sur 11 INTRODUCTION I. Généralités Le droit public économique

Cours de droit public économique LF3 privé, Introduction. A. AOUIJ MRAD
Page 1 sur 11
INTRODUCTION
I. Généralités
Le droit public économique régit l’ensemble des activités économiques
manifestant une présence de la puissance publique. Ce droit constitue la mise en
forme juridique de la politique économique de l’Etat.
Le droit public économique est la manifestation du lien fondamental existant
entre l’Etat et l’économie. Avant d’être économique, le droit public
économique est public : à partir de cette affirmation, il devient clair que le jeu
économique est celui des pouvoirs publics, qui en sont les véritables « meneurs ».
Ceci nous renvoie à un débat ancien et jamais clos relatif au domaine naturel
d’intervention de l’Etat, si tant est qu’il existe un domaine naturel.
Le secteur public économique a besoin d’un droit qui lui est spécifique. C’est le
DPE. Il s’applique aux entreprises publiques, aux marchés publics, au contrôle des
prix ou à la règlementation du marché financier, aux investissements, à la
concurrence ou encore aux autorités de régulation.
Aujourd’hui le droit public économique, droit de la puissance publique dans
l’économie, s’ajuste aux transformations du jeu économique, des rapports de force
entre le public et le privé : il s’adapte et, pour certains, se « banalise »
1
. Mais il
demeure un droit de l’Etat, reflétant sa présence en matière économique. C’est un
droit qui oriente l’économie, d’une manière ou d’une autre.
Le droit public économique est la manifestation du lien fondamental existant
entre l’Etat et l’économie.
II. Le lien essentiel entre l’Etat et l’économie
Il faut d’ailleurs cesser de nier le lien entre l’Etat et l’économie. L’intervention
publique en matière économique a toujours pour but d’encadrer, de contrôler, de
sanctionner, de réguler.
Il faut aussi cesser de situer le débatEtat/économie dans un cadre d’options
idéologiques, libérales ou interventionnistes. « L’Etat s’est construit sur la
maîtrise de l’économie »
2
et d’interactions avec les opérateurs économiques. S’il
faut admettre ce lien inégalitaire de base, il faut aussi reconnaître que les
modalités et l’intensité de l’intervention de l’Etat se sont modifiées au cours du
temps, tout comme elle diffère selon les pays.
1
Voir JP COLSON et C. IDOUX, Droit public économique, Paris, LGDJ2014, p.1
2
S. NICINSKY, Droit public des affaires, Précis Domat. 2016, n°1.
Cours de droit public économique LF3 privé, Introduction. A. AOUIJ MRAD
Page 2 sur 11
D’un côté, et de manière constante, c’est l’Etat qui crée la règlementation
économique, soit le cadre juridique d’exercice des activités économiques, en
choisissant, de manière plus ou moins unilatérale, les orientations de son
économie.
D’un autre côté, c’est également lui qui met en place les entreprises
publiques, véritables opérateurs économiques du secteur public, qui prend des
participations dans des sociétés à capitaux mixtes.
Plus récemment, c’est encore lui qui, dans une démarche nouvelle de médiatisation
de ses interventions économiques, a mis en place les instances de régulation de
l’économie, que cette régulation soit horizontale ou verticale
3
.
Aujourd’hui, la manière dont l’Etat manifeste sa présence dans l’économie a donc
changé. Il intervient de plus en plus souvent sur les mêmes marchés que les
entreprises et les investisseurs privées, se soumettant volontairement aux mêmes
règles d’action, entrant parfois en concurrence avec eux. Tout ce mouvement va
bien évidemment influer sur le contenu du droit public économique.
Suivant l’évolution de l’action de l’Etat dans l’économie, ce droit ne cesse
d’évoluer.
Le droit public économique se transforme donc, il s’adapte à l’environnement
économique. Il ne s’agit pas d’une crise mais d’une évolution logique,
manifestation de la vivacité de ce droit, de sa bonne santé
4
. Il intègre notions,
règles et techniques de droit privé.
III. Les sources du droit public économique
Dans l’approche du DPE, le droit public apparaît sous toutes ses disciplines.
Cependant, il faut remarquer que si toutes les branches du droit public sont
présentes en matière économique, le droit administratif y tient une place
prépondérante, comme nous le verrons dans la suite du cours.
1. Droit international et économie. L’activité économique des Etats est
souvent tributaire des échanges internationaux. De nos jours, ceci est de
plus en plus vrai : les politiques économiques actuelles intègrent la
concurrence internationale des produits et la libération des capitaux. Les
marchés ne peuvent être uniquement nationaux.
L’évolution des relations économiques au niveau mondial a entraîné
l’apparition d’une véritable branche du droit international, le droit
international économique. Des traités et des conventions internationaux
s’appliquent dans toutes sortes de branches de l’économie et les
3
Sur les instances de régulation de l’économie, voir la troisième partie du cours.
4
JP COLSON et C. IDOUX, Droit public économique, op.cit., p.41.« Banalisation ou adaptation du
droit public économique ? ».
Cours de droit public économique LF3 privé, Introduction. A. AOUIJ MRAD
Page 3 sur 11
orientent. : traités de commerce, techniques nouvelles (clause de la nation
la plus favorisée, SPF, aides publiques, TEE…), les ouvertures de frontières
internationales et la mondialisation des flux économiques (l’immatériel
aussi) ont beaucoup accéléré ce mouvement.
Le développement de la globalisation, en libéralisant les mouvements de
capitaux (depuis 1960 mais surtout depuis 1980) a entraîné dans son
sillage la suppression du contrôle des changes, fortement encouragée par
l’OCDE pour les pays développés
5
, puis celle des marchés financiers.
Les institutions intervenant dans la mise en œuvre et la régulation de ces
mouvements ont toutes une compétence acceptée par les Etats. Leur action
se base sur des traités internationaux, ceux-là même qui conditionnent les
comportements des Etats
a. La Banque Mondiale
6
. En fait, il s’agit d’un ensemble d’institutions
7
qui se
sont peu à peu jointes à la Banque internationale pour la reconstruction et le
développement (BIRD) créée, elle aussi, par les accords de Bretton Woods de
1944. La BIRD a été créée pour promouvoir la reconstruction en Europe et le
développement des Etats membres soutient économiquement les Etats et
participe à la création d’infrastructures. Ses fondements sont profondément
libéraux : promouvoir l’expansion des échanges internationaux, encourager les
investissements internationaux.
Dans le cadre de cette mission essentielle de soutien économique aux Etats, et de
création d’infrastructures, la BIRD agit comme une banque, en prêtant aux
conditions du marché et en accordant des garanties aux Etats, évidemment
assorties de conditions.
b. Le FMI
8
. Créé en juillet 1944, lors de la conférence de Bretton Woods, il pour
objectif premier de veiller à la stabilité du système monétaire international, par
des règles précises de gestion des finances publiques et d’organisation des
systèmes bancaires nationaux. Le FMI est chargé de promouvoir « l’expansion
et l’accroissement harmonieux du commerce international », par la stabilité
des changes et par une limitation de la souveraineté monétaire des Etats.
Le FMI dispose de pouvoirs d’incitation, de contrôle, de sanction. Par exemple, il
conditionne ses aides par des mesures à adopter et des objectifs à atteindre.
Dans l’actualité :
La Tunisie participera du 7 au 9 octobre courant aux assemblées générales d’automne de la Banque
Mondiale (BM) et du FMI.
La délégation tunisienne, qui rencontrera à cette occasion des hauts responsables des deux
institutions, espère bénéficier de leur appui pour financer la stratégie de développement quinquennal
5
J-B. AUBY : La globalisation, le droit et l’Etat. LGDJ Lextenso 2ème édition 2010 p.54.
6
www.worldbank.org; wwwifc.org ; www.miga.org.
7
Il s’agit, à côté de la BIRD, de l’Association internationale de développement (AID), de la
Société financière internationale (SFI),du Centre international de règlement des différends (CIRDI),
et de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA).
8
D. CARREAU: Le Fonds monétaire international. Paris Pedone 2009.
Cours de droit public économique LF3 privé, Introduction. A. AOUIJ MRAD
Page 4 sur 11
2016-2020 élaboré par le gouvernement. La Tunisie a entamé l’exécution du nouveau programme de
coopération avec le FMI, lancé en avril et qui s’étale sur 34 mois et qui lui permettra de bénéficier de
financements de près de 2,9 milliards de dollars dans le cadre de la facilité élargie de crédit. Le
gouvernement tunisien souhaite obtenir une tranche additionnelle avant la fin de 2016 pour financer le
budget de l’Etat après avoir obtenu la première tranche d’une valeur de 319,5 millions de dollars en
mai 2016.
http://kapitalis.com/tunisie/2016/10/06/les-attentes-de-la-tunisie-des-assemblees-de-la-bm-et-du-fmi/
La Tunisie doit maitriser les dépenses publiques et les orienter vers l’investissement. Le pays connaît des
difficultés économiques qui ont eu un impact sur la croissance, laquelle sera faible cette année et ne
dépassera pas 1,5% .Pour le FMI, la Tunisie fait face un défi sécuritaire qui a eu un impact sur la capacité
du pays à attirer les investissements. Au niveau économique, la Tunisie doit relever deux défis à savoir la
réforme du système bancaire et l’amélioration des services administratifs, a estimé le responsable.
http://www.tuniscope.com/article/104492
c. L’Organisation mondiale du commerce (OMC)
9
. Elle a remplacé l’Accord
général sur les tarifs douaniers (General Agreement of Tarif and Trades, GATT) en
1994, suite aux accords de Marrakech. La majorité des Etats en font partie : la
Tunisie en est membre depuis le 29 mars 1995.
L’OMC est une structure de concertation dans un but précis, quoique fort large :
promouvoir les échanges internationaux de marchandises et de services. Il s’agit
d’une enceinte les gouvernements négocient des accords commerciaux. Sur la
base de traités conclus entre les Etats membres, l’OMC assure le fonctionnement
du système commercial multilatéral.
L’OMC est aussi un lieu les gouvernements des Etats membres tentent de régler
leurs différends commerciaux, à travers l’Organe de règlement des différends.
Lire :
Ces accords que négocie l’Europe et dont on ne parle jamais
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/10/07/ces-accords-que-negocie-l-
europe-et-dont-on-ne-parle-jamais_5009737_3234.html#8G3CtMcS0L4MrHrp.99
Sur le but politique de ces accords : « Concernant la Tunisie, l’Union poursuit surtout un
objectif politique : « Le pays est fragile mais c’est la seule démocratie ayant résisté après
le printemps arabe », il est logique de le soutenir », explique Cecilia Malmström . A l’en croire,
l’accord avec le Vietnam aurait aussi un but politique : « Ce n’est pas grâce à lui qu’il sera demain une
démocratie, mais c’est un moyen de discuter des droits de l’homme. »
9
www.wto.org
Cours de droit public économique LF3 privé, Introduction. A. AOUIJ MRAD
Page 5 sur 11
2. Droit constitutionnel et économie.
L’ interaction droit constitutionnel et économie amène à réfléchir sur les libertés
économiques, qui sont des libertés individuelles, garanties par la Constitution.
Les libertés économiques englobent un certain nombre de libertés comme la liberté
d’entreprendre, la libre concurrence, la liberté du commerce et de l’industrie, liberté
du travail….. mais les deux premières sont prépondérantes.
Consacrée constitutionnellement en France depuis 1982, la liberté du commerce et
de l’industrie a vu son contenu précisé par le Conseil constitutionnel qui a indiqué
qu’elle « comprend non seulement la liberté d’accéder à une profession ou à une
activité économique mais également la liberté dans l’exercice de cette profession ou
de cette activité
10
».
Quant à la libre concurrence, son l’objet est de protéger le fonctionnement du
mécanisme de marché. La liberté de la concurrence connaît un renouveau en
France (et en Europe) sous l’impact du droit communautaire.
Historiquement, la Constitution du 1er juin 1959 était de type libéral, inspirée de la
Constitution française de 1958 et des principes individualistes de la philosophie des
Lumières. Elle définissait le régime politique du pays et son régime économique par des
principes libéraux.
En matière de libertés économiques en Tunisie, son Préambule énonçait :
« Nous proclamons que le régime républicain constitue :
La meilleure garantie pour (…) la réalisation de la prospérité du pays par le développement
économique et l’exploitation des richesses nationales au profit du peuple ».
La Constitution 26 janvier 2014 est aussi une constitution d’esprit libéral.
Son Préambule rappelle
l’attachement
aux principes universels des droits de
l’Homme et garantit le respect des libertés et des droits de
l’Homme. L’article 21
rappelle cette exigence.
Un certain nombre de ses articles évoquent le développement social,
économique, culturel et politique. Il y a un « droit au travail » (art.40) et le droit
de propriété est garanti (Art.41). D’un autre côté, l’Etat œuvre à la réalisation de la
justice sociale (Art.12) et à l’exploitation rationnelle des ressources naturelles qui
appartiennent au peuple tunisien (Art.13).
Voir Neji BACCOUCHE : « Les droits économiques et sociaux dans la
Constitution ». Publié dans l’ouvrage collectif La Constitution de la Tunisie.
Processus, principes et perspectives. Tunis PNUD 2016, p.473.
10
Décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012.
1 / 11 100%