vue comme caractéristique fondamentale des
phénomènes organisés. Cette notion de système est mise en avant par Füssel (2005 et 2007)
en tant que composante principale du cadre d’évaluation du concept de vulnérabilité. Le cadre
conceptuel général de Füssel (2007) est fon sur la distinction de quatre groupes
fondamentaux de facteurs comme suit : le système d’analyse, l’attribut(s), les dangers, et la
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Université Montpellier 1, UMR5474 LAMETA, 34000 Montpellier, France. Av. Raymond Dugrand, CS
79606, Richter, 34960 Montpellier Cedex 2, France. E-mail: bakkour@lameta.univ-montp1.fr
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référence temporelle. Le système pourra, dans la suite de cet exposé, être une entreprise, un
État, une communauté, une région, ou un territoire, etc.
La polysémie du terme « Gouvernance » soulève des débats. Il permet de réintroduire le
pouvoir et la politique dans l’analyse économique. Par ailleurs, il pose en des termes
nouveaux la problématique des liens entre État et Marché, tout en tenant compte de cet acteur
que constitue la Société civile.
La notion de gouvernance s’est imposée, en premier, dans le cadre de la gestion des firmes
(Corporate governance), notamment lorsque la pertinence de l’hypothèse de rationalité
absolue a été remise en question, et celle de rationalité limitée
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de March et Simon (1958)
acceptée. De ce fait, le modèle d’une entreprise seuls les actionnaires détiendraient le
pouvoir de décider de la structure de gouvernance et des mécanismes à mettre en place, est
une hypothèse d’un intérêt limité dans les applications à la gestion. En outre, le « contrat » est
devenu central pour l’analyse économique des organisations.
Nous allons nous appuyer sur l’approche contractuelle du concept de gouvernance afin de
mieux cerner les fondements théoriques de ce concept. Nous allons aborder respectivement :
(1) les contrats « transactionnels » et les contrats « relationnels », (2) les fondements
théoriques de la gouvernance d’entreprise, et (3) les fondements théoriques de l’économie des
contrats.
1. Les contrats « transactionnels » et les contrats
« relationnels »
Les théories des contrats ont mis en avant deux formes polaires de contrat, les contrats
« transactionnels » et les contrats « relationnels ». Dans le cadre de la prolifération des
politiques de décentralisation, les contrats sont souvent utilisés comme un moyen pour
compléter la délégation de pouvoirs prévue par la Loi ou comme un moyen de gestion des
politiques de coopération et de coordination.
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Selon Simon, le principe de rationalité limitée repose sur : une information imparfaite et incertaine, une
capacité limitée de traitement de l’information par les individus, une situation d’interdépendance des agents qui
ne peuvent évaluer parfaitement les conséquences de leurs choix en raison de l’incertitude relative aux actions
des autres agents.
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D’une part, les contrats « transactionnels » correspondent à une logique dans laquelle il est
possible de définir à l’avance les obligations respectives des deux parties. Tous les problèmes
de coordination peuvent être définis ex ante (avant la signature de l’accord) et l’unique
difficulté consiste à contraindre ou inciter les parties à respecter leurs engagements. Ainsi, ces
contrats mettent en œuvre des « dispositifs incitatifs » et sont supervisés par des tierces parties
extérieures à la relation (le système judiciaire par exemple). D’autre part, les contrats
« relationnels » correspondent à une logique selon laquelle les parties s’engagent à coopérer
ex post (après la signature du contrat) et élaborent un « mécanisme de gouvernance » à cette
fin. Les parties conviennent de suivre ex post les instructions d’un canisme de décision
commun et de mettre en œuvre un mécanisme bilatéral spécifique pour gérer leurs éventuels
conflits. Les problèmes de coordination sont résolus ex post et la supervision de l’exécution
de l’accord est en général bilatérale en reposant sur un esprit coopératif (OCDE, 2007, p. 10-
11).
Cela nous renvoie à la conception des institutions qui, selon North (1990), sont constituées de
l’ensemble des règles formelles (constitution, Lois et règlements, système politique,
administration, système judiciaire et associations professionnelles...) et informelles (systèmes
de valeurs et croyances, représentations, culture, mœurs, coutumes et normes sociales…)
régissant les comportements des individus et des organisations, ces dernières étant des
groupes d’individus qui poursuivent des buts communs (entreprises, syndicats, ONG…). Les
institutions structurent les incitations qui agissent sur les comportements et offrent un cadre
aux échanges économiques. Dans ce contexte, nous soulignons le fait que la formation des
institutions prend beaucoup de temps (Vatn A., 2005, p. 31). Le changement institutionnel
détermine la manière avec laquelle les sociétés évoluent dans le temps. North (1990) a fait la
distinction entre institutions et changements institutionnels. Les institutions sont les règles du
jeu dans une société, qu’ils soient formels ou informels. Les changements institutionnels,
quant à eux, définissent l’évolution de ces règles du jeu.
Pour la suite, notons que ce sont les institutions qui gouvernent la performance d’une
économie et ce sont eux-mêmes qui ont donné à la « Nouvelle Economie Institutionnelle »
(NEI) son importance pour les économistes (Coase, 1998). Ces institutions qui définissent les
règles du jeu, constituent ce que la Nouvelle Économie Institutionnelle (NEI) appelle «
l’environnement institutionnel ». Ils sont susceptibles de contribuer à la mise en œuvre
enforcement ») des contrats (Brousseau et Glachant, 2002).
Dans le cadre de la gestion des risques, les contrats « transactionnels » offrent une grande
sécurité, mais leur élaboration peut être complexe puisque toutes les contingences futures
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doivent être envisagées à l’avance. Par ailleurs, ils supposent que les deux parties connaissent
ex ante toutes les solutions à apporter au projet qu’elles entreprendront.
Alors que les contrats « relationnels » sont moins rs puisque les engagements mutuels sont
incomplets et peuvent être interprétés de manières différentes ex post. Ils sont toutefois plus
souples et, par conséquent, plus adaptés pour formaliser les enjeux de projets complexes et
évolutifs. Par ailleurs, ils permettent d’accumuler des connaissances et d’être inventifs car
leur souplesse permet d’expérimenter et de mettre en œuvre des solutions qui sont le fruit
d’un apprentissage par la pratique (OCDE, 2007, p. 26).
Nous abordons ensuite les théories économiques de la gouvernance qui ont marqué la
littérature.
2. Les fondements théoriques de la gouvernance d’entreprise
La théorie des droits de propriété (TDP) et la théorie de l’agence (TA) fournissent des
explications satisfaisantes à l’émergence du concept de gouvernance d’entreprise.
2.1. La théorie des droits de propriété (TDP)
Les droits de propriété sont des institutions sociales qui délimitent les privilèges des individus
pour des actifs spécifiques comme le terrain par exemple (Libecap, 1989). La théorie des
droits de propriété est à la base des approches du courant dominant de la gouvernance
d’entreprise. C’est Adam Smith (1776) qui a le premier soulevé la question de propriété en
reconnaissant que dans les sociétés par actions, le management est assuré par les dirigeants et
que les actionnaires se contentent de percevoir le dividende sans s’impliquer dans la gestion
de l’entreprise. Ensuite, l’origine de cette théorie se trouve dans l’analyse de Berle et Means
(1932), suite à la crise financière de 1929 qui s’est produite dans les grandes sociétés
américaines à actionnariat diffus. Pour ces auteurs, le problème de la gouvernance est du
démembrement de la fonction de propriété en une fonction de contrôle qui fait intervenir les
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