Dans quelle mesure le recours au protectionnisme est-il souhaitable ? DOCUMENT 1 Salaires horaires moyens dans l'industrie (cotisations sociales comprises), en dollars courants 2000 2002 2004 2006 2007 Allemagne 23,04 24,69 33,42 34,63 38,05 Autriche 21,25 22,74 31,46 33,82 37,79 Belgique 24,53 27,49 37,64 39,43 44,56 0,47 0,59 0,76 1,00 1,22 Espagne 13,11 12,84 18,34 19,79 22,43 Etats-Unis 19,88 23,12 24,15 24,59 Finlande 20,37 22,45 31,48 34,13 38,15 France 22,90 25,48 35,36 37,95 42,76 Grèce 10,12 11,74 14,52 15,96 18,03 Italie 17,50 18,84 26,57 43,63 61,40 Pays-Bas 20,56 23,74 33,83 Portugal 7,49 8,58 12,67 Chine ---- ---13,76 15,49 Source : L'émergence de la Chine : impact économique et implications de politique économique, Patrick ARTUS, Jacques MISTRAL, Valérie PLAGNOL, Conseil d'Analyse Économique, 2011. (1) Charges : cotisations sociales. DOCUMENT 2 Taxes sur les importations en 2007 (en % de leur valeur) Importateurs Total Agriculture Textile Pays riches Reste de l'industrie 2,7 14,6 7,8 1,7 Australie 3,5 1,5 12,3 3,2 Canada 3,3 18,1 12,4 1,8 Etats-Unis 1,7 5,5 9,8 1,1 Japon 2,5 23,8 7,0 0,7 Union Européenne à 27 2,6 14,6 7,0 1,7 8,0 18,3 13,3 7,0 6,3 9,2 9,2 5,9 Inde 17,9 60,5 15,1 14,3 Maghreb 10,4 24,4 19,0 9,0 Mexique 6,6 15,5 15,7 5,4 Turquie 4,3 41,1 4,4 1,5 10,1 12,6 17,7 9,3 10,2 11,2 21,2 9,6 9,2 11,3 17,9 8,4 4,4 15,9 9,2 3,4 Pays en développement Chine Pays les moins avancés Bangladesh Afrique Subsaharienne Monde Source : « La protection commerciale dans le monde », La lettre du CEPll, juillet 2012. 1 DOCUMENT 3 Volume des exportations mondiales de marchandises et produit intérieur brut mondial, 2000 -2009 (Variation annuelle en %) Source : Statistiques du commerce international 2010, Organisation mondiale du commerce. I. La nécessité de mener une politique protectionniste A. Protéger les industries naissantes 1. 2. Pour leur permettre de devenir compétitives en réalisant économies d’échelle et augmentation de la productivité Un protectionnisme essentiellement tarifaire B. Protéger les industries vieillissantes 1. 2. Pour leur permettre de renouer avec la compétitivité ou de se reconvertir Une stratégie de pays développés II. Les mesures protectionnistes doivent être provisoires A. Les effets négatifs du protectionnisme sur la croissance 1. La preuve par la crise de 1929 2. La crise actuelle, commencée en 2008, semble confirmer les effets négatifs de la baisse des exportations sur la croissance. B. Les coûts du protectionnisme 1. 2. Les entreprises protégées de la concurrence extérieure ne sont pas inciter à baisser leurs prix et à innover Les pays protectionnistes s'exposent à des mesures de rétorsion. Introduction La crise financière de 2008 et ses effets dépressifs sur les économies réelles ont fait resurgir la tentation protectionniste. Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure le recours au protectionnisme est souhaitable ? Le protectionnisme est un ensemble de mesures visant à protéger l'économie nationale contre la concurrence extérieure. On distingue le protectionnisme tarifaire qui comprend l'ensemble des taxes versées par les importateurs et le protectionnisme non tarifaire qui inclut les quotas fixant un montant maximal d'importations, des normes techniques sur la fabrication des produits importés ainsi que les subventions aux entreprises nationales. 2epuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la création d'institutions inter nationales comme le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), devenue l'Organisation mondiale du commerce (O MC) en 1995 a favorisé le libreéchange. On peut donc se demander si, à certaines conditions, le protectionnisme ne devient pas une nécessité. Par ailleurs, s'il est vrai que la politique protectionniste peut être nécessaire, celle -ci connaît des limites. I. La nécessité de mener une politique protectionniste Alors que les économistes libéraux comme Adam Smith et surtout David Ricardo, avec la théorie des coûts comparatifs, avaient démontré les vertus du libre-échange, Friedrich List, au XIXe siècle, montre que le protectionnisme peut permettre le développement des industries naissantes. Au cours de la seconde moitié du XX e siècle, Nicolas Kaldor reprend des arguments proches pour permettre la reconversion des industries vieillissantes. 2 A. Protéger les industries naissantes 1. Pour leur permettre de devenir compétitives en réalisant économies d’échelle et augmentation de la productivité • Les industries naissantes ne sont pas suffisamment compétitives pour résister à la concurrence extérieure des pays plus avancés dans leur processus d'industrialisation. En étant protégées de cette concurrence, les entreprises peuvent s'implanter sur leur marché national. Cette protection à court terme leur donne le temps nécessaire pour réaliser les économies d'échelle grâce à l’augmentation de la production et les gains de productivité leur permettant de devenir compétitives. 2. Un protectionnisme essentiellement tarifaire • La protection des industries naissantes est surtout tarifaire, les droits de douane entraînant une hausse des prix des produits importés. Ainsi, on constate que les taxes sur les importations sont relativement trois fois plus élevées dans les pays en développement que dans les pays riches (document 2 ). On peut y voir une confirmation de la thèse de List sur la nécessité du protectionnisme éducateur ”. B. Protéger les industries vieillissantes 1. Pour leur permettre de renouer avec la compétitivité ou de se reconvertir • La protection des industries vieillissantes repose sur le même type de raisonnement, mais il s'agit dans ce cas de sauver une activité que la concurrence extérieure menace de disparition. Le protectionnisme doit permettre aux entreprises vieillissantes de retrouver leur compétitivité à moyen terme. Pour les activités qui doivent disparaître, le protectionnisme permet la reconversion de ces activités ainsi que celle des emplois. 2. Une stratégie de pays développés • Ce sont principalement les pays développés qui doivent protéger leur industrie contre la concurrence des pays émergents. Si les taxes sur les importations des produits industriels hors textile représentent 1,7 % de leur valeur dans les pays riches, elles s'élèvent à 7,8 % pour les produits textiles. Cette activité est la plus menacée par la concurrence des pays émergents, notamment celle de la Chine. Les mesures protectionnistes sont un moyen pour compenser les écarts de salaires qui peuvent aller de 1 à 50 (document 1). Ainsi, le protectionnisme apparaît souhaitable pour protéger les industries naissantes ou vieillissantes. Cependant, il doit être temporaire (court ou moyen terme) car il peut avoir des effets négatifs pour l'ensemble de l'économie mondiale. II. Les mesures protectionnistes doivent être provisoires List le reconnaissait : le protectionnisme doit être temporaire car il a des conséquences dépressives sur la croissance économique et il implique un certain nombre de coûts. A. Les effets négatifs du protectionnisme sur la croissance 1. La preuve par la crise de 1929 • La crise de 1929 a montré que le protectionnisme pratiqué par les pays touchés par la crise était un facteur aggravant le ralentissement de la croissance. En effet, les exportations sont un élément de la demande globale répondant à la demande extérieure. Si les exportations baissent, la croissa nce de la production s'en trouve ralentie. De plus, la hausse des prix des produits importés résultant de l'augmentation des taxes sur les importations peut avoir des effets négatifs sur la consommation intérieure, et donc accentuer la baisse de la production. 2. La crise actuelle, commencée en 2008, semble confirmer les effets négatifs de la baisse des exportations sur la croissance. Si on constate que sauf pour l'année 2001, la variation des exportations est toujours supérieure à celle du PIB, la baisse des exportations accentue la baisse de la production mondiale. En effet, en 2009, les exportations ont baissé de 12 % alors que le produit intérieur brut mondial baissait de 3 % (document 3). B. Les coûts du protectionnisme 1. Les entreprises protégées de la concurrence extérieure ne sont pas inciter à baisser leurs prix et à innover • Protégées de toute concurrence extérieure, les entreprises des pays pratiquant des mesures protectionnistes ne sont pas incitées à baisser leurs prix et à innover. La consommation s' en trouve pénalisée. De plus, les entreprises peuvent connaître une hausse de leurs coûts de production se traduisant par une baisse de la compétitivité des économies nationales. Le niveau de l'emploi diminue, entraînant une hausse du chômage provoquant un e spirale déflationniste. • 2. Les pays protectionnistes s'exposent à des mesures de rétorsion. Les autres pays limitent les importations en provenance des pays protectionnistes. Ainsi, de nombreux contentieux entre 3 les États-Unis et l'Union européenne risquent à) tout moment de se transformer en guerre commerciale pénalisant tous les pays de l'Union. La politique protectionniste ne peut être que provisoire car, comme le montre l'histoire économique, elle freine la croissance et entraîne des coûts élevés pour l'ensemble des agents économiques. Conclusion Depuis, la fin de la Seconde Guerre mondiale, le libre-échange s'est imposé à ensemble des économies nationales. Cependant, le protectionnisme n'a pas disparu. En effet, les économies émergentes, si elles ont profité de la liberté des échanges au niveau international, ont su reprendre les principes du » protectionnisme éducateur » énoncés au XIXe siècle par Friedrich List. De même, les pays les plus développés savent utiliser les instruments du protectionnisme pour faciliter la reconversion de leur appareil productif. Cependant, le protectionnisme ne peut devenir une pratique permanente car l'ensemble de l’économie risque d'en ressentir les effets négatifs : baisse de la production, prix élevés, absence d'innovations. Cependant, les tentations restent fortes et les échecs des négociations sur le commerce international dans le cadre de l'OMC posent la question de l'avenir des relations économiques internationales. 4