Objectif

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COMITE NATIONAL DES CONSEILLERS DU COMMERCE EXTERIEUR DE LA FRANCE
1
avril 2016
Objectif
AEC
1
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Avant-propos
Présentation générale de l’AEC
Commerce extérieur : les accords de libre-échange de l’ASEAN
Ressources humaines : la mobilité au sein de l’ASEAN
La circulation des capitaux et des investissements
L’environnement juridique
p.1
p.1
p.3
p.5
p.5
p.7
Avant-propos
Cette première édition de « Objectif AEC » a pour objectif de présenter l’Asean Economic Community en
privilégiant les aspects pratiques, et en apportant une aide aux entreprises françaises déjà installées ou souhaitant s’installer en ASEAN. Les prochaines éditions aborderont des problématiques plus précises.
Une nouvelle communauté est en train de naitre en matière économique, politique et sociale, après la
Communauté Economique Européenne et l’Accord de libre-échange nord-américain (NAFTA). Elle devrait peser
lourd car elle se trouve amarrée à la Chine qui va tirer l’économie mondiale pendant les décennies à venir.
L’ASEAN 10 va constituer le 4ème pilier de l’Asie après la Chine, le Japon, et la Corée du Sud.
Les deux plans prévisionnels (« blueprints ») successifs de l’ASEAN (2015 et 2025) sont vastes et imprécis. Les 10 pays membres diffèrent dans presque toutes leurs composantes : histoire, niveau de développement, composition ethnique et religieuse, ressources naturelles et stabilité politique. Il ne s’agit pourtant pas
d’une union improbable car les points communs sont nombreux. Les 10 pays sont tous positionnés sur le tremplin du développement économique et se tiennent à l’écart des conflits régionaux en préférant les échanges aux
guerres fratricides. Le commerce intra-ASEAN et la communauté chinoise omniprésente cimentent les failles
éventuelles. Il y a peu d’endroits au monde ou ethnies et religions cohabitent avec tant de fluidité. Disparu en
2015, Lee Kuan Yew a construit avec Singapour la référence régionale incontestée de l’égalité ethnique et religieuse, du développement harmonieux et de la répartition des richesses, fil rouge de l’intégration régionale.
Présentation générale de l’AEC
L’ASEAN en quelques chiffres
Eléments clés
Nombre de pays
PIB cumulé
PIB moyen par habitant
Croissance du PIB
Population totale
Age médian
Taux d'urbanisation
Commerce intra-ASEAN
Exportations
Investissements directs étrangers
2015
10
2 460
3 915
4,4%
629
28,9
48%
26%
7%
11%
Commentaires
5e économie du monde après Etats-Unis, UE, Chine et Japon
milliards USD
USD
Millions, 3e entité au monde après la Chine et l'inde
ans (46,5 ans pour le Japon)
58% prévus en 2030
des 3 communautés intégrées (UE, ALENA et AEC)
du total des exportations mondiales
des flux mondiaux d'IDE (UE = 20%)
Objectif AEC / Numéro 1 / 11.04.2016
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L’ASEAN et ses contrastes 1
Les rédacteurs de cette lettre ont choisi de communiquer essentiellement sur ce qui leur parait important pour
les entreprises françaises intéressées par l’ASEAN ou déjà installées en Asie. A ce titre, Objectif AEC ne
s’intéressera qu’au premier des trois piliers fondateurs que sont :
1/ l’AEC (ASEAN Economic Community),
2/ l’APSC (ASEAN Political Security Community), et
3/ l’ASCC (ASEAN Socio Cultural Community).
Au sein même de cette partie économique sur laquelle le Blueprint 2015 est particulièrement développé, quatre
thèmes nous ont paru relever d’un intérêt immédiat pour les entreprises françaises.
-
-
-
Le « Free flow of goods », libre circulation des produits : la levée des barrières douanières tarifaires, non
tarifaires et des obstacles divers à la circulation des biens consommables.
Le « Free flow of capital and investments », libre circulation des capitaux et investissements.
Le « Free flow of skilled labor », libre circulation des personnes : la levée des obstacles à la circulation
des populations, la liberté à l’emploi et la reconnaissance des diplômes et des professions.
L’environnement juridique, commercial et contractuel : Bien que ceci n’apparaisse pas clairement
dans le Blueprint, rien ne pourra se faire dans cet univers de pays émergents sans un cadre légal garantissant la pérennité du développement économique, du respect de la concurrence et du droit des sociétés et
des individus à se protéger de l’arbitraire, domaine dans lequel Singapour a déjà pris un leadership naturel.
Deux phrases prononcées à l’occasion de l’ASEAN Summit de Sunnyland (Californie) en février 2016 synthétisent les lignes stratégiques sur lesquelles l’ASEAN devrait se construire :
Le Premier Ministre singapourien Lee Hsieng Loon semble privilégier l’intégration entre pays de l’ASEAN : “…
the importance of promoting entrepreneurship and innovation and the importance of value creation versus lowering costs”.
Le President Obama semble privilégier une participation globale de l’ASEAN a l’économie mondiale : “Here at
this summit, we can advance our shared vision of a regional order where international rules and norms, including
freedom of navigation are upheld and where disputes are resolved through peaceful and legal means.”
1
Sources : Site de la Banque Mondiale, PNUD - L’Opinion
Objectif AEC / Numéro 1 / 11.04.2016
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Les principaux accords de libre-échange impliquant l’ASEAN:
Panorama et enjeux pour les entreprises françaises
(Free flow of goods & services)
(1) La Communauté économique de l’ASEAN (ASEAN Economic Community – AEC) a été officiellement
lancée le 31 décembre 2015 (signé lors du sommet de l’ASEAN à Kuala Lumpur). Si sa mise en place reste
incomplète et promet d’être un processus d’intégration long et continu, la région a accéléré en parallèle ses efforts pour renforcer ses liens économiques et commerciaux avec d’autres pays.
(2) Actuellement, cinq Accords de Libre-Echange (Free Trade Agreements ou FTA), signés successivement
depuis 2005, impliquent l’ensemble de l’ASEAN et d’autres pays d’Asie (Chine, Corée du Sud, Inde, NouvelleZélande, Australie).
(3) La signature de l’accord en février 2016 pour la création du Trans-Pacific Partnership (TPP), impliquant le
Vietnam, la Malaisie, Singapour et Brunei2 avec trois pays d’Asie-Pacifique et cinq pays d’Amérique pourrait
éventuellement compliquer la mise en place des accords ASEAN. D’autres accords sont en cours de négociations, notamment le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP), qui pourrait constituer lui aussi
un frein à la mise en place des accords ASEAN.
(4) Concernant les FTA avec l’Union européenne (UE), les négociations ne se font pas au niveau de l’ASEAN
mais pays par pays3 :
 Pour l’instant, les négociations du chapitre investissement, dernier volet de l’accord de libre-échange entre
Singapour et l’UE, ont été finalisées en octobre 2014, l’accord doit encore être ratifié (probablement fin
2016) avant d’entrer en vigueur ;
 Pour le Vietnam, après 3 ans de tractations, la déclaration de clôture de négociation de l’ALE a été signée
le 2 décembre 2015 à Bruxelles ; la ratification doit encore avoir lieu ;
 Les Philippines et l’UE ont décidé d’ouvrir les négociations fin 2015, les premières discussions devant
avoir lieu au printemps 2016 avant les élections présidentielles ;
 Si les négociations entre la Thaïlande et l’UE ont débuté, elles sont mises entre parenthèses compte tenu
de la situation politique locale ;
 Les discussions pour un éventuel FTA avec la Malaisie et l’Indonésie ne sont pour le moment qu’au stade
préliminaire mais le contexte du TPP pourrait les accélérer ;
 Enfin, le Cambodge, le Laos et la Birmanie, qui figurent dans la catégorie des pays les moins avancés
(PMA), bénéficient d’ores et déjà de tarifs préférentiels.
Les avancées de ces accords pourraient être lentes. Effectivement, pour les entreprises françaises à l’instar
du groupe BEL (produits laitiers), les négociations concernant le TPP et les FTA « biparties » avec l’UE sont
longues et la visibilité est quasiment nulle sur les échéances concrètes de suppression ou de réduction des barrières tarifaires. Il peut y avoir jusqu’à 6 ans entre la ratification des traités et la mise en application concrète de
l’élimination/diminution des droits de douanes 4.
Sachant que d’autres pays de la région se montrent intéressés pour y participer (Philippines, Indonésie, Thaïlande).
Les négociations ont débuté ou sont quasiment achevées avec quatre pays (Singapour, Vietnam, Philippines, Thaïlande).
4 Cet exemple fera l’objet d’une étude plus approfondie en termes de produits dans les prochaines publications.
2
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Les principaux FTA impliquant l’ASEAN 5
Dans un contexte d’intégration économique croissante mais aussi de négociations longues, seules les entreprises françaises produisant et distribuant en ASEAN peuvent bénéficier pour le moment de la quasiélimination des droits de douane. Au sein de l’ASEAN, le traité ATIGA (ASEAN Trade in Goods Agreement,
FTA sur les biens), signé en 2009 et entré en vigueur en 2010, a effectivement permis la quasi-disparition des
taux tarifaires préférentiels communs appliqués entre les pays de l’ASEAN et seulement 5% du commerce intraASEAN est désormais sujet à des droits de douane supérieurs à 10% 6.
Dans ce contexte et parce que les pays de l’ASEAN constituent des marchés porteurs, certaines entreprises françaises ont décidé d’investir dans la région. Le groupe Monin7 a ouvert une usine de production
en Malaisie en 2009 afin d’y produire et d’exporter ses sirops vers les marchés ASEAN et, au-delà, asiatiques et
de profiter de la quasi-absence de barrières tarifaires. Si cette absence de droits de douane a constitué l’une
des raisons principales au lancement de cette usine, le fait de se rapprocher des clients et de mieux comprendre
leurs besoins, le faible coût de la main d’œuvre qui parle également anglais ainsi que les incitations fiscales ont
aussi guidé le choix du groupe pour s’implanter en ASEAN.
Le groupe BEL8 va ouvrir de son côté une usine de fabrication de produits laitiers au Vietnam au cours de l’été.
Cet investissement permettra d’exporter dans la région des produits agroalimentaires et de réaliser des économies en termes de barrières tarifaires tout en garantissant la fraicheur des produits.

Si ces deux groupes font état d’amélioration quant à la diminution/suppression des barrières tarifaires, ils
indiquent que les barrières non tarifaires ont tendance à augmenter (notamment en Indonésie qui constitue
le cas extrême)9.
L’ASEAN tente de se structurer mais il reste difficile de l’aborder comme un marché unique. Selon notre
sondage réalisé auprès des CCEF de la région à l’été 2015, si 76% considèrent que leur entreprise développe
une stratégie « ASEAN », 85% pensent qu’il est impossible d’aborder l’ASEAN comme un marché unique.
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SER de Singapour, - Note de lecture: les pays en vert sont ceux ayant un FTA avec l’Union Européenne, ceux en violet
sont les pays ayant un FTA avec l’ASEAN.
6 Le contenu de ce traité fera l’objet d’un article approfondi dans les prochaines éditions.
7 Interview téléphonique réalisée le 25/02/2016 avec Christophe Bernard-Bacot du groupe Monin (Malaisie)
8 Interview réalisée le 01/02/2016 avec Julien Lacaze du groupe BEL (Vietnam)
9 Les barrières non tarifaires feront l’objet d’une étude plus précise ultérieurement
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La mobilité au sein de l’ASEAN:
“Free Flow of Skilled Workers”
En 2015, date à laquelle l’AEC est portée sur les fonts baptismaux, les contraintes et les divergences, culturelles
et légales entre états membres sont des obstacles majeurs à la mise en pratique d’un marché du travail unique.
Soumise à un afflux important de travailleurs venus de nombreux pays, et notamment d’Asie, l’ASEAN connaît
actuellement une tendance restrictive en matière d’octroi de visas, à laquelle s’ajoute le filtre de la préférence
nationale ou encore des conditions de vie variables d’un pays à l’autre.
Les divergences culturelles que connaissent les différents Etats justifieraient l’élaboration d’une philosophie
commune du travail et l’élaboration d’un cadre de gouvernance afin de faciliter les échanges commerciaux.
L’ASEAN ne souhaite pas une harmonisation juridique au niveau régional comme l’Union européenne, mais
avance par le biais de conventions bilatérales afin de préserver les souverainetés nationales. Dès lors, les divergences des cadres légaux sont des obstacles quasi infranchissables pour les travailleurs et les entreprises.
Malgré une représentation très faible de dirigeants issus des pays membres de l’ASEAN, la grande majorité des
sociétés européennes sont satisfaites des performances de leurs dirigeants issus de pays membres de
l’ASEAN. Les travailleurs issus de l’ASEAN ont de nombreux atouts compétitifs, parmi lesquels une capacité
d’adaptation aux différentes cultures, un niveau satisfaisant de discipline et une bonne maitrise des langues et
cultures locales. En revanche, au nombre des faiblesses figurent un manque de mobilité, d’exposition à
l’international, d’implication professionnelle et de maitrise de l’anglais. La recherche d’emploi en Asie du Sud Est
reste freinée en raison des différences de condition d’obtention de visa, des cadres légaux, réglementaires et
des pratiques de travail propres à chaque Etat.
Le marché du travail unique ne sera atteint qu’au prix d’un accroissement de la mobilité des salariés, des étudiants et des stagiaires, de l’amélioration de la reconnaissance des qualifications professionnelles et de la simplification des procédures d’obtention de visas de travail et des échanges universitaires. L’existence de programmes d’échange comme Erasmus et MRA vont dans ce sens. Il apparaît nécessaire d’accroitre le nombre
de formations de niveau « master » spécialisées en management et en technologies, pour qu’étudiants et professionnels atteignent le niveau nécessaire aux postes de direction. Enfin, il est important d’améliorer
l’apprentissage de l’anglais à un niveau professionnel ainsi que des langues locales afin de renforcer
l’employabilité des étudiants.
Les pays de l’ASEAN connaissent de profondes différences notamment sur la mobilité des ressources (application de quotas, encouragement et financement de certains secteurs ou activités, niveaux de salaires). Si l’ASEAN souhaite instaurer un
marché économique commun, elle ne s’oriente pas en revanche vers une union politique et légale commune.
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La circulation des capitaux et des investissements
“Free Flow of capital and investments”
Le TPP et l’impact sur les règles d’investissement direct sur l’ASEAN est-elle une menace pour l’AEC ?
Le TPP (Trans Pacific Partnership) a été signé en Nouvelle Zélande le 4 Février 2016. 12 pays de la zone
Pacifique l’ont signé: Etats- Unis, Japon, Mexique, Chili, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Singapour, Brunei, Malaisie et Vietnam. Les ambitions du TPP sont vastes et sa mise en place, attendue à compter de début
2018, est sujette à la ratification individuelle par chacun des états. Ce résultat n’est donc aujourd’hui pas acquis.
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Il est également important de noter que parmi les premiers signataires figurent quatre membres de l’ASEAN
(Singapour, Brunei, Malaisie et Vietnam); on pourrait donc penser que cet accord met potentiellement à mal
l’unité déjà fragile de l’AEC qui était censée se mettre en place fin 2015. Est-ce potentiellement le cas ?
Il faut d’abord constater que l’intégration de l’AEC parait laborieuse du point de vue de la libéralisation des
flux d’investissement et de capital. La charte de l’AEC s’engage sur un “free flow of investment” (libéralisation
complète des règles d’investissement) mais établit la nuance sur un “free flow of capital” (allègement, mais non
libéralisation totale des flux de capitaux). De plus, l’objectif a été déplacé à 2025.
La corrélation naturelle entre le développement des flux commerciaux et des décisions d’investissement local
(proximité d’accès au marché, etc.) ont eu un effet important sur les IDE (Investissements Directs Etrangers) ces
dernières années. L’ASEAN représente en effet un marché “domestique” important: en termes de PNB, elle
forme maintenant la sixième économie mondiale, qui bénéficie d’un taux de croissance important, d’une classe
moyenne en forte expansion, et d’une population jeune. L’établissement de concessions tarifaires à
l’intérieur de la région justifie pour des MNCs à envisager la voie de l’IDE (le commerce intra-ASEAN est le
plus important dans la région, représentant plus de 25% des flux import-export). Le montant d’IDE sur l’Asean
s’élevait à 80md USD en 2007 et représentait 5% des IDE dans le monde. Ces chiffres sont ainsi passés en
2014 à 136md USD (11% du total mondial).
La zone Europe est aujourd’hui le plus important investisseur externe en ASEAN (20%), suivie par le Japon.
En ASEAN, la ratification espérée du TPP devrait profiter essentiellement au Vietnam. Les ressources déjà
connues de ce pays en termes de rapport qualité/prix de sa main d’œuvre, ainsi que l’accès privilégié qu’il gagnera par le traité sur une zone tarifaire plus large, ne manqueront pas d’attirer d’autres multinationales régionales ou globales. La Malaisie devrait également bien tirer parti de cet accord, mais il sera intéressant de voir
comment ce pays s’accommodera des dispositions non-tarifaires liées à cet accord. Il est en effet important de
mesurer les progrès qui restent à faire en matière de restriction aux IDE. Certaines recherches identifient
six critères d’ouverture aux IDE:
- ouverture à l’actionnariat étranger et accès au marché,
- règles de préférence nationale,
- composition du conseil d’administration ou des équipes dirigeantes,
- procédures administratives,
- traitement des actionnaires (rapatriement de dividendes, procédures d’achat/ vente, etc…),
- critères de résultats.
La recherche menée donne des résultats plutôt inattendus (pour la plupart d’entre nous) puisque c’est le Cambodge qui se classe ainsi comme le pays le plus ouvert, suivi par Singapour, les Philippines et la Thaïlande.
L’Indonésie est le pays jugé le plus restrictif, suivi par le Myanmar, Brunei et le Laos.
L’Indonésie et la Thaïlande sont les deux pays de l’ASEAN les plus “menacés” par la mise en place du
TPP, et l’Indonésie a déclaré qu’elle pourrait envisager de rejoindre le groupement. Les récentes mesures annoncées sur l’allègement du montant d’investissement étranger dans certains secteurs n’est certainement pas
fortuit, même si il reste encore beaucoup à faire.
Une autre initiative se met progressivement en place, encouragée par l’Asean dans sa totalité: le RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership). Le RCEP vise à mettre en place un accord de libre-échange
entre les 10 pays membres de l’Asean et les partenaires de la région avec qui existent des FTA bilatéraux: la
Chine, l’Inde, l’Australie, la Nouvelle Zélande, la Corée du Sud et le Japon. Onze sessions de discussion on déjà
eu lieu depuis mai 2013, 3 autres sont attendues avant un accord final prévu pour septembre 2016 mais qui
risque de glisser. Essentiellement tarifaire, cet accord apportera peu en matière de règles
d’investissement et de circulation des capitaux.
RCEP, AEC, TPP restent nébuleux dans le domaine des services et des IDE, mais deviendront certainement
une réalité en ce qui concerne les règles tarifaires. La création d’une vaste zone de libre-échange continue
de justifier la tendance déjà observée sur l’ASEAN, en permettant d’identifier le pays le plus favorable dans le
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contexte spécifique de la société en question, et d’utiliser ce pays comme base de rayonnement sur la région.
S’il est ratifié, le TPP sera certainement le plus contraignant en termes de changement structurel pour
certains pays (ce qui explique que seuls 4 pays de l’Asean l’aient accepté à ce jour). Un point important pour
les multinationales, sera également la mise en place d’un mécanisme effectif de règlement des conflits commerciaux avec un état (“ISDS Clause: Investor State Dispute Settlement ”), avec recours à une cour internationale
pour arbitrer ces conflits. Un tel recours est déjà envisagé par l’AEC, mais sans grand progrès jusqu’à présent.
Il sera important de veiller à l’accès progressif des industries locales aux investisseurs des autres pays de
l’ASEAN ainsi que extra-ASEAN. Cela sera la meilleure indication de la volonté des gouvernants à pratiquer
une politique réelle d’ouverture.
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L’environnement juridique au sein de l’ASEAN
Si d’aucuns ont pu penser que la Communauté Economique de l’ASEAN (‘AEC’) permettrait la liberté
d’établissement et la libre circulation des capitaux, des biens et des personnes par la mise en place d’un environnement juridique uniforme, ils devront se rendre à l’évidence : l’AEC prévoit à terme une intégration économique et non législative.
A ce stade de son développement, l’AEC ne prévoit pas la mise en place d’un organe supranational similaire à
la Commission Européenne qui disposerait d'un droit d'initiative dans le domaine législatif et serait par ailleurs
en charge de la mise en œuvre des politiques communautaires.
L’AEC prévoit néanmoins la mise en place d’un cadre régional dans des domaines importants du droit, tels que
le droit de la concurrence, la protection des consommateurs et la protection des droits de propriété intellectuelle.
L’objectif de l’adoption par chaque état membre d’une loi sur la concurrence au 31 Décembre 2015 a ainsi été
pratiquement atteint puisque tous les pays, à l’exception du Cambodge, ont adopté une loi relative à l’interdiction
des ententes anti-concurrentielles, des abus de position dominante et, pour la plupart, au contrôle des concentrations.
Néanmoins et d’un point de vue pratique, les entreprises françaises qui souhaiteraient s’installer et/ou se développer dans la région doivent comprendre et garder à l’esprit que l’AEC reste, d’un point de vue juridique, une
juxtaposition de législations et règlementations essentiellement nationales. L'implantation d'une entreprise française dans l’un des 10 pays membres de l’ASEAN ne permet donc pas nécessairement à cette entreprise une
implantation plus facile dans l’un ou l’autre des autres pays de la région.
De ce point de vue, plusieurs points valent la peine d’être soulignés.
Les pays de l’ASEAN présentent des modèles de systèmes juridiques distincts, souvent liés à leur histoire: Singapour et la Malaisie par exemple sont des pays de Common Law alors que le Cambodge, le Vietnam,
l’Indonésie ou le Laos se fondent principalement sur nos principes de droit civil. D’autres pays, telles les Philippines, ont un régime ‘mixte’.
Les différents modèles de systèmes juridiques au sein des pays de l’ASEAN :10
Legal
system
Singapore
Thaïland
Cambodia
Vietnam
Indonesia
Malaysia
Philippines
Lao
Brunei
Myanmar
Common
Law
Civil law +
Common Law
Civil law
Civil law
Civil law
Common
Law
US system
civil law
Common
Law
Common
Law
X
X
Islamic
law
influence
10
X
Tableau non définitif
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La possibilité de créer/monter une société dans chacun des pays de l’ASEAN varie grandement d’un Etatmembre à l’autre.
Les points importants à prendre en considération par une entreprise souhaitant s’installer en ASEAN incluent notamment:
-
-
-
la restriction légale des investissements étrangers : selon les états membres, certains secteurs sont soit
totalement fermés aux investissements étrangers, soit limités à une participation minoritaire de
l’investisseur étranger. Les secteurs varient d’un pays à l’autre en fonction de l’intérêt de chaque pays ; la
restriction ‘pratique’ des investissements étrangers : certains des états membres limitent de facto l’accès à
certains secteurs de l’économie en imposant un capital social d’un montant important, qui peut s’avérer
dissuasif pour les petits entrepreneurs ;
la nécessité de compter parmi les administrateurs un nombre minimum de ressortissants du pays
d’implantation ;
la possibilité d’employer des travailleurs ou cadres étrangers. Comme cela a été mentionné dans la partie
Ressources Humaines (Partie II) de cette lettre, le système (encore limité) de reconnaissance mutuelle
des professions n’ouvre pas un droit à résider ou à travailler dans les autres pays de la région. Outre
l’exigence de détention de visa, s’ajoute souvent un système de quotas (X contrats étrangers pour X locaux) ;
le temps nécessaire à l’établissement d’une société : si une société peut être établie en quelques jours à
Singapour, il faut prévoir 2 à 3 mois au Cambodge;
la nécessité d’avoir une version de ses contrats en langue locale sous peine de nullité du contrat (qui serait par exemple simplement rédigé en anglais).
Si la plupart des pays de l’ASEAN veillent à favoriser les investissements étrangers et à rendre plus simples les
processus d’installation, les points ci-dessus font partie des considérations pratiques à garder à l’esprit lors du
choix de son pays d’installation. De ce point de vue, l’AEC n’offre pas de guichet unique qui permettrait à une
entreprise une implantation ASEAN plutôt qu’une implantation locale.
D’un point de vue juridique, il est important de savoir également qu’il n’existe pas au sein de l’AEC d’obligation
des Etats membres à reconnaître dans leur ordre juridique, un jugement définitif rendu au sein d’un autre état
membre.
« Objectif AEC » est une publication créée par le groupe de travail sur l’AEC. Ce groupe hybride a vu le jour en janvier 2015 au sein de la
section Singapour des Conseillers du Commerce Extérieur de la France afin de répondre aux questions des entreprises françaises déjà
implantées ou non dans la zone, sur les avantages éventuels liés à la constitution de l’AEC. Toutes les contributions par apport de notes,
brèves et commentaires généraux ou sectoriels sont les bienvenues à l’adresse électronique [email protected]
Comité éditorial : Michel Beaugier (M2 Management), Antoine Chery et Pauline Quinebeche (SER), Frédéric Rossi (Business France),
Véronique Denis-Pelliet (Lincoln), Pascale Martin-Neuville (Talentbank), Jérôme Petit (Bolloré), Pascal Lambert (Société Générale),
Dominique Lombardi (Rajah & Tann), Matthieu Tetaud (Air France).
Avec la collaboration de Christophe Granier (CCE France – Observatoire de la Chine hors les Murs).
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