Physiologie du sport et alimentation en course à pied Préface L’un des moyens les plus essentiels pour améliorer des performances physiques ou sportives est incontestablement la science nutritionnelle. Du sportif amateur au professionnel, il existe une très grande diversité des modes de pratiques de l’effort physique. Par conséquent, l’échelle des dépenses énergétiques est excessivement variable. De 2500 kcal/jour pour un amateur à 6500 kcal/jour pour un coureur cycliste du tour de France ou un coureur de marathon. Dans le sport quand on parle de nutrition, on parle de besoins énergétiques. Pour cela, une parfaite connaissance de la science nutritionnelle, de la physiologie humaine et plus spécialement du métabolisme énergétique du muscle au cours de l’exercice physique demeure indispensable à la bonne compréhension et à l’élaboration de modèles alimentaires adaptés aux rythmes et aux goûts des athlètes. Où le muscle puise-t-il son énergie ? La source première de l’énergie fournie aux muscles réside dans l’hydrolyse de l’ATP en ADP ; la contraction musculaire dépend de cette hydrolyse. (ATP = adénosine triphosphorique et ADP = adénosine diphosphorique) En effet lors de la rupture de l’ATP, il y a un dégagement d’énergie, celle-ci permettra la contraction musculaire. La réserve musculaire en ATP est faible. (- de 3g/kg). Elle se trouve tarie en l’espace de quelques minutes et ne permet pas d’assurer une activité physique prolongée. Les métabolismes aérobies et anaérobies interviennent alors pour le renouvellement des stocks d’ATP. 3 filières se distinguent pour la re-synthèse de l’ATP musculaire : - Anaérobie alactique - Anaérobie lactique - Aérobie caractéristiques Anaérobie alactique Anaérobie lactique aérobie Bilan énergétique 1 ATP 2-3 ATP/glycogène >39 ATP/glycogène Présence d’oxygène non non oui Réserves Muscles Muscles Muscles, tissus adipeux Durée effort 0 – 20sec 20sec – 2mn 2mn – plusieurs heures Exemple Force, vitesse Résistance Endurance Caractéristiques des filières de re-synthèse de l’ATP musculaire En anaérobie alactique, lors de brefs efforts intenses, la faible réserve d’ATP est consommée très rapidement. En l’espace de 15 secondes, le stock est quasiment épuisé car c’est la source primaire d’énergie qu’utilise le muscle pour les premières secondes d’effort. En anaérobie lactique, de 20sec à 2min d’effort, la réserve d’ATP est épuisée, pour faire face à cet épuisement le glycogène est dégradé en acide pyruvique. Il en résulte de l’acide lactique + 3 molécules d’ATP. Dans le jargon la sensation « lactique » résulte de l’accumulation de cet acide lactique nouvellement formé. Lors d’efforts intenses les concentrations musculaires en acide lactique augmentent rapidement. Cette acidification musculaire altère le fonctionnement enzymatique de la dégradation du glycogène. Elle diminue également la capacité des fibres musculaires à se contracter. C’est pour cela qu’il devient très difficile de continuer l’effort sur une course type 400 – 800m – 1000m. En filière aérobie, une série de réaction enzymatique, en présence d’oxygène, que l’on nomme le cycle de Krebs, permet d’obtenir, à partir de la dégradation du glycogène, 39 molécules d’ATP. Dans ce même cycle, mais par une voie différente la dégradation des acides gras (lipides) permet d’obtenir plus de 120 molécules d’ATP en fonction de l’acide gras dégradé. Ainsi, la principale source d’énergie pour le muscle provient avant tout du métabolisme aérobie par l’oxydation de substrats énergétiques et par leur passage dans le cycle de Krebs, puis dans une faible mesure, de la diminution du glucose contenu dans les tissus ou liquide de l’organisme. Ces processus supposent l’existence de réserves énergétiques suffisantes qui peuvent être mobilisées à tout instant au cours de l’exercice physique. Outre cette mobilisation, l’organisme doit maintenir une glycémie constante (0.80 à 1.10 g/l). Les réserves énergétiques • Les glucides Ces réserves énergétiques se composent de glucides et de lipides et minoritairement de protéines. Les glucides sont stockés dans le tissu musculaire sous forme de glycogène. (Les rations théoriques citées ci-dessous sont calculées pour des personnes sportives, et sont donc supérieures à des personnes sédentaires.) Nature des tissus Muscles Foie Tissus adipeux Sang Peau, poumons, rate Cerveau TOTAL : Poids des tissus (kg) 30 1 15 10 4 1.5 Glycogène (g) 300 100 20 15 13 2 450 Répartition corporelle des stocks en glycogène Energie (kcal) 1220 407 81 61 52 8 1829 Une partie beaucoup moins importante du stock de glycogène est située dans le foie. Celui-ci joue un rôle central pendant l’exercice physique. Il assure la production de glucose circulant en l’absence d’apport alimentaire. Ce glucose va venir se substituer au glycogène musculaire qui est consommé au fil de l’exercice, mais ceci de manière très lente. Cet inconvénient à première vue est en fait une réelle sécurité, sinon la glycémie descendrait en chute libre. Nos performances sont liées à la concentration et au pouvoir de restauration des stocks de glycogène. (L’entrainement en endurance améliore les capacités oxydatives du muscle, qui dispose alors de beaucoup plus de mitochondries, et l’organisme va préférentiellement consommer plus de lipides et épargnera le glycogène.) Les glucides sont apparus comme étant le déterminant essentiel de l’alimentation du sportif, et sont désignés sous la forme générique de « sucres ». Nos besoins quotidiens (sportifs) sont de : 4.5g de glucides par kg de poids et par jour Minoré à 4g, pour un non sportif • Les lipides Dans des efforts de très longues durées (plusieurs heures), l’oxydation des lipides prend le relai et devient l’élément primordial du métabolisme énergétique. La capacité de mobilisation des lipides est capitale lors de l’exercice physique de longue durée. L’augmentation de leur libération en début d’exercice permet une épargne des réserves de glucose, c'est-à-dire de glycogène hépatique et musculaire. La capacité énergétique constituée par le stockage des lipides dans le tissu adipeux est très importante et, après un marathon les réserves lipidiques ne sont que très faiblement entamées. Les lipides sont présents dans notre organisme à raison d’une concentration 12x plus importante que les glucides. De plus pour un gramme de lipides, nous pouvons obtenir 9kcal soit 2x plus qu’un gramme de glucides. On a vu que les acides gras issus des lipides peuvent produire plus de 120 ATP, alors pourquoi cette voie n’est-elle pas dominante ? Dans les lipides seuls les triglycérides peuvent créer de l’énergie, ces triglycérides doivent d’abord être hydrolysés en acide gras, ces acides gras vont ensuite parcourir le cycle de Krebs. Ils rejoindront la circulation sanguine, et seront véhiculés aux muscles et pourront enfin libérer leur énergie. Malheureusement toutes ces étapes prennent un temps relativement long. C’est pour cela que ce métabolisme ne devient majoritaire que sur les courses longues. Durée de la course Energie fournie 0 à 30 min 10% 2 heures 30% 3 heures 30 60% Part de l’énergie fournie par les lipides en fonction du temps de course 1g de lipides par kg de poids et par jour • Les protéines 1.5g de protéines par kg de poids et par jour La synthèse des protéines sert à développer la masse musculaire, à augmenter le niveau d’activité des enzymes et à réparer les fibres musculaires endommagées lors de l’exercice musculaire. Cette synthèse se fait à partir des nombreux acides aminés disponibles dans l’organisme. Lors de l’exercice la synthèse des protéines se ralentit. Après l’effort elle augmente à nouveau, favorisée par une captation accrue des acides aminés plasmatiques au niveau des muscles. En raison de leur importance et du rôle qu’elles tiennent dans la structure et la contraction musculaire, dans le développement de la force mais aussi au niveau des réactions enzymatiques et oxydatives, les protéines participent grandement à la réalisation des performances chez les sportifs qui pratiquent aussi bien des épreuves de force que d’endurance. Pour faire simple, la consommation en glycogène est très importante au début de l’exercice, puis elle diminue au profit de l’oxydation (aérobie) des glucides. Lorsque le coureur a consommé toutes ces réserves (dégradé tout le glycogène pour créer de l’ATP), il subit une baisse de régime, mais pour poursuivre l’effort, les muscles vont alors utiliser les graisses, le glucose circulant dans le sang et en dernier lieu, les protéines. Aspects nutritionnels La seule classification des sucres en « lents » et en « rapides » ne renseigne pas de façon précise sur l’augmentation de la glycémie après consommation d’un aliment. Des chercheurs ont donc mis au point la notion d’index glycémique de l’aliment (= mesure de la glycémie pendant les 2h qui suivent l’ingestion de 50g de l’aliment) Plus l’index glycémique de l’aliment est bas, plus la réponse glycémique sera modérée, régulière et étalée dans le temps. Plus l’élévation glycémique est grande (index élevé), plus le pancréas devra sécréter d’insuline pour ramener cette constante à un niveau normal (glycémie 0.8 à 1.1 g/l). Or, Toute élévation de l’insulinémie est une cause favorisante de stockage énergétique. Ainsi la décharge d’insuline sera beaucoup moins élevée après avoir consommé un plat de pâtes qu’une ingestion de glucose par exemple. Après l’ingestion de glucose, la glycémie augmente, de l’insuline est libérée et favorise la captation du glucose, qui va donc être stocké sous forme de glycogène dans les muscles. D’où l’intérêt, chez les sportifs d’endurance, de tenir compte de ces critères et d’effectuer le bon choix parmi les aliments qui vont composer leurs repas, avant pendant et après l’effort. Apports hydriques Chaque jour, nous perdons environ 3l d’eau, par les fèces, la perspiration cutanée, la sudation, et les urines. Il est donc logique d’avoir un apport hydrique > à 3l pour compenser les pertes. Une consommation de 2l/j semble déjà suffisante. Ces apports se font par ingestion de : • l’eau de boisson 1.5l • l’eau des aliments 1l • l’eau métabolique ou de synthèse 300 ml pour 2500 kcal Durant un exercice prolongé, l’organisme « chauffe », en effet 60% de l’énergie totale est dissipée sous forme de chaleur, seulement 40% aboutissent à un rendement mécanique. L’évaporation de notre eau va produire un rafraîchissement. L’organisme est donc soumis à une déshydratation globale. Parallèlement, les glandes sudoripares continuent à sécréter de la sueur pour abaisser la température de l’organisme. Cette perte d’eau s’accompagne d’une réduction des possibilités d’endurance : 1% de perte en eau = 10% de réduction de la capacité physique à l’effort Il est nécessaire de boire afin d’augmenter les réserves en glycogène musculaire avant l’effort. Le repas précédant la course est toujours hyperglucidique et il faut y ajouter une hydratation suffisante d’autant que 3g d’eau ne stockent que 1g de glycogène. D’où la nécessité d’apprendre au sportif à adopter une vraie stratégie d’hydratation. Chez le sujet sportif, il est préconisé : 150 ml de boisson sucrée 10min avant l’effort, puis 150 ml toutes les ½ heures durant l’effort. Il est donc important de connaître les meilleures façons de s’hydrater et surtout, de savoir avec quel produit le faire. L’eau plate ne compensera jamais l’énergie dépensée. L’absorption d’un liquide hypertonique (jus de fruit, coca, boissons sucrées) provoque une surdéshydratation, mais apporte du glucose, d’où l’art de connaître ses propres besoins. En revanche, une boisson isotonique est bien adaptée à l’effort, elle renferme du sodium et des glucides, et est bien absorbée par l’organisme. Lors d’un marathon, de l’eau faiblement minéralisée est recommandée. Aussi est-il impératif de boire avant d’avoir soif, car la réponse à une sensation de soif est insuffisante pour couvrir les besoins réels en eau de l’organisme. Nous venons de passer en revue les principales questions qui posent problèmes à bon nombre de sportifs. Ces dépenses sont très variables et fluctuent d’un individu à l’autre. De plus, différents éléments extérieurs, dont il est indispensable de tenir compte, viennent s’associer pour en modifier les valeurs (allure de course, conditions climatiques, degré d’hydratation, etc.) Pour aller plus loin La courbature musculaire, est un phénomène de fatigue musculaire, localisée à un muscle ou un groupe de muscles, elle est le résultat d’une accumulation de toxine, majoritairement l’acide lactique. Elles apparaissent 24h à 48h après l’effort et régressent très vite. Il faut alors boire abondamment, additionnée de potassium. Se faire masser la zone douloureuse avec une pommade myorelaxante. Il faut aussi prendre un bain chaud ou faire une séance de sauna. La contracture musculaire, est une contraction involontaire du muscle. Celle st due à l’acidose qui résulte de l’exercice. L’acidose provoque une entrée cellulaire de H+ ainsi que la sortie de K+. Dès son apparition elle peut être supprimée par un étirement contraire. Si elle persiste, il faut poser une vessie de glace sur le muscle. L’élongation musculaire est le résultat d’une distension des fibres musculaires qui se fait au-delà des limites physiologiques et sans rupture de celle-ci. Le claquage musculaire se situe un degré au-dessus de l’élongation, avec rupture des fibres musculaires associée à une hémorragie interne. Ration calorique quotidienne du sportif Chez les coureurs il sera donc indispensable de compléter la ration calorique de base par un supplément nutritionnel correspondant à la dépense envisagée par la course en question. Une estimation théorique moyenne : 1 kcal / kg de poids / km parcouru Soit pour un homme de 65kg, sur un marathon, 1 kcal x 65 kg x 42 km = 2 730 kcal les dépenses de base de l’organisme pour assurer les fonctions vitales. aux quelles viennent s’ajouter Il est recommandé de multiplié par 1.5 sa ration calorique quotidienne la semaine avant la compétition: Soit en moyenne pour un homme de 65kg, passé de 2500 à 3900 kcal/j et de 2000 à 3100 kcal/j pour une femme. Une stratégie nutritionnelle peut donc être mise en place une semaine avant la compétition, afin de maintenir un état d’hydratation suffisant et d’augmenter les réserves en glycogène. Plus l’ingestion se trouve éloignée de la course plus les glucides ingérés doivent être de type complexe et d’index glycémique bas (sucres lents). Plus l’épreuve est proche, voire pendant sa réalisation, plus les sucres ingérés doivent être de type simple avec un index glycémique le plus élevé possible (sucres rapides). • Les corn-flakes, sodas, pétale de maïs seront absorbés juste avant la le départ • Les pâtes, lentilles, haricots blancs seront absorbés la veille et après la course Des études montrent qu’un apport en glucides compris entre 200 et 300 g, consommé quelques heures avant la pratique d’un exercice d’intensité modérée et de longue durée, favorise grandement l’endurance et la performance des compétiteurs. Voici un menu très théorique du petit-déjeuner 3h avant la course : • Lait ½ écrémé (250ml) + café (2 tasses) + miel (10g) • Corn-flakes (80g) • Figues sèches (80g = 10 environ) • Banane bien mûre (100g) • Jus de fruit polyvitaminé (150ml) Soit 176g de glucides et 813 kcal Types de glucides pendant l’effort Pour les épreuves de moins d’1 heure, aucun apport alimentaire n’est nécessaire. Toutefois, ils ne peuvent que favoriser l’accomplissement de l’exercice physique. Ces apports ont pour but de préserver les ressources en glycogène en fournissant un substrat énergétique rapidement oxydable. Les boissons énergétiques de l’effort sont recommandées (riche en glucide et index glycémique très élevé). Types de glucides après l’effort Durant la période qui suit l’exercice musculaire, le transport transmembranaire du glucose en direction de la cellule musculaire est facilité, de même que la sensibilité à l’insuline est augmentée, l’insuline favorise le stockage du glycogène en augmentant la captation du glucose. L’ingestion d’une solution de glucose toutes les 15 min pendant 4h permet une bonne restauration du glycogène musculaire. Ration calorique quotidienne : H : 3500 kcal/j (60% de glucides) F : 2800 kcal/j Sucres à index glycémique bas Lundi mardi mercredi Ration calorique quotidienne : H : 3900 kcal/j (70% de glucides) F : 3100 kcal/j Sucres à index glycémique bas Jeudi Vendredi samedi Samedi soir : Dernier repas du soir, sucres à index modéré (pâtes) 350g • • Dimanche matin : 3h avant la course : petit-déjeuner glucides à index modéré et bas 15mn avant la course : plus d’apport solide, 150ml d’une boisson glucosée ou jus de fruit Récapitulatif de l’alimentation à suivre durant la semaine qui précède la compétition