68 LES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT Face aux analyses des économistes sur le sous-développement, les choix de stratégie de développement opérés par les PED (pays en développement) ont été le plus souvent dictés par les orientations idéologiques des régimes politiques prenant la relève du colonialisme. LES DIFFÉRENTES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT… q La promotion des exportations Elle consiste à développer des activités exploitant un avantage relatif détenu par le pays, par exemple une main-d’œuvre bon marché, dans le but d’exporter la production sur le marché mondial, en s’appuyant sur une compétitivité-prix favorable. Cette stratégie suppose donc un fort taux d’extraversion (rapport entre les exportations et le PIB) et convient aux pays caractérisés par un marché intérieur étroit. Les recettes d’exportations sont censées permettre un effort d’investissement qui favorisera l’implantation d’activités à plus forte valeur ajoutée (l’industrie lourde). On parle ici de stratégie de substitution d’exportations. q La substitution d’importations Appliquée par des pays d’Amérique du Sud dès les années trente, cette stratégie est fondée sur le remplacement progressif sur le marché intérieur des importations de biens de consommation par une production locale. Elle nécessite un protectionnisme éducateur, c’est-à-dire qui permette à des activités nouvelles de se développer à l’abri de la concurrence internationale. Maintenant des prix élevés sur le marché intérieur, cette pratique permet d’attirer des capitaux étrangers avec une perspective de profits élevés. Il est ensuite possible soit de remonter les filières de production en développant des activités à qui la production initiale fournit des débouchés, soit d’écouler la production sur les marchés internationaux. q Les industries industrialisantes Illustrée par l’Algérie, cette stratégie est copiée sur le modèle soviétique de priorité à l’industrie lourde. Il s’agit de développer des activités situées en amont du système productif (sidérurgie, métallurgie, production énergétique, chimie de base…), car elles sont censées avoir des effets d’entraînement sur le reste de l’économie. En effet, développer ces activités permet de faire travailler des actifs qui constitueront le noyau du marché intérieur des biens de consommation. De plus, elles dotent le pays des infrastructures industrielles qui peuvent permettre l’émergence d’activités en aval, par une descente de filière. … ET LEURS LIMITES q Les dangers de l’extraversion Les économies extraverties doivent avoir fait un choix judicieux de spécialisation internationale. En effet, dans les années soixante-dix, les économies développées importatrices 152 2000 2001 2002 2003 2004 1995 1990 1985 1980 1975 1970 de produits de base rentrent PRIX D’UNE TONNE DE PÉTROLE BRUT IMPORTÉ EN EUROS PAR TONNES en récession et diminuent leur demande de produits primaires. Les PED qui 450 434,40 avaient fait le choix de l’hy400 perspécialisation sur quel350 ques produits naturels 300 272,80 peuvent être confrontés à 250 223 218,74 222,48 une chute des cours, du fait 200 d’une production excéden195 180,14 157,92 150 193 taire. Ils sont alors touchés 100 85,75 120,02 par une détérioration des 50 72,27 termes de l’échange : leurs 0 recettes d’exportations s’effondrent, les obligeant à s’appauvrir pour maintenir le Source : Direction générale de l’énergie et des matières premières. Observatoire de l’énergie, 2004. même niveau d’importations de biens d’équipement (dont les prix montent). Ils sont également conduits vers le surendettement (voir fiche 54). Les pays spécialisés judicieusement, c’est-à-dire sur des activités où la demande mondiale est en hausse, par exemple des activités de montage d’appareils électroniques, bénéficient de débouchés croissants et reçoivent des capitaux occidentaux. q Les désavantages de la substitution d’importations Le protectionnisme favorise le développement d’une industrie rentière, non compétitive, prélevant un surplus sur les revenus agricoles, ce qui freine à la fois la modernisation du secteur primaire et le développement des autres activités de biens de consommation. Pour mettre fin à cette situation, l’État est obligé de subventionner les activités protégées, d’où un accroissement des dépenses publiques, en général financées par émission monétaire, provoquant ainsi une inflation élevée. De plus, les biens d’équipement étant toujours importés, la dépendance vis-à-vis de l’extérieur ne diminue pas et les importations sont de plus en plus coûteuses, car l’inflation provoque une sousévaluation de la monnaie nationale. q Les effets pervers de la priorité aux industries lourdes Les industries lourdes nécessitent des capitaux importants, des biens d’équipement et des techniques de production ainsi qu’une main-d’œuvre hautement qualifiée, qu’il n’est pas toujours possible de trouver sur place. Elles accroissent donc la dépendance vis-à-vis de l’extérieur (financière, technologique et humaine) sans forcément créer des emplois. De plus, elles provoquent un véritable effet d’éviction sur les autres activités puisqu’elles aspirent l’essentiel des ressources du pays : le développement de l’industrie des biens de consommation et de l’agriculture est sacrifié au profit des industries en amont. De plus, le quasi-monopole dont jouissent ces dernières sur le marché intérieur ne favorise pas la recherche de compétitivité, donc les maintient dans des performances sous-productives. 153