Douleur thoracique

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DOULEUR THORACIQUE
Pr Martial Hamon
Service des Maladies du Cœur
et des Vaisseaux
Centre Hospitalier Universitaire de Caen
Avenue Côte de Nacre
14033 Caen cedex
INTRODUCTION
La douleur thoracique est une cause très fréquente de consultation et correspond à plus
de 50% des motifs d’hospitalisations en cardiologie. Il s’agit donc d’un symtôme très fréquent
qui pose le problème de son étiologie extrêmement variée mais dominée par les causes
cardiovasculaires et en priorité par l’insuffisance coronaire. Un interrogatoire précis et un
examen clinique minutieux permettent souvent d’orienter le diagnostic.
Parmi les causes cardiovasculaires trois urgences vitales doivent être rapidement
éliminées : en priorité l’infarctus du myocarde, puis par ordre de fréquence l’embolie
pulmonaire et la dissection aortique.
Si les douleurs thoraciques aigües dans leurs formes typiques permettent d’évoquer
très rapidement une étiologie il ne faut pas méconnaître la grande fréquence des formes
atypiques.
INTERROGATOIRE
L’interrogatoire du patient est une étape importante dans l’orientation diagnostique
surtout si la description de la douleur est typique. On fera préciser :
-
le type de douleur (constrictive, brûlure, écrasement, pincement)
-
le mode de déclenchement (spontanée, à l’effort ou équivalent, postural)
-
l’horaire (fixe ou non, au cours du nychtémère)
-
la durée et l’intensité (heure de début, paroxysmes éventuels)
-
l’ancienneté et l’évolution (aigüe ou chronique)
-
la sensibilité éventuelle à la trinitrine
-
la topographie (punctiforme, rétrosternale, basithoracique)
-
les irradiations (membres supérieurs, mâchoire, dos)
-
la reproduction éventuelle de la douleur à la palpation (origine pariétale)
-
les
signes
d’accompagnements
(dyspnée,
palpitations,
cyanose,
lipothymie,
diaphorèse, fièvre, troubles digestifs).
-
Les attitudes antalgiques (antéflexion)
ORIENTATION ETIOLOGIQUE
L’interrogatoire doit être complété par un examen clinique particuliérement centré sur
les appareils cardiovasculaire et pleuro-pulmonaire. Certains examens complémentaires
comme l’électrocardiogramme et la radiographie pulmonaire seront systématiques et d’autres
examens seront prescrits en fonction de l’orientation clinique.
I.
Douleurs d’origine cardio-vasculaire (Tableau)
1) L’insuffisance coronarienne
L’examen clinique et l’interrogatoire permettent de confirmer un terrain
prédisposant avec des antécédents personnels ou familiaux et des facteurs de
risque associés comme l’hypertension, le diabète, le tabagisme, une dyslipidémie
ou une obésité.
i) Angor stable
Elle se traduit par l’angine de poitrine ou angor qui dans sa forme typique et stable
se résume à une douleur rétrosternale, constrictive, irradiant dans les bras et les
mâchoires, provoquée par l’effort et calmée par la prise de trinitrine en sub-
linguale. Elle correspond le plus souvent à des sténoses athéromateuses des artères
coronaires mais peu se rencontrer sur un réseau coronaire normal (angor
fonctionnel : sténose aortique, anémie…). L’ECG de repos est le plus souvent
normal et l’épreuve d’effort permet de confirmer le diagnostic en reproduisant la
douleur et en enregistrant un sous décalage du segment ST.
ii) Angor instable
L’apparition de la douleur au repos évoque l’angor instable qui peut précéder
l’évolution vers l’infarctus du myocarde. La douleur présente les mêmes
caractéristiques mais impose une prise en charge en urgence en milieu spécialisé.
L’ECG est l’élément essentiel du diagnostic et permet de distinguer les syndrômes
coronaire aigus avec ou sans sus-décalage du segment ST avec une prise en charge
diagnostique et thérapeutique résumée dans la Figure. Après avoir éliminé un
infarctus du myocarde, une stratification du risque peut être effectué sur les
éléments cliniques (récurrence angineuse, insuffisance cardiaque), électriques
(persistance ou réapparition d’un sous décalage de ST) et biologiques (élévation
des troponines : marqueurs de souffrance myocardique) avant d’orienter son
patient vers une stratégie invasive plus ou moins rapide (Figure).
iii) Infarctus du myocarde
Le diagnostic d’infarctus du myocarde repose sur l’interrogatoire (douleur
thoracique prolongée > 30mn, et un tracé ECG montrant une IDM en voie de
constitution : onde de Pardee). Le risque vital impose une prise en charge
médicalisée en urgence et l’objectif thérapeutique est l’ouverture artérielle dans les
plus brefs
délais en utilisant tous les moyens disponibles (thrombolyse,
angioplastie coronaire) (Figure).
2) Embolie pulmonaire
La douleur est brutale basithoracique augmentée par les mouvements respiratoires
et s’accompagne d’une dyspnée, d’une angoisse et parfois d’une syncope ou d’un
étatd de choc en cas d’embolie massive. Le contexte est souvent évocateur avec un
mauvaix état veineux, un alitement prolongé, une intervention chirurgicale récente,
un long voyage ou toute situation qui pourrait favoriser une thrombose veineuse
des membres inférieurs. L’ECG ne montre pas de signe d’ischémie évolutive
(parfois : tachycardie, bloc de branche droit, dextro-rotation du cœur (S1Q3),
troubles de repolarisation à droite), la gazométrie peut retrouver une hypoxie
associée classiquement à une hypocapnie et la radiographie pulmonaire est le plus
souvent normale à la phase aigüe. Tous ces éléments doivent faire évoquer en
association avec l’examen clinique et le contexte le diagnostic d’embolie
pulmonaire qui doit alors être confirmé par la réalisation d’un scanner spiralé à
réaliser en urgence. Dans les formes sévères l’échographie cardiaque met en
évidence une dilatation des cavités droites avec élévation des pressions voire un
septum paradoxal qui peut justifier une fibrinolyse en urgence. Dans les formes
moins sévères ou en cas de négativité du scanner mais de forte suspicion
d’embolie pulmonaire une scintigarphie pulmonaire peut se justifier car elle est
plus sensible pour les embolies distales. Une scintigraphie de ventilation perfusion
est alors réalisée et en abscence de pathologie pulmonaire associée, la présence de
zones ventilées mais non perfusées évoquent très fortement le diagnostic.
3) Dissection aortique
La douleur est très intense d’installation brutale antérieure avec souvent des
irradiations dorsales et lombaires. Il peut s’agir de sujets à risque comme les
patients ayant un syndrome de Marfan ou des sujets hypertendus et athéromateux
anciens. A l’examen l’absence ou la diminution d’un pouls peut faire évoquer le
dignostic avec parfois dans certaines formes un souffle diastolique d’insuffisance
aortique très évocateur s’il est récent. L’ECG est le plus souvent normal et la
radiographie pulmonaire avec élargissement du médiastin doit faire réaliser une
échographie cardiaque transthoracique et surtout trans-oesophagienenne ou un
scanner voir mieux une IRM pour confirmer la dissection aortique et en définir le
stade.
4) Douleurs péricardiques
i) La péricardite aiguë
Il s’agit souvent d’un sujet jeune de sexe masculin qui dans un contexte infectieux
se plaint d’une douleur thoracique souvent localisée, atypique pouant irradier vers
l’épaule ou le bras gauche accentuer par l’inspiration profonde et soulager par
l’antéflexion du tronc. L’ausculatation peut mettre en évidence un frottement
fugace dans le temps et dans l’espace. L’ECG ne montre pas de signe d’ischémie
mais des troubles de repolarisation labiles diffus et concordants dans toutes les
dérivations. L’échographie cardiaque ne montre pas de trouble de la cinétique
segmentaire et peut retrouver un épanchement péricardique. L’évolution est plus
souvent simple sous aspirine mais la récidive est fréquente.
ii) Syndrome de Dressler
Réaction péricardique avec syndrome fébrile survenant habituellement au-delà de
la première semaine dans les suites d’un infarctus du myocarde étendu.
iii) Syndrome post-cardiotomie
Péricardite après chirurgie cardiaque en association avec un contexte fébrile et un
syndrome inflammatoire biologique.
5) Autres : anévrysme aortique, sydrome de Barlow
Des explorations de douleurs thoraciques souvent atypiques peuvent amener à
découvrir d’autres affections cardiovasculaires comme un anévrysme aortique ou
un syndrome de Barlow qui peut être évoqué en présence d’une insuffisance
mitrale et d’un clic méso-systolique. L’échographie cardiaque confirme alors le
prolapsus valvulaire mitral.
II.
Douleurs d’origine pleuro-pulmonaires
L’embolie pulmonaire a été classée dans les causes cardiovascualires.
Une liste non-exhaustive des douleurs d’origine pleuro-pulmonaires est donnée à titre
indicatif ci-dessous :
-
Epanchement pleural (douleur latéralisée, variable avec la respiration et la toux)
-
Pneumothorax
-
Pneumopathies infectieuses (syndrome infectieux)
-
Douleurs pleurales chroniques (pachypleurite, mésothéliome)
III.
Douleurs d’origine oesophagienne et digestives
De nombreuses étiologies peuvent être citées :
-
dysphagie
-
spasme oesophagien (douleur d’allure angineuse brève mais déclenchée par la
déglutition
-
reflux gastro-oesophagien
-
rupture oesophagienne
-
douleurs projetées : pancréatite, cholécystite, colite spasmodique
IV.
Douleurs thoraciques d’origine non viscérales
1) musculaires ou squelettiques (arthralgie chondro-costale ou syndrome de
Tietze avec une douleur reproduite à la palpation, fractures costales, arthrite)
2) nerveuses (douleurs de type radiculaire : fractures, inflammation, infections,
tumeurs)
3) dystoniques (cortège neuro-végétatif, diagnostic d’élimination)
L’ESSENTIEL :
En conclusion devant une douleur thoracique un interrogatoire, un examen clinique et
quelques examens complémentaires simples au premier rang desquels on retrouve l’ECG,
doivent permettre d’éliminer les trois urgences cardio-vasculaires vitales que sont : l’infarctus
du myocarde, l’embolie pulmonaire et la dissection aortique.
Tableau : Causes principales de douleurs thoraciques d’origine cardio-vasculaire à évoquer
dans l’urgence.
Figure 1 : Conduite à tenir devant un syndrome coronaire aigu
DOULEURS THORACIQUES
CAUSES CARDIO-VASCULAIRES
Etiologies
Principales
ANGOR STABLE
INFARCTUS DU
EMBOLIE
DISSECTION
MYOCARDE
PULMONAIRE
AORTIQUE
Douleur Typique
¾ Rétrosternale
¾ Constrictive
¾ Idem angor
¾ Mais spontanée
¾ Brutale
¾ Basithoracique
(Atypies fréquentes)
¾ Irradiations
¾ Continue
¾ Unilatérale
¾ Liée à l'effort
¾ TNT +
¾ TNT¾ Parfois précédée
syndrome de menace
(Angor instable)
FDR
Alitement, Chirurgie, HTA, FDR
Contexte Clinique
FDR (Facteurs De
Risques)
¾ Migration
descend.
¾ Dyspnée associée ¾ Intense
thrombophlébite
Examen
Normal
¾ Brutale
¾ Irradiations dos
Chute TA, signes dig. Polypnée
ECG
Percritique : ST -
RP
CPK / Troponines
Echocardiographie
Intercritique normal
Normale
Normales
Normale
Onde Q
Normale (Pfs OAP)
Elevées
Akinésie localisée
Clé du diagnostic
ECG/ECG effort
ECG
¾ Localisée
¾ Augmentée/Inspiratio
n
¾ Calmée/Antéflexion
Sujet jeune
Marfan
Absence pouls
trompeurs (IDM inf.) Epanchements, Syndr. Souffle diastolique
IAo
Fièvre décalée
Onde de Pardee
PERICARDITE
Contexte infectieux
Frottement péricardique
de condensation
Tachycardie, BBD,
S1Q3, dextro-rotation
repol., Microvolt., PQNormale, hyperclareté Elargisst. Médiastin Normale (élargt. Cœur)
Normales
Normales
Normales
Normale ou cœur
Dissection, fuite Ao.
Normale, épanchement
droit
Scanner spiralé..
Normal
Scanner/ETO/IRM
Troubles diffus concord.
Echographie
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