modèle concevable. Le problème est évidemment qu'on ne sait pas si c'est vraiment ce
modèle que les gens veulent majoritairement ou s'ils n'en préféreraient pas peut-être un
autre, comme le "cottage model". Notez qu'il ne suffirait pas de simplement le leur
demander, par exemple au moyen d'une enquête d'opinion, car les réponses risque-
raient d'être données dans l'abstrait et elles pourraient bien ne pas correspondre aux
vrais choix, lesquels se font toujours "sous contrainte" (des revenus et des prix), ce qui
est souvent ignoré dans les réponses aux enquêtes. Sur ce point, notre devise, à nous
autres universitaires, doit être : "Watch what they are doing, not what they are saying".
Autrement dit, pour se faire une idée des préférences du public, il faut étudier ses
comportements effectifs. Avec un peu d'ingéniosité, cela peut se faire en utilisant les
méthodes de l'économie/économétrie moderne. Toutefois, à ma connaissance, cela n'a
jamais été fait. Il reste qu'on ne peut pas exclure que l'actuel politique d'aménagement
du territoire revient à imposer au public un modèle dont il ne veut pas vraiment.
(3) Une question, pourtant essentielle, que vous ne faites qu'effleurer : pourquoi faut-il un
aménagement du territoire überhaupt ? Autrement, pourquoi ne pas laisser l'utilisation
du sol au marché, ce qui est pourtant la présomption dans notre système économique
(et il n'y a plus guère d'autres systèmes aujourd'hui) ? Dans nos entretiens, je n'ai pas
insisté sur ce point, car je pensais l'avoir résumé de manière relativement claire, com-
pacte et complète dans une étude que vous citez dans votre bibliographie.
Or, on
constate que, si j'ai bien compté, le mot d'"externalité" ne figure qu'une fois dans votre
étude. Des notions comme celle-ci ou comme celles d'internalisation, de moyens
d'internalisation, de théorème de Coase, etc. sont pourtant essentielles dans ce contexte.
Bref, malheureusement, l'analyse économique est largement absente dans votre étude.
Et les quelques concepts économiques que vous utilisez sont souvent trop généraux
pour avoir un sens - ainsi, le mention que vous faites à la p. 19 de "l'optimum social" :
si vous ne précisez pas soigneusement ce que vous entendez par là, c'est comme si
vous n'aviez rien dit.
(4) Laissez-moi maintenant vous poser une question un peu directe : ne serait-il pas pos-
sible qu'en Suisse l'aménagement du territoire soit actuellement, dans une certaine me-
sure et au moins dans certains cas, détourné de son but premier ? et que, pour être plus
précis, il soit utilisé comme un alibi ou paravent pour ce qui est du pur protection-
nisme agricole ? ou, pour être plus précis encore, du pur protectionnisme viticole ?
(5) Dans le même contexte, vous écrivez à la p. 19 : "Sans une politique protectionniste
envers le secteur primaire et sans restrictions sur les importations, les gens préfére-
raient aux vins suisses des vins à moindre prix provenant de l'étranger". Eh bien ! Et la
souveraineté du consommateur alors ? Peut-on légitimement forcer les consommateurs
à consommer ce qui était jusqu'à assez récemment des produits inférieurs aux prix sur-
faits ? L'agriculture et l'agriculture sont-elles donc de pareilles vaches sacrées ? (Je
suis volontairement un peu provocant, comme vous l'êtes aussi). Notez, d'ailleurs, que
ce que vous écrivez n'est pas ou n'est plus exact : il n'y a plus aujourd'hui de protec-
tionnisme pour les vins rouges. Or, la plupart des vins rouges suisses se défendent bien,
au plan des prix comme au plan de la qualité (étant entendu que ce que nous n'avons
pas, ce sont les vrais tout grands crus). Pour le vin blanc, un protectionnisme est tou-
Elle se trouve sur ma homepage : http://www.hec.unil.ch/jlambelet/sol.pdf. - Aux autres membres de la classe :
si le sujet de l'aménagement du territoire vu sous l'angle économique vous intéresse, vous auriez peut-être avan-
tage à lire ce texte.