sur 11 INTRODUCTION I. Généralités Le droit public économique

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Cours de droit public économique LF3 privé, Introduction. A. AOUIJ MRAD
INTRODUCTION
I.
Généralités
Le droit public économique régit l’ensemble des activités économiques
manifestant une présence de la puissance publique. Ce droit constitue la mise en
forme juridique de la politique économique de l’Etat.
Le droit public économique est la manifestation du lien fondamental existant
entre l’Etat et l’économie. Avant d’être économique, le droit public
économique est public : à partir de cette affirmation, il devient clair que le jeu
économique est celui des pouvoirs publics, qui en sont les véritables « meneurs ».
Ceci nous renvoie à un débat ancien et jamais clos relatif au domaine naturel
d’intervention de l’Etat, si tant est qu’il existe un domaine naturel.
Le secteur public économique a besoin d’un droit qui lui est spécifique. C’est le
DPE. Il s’applique aux entreprises publiques, aux marchés publics, au contrôle des
prix ou à la règlementation du marché financier, aux investissements, à la
concurrence ou encore aux autorités de régulation.
Aujourd’hui le droit public économique, droit de la puissance publique dans
l’économie, s’ajuste aux transformations du jeu économique, des rapports de force
entre le public et le privé : il s’adapte et, pour certains, se « banalise »1. Mais il
demeure un droit de l’Etat, reflétant sa présence en matière économique. C’est un
droit qui oriente l’économie, d’une manière ou d’une autre.
Le droit public économique est la manifestation du lien fondamental existant
entre l’Etat et l’économie.
II.
Le lien essentiel entre l’Etat et l’économie
Il faut d’ailleurs cesser de nier le lien entre l’Etat et l’économie. L’intervention
publique en matière économique a toujours pour but d’encadrer, de contrôler, de
sanctionner, de réguler.
Il faut aussi cesser de situer le débatEtat/économie dans un cadre d’options
idéologiques, libérales ou interventionnistes. « L’Etat s’est
construit sur la
maîtrise de l’économie »2 et d’interactions avec les opérateurs économiques. S’il
faut admettre ce lien inégalitaire de base, il faut aussi reconnaître que les
modalités et l’intensité de l’intervention de l’Etat se sont modifiées au cours du
temps, tout comme elle diffère selon les pays.
1
2
Voir JP COLSON et C. IDOUX, Droit public économique, Paris, LGDJ2014, p.1
S. NICINSKY, Droit public des affaires, Précis Domat. 2016, n°1.
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D’un côté, et de manière constante, c’est l’Etat qui crée la règlementation
économique, soit le cadre juridique d’exercice des activités économiques, en
choisissant, de manière plus ou moins unilatérale, les orientations de son
économie.
D’un autre côté, c’est également lui qui met en place les entreprises
publiques, véritables opérateurs économiques du secteur public, qui prend des
participations dans des sociétés à capitaux mixtes.
Plus récemment, c’est encore lui qui, dans une démarche nouvelle de médiatisation
de ses interventions économiques, a mis en place les instances de régulation de
l’économie, que cette régulation soit horizontale ou verticale3.
Aujourd’hui, la manière dont l’Etat manifeste sa présence dans l’économie a donc
changé. Il intervient de plus en plus souvent sur les mêmes marchés que les
entreprises et les investisseurs privées, se soumettant volontairement aux mêmes
règles d’action, entrant parfois en concurrence avec eux. Tout ce mouvement va
bien évidemment influer sur le contenu du droit public économique.
Suivant l’évolution
d’évoluer.
de
l’action de l’Etat dans
l’économie, ce droit ne
cesse
Le droit public économique se transforme donc, il s’adapte à l’environnement
économique. Il ne
s’agit pas d’une crise mais d’une évolution logique,
manifestation de la vivacité de ce droit, de sa bonne santé4. Il intègre notions,
règles et techniques de droit privé.
III.
Les sources du droit public économique
Dans l’approche du DPE, le droit public apparaît sous toutes ses disciplines.
Cependant, il faut remarquer que si toutes les branches du droit public sont
présentes en matière économique, le droit administratif y tient une place
prépondérante, comme nous le verrons dans la suite du cours.
1. Droit international et économie. L’activité économique des Etats est
souvent tributaire des échanges internationaux. De nos jours, ceci est de
plus en plus vrai : les politiques économiques actuelles intègrent la
concurrence internationale des produits et la libération des capitaux. Les
marchés ne peuvent être uniquement nationaux.
L’évolution
l’apparition
international
s’appliquent
des relations économiques au niveau mondial a entraîné
d’une véritable branche du droit international, le droit
économique. Des traités et des conventions internationaux
dans toutes sortes de branches de l’économie et les
Sur les instances de régulation de l’économie, voir la troisième partie du cours.
JP COLSON et C. IDOUX, Droit public économique, op.cit., p.41.« Banalisation ou adaptation du
droit public économique ? ».
3
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orientent. : traités de commerce, techniques nouvelles (clause de la nation
la plus favorisée, SPF, aides publiques, TEE…), les ouvertures de frontières
internationales et la mondialisation des flux économiques (l’immatériel
aussi) ont beaucoup accéléré ce mouvement.
Le développement de
capitaux (depuis 1960
sillage la suppression
l’OCDE pour les pays
la globalisation, en libéralisant les mouvements de
mais surtout depuis 1980) a entraîné dans son
du contrôle des changes, fortement encouragée par
développés5, puis celle des marchés financiers.
Les institutions intervenant dans la mise en œuvre et la régulation de ces
mouvements ont toutes une compétence acceptée par les Etats. Leur action
se base sur des traités internationaux, ceux-là même qui conditionnent les
comportements des Etats
a. La Banque Mondiale6. En fait, il s’agit d’un ensemble d’institutions7 qui se
sont peu à peu jointes à la Banque internationale pour la reconstruction et le
développement (BIRD) créée, elle aussi, par les accords de Bretton Woods de
1944. La BIRD a été créée pour promouvoir la reconstruction en Europe et le
développement des Etats membres soutient économiquement les Etats et
participe à la création d’infrastructures. Ses fondements sont profondément
libéraux : promouvoir l’expansion des échanges internationaux, encourager les
investissements internationaux.
Dans le cadre de cette mission essentielle de soutien économique aux Etats, et de
création d’infrastructures, la BIRD agit comme une banque, en prêtant aux
conditions du marché et en accordant des garanties aux Etats, évidemment
assorties de conditions.
b. Le FMI8. Créé en juillet 1944, lors de la conférence de Bretton Woods, il pour
objectif premier de veiller à la stabilité du système monétaire international, par
des règles précises de gestion des finances publiques et d’organisation des
systèmes bancaires nationaux. Le FMI est chargé de promouvoir « l’expansion
et l’accroissement harmonieux du commerce international », par la stabilité
des changes et par une limitation de la souveraineté monétaire des Etats.
Le FMI dispose de pouvoirs d’incitation, de contrôle, de sanction. Par exemple, il
conditionne ses aides par des mesures à adopter et des objectifs à atteindre.
Dans l’actualité :
La Tunisie participera du 7 au 9 octobre courant aux assemblées générales d’automne de la Banque
Mondiale (BM) et du FMI.
La délégation tunisienne, qui rencontrera à cette occasion des hauts responsables des deux
institutions, espère bénéficier de leur appui pour financer la stratégie de développement quinquennal
J-B. AUBY : La globalisation, le droit et l’Etat. LGDJ Lextenso 2ème édition 2010 p.54.
www.worldbank.org; wwwifc.org ; www.miga.org.
7 Il s’agit, à côté
de la BIRD, de l’Association internationale de développement (AID), de la
Société financière internationale (SFI),du Centre international de règlement des différends (CIRDI),
et de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA).
8 D. CARREAU: Le Fonds monétaire international. Paris Pedone 2009.
5
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2016-2020 élaboré par le gouvernement. La Tunisie a entamé l’exécution du nouveau programme de
coopération avec le FMI, lancé en avril et qui s’étale sur 34 mois et qui lui permettra de bénéficier de
financements de près de 2,9 milliards de dollars dans le cadre de la facilité élargie de crédit. Le
gouvernement tunisien souhaite obtenir une tranche additionnelle avant la fin de 2016 pour financer le
budget de l’Etat après avoir obtenu la première tranche d’une valeur de 319,5 millions de dollars en
mai 2016.
http://kapitalis.com/tunisie/2016/10/06/les-attentes-de-la-tunisie-des-assemblees-de-la-bm-et-du-fmi/
La Tunisie doit maitriser les dépenses publiques et les orienter vers l’investissement. Le pays connaît des
difficultés économiques qui ont eu un impact sur la croissance, laquelle sera faible cette année et ne
dépassera pas 1,5% .Pour le FMI, la Tunisie fait face un défi sécuritaire qui a eu un impact sur la capacité
du pays à attirer les investissements. Au niveau économique, la Tunisie doit relever deux défis à savoir la
réforme du système bancaire et l’amélioration des services administratifs, a estimé le responsable.
http://www.tuniscope.com/article/104492
c. L’Organisation mondiale du commerce (OMC)9. Elle a remplacé l’Accord
général sur les tarifs douaniers (General Agreement of Tarif and Trades, GATT) en
1994, suite aux accords de Marrakech. La majorité des Etats en font partie : la
Tunisie en est membre depuis le 29 mars 1995.
L’OMC est une structure de concertation dans un but précis, quoique fort large :
promouvoir les échanges internationaux de marchandises et de services. Il s’agit
d’une enceinte où les gouvernements négocient des accords commerciaux. Sur la
base de traités conclus entre les Etats membres, l’OMC assure le fonctionnement
du système commercial multilatéral.
L’OMC est aussi un lieu où les gouvernements des Etats membres tentent de régler
leurs différends commerciaux, à travers l’Organe de règlement des différends.
Lire :
Ces accords que négocie l’Europe et dont on ne parle jamais
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/10/07/ces-accords-que-negocie-leurope-et-dont-on-ne-parle-jamais_5009737_3234.html#8G3CtMcS0L4MrHrp.99
Sur le but politique de ces accords : « Concernant la Tunisie, l’Union poursuit surtout un
objectif politique : « Le pays est fragile mais c’est la seule démocratie ayant résisté après
le “printemps arabe” », il est logique de le soutenir », explique Cecilia Malmström . A l’en croire,
l’accord avec le Vietnam aurait aussi un but politique : « Ce n’est pas grâce à lui qu’il sera demain une
démocratie,
mais
c’est
un
moyen
de discuter des
droits
de
l’homme. »
9
www.wto.org
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2. Droit constitutionnel et économie.
L’ interaction droit constitutionnel et économie amène à réfléchir sur les libertés
économiques, qui sont des libertés individuelles, garanties par la Constitution.
Les libertés économiques englobent un certain nombre de libertés comme la liberté
d’entreprendre, la libre concurrence, la liberté du commerce et de l’industrie, liberté
du travail….. mais les deux premières sont prépondérantes.
Consacrée constitutionnellement en France depuis 1982, la liberté du commerce et
de l’industrie a vu son contenu précisé par le Conseil constitutionnel qui a indiqué
qu’elle « comprend non seulement la liberté d’accéder à une profession ou à une
activité économique mais également la liberté dans l’exercice de cette profession ou
de cette activité10 ».
Quant à la libre concurrence, son l’objet est de protéger le fonctionnement du
mécanisme de marché. La liberté de la concurrence connaît un renouveau en
France (et en Europe) sous l’impact du droit communautaire.
Historiquement, la Constitution du 1er juin 1959 était de type libéral, inspirée de la
Constitution française de 1958 et des principes individualistes de la philosophie des
Lumières. Elle définissait le régime politique du pays et son régime économique par des
principes libéraux.
En matière de libertés économiques en Tunisie, son Préambule énonçait :
« Nous proclamons que le régime républicain constitue :
La meilleure garantie pour (…) la réalisation de la prospérité du pays par le développement
économique et l’exploitation des richesses nationales au profit du peuple ».
La Constitution 26 janvier 2014 est aussi une constitution d’esprit libéral.
Son Préambule rappelle l’attachement aux principes universels des droits de
l’Homme et garantit le respect des libertés et des droits de l’Homme. L’article 21
rappelle cette exigence.
Un certain nombre de ses articles évoquent le développement social,
économique, culturel et politique. Il y a un « droit au travail » (art.40) et le droit
de propriété est garanti (Art.41). D’un autre côté, l’Etat œuvre à la réalisation de la
justice sociale (Art.12) et à l’exploitation rationnelle des ressources naturelles qui
appartiennent au peuple tunisien (Art.13).
Voir Neji BACCOUCHE : « Les droits économiques et sociaux dans la
Constitution ». Publié dans l’ouvrage collectif La Constitution de la Tunisie.
Processus, principes et perspectives. Tunis PNUD 2016, p.473.
10
Décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012.
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3. Finances publiques, fiscalité et économie.
Finances et fiscalité sont des instruments privilégiés de l’exécution de la
politique économique de l’Etat et des révélateurs de ses choix (par exemple :
fiscalité redistributive). Le budget de l’Etat joue un rôle de 1er plan dans
l’orientation de l’économie. Le budget de l’Etat doit dégager une masse de
recettes et la LF oriente par ses dispositions les investissements, allège ou
augmente la pression fiscale, crée des taxes, des exonérations et des fonds
spéciaux du Trésor…
La loi de finances de l’année est un exposé de politique économique de l’Etat
pour l’année et les mesures de réalisation qu’elle contient.
Par exemple, la loi de finances pour l’année 2008 et de ses dispositions
fortement encourageantes de l’initiative privée économique (une loi porte même
cet intitulé).
Par exemple, depuis 2014, le problème central que cherche à résoudre les lois de
finances est celui la refonte du régime forfaitaire ; des difficultés ont été rencontrées
pour l’application de la numérotation des notes d’honoraires.
Pour 2017, la loi de finances fixe comme objectifs : "la maîtrise du déficit budgétaire
et du taux d’endettement, la promotion du rythme des investissements privés et de
création d’emplois, la lutte contre l’évasion fiscale, la rationalisation des dépenses
budgétaires (dont principalement la masse salariale) tout en préservant le pouvoir
d’achat du consommateur tunisien".
http://www.huffpostmaghreb.com/2016/09/27/story_n_12213232.html
IV.
Evolution des interventions de l’Etat tunisien dans l’économie
Quelle histoire et quelles évolutions objectives (historiques) ont
influencé le droit public économique tunisien?
A l’indépendance, il y a mise en place rapide d’un Etat interventionniste. Cette
situation s’était créée par la force des choses car tous les cadres, exploitants
agricoles et investisseurs français étaient rentrés en France à cette époque.
Ce déficit de l'initiative privée obligera les pouvoirs publics à publiciser rapidement
l’économie en investissant dans toutes les activités stratégiques. L'Etat de cette
époque était à la fois un investisseur, un producteur et un employeur.
Dès les premiers moments de l'indépendance, sont créées de grandes entreprises
publiques telles la Société tunisienne de banque (1956), la Société Nationale des
Chemins de Fer Tunisiens (1957), la Société Tunisienne d’Assurances et de
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Réassurances, la Compagnie tunisienne de navigation (1959) et la Banque Centrale
de Tunisie (1958).
Dès 1961, le mouvement de socialisation de l’économie va s'accélérer avec le
choix clair d'une économie planifiée lors du congrès de Bizerte. C'est à partir
de ce moment que va s'affirmer la marque de Ahmed Ben Salah, futur ministre
de l'économie et des finances. L'époque est à l'interventionnisme massif,
seul moyen de sortir le pays de son marasme économique et social. A côté des
premiers plans de développement, des entreprises publiques seront créées.
Dès la fin de l’année 1969, Hédi Nouira, premier ministre, va entamer le
premier tournant de l’économie tunisienne indépendante. Il fait adopter un
code des investissements, puis une série de lois durant l’année 1972 pour
encourager les créations d’entreprises privées. Son discours est clair : l’Etat doit
se désengager de l’économie. C’est une période positive pour l’économie du pays
car fait la balance commerciale est excédentaire du fait des exportations de
pétrole. Pourtant, peu à peu, cette situation de bonne santé économique va
s’essouffler puis ralentir. Dès 1976, la Tunisie entre en récession. Pourtant, l’Etat
continue de créer des entreprises publiques, de plus en plus mal gérées, ce qui
va les mener à une situation de déficit chronique qui va aller en s’aggravant.
Du discours politique à la réalité du désengagement. L’économie va de
plus en plus mal. En 1982, le Sixième Plan, document officiel, préconise
explicitement ce désengagement, notamment - et l’idée est totalement nouvelle par le biais de la privatisation des entreprises publiques. Le déficit public
continuant de s’aggraver, l’Etat tunisien se trouve obligé d’accepter les
conditions du FMI pour obtenir des aides financières. C’est ainsi qu’est
approuvé par la Tunisie en 1986, un Programme d’ajustement structurel. Ce
document contenant une série de réformes à réaliser au cours des années à
venir, va poser les fondements d’un vaste mouvement de libéralisation de
l’économie.
De nombreux textes vont ainsi voir le jour
totalité des domaines économiques, financiers, fiscaux.
dès 1989, touchant la
Le cadre juridique de la fiscalité directe et indirecte va être refondu, de même
que celui de la concurrence et des prix, des entreprises publiques, des marchés
publics…. La Tunisie intègre l’OMC, signe un accord de partenariat avec l’UE.
C’est le début de la privatisation des entreprises publiques.
Le partenariat contractuel va s’élargir à de nombreux domaines et secteurs :
assainissement, ports maritimes, parcs urbains, puis téléphonie mobile. C’est à la
même période que les autorités de régulation en matière économique voient le
jour : Conseil de la concurrence, Conseil du marché financier, Instance nationale
des télécommunications…
La loi du 30 décembre 2007 porte encouragement à l’initiative privée en matière
économique. La loi relative à l’économie numérique (aujourd’hui abrogée) allait
instaurer les contrats de partenariat dans le domaine du numérique.
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L’Etat conserve néanmoins des mesures tendant à la réalisation de la justice
et de l’équité sociales comme les prix homologués de certains produits
alimentaires, les subventions d’Etat par le biais de la Caisse générale de
compensation, l’aide aux indigents, des réseaux (électricité, eau) et des
services sociaux (santé, enseignement supérieur) à des tarifs très bas et même
gratuits (éducation).
La crise financière américaine de l’automne 2008 (crise des subprimes) va se
transformer en crise économique mondiale, touchant la zone Euro. Cette
régression de l’économie de nos partenaires économiques va forcément avoir
des conséquences sur l’économie tunisienne avec un recul de nos
exportations. Mais les effets ne vont s’en faire réellement ressentir qu’après la
Révolution.
V.
Actualités économiques et impact sur le contenu des règles du
droit public économique
Depuis 2011 et la Révolution, comment a évolué notre économie ?
Données objectives. Crise financière mondiale et crise politique
interne
La complexité des difficultés économiques actuelles est liée à deux principaux
facteurs. Le premier est hérité du précédent pouvoir qui avait quasiment
institutionnalisé le népotisme et la corruption. Cela avait engendré un climat
d’affaires malsain et favorisé l’évasion fiscale.
Dès le mois de janvier 2011, on découvre
la situation économique
désastreuse : Les créances douteuses des banques publiques, l’ampleur du
déficit des entreprises publiques, la corruption généralisée et surtout en matière
de marchés publics, les statistiques réelles de notre activité économique.
La Révolution de 2011 va aggraver la situation. Du fait d’une liberté
d’expression jamais connue auparavant, d’un climat d’instabilité et de
faiblesse des institutions, de tensions sociales, les mouvements sociaux vont
se multiplier, ce qui va affecter la productivité des entreprises et la « fuite »
des investisseurs vers des pays plus sûrs, de même qu’un recul de l’activité
touristique.
Dès le mois de mars 2011, la note souveraine de la Tunisie va subir une série
de dégradations. La dernière en date (août 2016) est de BB- avec perspectives
négatives (Fitch Ratings) .Voir
L’Etat va, par une série de mesures maladroites et précipitées, aggraver la
crise.
Il va, à la fois, augmenter les salaires procéder à de nouveaux
recrutements dans la fonction publique, augmenter le budget de la Caisse
générale de compensation, par l’inclusion de nouveaux produits subventionnés
et donc, augmenter les dépenses publiques et creuser le déficit public. L’inflation,
particulièrement au cours de l’année 2013, va s’envoler. Le cours du dinar ne
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cesse de diminuer. Les entrées de devises vont se tasser, surtout avec la crise
du tourisme de l’année 2015.
Quel a été impact sur le droit public économique ?
Pour pouvoir modifier les structures d’une économie dans la durée, mener
une action en profondeur, il faut disposer d’une stabilité des institutions . Le
premier acte de cette stabilité politique favorable à une refonte de notre
droit public économique, de nos institutions, sera la Constitution du 27
janvier 2014.Puis, il y aura les élections législatives et présidentielle d’octobrenovembre 2014 qui permettront la mise en place d’institutions stables. En
2015, et en grande partie du fait des prêts conditionnés accordés par le FMI,
toute une série de réformes profondes sont entamées.
Dès la fin de l’année 2014, la Tunisie est entrée dans un cycle de réformes
économiques, qui apparaissent dans
les textes juridiques en cours de
modification.
A titre de simples illustrations :
-
Décret 2014-4566 du 31 décembre 2014 instaurant un mécanisme de
communication entre l’administration publique et le secteur privé dans
le but de développer un climat public des affaires.
Les aides conjoncturelles allouées au secteur touristique, après
l’attentat du mois de juin 2015.
La loi de finances
complémentaire 2015, avec de nouvelles
mesures concernant la fiscalité, l’aide aux entreprises exportatrices, l’aide
à certains secteurs industriels.
La nouvelle loi relative à la concurrence et aux prix : loi 2015-36 (?)
La loi relative aux contrats de partenariat public-privé (27 novembre
2015)
Le nouveau code des investissements (19 septembre 2016).
Le projet de loi relatif à la « réconciliation économique » dont le but
(art.1er) est de relancer les investissements et l’économie nationale. Le
but : lever les poursuites contentieuses visant hommes d’affaires (25) et
fonctionnaires (7000) soupçonnés
d’actes de
corruption
et
détournements de fonds sous le régime de Ben Ali, et qui en ont tiré
un profit personnel, à condition qu’ils remboursent à l’Etat le montant
des sommes détournées.
A côté de cela, la Tunisie a entamé la réforme de son secteur bancaire,
totalement dépassé en commençant par la restructuration de ses banques
publiques. Ces banques vont être recapitalisées et pour cela, doivent subir un
audit. Elles restent publiques, avec simplement pour la BNA, la cession de ses
participations non stratégiques. La BH a augmenté son capital avec un emprunt
obligataire et les créances classées de la STB vont être prises en charge par
l’Etat.
VI.
Les acteurs du droit public économique
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Qui, au sein d’un Etat, joue un rôle essentiel dans la conception et la mise en
œuvre d’une politique économique ?
Il s’agit essentiellement des acteurs publics, plus précisément gouvernementaux.
Même s’il existe d’autres acteurs, le rôle de l’Etat demeure fondamental.
Les acteurs publics regroupent en premier lieu les acteurs politiques qui orientent
de façon générale mais surtout les ministres en tant que chefs d’administration
centrale, les administrations décentralisées et, plus récemment, les nouvelles
agences de régulation. Nous étudierons uniquement les acteurs gouvernementaux,
plus précisément certains ministères. Le rôle d’un ministère est fondamental
puisque c’est l’Etat qui agit directement sur l’économie. A leur mission de
conception et de choix d’options se rajoute la mission de mise en œuvre et de
gestion des options décidées.
Si tous les ministères ont, d’une manière ou d’une autre (agriculture,
industrie, transports, équipement, intérieur…..), un rôle à jouer dans le
fonctionnement de l’économie, le rôle de certains d’entre eux apparaît
comme plus essentiel en matière économique.
1. La Présidence du gouvernement établit des choix fondamentaux.
Par cette structure clé, l’Etat intervient pour établir des choix fondamentaux. Il
réalise ainsi sa mission de base de structuration de l’économie.
Le Chef du gouvernement assure la mise en œuvre de la politique générale du
gouvernement, donc en fait, de l’Etat. Il met en œuvre la politique du gouvernement
en matière de développement économique et social et il coordonne l’activité de tous
les ministres et secrétaires d’Etat.
La présidence du gouvernement dispose aussi de directions au rôle plus directement
lié à l’économie ou aux finances : direction des dépenses publiques, direction de la
privatisation des entreprises à participations publiques, la Commission supérieure
des marchés….
-
Art.61 : Le Chef du Gouvernement détermine la politique générale de l’État ;
Art.62 : création, modification et suppression d’établissements publics,
d’entreprises publiques et de services administratifs, ainsi que de fixation de
leurs attributions et prérogatives, après délibération en Conseil des ministres,
Il gère l’administration.
2. Le ministère des finances est un ministère de souveraineté, aux
compétences horizontales, intervenant dans l’action de tous les autres
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ministères. Il a en charge de tout ce qui concerne le budget de l’Etat et des
personnes morales de droit public, des entreprises publiques.
Le ministère des finances prépare et met en œuvre la politique de l’Etat en
matière de crédit. A cet effet, il participe à la tutelle des banques et des
organismes financiers dans le cadre de la réglementation relative à la
profession bancaire.
Le ministère des finances s’adapte : il comporte désormais une direction
générale de partenariat public- privé (DGPPP), chargée notamment du suivi et
du pilotage de la préparation et de l'attribution des projets programmés entre
les secteurs public et privé.
3. Le ministère du commerce a un rôle clé en matière de concurrence et
des prix. Il organise et définit le cadre général de la concurrence, des prix et
tout ce qui concerne la police économique, qu’il met en œuvre.
C’est lui qui veille au bon fonctionnement de la Caisse générale de
compensation, du Centre de promotion des exportations….
Il suit et analyse la conjoncture économique en matière d’approvisionnement,
de concurrence et des prix.
Il est chargé, depuis 2001, d’assurer la gestion des accords de l’OMC et suivre
les relations avec les organes de cette institution ainsi que de « suivre les
recommandations des organisations internationales (Direction chargée du
système commercial multilatéral et des relations avec l’OMC, Direction de la
coopération avec l’Europe).
Le ministère du commerce s’est également enrichi d’une direction du
commerce électronique et de l’économie immatérielle,
eu égard au
développement des échanges commerciaux numériques.
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