Réviser l`écrit (5) Le texte théâtral et sa représentation. Un peu d

Réviser l’écrit (5)
Le texte théâtral et sa représentation.
Un peu d’étymologie pour commencer : je vais pas m’amuser à écrire en grec ancien, il n’y a pas de touches
sur mon clavier, pour cela, mais sachez que le mot théâtre vient du grec theatron, terme lui même dérivé d’un
verbe qui signifiait « regarder ». Le theatron était l’hémicycle d’où le spectateur assistait la pièce. Et si je
choisis de commencer cette fiche par cela, ce n’est pas seulement pour vous filer une amorce possible (début
d’intro de commentaire ou de dissertation), mais pour que vous vous rappeliez cette dimension du théâtre :
c’est un spectacle qu’on regarde.
LE TEXTE THEATRAL…
Bon, mais c’est avant tout aussi un genre littéraire à part entière, et un texte qui peut, à lui seul, contenter le
lecteur. C’est Musset (Alfred de) qui voulait Un spectacle dans un fauteuil . Pas le fauteuil de la salle de spectacle,
mais celui de son salon, bien confortable (il faut dire qu’il s’était fait un peu incendier par la critique pour les
pièces qui venaient d’être créées sur scène et qu’il était un peu amer). Regardez, pardon, lisez ce sonnet qui
ouvre l’ouvrage :
Au lecteur des deux pièces qui suivent
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Figure-toi, lecteur, que ton mauvais génie
T'a fait prendre ce soir un billet d'Opéra.
Te voilà devenu parterre ou galerie,
Et tu ne sais pas trop ce qu'on te chantera.
Il se peut qu'on t'amuse, il se peut qu'on t'ennuie;
Il se peut que l'on pleure, à moins que l'on ne rie;
Et le terme moyen, c'est que l'on bâillera.
Qu'importe? c'est la mode, et le temps passera.
Mon livre, ami lecteur, t'offre une chance égale.
Il te coûte à peu près ce que coûte une stalle;
Ouvre-le sans colère, et lis-le d'un bon œil.
Qu'il te déplaise ou non, ferme-le sans rancune;
Un spectacle ennuyeux est chose assez commune,
Et tu verras le mien sans quitter ton fauteuil.
Alfred de Musset, Un spectacle dans un fauteuil, 1832.
Un texte littéraire à part entière, disais-je, qui a ses particularités (encore une fiche qui commence par
enfoncer des portes ouvertes, mais tant pis).
DIDASCALIE QUI DONNE LE NOM DU PERSONNAGE QUI PARLE, didascalie qui indique à qui s’adresse le
personnage : la réplique du personnage (et bla bla bla, et bla bla bla) et si vraiment il y a beaucoup beaucoup de
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Les deux pièces dont il s’agit sont, “La coupe et les lèvres” et “A quoi rêvent les jeunes filles”
bla, on appellera cela une tirade (que vous veillerez à ne pas écrire avec un y. (didascalie qui indique un
mouvement, une intonation, un déplacement, un air que doit prendre le comédien qui joue le personnage…)
2
.
Si j’applique cela à une scène de cours vécue (les noms des personnages ont été modifiés et peut-être quelques
propos aussi)
MOGO : elle se tient le ventre, relève la tête et regarde sa professeure, Tanya : J’ai faim.
TANYA
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, à la classe: Pourquoi tu me regardes comme ça ?
MOGO, avec un sourire pervers ! Je cherche ce que je peux manger…
TANYA: je ne suis pas comestible ! (elle crie).
SI je reprends cette scène et que j’y ajoute un aparté, ça donne :
MOGO : elle se tient le ventre, relève la tête et regarde sa professeure, Tanya : J’ai faim.
TANYA
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, à la classe: Pourquoi tu me regardes comme ça ?
MOGO, avec un sourire pervers ! Je cherche ce que je peux manger…
TANYA: je ne suis pas comestible ! (elle crie).
MOGO : je suis pas difficile (la classe rit)
TANYA, à part : Grands dieux ! Que cherche-t-elle à faire ? Veut-elle seulement faire rire la
classe ?
Certains d’entre vous aiment les mots étranges, en voici un : STICHOMYTHIES. En plus d’être étrange, c’est
un mort qui existe, ce qui ajoute au plaisir de l’utiliser. Qu’est-ce donc ? Des répliques courtes qui
s’enchaînent rapidement, qui donnent du rythme, de la nervosité, de la tension (ça dépend du texte).
…ET SA REPRESENTATION
Mais revenons à la dimension spectaculaire du théâtre, qui se joue le plus souvent dans un… théâtre (c’est
original !). Cependant, le théâtre peut se jouer ailleurs, dans la rue, dans une salle de classe. Il suffit que le
spectateur comprenne et accepte que l’espace qu’il partage avec les comédiens qui jouent, soudain n’appartient
plus au même monde, mais est devenu un autre endroit. C’est là la magie du théâtre, ouvrir une faille spatio-
temporelle, soustraire un lieu et un moment à leur réalité. Dans notre salle 14, par exemple, on a vu le palais
Ruy Blas était premier ministre, on a vu les habitations séparées Eglé et Azor ont grandi… Et à cet
endroit qui est devenu pendant quelques heures une petite scène, 2013 n’existait plus. C’était le XVIIe
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, ou le
début du XVIII, c’était l’après-guerre…
De même, le comédien disparaît. Lui, qui a conscience du spectateur qui tousse ou qui rit, laisse place au
personnage qui ignore superbement l’existence du spectateur (Tardieu a poussé jusqu’au bout cette idée,
d’ailleurs). Médée ne sait pas qu’on la voit souffrir de sa jalousie, Médée ne nous voit pas la regarder tuer ses
enfants. La comédienne, elle, perçoit notre présence. Aussi, faites bien la différence entre le comédien et le
personnage.
Le théâtre est un monde de conventions : nous acceptons, nous spectateurs, de croire que quand un
personnage fait un aparté, les autres personnages ne l’entendent pas. C’est le lieu de l’illusion, qui, au moins
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Je ne sais plus qui est le G. N qui a écrit, dans un DS que la didascalie liminaire de Ruy Blas racontait ce qui s’était passé avant. Vous
me connaissez, je suis pas une balance, mais enfin, tout de même, il y a des limites : si c’était une mission des didascalies, comment le
spectateur, qui ne les entend pas, serait mis au courant ? Raconter ce qui s’est passé avant, c’est la fonction de ou des scènes
d’exposition.
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on a le droit de rêver, non?
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on a le droit de rêver, non?
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Ruy Blas est créé en 1838, mais raconte une histoire qui s’est déroulée à la fin du XVIIe.
jusqu’à récemment dans la mise en scène, veut que nous y croyions et fait en sorte que l’illusion fonctionne
(pensez que ça marche bien pour Pridament, qui croit son fils assassiné, alors que ce n’est que son personnage
qui est tué par un autre). Qu’est-ce qui concourt à l’illusion ? Décors, costumes, accessoires, jeu des
comédiens…
Ces dernières décennies ont un peu changé la donne. On ne met plus force décors, force costumes. Les décors
sont d’ailleurs maintenant dénoncés comme tels, en ceci que les comédiens les bougent eux-mêmes (les cubes
blancs dans la mise en scène de Rhinocéros par Alain Timar, servent tantôt de table, tantôt à autre chose. Dans la
mise en scène de Cyrano de Bergerac par Denis Podalydès à la Comédie Française, il y a quelques années, le sang
qui coulait des plaies des personnages était signifié par de gros confettis rouges. Le spectateur voit très bien que
ce n’est pas du vrai sang, que c’est « pour du faux », mais cela n’a pas d’importance. Il voit bien que Christian
meurt (tout le monde connaît Cyrano ?) et l’émotion n’en est pas moins intense.
DE QUOI SOMMES-NOUS SPECTATEURS ?
- de conflits de générations (chez Molière, les jeunes gens s’opposent à la volonté de leurs pères)
- des conflits politiques (Ruy Blas, Les Mains sales)
- des amoureux qui s’aiment en secret
- des amoureux qui se disputent
- d’amoureux qui se réconcilient… ou pas
- de domestiques, d’opprimés qui prennent le pouvoir. (c’est pour ça aussi, que c’est bien le théâtre)
- d’hommes qui trucident tout le monde
- de femmes qui trucident tout le monde (Médée)
- de gens qui dissimulent, qui jouent la comédie à d’autres (dans ces moments-là, le spectateur est
complice de celui qui manigance)
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- les personnages qui regardent d’autres personnages jouer la comédie (vous avez quelques exemples à
citer)
- de gens qui se ridiculisent ou sont ridiculisés (Molière)
- d’héroïnes désespérées qui se meurent pour des amours impossibles (Racine)
MONTRER OU NE PAS MONTRER ? TELLE EST LA QUESTION.
Certaines choses, à certaines époques, ne semblent pas dignes d’être mises sur scène, d’être montrées au
spectateur (violence, meurtre, offense faite à un vieillard (d’où le fait que Le Cid ait choqué, Don Diègue, qui
prononce le fameux monologue que je vous ai déjà mis dans la fiche REECRITURES, vient d’être souffleté par
un homme plus jeune. Et ça, c’est hyper choquant pour les spectateurs de 1637). Il est ici question de
bienséance. C’est le moment pour vous, d’aller revoir le texte de Boileau, extrait du chant III, de son Art
poétique qui édicte cette règle de la bienséance. SI si, allez allez, on ne traîne pas ! Et je veux que vous le
recopiez ci-dessous :
Et puis tiens, tant que vous y êtes, ça serait pas mal de revoir les règles du théâtre classique.
en étais-je ? Je disais que certaines époques (le Ve siècle avant JC grec, le XVIIe français, par exemple,
avait du mal à voir certaines choses. Comment faire part au spectateur, de certains faits ? En les lui racontant.
C’est par exemple Théramène qui raconte la mort d’Hippolyte, tué dans un accident de char parce qu’un
serpent ant et monstrueux est sorti de la mer et a fait peur aux chevaux. C’est, autre exemple, Teudas qui
raconte la mort de Créuse et Créon. Oui, oui, vous allez me dire que Corneille n’a pas su se contenter de cette
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Ca, c’est une donnée importante du théâtre : en général, le plus souvent meme, le spectateur est celui qui en sait le plus. Il a
toujours de l’avance sur les personnages (certains d’entre eux se sont d’ailleurs charges de lui exposer, en début de pièce, de quoi il
retournait). C’est pour cela que vous avez été tant déroutés par « Eux seuls le savent », de Tardieu, les personnages ne sa donnant pas
la peine de faire la protase, moment souvent bien artificiel, mais bien utile pour comprendre ce qui va suivre. REVOYEZ CE
QU’EST LA DOUBLE ENONCIATION.
tirade narrative pour faire part de la mort de ces deux personnages, et qu’il a tenu à nous les montrer aussi,
agonisant. C’est cruel.
Allez, après cela, je vous laisse tranquilles :
Sachez citer les metteurs en scène de TARTUFFE et de RUY BLAS ou encore de ART que vous connaissez (et
rappelez-vous les caractéristiques de leur mise en scène).
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Pour l’écrit d’invention :
- N’oubliez pas de proposer un texte bien rédigé, travaillez le style.
- ne pas considérer que le metteur en scène change le texte, ou le récrit (c’est vraiment très rare). Son
travail de création est ailleurs.
dans le choix d’un comédien plutôt qu’un autre.
Dans le choix des costumes
Dans la création d’une ambiance, grâce à des décors, éventuellement un fond sonore ou musical
(c’est très à la mode en ce moment).
Dans le fait de faire se déplacer les comédiens, les placer ici, ou là.
Dans le fait de décider d’une intonation, d’un phrasé, pour faire entendre le texte et faire émerger
le sens de celui-ci.
Pour le commentaire : si vous devez commenter un extrait de théâtre :
- ne vous contentez pas d’étudier les personnages et leurs liens ; c’est intéressant, bien sûr, mais
regardez aussi…
- les enjeux de la scène (ce qu’elle permet, ce qu’elle favorise, et ce à plusieurs niveaux : connaissance
d’un personnage, action, message de l’auteur): se situe-t-elle ? Informe-t-elle ? fait-elle progresser
l’action ? le problème, le conflit se noue-t-il dans l’extrait ? se dénoue-t-il ? quelle est l’intention du
dramaturge (tiens, sachez employer quelquefois ce mot là plutôt que de dire toujours « auteur ».
- la scène est-elle tendue ? Heureuse ? comique ? satirique ? (scène des portraits du Misanthrope qui ne
fait pas du tout avancer l’action, qui est même une pause, pendant laquelle Molière se moque de ses
contemporains courtisans)…(effets sur le spectateur)
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