RECHERCHE Nanogénérateurs de courant alternatif par Pascal VINCENT et Anthony AYARI Les recherches en nanotechnologie ont été largement focalisées, au départ, sur la réalisation de composants dont les performances pourraient pallier la fin possible des technologies silicium. La manière d’alimenter ces composants, quant à elle, s’est limitée à une approche macroscopique. L’émergence de stratégies originales à l’échelle nanométrique pour la génération de signaux, notamment alternatifs, est pourtant aussi vitale que prometteuse dans un contexte de maîtrise des énergies. Pascal VINCENT est maître de conférences LPMCN-UCBL. Anthony AYARI est chargé de recherche LPMCN-CNRS. 1. Contexte L’accroissement constant de la densité de transistors dans les microprocesseurs les rend de plus en plus gourmands en énergie. Cette forte consommation induit des phénomènes de dissipation et donc d’échauffement pouvant entraîner la destruction des composants. Pour éviter de tels regrettables incidents, d’importantes mesures d’évacuation de la chaleur sont nécessaires. Mais le problème reste que, à terme, la production même d’énergie pour faire fonctionner des nanocomposants risque d’être rédhibitoire. Ainsi, il a été proposé de générer de l’énergie à l’échelle nanométrique par effet piézoélectrique, thermoélectrique ou photovoltaïque. Il reste que ces phénomènes ne permettent pas, par eux-mêmes, de générer des signaux alternatifs. Or, si l’on en croit la bible de l’électronique, à savoir l’ « Horowitz » [1], en introduction sur les oscillateurs : « an oscillator of some sort is as essential an ingredient in electronics as a regulated supply of dc power... a device without an oscillator either doesn’t do anything or expects to be driven by something else » (un oscillateur est un ingrédient aussi essentiel qu’un générateur continu... un composant sans oscillateur ne fait rien ou doit être piloté par quelque chose d’autre). 1.1 Signaux alternatifs à l’échelle nanométrique. Besoins et applications Les avantages attendus d’une diminution de la taille d’un générateur de signaux alternatifs sont : 8 - 2008 – la réduction de l’encombrement permettant une intégration de toujours plus de fonctionnalités dans le même volume ; – la réduction de la consommation d’énergie entraînant une plus grande autonomie ; – la réduction du coût de fabrication ; – une augmentation de la rapidité des dispositifs et donc une augmentation de la plage de fréquence de fonctionnement. De tels atouts semblent séduisants pour les applications en télécommunication avec par exemple le téléphone portable qui fonctionne à haute fréquence, intègre de plus en plus de fonctionnalités et dont les batteries ne permettent plus une autonomie confortable pour les utilisateurs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les MEMS (MicroElectroMechanical Systems ) commencent à s’implanter en téléphonie mobile pour le remplacement de circuits macroscopiques fondés sur la technologie de l’oscillateur à quartz. 1.2 Systèmes nanoélectromécaniques, NEMS Le développement de systèmes électromécaniques à l’échelle micrométrique (MEMS), voire même à l’échelle nanométrique, regroupés sous le nom générique de NEMS, est en pleine expansion. Plus précisément, un NEMS (pour l’acronyme anglais NanoElectroMechanical System ) est un composant qui intègre des éléments mécaniques (résonateurs, capteurs, actuateurs...) et des éléments de connectique électrique de dimensions nanométriques. L’objectif est alors de combiner dans ce composant des signaux électriques et mécaniques pour : filtrer ou traiter un signal, détecter des paramètres (accélération, pression, température, présence et concentration d’une molécule...) ou actionner un élément (interrupteur, micropompe, micromiroirs orientables...). Suivant l’utilisation souhaitée, des © Editions T.I. RE 118 - 1 RECHERCHE couplages avec d’autres propriétés physiques sont également possibles (optique, magnétique, thermique...). Un NEMS peut, dès lors, être considéré comme la réduction ultime d’une fonction plus ou moins complexe, impossible ou difficile à réaliser à partir d’un système purement électrique ou électronique. Outres les avantages évoqués au paragraphe précédent, la réduction d’échelle ouvre l’accès à l’utilisation de nouveaux phénomènes apparaissant à l’échelle nanométrique (force de Casimir, effets quantiques...) et à une plus grande sensibilité. Remarquons cependant que dans ces composants les parties mécaniques sont pour l’instant passives, c’est-à-dire qu’elles ne font que répondre à une sollicitation (ou commande) généralement d’origine électrique. Sur le bruit et la dissipation dans les NEMS voir Phénomène de dissipation dans les nanostructures [RE 66] de P. Andreucci et L. Durrafourg. Base « Physique-Chimie ». Exemple : prenons le cas de l’utilisation la plus connue d’un NEMS à savoir la nanobalance ; la détection de masses de plus en plus infimes (de l’attogramme au zeptogramme, voir références [2] et [3]) est particulièrement intéressante afin d’atteindre la résolution ultime de la cellule, la molécule voire l’atome. Dans le cas d’un NEMS, le principe physique utilisé est le suivant : une modification de la masse d’un résonateur (causée, par exemple, par l’accrochage sélectif des molécules recherchées) entraîne une variation des fréquences de résonance de ce résonateur (voir figure 1). Ainsi, si f0 est la fréquence de résonance initiale du résonateur, lors des mesures, il faut utiliser un signal électrique d’excitation de fréquence variable pour balayer en fréquence aux alentours de f0 . La réponse du résonateur peut alors être détectée sur une électrode de mesure et la nouvelle fréquence de résonance, f1 , correspondant à la réponse maximale du résonateur, permet de remonter à la variation de masse. Cette détection requiert donc une source AC sinusoïdale « de bonne qualité » pouvant finement balayer les fréquences autour de f0 afin de déterminer des déplacements de fréquence de résonance les plus fins possibles. Le traitement du signal de sortie requiert, quant à lui, une partie électronique qui doit être également alimentée. Encore cet exemple ne représente-t-il qu’une fonction « simple» : la détection d’une fréquence de résonance. Afin de profiter au maximum des potentialités de ces nanocomposants, il est beaucoup plus intéressant de pouvoir concevoir des systèmes plus complexes et autonomes (c’est-à-dire n’ayant pas recours à des sources externes macroscopiques) permettant de réaliser plusieurs types de mesures, de traiter ces mesures et de pouvoir transmettre les résultats sous forme optique ou électromagnétique. On voit donc que le développement de ces systèmes peut requérir, en plus d’une ou plusieurs alimentations DC (une réserve d’énergie), une multitude de types de signaux alternatifs suivant les fonctionnalités envisagées et le traitement des informations : sources basses fréquences, sources de fréquences variables, sources hautes fréquences pour télécommunications. De ce point de vue, il est intéressant de noter que certains téléphones portables utilisent déjà jusqu’à six types différents de RE 118 - 2 © Editions T.I. bases de temps. La multiplication des fonctionnalités et des signaux spécifiques à certains types de mesures peut donc rapidement amener à de réels problèmes d’intégration de ces sources AC. L’intégration de ces différents signaux alternatifs pose cependant un certain nombre de problèmes liés à l’échelle nanométrique que nous allons exposer au paragraphe suivant et qui amènent à s’intéresser toujours davantage à la mise au point de nouvelles sources de courants alternatifs plus adaptées à ces futurs systèmes. 1.3 Problèmes rencontrés à l’échelle nanométrique De manière générale, l’acheminement d’un signal alternatif est d’autant plus difficile que la fréquence augmente et le fait de réduire les dimensions du circuit ne facilite pas cette tâche. On peut citer par exemple de sérieux problèmes d’accord d’impédance car les objets nanométriques sont souvent très éloignés des 50 Ω utilisés comme standard, mais également les fortes pertes liées à la dégradation du facteur de qualité des résonateurs nanométriques. Une autre source de problèmes provient de la faiblesse des signaux à détecter et de la difficulté à les exploiter. Si l’on reprend l’exemple précédent de la nanobalance (voir figure 1), le signal utile est à la fréquence de résonance du nano-objet qui est également la fréquence d’excitation. Il faut donc détecter un signal faible, provenant d’une faible variation de masse, noyé dans le signal d’entrée qui fuit directement vers le circuit de détection. 2. Génération de signaux alternatifs Il est relativement facile de réaliser une source d’énergie débitant de manière constante. C’est le cas de la pile en électricité. En revanche, la réalisation d’une source à débit périodique requiert un mécanisme supplémentaire afin de convertir un signal continu en un signal alternatif. Dans le cas de la dynamo, l’énergie dépensée de manière continue par le cycliste et produisant un mouvement uniforme est convertie en un signal électrique de période liée à la vitesse de rotation de la roue et de la dynamo. Les paragraphes suivants présentent différents mécanismes permettant la conversion d’un signal DC en AC. 2.1 Progrès dans la génération de signaux électriques alternatifs Les premières expériences portant sur des courants alternatifs remontent au milieu du 19e siècle et ont conduit à la découverte des ondes électromagnétiques par Hertz en 1887. Il utilisait alors un dispositif électromécanique (déjà ! même si celui-ci contrairement à ceux du paragraphe 1.2, n’avait rien de nanométrique) constitué d’un éclateur (deux boules métalliques séparées par un écart faible) dans lequel les décharges d’une bobine de Ruhmkorff engendraient des courants alternatifs grâce à une lame ressort. Ces expériences furent à 8 - 2008 RECHERCHE VG VSD VG a c Fréquence f0 Fréquence f1 Amplitude du signal de sortie Signal de sortie Signal Bruit Offset f1 f0 Fréquence e VG VG b d a principe de fonctionnement du composant. Une tension VSD est appliquée aux bornes du nanorésonateur et la tension alternative, VG , est appliquée au voisinage de celui-ci. Le signal de sortie permet de détecter la fréquence de résonance. b lorsque la fréquence d’excitation correspond à la fréquence du résonateur, f0 , celui-ci rentre en résonance ce qui se traduit par un pic dans l’amplitude du signal de sortie (courbe en noir sur le graphe e ). c et d une modification de masse du nanorésonateur (représentée ici en rouge au centre du résonateur) va se traduire par une modification de la fréquence de résonance (courbe en rouge sur le graphe e ). L’écart entre les fréquences f0 et f1 permet de remonter à la valeur de la masse additionnelle. e illustration de l’amplitude du signal de sortie lors des mesures. Pour réaliser une bonne mesure on voit que le signal de résonance doit être suffisamment important pour être distinguable dans le bruit (voir partie 1.3). Figure 1 – Fonctionnement d’un NEMS comme nanobalance l’origine de l’ère des radio-communications. En 1910, Edwin Armstrong réalisa qu’un Audion (un des premiers tubes à vide) pouvait être configuré pour produire une oscillation beaucoup plus propre que celle d’un appareil à décharge. De plus, la période d’oscillation pouvait être contrôlée à l’aide d’une simple tension continue. On appelle un tel appareil un VCO (Voltage Control Oscillator ). Les tubes à vide furent alors très utilisés pendant de nombreuses années pour des applications radio, télévision ou militaire. Ils furent ensuite supplantés par les transistors à base de semi-conducteurs moins volumineux, d’un moindre coût et nécessitant moins de puissance. 2.2 Génération d’un signal périodique. Auto-oscillation La possibilité de générer des signaux électriques alternatifs amène naturellement à l’étude des systèmes auto-oscillants c’est-à-dire des systèmes capables de provoquer spontanément des oscillations à partir d’une source d’énergie continue. 8 - 2008 Les systèmes auto-oscillants au sens large du terme peuvent être extrêmement divers. Ils incluent les horloges, expliquent l’excitation de certains instruments à vent, sont à l’origine des ronflements et interviennent même dans les battements cardiaques. Des auto-oscillations peuvent également survenir de manière inopportune et avoir à des conséquences catastrophiques (déraillement de Saint-Hélier (1933), destruction d’aile d’avion, destruction du célèbre « Takoma Bridge » en novembre 1940). La compréhension fine des mécanismes d’auto-oscillation est cependant un domaine qui peut se révéler rapidement très ardu. Ce domaine est relié aux problèmes de stabilité (ou d’instabilité), et à la physique non linéaire (une bonne introduction à ce domaine est donnée en [4]). En outre, il importe de bien définir les différents types de couplage existant dans le système étudié. De plus, des auto-oscillations peuvent apparaître du fait de couplages que l’on pouvait a priori largement négliger. © Editions T.I. RE 118 - 3 RECHERCHE y • On peut réécrire un tel système sous la forme : y x = y et y = f (x, y) = − ω 02 x − c y (x0 , y0) x a cas (c – F) > 0 x b cas (c – F) < 0 a si (c – F ) est positif (système dissipatif), quelle que soit le point de départ (x0 , y0) la solution est une spirale logarithmique tendant vers le point (0,0). b si (c – F ) est négatif (on parle de résistance négative) le point (0,0) est stable mais tout écart aussi faible soit-il fera diverger la solution (trajectoire allant à l’infini). Le cas particulier (c – F ) = 0, ne correspondant pas à proprement parler à une auto-oscillation, est volontairement omis. Figure 2 – Diagramme de phase représentant les évolutions possibles d’un oscillateur linéaire + (c − F )x + 02 x = 0 de la forme x Avant d’illustrer des réalisations expérimentales nous allons donc présenter les caractéristiques principales liées aux phénomènes d’auto-oscillations et décrire une manière pratique de les représenter et de les interpréter. 2.2.1 Oscillateur amorti Considérons pour commencer un système physique classique, l’oscillateur amorti, dont la loi d’évolution est donnée par l’équation différentielle : x + c x + ω 02 x = 0 Avant de chercher à résoudre ce problème, faisons quelques remarques d’ordre général. • Un tel système peut représenter un oscillateur mécanique (système masse-ressort), un composant électrique (système RLC ) ou, de manière plus générale, tout système au voisinage d’un point d’équilibre stable ; • Le terme ω0 représente la pulsation propre du système : ω0 = ω0 = k m 1 pour un système masse-ressort ; pour un système LC. LC • Le terme c représente, lui, le coefficient de dissipation (dû par exemple aux frottements visqueux ou à une résistance électrique). Dans la pratique c est positif et nous considérerons les valeurs de c faibles (nous les noterons parfois ε ). RE 118 - 4 © Editions T.I. Cela signifie que nous avons ramené notre équation différentielle d’ordre deux à deux équations différentielles du premier ordre couplées. Dans le cas du système mécanique masse-ressort, x représente la position et y la vitesse du mobile. On dit qu’un tel système possède deux degrés de liberté, autrement dit, il faut connaitre deux conditions initiales pour remonter à l’unique solution du problème. Pour représenter l’évolution de notre système au cours du temps, il est commode d’avoir recours au plan de phase. Dans ce plan, l’abscisse et l’ordonnée représentent respectivement les valeurs de x et y (voir figure 2). Les points d’équilibre de notre système sont définis comme les points (x, y) tels que x = 0 et y = 0 simultanément. Dans le cas de l’oscillateur amorti, ils se réduisent au point unique correspondant au point (0, 0). • Dans cette équation, il n’y a pas de terme de forçage c’est-à-dire pas de terme d’excitation dépendant du temps. Habituellement, un tel terme est introduit à droite de l’équation sous une forme F cos(ω t ). On dit que notre système est autonome c’est-à-dire que, même si les grandeurs dépendent du temps, il n’y a pas de dépendance explicite en temps dans l’équation. Une fois ceci posé on peut enfin chercher la solution de notre problème et la représenter. Regardons en particulier quelle est la représentation de cette solution dans le plan de phase. Étant donné notre point de départ (x0 , y0) la solution est une spirale logarithmique qui tend vers la solution (0, 0) comme montré sur la figure 2a. Le sens des flèches indique le sens positif du temps. Ici, quel que soit le point de départ, on arrive dans tous les cas au point (0, 0). On dit que ce point est stable. 2.2.2 Oscillateur de Van der Pol. Changement de signe de la dissipation Imaginons maintenant que l’on fasse agir une force extérieure de la forme F x où F est positif (par exemple, introduit par une résistance négative) et regardons l’effet de cette force lorsqu’on augmente la valeur de F en partant de zéro. L’équation se réécrit : x + (c − F )x + ω 02 x = 0 Tant que (c – F ) reste positif le point (0, 0) est toujours stable, la solution tend juste plus lentement vers ce point. Lorsque le terme (c – F ) devient négatif la situation change radicalement et la trajectoire devient une spirale logarithmique s’éloignant du point d’équilibre (figure 2b ). Le point (0, 0) reste un point d’équilibre, mais ce point d’équilibre devient instable : toute modification aussi petite soit-elle par rapport à l’origine fait diverger la solution. On voit dans ce cas que le système absorbe bien de l’énergie et que l’amplitude d’oscillation augmente, mais, on ne peut pas parler d’auto-oscillation car le système ne revient pas 8 - 2008 y (u.a.) x (t) RECHERCHE x (u.a.) Temps t a a b , noir marron b Figure 3 – Oscillateur de Van der Pol : diagramme de phase et évolution du système en fonction du temps pour différentes valeurs de périodiquement sur la même trajectoire. Dans la pratique cette divergence de la solution pourrait mener à une catastrophe dans le système. Comment pourrait-on transformer le système pour avoir une limitation des trajectoires par exemple dans le cas de la figure 2b ? On voit qu’il est inutile de rajouter un terme linéaire qui ne peut au mieux que faire basculer le système entre les états (a ) et (b ). Voyons donc l’effet que peut avoir une contribution non linéaire. Soit le système différentielle : défini par l’équation x + ε (x2 − 1)x + ω 02 x = 0 Ce système est très proche du précédent. Il s’agit de l’équation bien connue de Van der Pol (qui introduisit cette équation pour l’étude des battements cardiaques en 1928, [5]). On voit alors que le terme d’amortissement est gouverné par deux tendances : – si x2 < 1 alors le terme 1 domine et l’amortissement est négatif (cas de la figure 2b ). Donc le système proche du point d’équilibre est instable ; – dans le cas contraire, x2 > 1, l’amortissement devient positif et donc les trajectoires se rapprochent du point d’équilibre. La figure 3a illustre les trajectoires qui résultent d’un tel système et montre (en noir) l’orbite limite correspondant à l’auto-oscillation qui apparaît dans le système. Nous avons également représenté les évolutions du système en fonction du temps pour différentes valeurs de ε ce qui correspond à dif8 - 2008 férentes intensités de la dissipation durant le mouvement (figure 3b ). On remarque que la forme du signal auto-oscillant peut être très proche d’une sinusoïde ou au contraire très différente. En fait, des oscillations proches d’une forme sinusoïdale apparaissent dans les systèmes dans lesquels la perte d’énergie durant une période est faible (faible valeur de ε et, de même, l’énergie injectée dans l’oscillateur est faible) ou dans des systèmes où les pertes d’énergie sont compensées en permanence. Au contraire, lorsque la dissipation est élevée et que quasiment toute l’énergie du système est échangée au cours d’un cycle, l’évolution peut être extrêmement éloignée d’une forme sinusoïdale (voir la courbe pour ε = 10) et l’on parle en général d’oscillations de relaxation. Un autre point important est que la fréquence des auto-oscillations est très proche de la fréquence de résonance du système (ici ω 0). Dans une auto-oscillation c’est le système qui impose la fréquence d’oscillation, au contraire d’un système forcé où la fréquence est fixée par l’excitation extérieure. Un système auto-oscillant régule lui-même ses échanges d’énergie avec l’extérieur à sa propre fréquence. Sur la figure 3 on voit que pour ε = 2 (déjà très loin de l’hypothèse ε petit !) l’écart en fréquence reste encore faible. 2.2.3 Oscillateur défini par morceaux Un autre cas assez fréquent pouvant générer des auto-oscillations est caractérisé par des systèmes dont l’évolution est définie par morceaux. De tels systèmes peuvent survenir lorsqu’un changement de paramètre se fait de manière abrupte © Editions T.I. RE 118 - 5 RECHERCHE f 0 x vm v – vm m v0 a b a représentation de l’intensité de la force de frottement sec (frottement de Coulomb) en fonction de la vitesse relative de l’objet par rapport au support. Ces frottements se caractérisent par des minima pour des valeurs non nulles de vitesse (respectivement – vm et vm). y (u.a.) b représentation schématique d’un système dynamique où une masse m attachée à un ressort est posée sur un tapis roulant défilant à la vitesse v0 . Un tel système est défini par morceaux (dépendant du signe de (v – v0)) et donne lieu à l’apparition d’auto-oscillations. f f0 v0 v – f0 x (u.a.) c d c représentation des forces de frottement s’exerçant sur la masse m en fonction de la vitesse de la masse. d représentation du diagramme de phase obtenu dans ce système. La droite correspondant à v = v0 est représentée en noir et permet de mieux voir l’effet de la transition (passage d’une équation à l’autre) sur les trajectoires. En bleu est représenté le cercle limite. Figure 4 – Illustration du fonctionnement de l’oscillateur défini par morceaux Simplement, on sait que quand une force est appliquée pour déplacer une masse m, une force de friction f, qui s’oppose au mouvement apparaît. L’intensité de cette force f augmente jusqu’à ce qu’une valeur critique soit atteinte, et alors la masse bouge. Une fois que le mouvement commence, elle recommence à augmenter. C’est ce qui dans la pratique amène à distinguer des coefficients de frottement statique ou dynamique. Regardons alors l’évolution d’une masse m attachée à un ressort et posée sur un tapis roulant se déplaçant à la vitesse v 0 comme représenté sur la figure 4b. Le fait que le tapis roulant se déplace à la vitesse v 0 revient à rendre dissymétrique la force de frottement qui s’apparente alors à la figure 4c. Ce système représente aussi le mécanisme en jeu avec une corde frottée comme dans le cas des cordes de violon. On peut simplifier l’expression de cette force de frottement en considérant qu’elle vaut : l’intensité de f décroît tant que v vm , après quoi, f0 si (v0 − v) est positif et − f0 si (v0 − v) est négatif (transition) ou lorsque se produit un changement de régime. Un exemple simple de ce type de comportement est représenté par les frottements de Coulomb ou frottements secs. Dans ce cas, la force de frottement est liée à la vitesse de l’objet suivant une fonction semblable à la figure 4a. RE 118 - 6 © Editions T.I. 8 - 2008 RECHERCHE On peut alors réécrire l’équation différentielle sous la forme : + kx = f mx 0 si v < v0 + kx = − f si v > v mx 0 0 ce qui est bien une équation différentielle définie par morceaux. On peut réécrire cette équation sous la forme : mx + kx = f0 sign (v0 − v) où la fonction sign vaut 1 pour les valeurs positives et – 1 pour les valeurs négatives. Le diagramme de phase de ce système montre l’existence d’auto-oscillations comme on peut le voir sur la figure 4d. 2.2.4 Tuyau d’arrosage et autres systèmes plus complexes Un système plus compliqué avec davantage de degrés de liberté peut également être mis sous la forme d’équations différentielles du premier ordre. Dans ce cas, la trajectoire doit être représentée dans un espace à n dimensions où n est le nombre de degrés de liberté. Remarquons que, dans les cas à deux dimensions que nous venons d’illustrer, l’entrée en auto-oscillation était introduit par le biais d’une résistance négative (un frottement négatif). Dans des systèmes d’ordre supérieur, des auto-oscillations peuvent survenir pour d’autres raisons comme la confusion de fréquence qui est responsable de l’instabilité du tuyau d’arrosage par exemple. Pour ces systèmes à n dimensions, il devient évidemment difficile de représenter simplement les trajectoires du système, mais l’analyse à deux dimensions que nous venons de présenter permet d’avoir une très bonne intuition des configurations possibles. 2.3 Générateurs de signaux alternatifs usuels En électronique, ces instabilités dynamiques sont souvent réalisées avec des circuits à rétroaction à l’aide d’amplificateurs opérationnels (pour une revue pédagogique de la notion de retroaction, consulter la référence [6]). La grande richesse d’utilisation de l’amplificateur opérationnel provient de la possibilité de boucler son signal de sortie sur l’une de ses entrées. Pour un fonctionnement stable, on relie habituellement la sortie à la borne négative. Néanmoins, on peut faire le contraire et obtenir assez facilement un oscillateur (il est à noter que même en reliant la sortie à la borne moins, on peut cependant aussi obtenir un fonctionnement instable). La raison peut être donnée par l’argument suivant : un signal positif en sortie appliqué à l’entrée positive va être amplifié et donc fournir un signal positif plus important en sortie. Cette boucle de rétroaction positive va conduire à une instabilité puis à la saturation de l’amplificateur. En ajoutant un condensateur dans le circuit, on peut introduire un retard qui va conduire à une oscillation. On peut ainsi obtenir très facilement un oscillateur à relaxation. 8 - 2008 Lorsque l’on souhaite un signal sinusoïdal, on a plutôt recours à un circuit résonnant type LC ou à un cristal de quartz. Ces circuits, comme les oscillateurs Colpitts ou Hartley, pour ne citer que les plus connus, comportent un composant actif, tel un transistor qui joue le rôle de résistance négative, qui va compenser les pertes du résonateur. Pour finir, les composants à résistance différentielle négative jouent un très grand rôle pour la génération de signaux alternatifs notamment pour des applications de fortes puissances et hautes fréquences. Par exemple, la diode à effet Gunn sert depuis longtemps pour les radars routiers de type Doppler, même si les radars laser commencent à les supplanter. Son fonctionnement est fondé sur le fait qu’à forte tension continue, son courant diminue lorsqu’on augmente la tension. Ceci conduit à une instabilité et à des auto-oscillations [7] à des fréquences de l’ordre de la dizaine de gigahertz. Dans cette partie, nous venons de présenter brièvement la faculté d’un système dynamique à entrer spontanément en auto-oscillation en captant de l’énergie à l’extérieur et à entretenir, grâce à cela, ses oscillations. Nous avons essayé de montrer l’intérêt que présente le diagramme de phase pour une meilleure compréhension de ces phénomènes et le rôle primordial des non-linéarités pour, par exemple, stabiliser ces oscillations. On comprend dès lors que pour réaliser un générateur AC à l’échelle nanométrique, on doive chercher des systèmes où l’auto-oscillation d’un paramètre du système va entraîner à son tour la génération d’une oscillation périodique du courant électrique. C’est le sujet de la troisième partie. 3. Générateur AC à l’échelle nanométrique Nous allons ici présenter quelques résultats expérimentaux récents sur la réalisation de nanogénérateurs AC. Il ne s’agit évidemment pas de comparer point par point les performances de ces premières réalisations avec des VCO à base de semi-conducteurs actuellement sur le marché. La comparaison est évidemment sans appel. Sans doute eut-il été tout aussi ridicule de comparer les performances des tout premiers composants électroniques avec les tubes à vide commerciaux de l’époque. Nous allons plutôt essayer de voir à quoi peuvent ressembler concrètement de tels systèmes et les couplages qu’ils mettent en œuvre. Dans la partie précédente, nous avons essayé de montrer quelles étaient les recettes à suivre pour produire un système auto-oscillant. Dans la pratique, les choses sont bien sûr beaucoup plus complexes. Très peu de systèmes sont conçus, a priori, pour cette seule fonction. Leur réalisation met en jeu tant la caractérisation et l’observation que la modélisation et l’amélioration des couplages intéressants. Dans les trois exemples que nous allons détailler, il est intéressant de constater que deux mettent en jeu © Editions T.I. RE 118 - 7 RECHERCHE Amplitude de l’auto-oscillation (µm) a exemple de nanofil SiC en configuration émission de champ. Le nanofil est positionné en face de l’anode. Ici trois images correspondant à trois tensions appliquées différentes sont superposées afin de montrer la torsion du nanofil. C’est la dépendance en fonction de la position du courant d’émission de champ qui est responsable de l’apparition des auto-oscillations. Autrement dit, le système possède alors trois paramètres libres : la position x et la vitesse vx de l’extrémité du nanofil et le potentiel U à l’extrémité (et cinq paramètres, si l’on considère également un déplacement possible dans la direction y que nous négligerons). La commande est ici la tension V continue appliquée au système. La dynamique de ce système se représente alors par des trajectoires dans un diagramme de phase à trois dimensions (voir § 2) et le système est caractérisé par trois équations différentielles du premier ordre couplées dans lesquelles apparaît notamment la variation du courant d’émission de champ qui dépend de x et de U. 40 35 30 25 20 V1 15 V2 10 5 0 5 174 175 176 177 178 179 180 Tension appliquée (V) b simulation représentant en fonction du paramètre de commande, la tension appliquée, l’existence ou non d’auto-oscillation. En dessous de V1 aucune auto-oscillation n’est possible. Au-dessus de V2 le système rentre obligatoirement en oscillation. Pour V1< V < V2 l’auto-oscillation dépend de l’historique du système (voir texte). On s’attend donc à des phénomènes de sauts et d’hystérésis comme observé expérimentalement. Figure 5 – Auto-oscillation en émission de champ (source Ayari et al. 2007 [8]) l’émission d’électrons comme élément moteur. C’est de manière très similaire le même phénomène qui assura le succès de l’Audion et des tubes à vide par la suite. Si les dimensions et le fonctionnement sont différents, on peut cependant constater qu’une bonne idée peut resurgir à tout moment. 3.1 Générateur sous émission de champ Le premier exemple concerne l’observation d’auto-oscillations mécaniques et électriques de nanofils pendant l’émission de champ. La figure 5a montre un nanofil de carbure de silicium (SiC) monté à l’extrémité d’une pointe de tungstène en configuration d’émission de champ. Dans une expérience d’émission de champ habituelle, l’émetteur constitue la cathode et on applique une différence de potentiel entre l’émetteur et l’anode pour extraire des électrons. Ces électrons sont récupérés par l’anode et le courant I ne dépend que de la tension V appliquée suivant une caractéristique I (V ) donnée par l’équation dite de Fowler-Nordheim. RE 118 - 8 Deux particularités supplémentaires sont ajoutées dans le système permettant l’apparition des auto-oscillations : – tout d’abord, le nanofil présente un rapport d’aspect élevé (rapport longueur sur diamètre) ce qui le rend souple et susceptible de se tordre lors de l’application de la tension. De fait, le courant d’émission de champ dépend alors également de la position de l’extrémité du nanofil I (V , x ) ; – deuxièmement, le nanofil présente une forte résistance. En conséquence, du fait de la chute de potentiel le long du nanofil, le potentiel à l’extrémité devient un paramètre libre (non imposé directement) qui dépend du courant d’émission. © Editions T.I. Sous certaines conditions, ces couplages introduits entre la partie mécanique et le comportement électrique permettent l’apparition d’auto-oscillations et le nanofil décrit une trajectoire fermée dans l’espace des phases. Le courant d’émission de champ dépendant de la position de l’extrémité du nanofil va alors posséder une partie continue et une partie alternative à la même fréquence que l’oscillation mécanique. Des mesures ont été réalisées sur différents nanofils dont les fréquences allaient de plusieurs kilohertz à plusieurs mégahertz et le rapport composante alternative/composante continue atteignait 50 % sans optimisation (voir référence [8]). La modélisation du système a été réalisée pour définir les propriétés de la mise en oscillation. Ici, l’intérêt est de définir les régions de mise en auto-oscillation, et éventuellement les caractéristiques de celles-ci, en fonction du paramètre de commande : dans ce cas, la tension continue V appliquée. C’est ce qui est représenté sur la figure 5b : une amplitude nulle correspond à un point stationnaire (pas d’oscillation) et une amplitude non nulle correspond à une auto-oscillation possible. On peut distinguer trois zones sur la figure : • Pour V < V 1 , seul le point correspondant à x = 0 existe et aucune auto-oscillation ne peut apparaître. • Pour V 1 < V < V 2 , trois solutions existent : la position immobile, et deux solutions non nulles. En fait, on peut montrer que la solution intermédiaire est instable (courbe en noir). Dans la pratique, le système ne peut être que dans une position finale stable (courbes en marron) et donc sera, soit sur la branche du haut, soit sur celle du bas. Il faut noter que le système ne peut pas spontanément sauter d’une branche à une autre et l’évolution sur une branche ou sur l’autre dépend de l’histoire du système donc de sa situation passée. 8 - 2008 a Gmix (u.a.) RECHERCHE b d 12 y 200 nm x 200 nm Vth 8 c 4 bias-tee Vbias à 17 dBm ID D S LIA à 19 dBm à 21 dBm Gmix 0 3 µm 4 8 12 16 Vbias (V) a et b : image par microscopie électronique à balayage du dispositif avec shuttle ( a ) et sans shuttle ( b ). c vue d’ensemble avec le circuit électrique. d signal d’auto-oscillation pour différentes tensions continues (Vbias) et différents signaux alternatifs (de 17 à 21 dBm). Le signal alternatif permet une détection à 10 kHz par mélange de fréquences. Figure 6 – Electron shuttle : dispositif et amplitude des auto-oscillations en fonction de la tension (source Kim et al. 2007 [11]) • Enfin, pour V > V2 , seul le point supérieur est stable. L’auto-oscillation va donc apparaître spontanément car la position immobile est devenue instable. Ce type d’auto-oscillation (on parle de hard self oscillation ou auto-oscillation dure) se caractérisera donc par des sauts et des phénomènes d’hystérésis comme observé expérimentalement. 3.2 Electron shuttle L’electron shuttle (navette à électrons) est le descendant nanométrique de la cloche de Franklin [9], [10]. Il se compose d’un levier avec un îlot métallique au bout (le shuttle ) placé entre deux électrodes, chacune étant maintenue à une tension fixe mais distincte. Si le shuttle entre en contact avec une électrode, il va se charger et subir une accélération sous l’effet du champ électrique en direction de l’électrode opposée. Au contact de l’autre électrode, il va échanger des charges avec celle-ci de sorte que sa nouvelle charge sera de signe opposé à la précédente. Le shuttle va alors de nouveau accélérer et retourner vers la première électrode. Donc, sous l’effet d’une simple tension continue (la différence de potentiel entre les deux électrodes), des charges passent d’une électrode à l’autre à une fréquence correspondant à la période d’oscillation du levier et génèrent ainsi un courant alternatif. Expérimentalement, cet effet a été difficile à réaliser à l’échelle nanométrique, notamment à cause des pertes importantes du circuit. Le signal haute fréquence de l’ordre de la centaine de mégahertz a 8 - 2008 été détecté par mélange de fréquence avec une source externe de fréquence proche de la fréquence d’auto-oscillation (voir figure 6d ). Les signaux obtenus sont encore faibles mais un tel dispositif, d’une part, ouvre la voie vers de l’électronique à 1 électron à haute température (car cette géométrie défavorise le cotunneling) et, d’autre part, est intéressant pour certaines applications militaires où un ordinateur mécanique constitué d’electron shuttle serait plus robuste face à une attaque électromagnétique [11]. 3.3 Générateur à transition de phase Le groupe de Hongkun Park à Harvard a réalisé un nanogénérateur de courant alternatif à l’aide d’un matériau dont la résistance varie brutalement avec la température et en conjuguant des effets d’échauffements thermiques de type Joule avec des effets capacitifs [12]. Ce système se rattache donc à la classe des systèmes définis par morceaux présentés dans le paragraphe 2.2.3. Le matériau utilisé, un nanofil de WxV1–xO2 , est isolant à basse température et subit une transition de phase vers un état métallique pour des températures proches de l’ambiante. La température de transition diminue lorsque l’on augmente le pourcentage de tungstène. La composition du matériau utilisé ici pour obtenir un générateur est W0,01V0,99O2 qui possède une température de transition autour de 50 oC. Des oscillations électriques avaient déjà été observées par le passé pour ce type de matériau dans le cas massif, mais le signal électrique était très instable, difficilement contrôlable et de faible © Editions T.I. RE 118 - 9 RECHERCHE Inb (µA) Vnb 80 VO2 C Inb 40 2 µm 0 0 0,6 Vnb (V) a caractéristique courant tension et dispositif du générateur à transition de phase. A partir d’une valeur seuil en courant continu, la caractéristique présente de fortes fluctuations. L’image par microscopie électronique à balayage en bas à droite montre le nanofil horizontal contacté à deux électrodes d’or Inb (mA) Vnb (V) 2 2 1 1 0 0 0 4 t (µS) 2 b amplitude des signaux de courant (en noir) et tension (en marron) pour différentes valeurs de courant Figure 7 – Générateur à transition de phase (source Gu et al. 2007 [12]) fréquence. En passant cette fois à des objets de taille nanométrique (la dimension typique de leurs échantillons est 200 nm × 140 nm × 760 nm) et suspendus, ils ont obtenu la génération d’un signal alternatif stable de fréquence modulable variant comme l’inverse de la longueur ou de la capacité du circuit et proportionnelle au courant continu en entrée (figure 7). Ce dispositif fonctionne suivant trois régimes selon la valeur du courant continu en entrée : – à faible courant, le nanofil est dans sa phase isolante et agit comme un composant passif de résistance élevée ; – pour une gamme de courants intermédiaires, le nanofil génère spontanément un signal de fréquence fixe ; – enfin, à fort courant, l’échantillon est dans sa phase métallique et se comporte de nouveau comme une simple résistance mais de plus faible valeur. RE 118 - 10 © Editions T.I. Le mécanisme dans l’état oscillant peut être décrit grossièrement de la manière suivante : lorsque la capacité se charge, une partie du courant passe dans le condensateur et pas dans le nanofil. Plus le condensateur se charge, plus le courant dans le nanofil augmente, augmentant d’autant la dissipation de chaleur dans celui-ci par effet Joule. Cette dissipation induit une augmentation de la température du nanofil jusqu’à ce qu’il atteigne la température de transition. C’est là qu’interviennent l’aspect nanométrique et l’intérêt d’avoir un objet suspendu. En effet, ces deux conditions font que le nanofil est homogène sur toute sa longueur et qu’il ne va transiter qu’en un seul endroit pour former un domaine métallique et un domaine isolant. Au contraire, sous l’effet de contraintes mécaniques liées au substrat ou sur un échantillon de trop grande taille, plusieurs domaines peuvent apparaître conduisant à des instabilités et à 8 - 2008 RECHERCHE une compétition désordonnée entre différents domaines. Lorsque le nanofil commence à transiter vers l’état métallique, sa résistance chute brutalement, ce qui conduit à la décharge du condensateur et à une impulsion de courant. Ensuite, le condensateur se recharge, donc le courant qui circule dans le nanofil devient plus faible, la température du nanofil diminue, ce qui permet à la phase isolante de réapparaître sur une partie de la longueur de l’échantillon. Sa résistance augmente donc et le cycle recommence. Ce générateur peut pour l’instant produire des impulsions allant jusqu’à 5 MHz avec une des amplitudes de courant de l’ordre du milliampère et des amplitudes en tension de l’ordre du volt. 4. Conclusion Dans cet article, nous avons voulu montrer que les problèmes d’intégration des sources alternatives qui commencent à se poser (en termes de consommation d’énergie, d’échauffement...) vont à terme devenir cruciaux avec une miniaturisation toujours plus poussée des composants et une augmentation toujours plus grande des fonctionnalités. La recherche de nouvelles sources nanométriques, 8 - 2008 moins énergivores, nous a conduit aux systèmes auto-oscillants permettant de générer des signaux périodiques à partir d’une source d’énergie constante. Plus qu’une liste à la Prévert, sans réel intérêt pédagogique, nous avons voulu dessiner un panorama conceptuel minimal permettant de saisir le cadre des systèmes réalisés actuellement, mais aussi des futures réalisations. Les exemples de nanogénérateurs présentés, loin d’être pour l’instant compétitifs, montrent à quoi pourront ressembler les nanogénérateurs du futur. Reste qu’au-delà de la réalisation de tel ou tel démonstrateur ou de tel progrès scientifique, le développement de ces nanosources AC se situe dans un cadre beaucoup plus général mêlant intérêts économiques et industriels ou développement de technologies parallèles. Nous voudrions, pour finir, insister sur le fait que le développement de sources AC nanométriques n’a de sens que si les générateurs DC suivent la même réduction d’échelle. Cela concerne le domaine du stockage d’énergie (piles, accumulateurs) ou des domaines nouveaux s’intéressant à la récupération d’énergie, notamment par effet photovoltaïque, piézoélectrique ou thermique. Ces dernières thématiques sont particulièrement attendues pour la réalisation de systèmes réellement autonomes. © Editions T.I. RE 118 - 11