Amel AOUIJ MRAD. Droit public économique M1. 2016-2017

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Amel AOUIJ MRAD. Droit public économique M1. 2016-2017
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Introduction
Le contrat semble être devenu le mode normal d’action de l’administration. Le
contrat est un instrument de politique économique. C’est un choix
délibéré des gouvernants.
Il est vrai qu’il présente beaucoup d’avantages: il s’agit d’une validation juridique
facile, donnant efficacité à la volonté individuelle. Son exécution rapide répond au
besoin de célérité du commerce. Grâce à lui, la puissance publique assure sa
mission librement.
I.
Définition
Le contrat est une « espèce de convention ayant pour objet de créer une
obligation ou de transférer la propriété1 ». Il est d’ailleurs parfois pris comme
synonyme de convention, en tant que « manifestation de l’autonomie de la volonté
individuelle2 ». C’est un accord entre des volontés distinctes3, destiné à produire
des effets de droit.
Aucune loi ne définit le contrat. Institution de droit privé, il est organisé en toute
logique par le code des obligations et des contrats, notamment quant à ses
conditions de conclusion (art.2 et 24) et les vices pouvant l’affecter (art.43 à 61).
Quels sont les caractères intrinsèques d’un contrat ?
1.
Il s’agit d’un accord de volonté : Cette manifestation peut être expresse
ou tacite mais la volonté doit être manifeste.
2. Les volontés exprimées doivent êtres distinctes : deux personnes
publiques (ou une personne privé et une personne publique) qui concluent un
acte collectif pour atteindre des objectifs communs ne signent pas un contrat.
Les volontés ne sont pas forcément réciproques.
1
G. Cornu, Vocabulaire juridique).
D. De Bechillon
3
« tout comportement actif ou passif qui permet de conclure à l’existence d’une certaine
volonté » Voir Mohamed Zine, Mohamed Melki
2
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3.
Cet accord de volontés produit des effets juridiques. Les volontés
exprimées doivent traduire l’attention de produire des effets de droit. Une simple
déclaration d’intention ne peut être qualifiée de contrat.
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DEFINITION DU CONTRAT ADMINISTRATIF : C’est un contrat conclu par au moins une
personne publique et dont la connaissance appartient au juge administratif. Il peut être
qualifié de tel par la loi, ou par la jurisprudence s'il porte sur l'exécution d'un service
public ou comporte des clauses exorbitantes du droit commun.
L’arrêt OUELHAZI (T.A. 1989) a, le premier, dégagé les critères d’identification du
contrat administratif.
Le critère organique. Le contrat est en principe administratif s'il contient au moins
une personne publique partie au contrat.
Le critère matériel. Il se base sur deux critères alternatifs :
L'objet. Un contrat peut être administratif s'il est relatif à l'organisation et à
l'exécution d'un service public.
Les clauses ou le régime juridique. Un contrat peut être administratif si
ses clauses sont exorbitantes du droit commun ou bien si son régime est
exorbitant du droit commun
II.
La contractualisation de l’action administrative
Le contrat administratif, en tant que mode d’action de l’administration, est en
vogue. Plus souple que l’acte unilatéral, il s’adapte à l’ouverture de l’économie
révèle des forces privées mais révèle aussi la puissance publique. Il y a ainsi eu un
mouvement vers le « tout contrat ». L’ascension du procédé contractuel a été
favorisée par le discours prônant la nécessaire médiatisation des personnes
publiques dans l’économie.
Le contrat administratif est ainsi devenu, depuis quelques années, un appoint
important au fonctionnement de l’économie. Son utilisation démultipliée transforme
le droit public émergent en un droit plus indéterminé et plus contextuel4, car c’est
d’un nouveau mode d’action de l’Etat qu’il s’agit, plus flexible.
Dans le domaine économique, il serait le reflet d’une nouvelle forme d’ordre public
économique, moins envahissant, accompagnant mieux les transformations de
l’économie mondiale. La relance du débat contractuel renvoie également, dans
un contexte de globalisation, à l’idée d’une plus grande liberté économique.
J. Morand Deviller : Les territoires du droit. Réflexions sur la généralité et l’impersonnalité de la règle de
droit. Mélanges A-H. Mesnard, Paris, LGDJ 2006, p.189
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Pourtant, le mode contractuel a toujours été associé à l’action de l’administration. Les
premiers textes relatifs aux marchés publics datent en Tunisie du début du Protectorat
et n’ont pas cessé d’évoluer par la suite (DB de 1888, 1913, 1945). Les concessions de
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distribution d’eau potable, d’éclairage, d’exploitation minière, de transport ferroviaire
remontent à la période du Protectorat. Lors de l’indépendance, la contractualisation
a logiquement continué à faire partie de l’action publique. Le décor d’émergence
et de consolidation du procédé contractuel dans notre droit public est
donc autre de celui que l’on peut imaginer : il n’est pas une création
émergeant ex nihilo de la vague de mondialisation de ces dernières
décennies.
Remodelé, réinventé ou plutôt redécouvert, le contrat amène à réfléchir globalement
sur les normes applicables en matière économique et sur le renouvellement de
l’autorité des personnes publiques. Il accompagne un changement de « notre
conception de la normativité »5 , permettant l’autocontrainte spontanée, « à partir
du moment où les deux partenaires s’obligent »6.
Cette évolution dans l’utilisation du contrat dans la vie des affaires est plus
marquée dans les Etats où il était peu utilisé, ou utilisé à titre d’appoint. Dans
les pays de Common Law, où il n’existe pas de substantielles différences entre le
droit privé et le droit de l’administration, ceci est moins flagrant7. Plus proche de
nous, le droit français de la commande publique est en train de vivre de profondes
évolutions sous l’influence du droit communautaire8.
En Tunisie, où la différence droit commun et droit administratif demeure nette, le
mode contractuel, s’il a toujours été associé à l’action de l’administration, a
néanmoins bien évolué. Cette évolution se marque de diversification et de
multiplication.
3
Le contrat administratif à objet économique est particulier car il est le reflet des
choix de l’Etat qui module le cadre de ses contrats comme il le souhaite. Il est
le reflet de l’ordre public économique de l’Etat. L’ordre public économique
D. De Bechillon. Voir également M.R. Jenayeh : Contrats publics et hiérarchie des normes, dans l’ouvrage «
Globalisation et contrats publics
6
Ibidem.
5
7
Le droit anglais des contrats est marqué par le principe d’unité : quels que soient les contrats, les
mêmes règles s’appliquent. Le droit américain s’inspire de la Common Law mais s’inspire aussi d’une
jurisprudence fondée sur l’existence d’un engagement, la rencontre de volontés des parties.
8
P. Delvolvé « Les contrats de la commande publique ». RFDA 2016 p.200 ; J. Maia « Les nouvelles dispositions
sur les contrats de la commande publique ». RFDA 2016 p.197. Ce qui est désormais dénommé en droit français
« contrats de la commande publique » répond à une exigence d’unité et d’homogénéité avec des conceptions
larges, plus matérielles et économiques, répondant à la finalité même de la commande publique que strictement
juridiques. La constante est qu’il s’agit de contrats conclus à titre onéreux entre des personnes publiques et des
opérateurs économiques, dont l’objet corresponde avec les besoins de la personne publique, reprenant l’idée
d’ « intérêt économique direct » de la CJUE
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actuel est « néo-libéral »9 ou « ordo libéral »10 et il est toujours marqué des
contraintes de l’ordre public social. Le contrat répond à ces idéologies : il place
l’administration en position de collaboration avec les opérateurs économiques.
Il répond à sa recherche de partenaires soit pour satisfaire ses propres besoins,
soit pour satisfaire les besoins des citoyens.
Nous étudierons donc les contrats passés par les personnes publiques et
s’insérant dans un des secteurs de l’économie.
Ces contrats sont de plus en plus souvent utilisés par les personnes publiques en
tant que soutien indirect leurs activités ou de moyen direct d’exécution de leurs
activités ou de d’exploitation d’une parcelle du domaine public (Partie 1 : Marchés
publics et concessions). Aujourd’hui, une nouvelle forme contractuelle voit le jour,
plus ambitieuse, plus globalisante : il s’agit des contrats de partenariat public privé
(Partie 2 : les contrats de PPP ).
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Le néolibéralisme est une doctrine qui veut rénover le libéralisme en rétablissant ou en maintenant le
libre jeu des forces économiques et l'initiative des individus tout en acceptant l'intervention de l'État.
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L’ordolibéralisme est un courant de pensée libéral (Allemagne années 1930) selon lequel la mission
économique de l'État est de créer et maintenir un cadre normatif permettant la concurrence libre et non
faussée entre les entreprises. L'État aurait pour responsabilité de créer un cadre légal et institutionnel à
l'économie, et de maintenir un niveau sain de concurrence « libre et non faussée » par des mesures en
accord avec les lois du marché, pour éviter la naissance de monopoles, trusts ou oligopoles.
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