
Devant l’ampleur de la crise, l’industrie automobile va avoir des réponses qui varient d’un
constructeur à l’autre, mais peu d’entre eux vont remettre en cause leur implantation industrielle.
Comment vont-ils réorganiser leur production et revoir leur intégration régionale ? Les entreprises
japonaises ont une stratégie différente dans leurs nouvelles implantations en Asie, selon leur propre
situation économique : pour les entreprises les plus fortes et déjà internationalisées, elles souhaitent
se renforcer afin de ne pas laisser la concurrence se développer en Asie sur leurs points forts, c’est le
cas de Toyota en Thaïlande. Pour les entreprises déjà implantées dans la région et en difficulté, elles
tentent de maintenir les positions acquises, mais dans des stratégies plus ouvertes à des alliances.
C’est le cas de Mitsubishi et de Nissan, l’implantation régionale étant un atout dans les négociations
mondiales. Pour les entreprises qui ne sont pas ou peu implantées dans la région, le Japon abandonne
ses positions en Asie dans une stratégie de survie, d’où la diminution des investissements directs
japonais dans les pays où ces entreprises étaient présentes mais marginales comme à Singapour et à
Hong Kong. Même si la situation économique des pays de l’ASEAN n’est plus aussi attractive à
court terme les constructeurs japonais sont cependant incités à poursuivre leurs investissements voire
à renforcer leur présence dans la zone pour deux raisons principales : l’une plus politique et l’autre
directement économique.
Malgré la crise, les constructeurs automobiles japonais vont continuer de redéployer leur outil de
production en ASEAN afin de faire du sous continent une véritable plate forme d’exportation vers
les pays développés. D’un point de vue plus politique les pays de l’ASEAN voient d’un mauvais œil
l’implantation d’opérateurs occidentaux ( les Etats Unis) et quitte à choisir, préfèrent le Japon en
temps que leader dans la zone, même s’ils contestaient quelques années auparavant son hégémonie
commerciale. C’est ainsi que les pays de l’ASEAN vont plutôt encourager et aider le Japon à
intensifier son poids économique dans la zone. Le Japon y a depuis longtemps remplacé les Etats
Unis comme premier investisseur. Pour arriver à ce résultat, malgré la crise de 1997, le Japon a
élaboré une stratégie de réorganisation de sa production industrielle automobile tout en modifiant
certains aspects de son implantation régionale. Les constructeurs japonais, dont la réaction a été
assez rapide, s’efforcent d’apporter à la crise une réponse industrielle assurant le maintien de
l’essentiel de l’outil de production délocalisé en Asie de Sud Est. Leur stratégie en 1998 repose sur
trois piliers : l’exportation, l’intégration régionale et la délocalisation de nouvelles productions tout
en procédant malgré tout à certaines réductions d’effectif et à des licenciements.
Les filiales japonaises en ASEAN étaient destinées à l’origine à alimenter les marchés locaux. Leur
écroulement avec la crise a logiquement conduit les constructeurs à utiliser leurs unités de
production asiatiques comme plate forme d’exportation vers les marchés en croissance. En moins
d’un an, ils sont parvenus à réorganiser leur production avec la grande flexibilité d’adaptation qui les
caractérise : Mitsubishi a par exemple exporté 56.000 véhicules de Thaïlande vers l’Europe et
l’Océanie en 1998 contre 6.000 en 1995, 12.600 en 1996 et 40.000 en 1997. Les industriels
japonais se montrent en général assez discrets sur ces mouvements qui présentent le double avantage
d’assurer des charges minimums à leurs usines asiatiques et de profiter des coûts de production
réduits par la dépréciation de la monnaie locale. L’augmentation des exportations n’ayant pas
compensé la chute des ventes locales, les constructeurs japonais cherchent aujourd’hui à réduire leur
coût de production en jouant autant que possible sur les synergies entre leurs usines asiatiques. Par
exemple Toyota s’appuie sur un véritable réseau permettant un échange permanent de composants et
de pièces détachées entre ses unités de production en Malaisie, Thaïlande, Indonésie et Philippines.
La part de contenu local a systématiquement été augmentée afin de réduire au maximum les coûts de
production mais aussi d’éviter la faillite de fournisseurs locaux fragilisés par la crise.
En dépit des efforts de restructuration engagés, les constructeurs japonais n’ont pu faire l’économie
de réduction d’effectifs en Asie. On peut toutefois distinguer ceux qui parviennent à maîtriser les
conséquences sociales de la crise et ceux qui doivent se résoudre à des licenciements massifs, voire
à une cessation d’activité. Les deux constructeurs japonais les plus compétitifs, Toyota et Honda
n’ont procédé en 1998 à aucun licenciement massif mais ont un peu réduit leur masse salariale en