PLATON Le Banquet
Danielle DESBORNES
Introduction. (Cours en construction)
21.07.2010
Ordre et nature des discours : En jaune les cours prêts
1. Phèdre, élève du sophiste Hippias. Platon n'aime pas les sophistes. Ce discours tourne en rond
et ne nous dit rien sur l'amour.
2. Pausanias, homme politique, intellectuel élitiste.
3. Eryximaque, médecin, disciple d'Hippocrate.
4. Aristophane, auteur comique, le fantasme des "boules coupées en 2".
5. Agathon, celui qui invite les autres, poète tragique.
6. Socrate, le philosophe.
7. Alcibiade, l'amant, celui qui a l'expérience de l'amour.
L'un des textes les plus célèbres de Platon. Presque tous les grands auteurs l'ont lu et commenté
en particulier Freud.
Premier exemple de pluridisciplinarité sur le thème de l'amour.
Chaque interlocuteur parle d'un point de vue différent.
Il sera intéressant de repérer le niveau de conscience, de chercher dans chaque discours quelle
idéologie, quels fantasmes circulent, quelle représentation du monde, quel système de valeurs
sont exprimés.
Nous étudierons quatre discours.
-1. Celui de Pausanias.
-2.Celui d'Aristophane.
-3. Celui de Socrate.
-4. Celui d'Alcibiade.( En préparation)
Introduction ….
Platon Le banquet.
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Discours de Pausanias.
Pausanias est un intellectuel, qui en se référant à des archétypes, propose une justification
théorique et une louange de la pédérastie en Grèce.
1. La double nature de l'amour : 180 c 182 a
L"uranien" (=céleste) et le "pandémien" (= vulgaire.
a) Postulat de base : puisque dans la mythologie grecque, il est fait mention de deux Aphrodites
(Vénus chez les Romains), mères d'Eros le dieu de l'amour, il doit donc exister deux sortes
d'amours.
Analyse de ces deux archétypes.
L'Aphrodite uranienne
c'est à dire "céleste" a une naissance très singulière. En effet, elle est née à partir de trois
personnages de nature identique : Chronos tranche le sexe de son père Ouranos, le dieu du ciel.
Le sexe en tombant dans l'océan (Okéanos considéré comme un dieu), le féconde. Aphrodite
émerge des ondes. Masculin, pureté, élite, similitude, qualité, fidélité, solidité, maturité,
intelligence, intériorité, honneur, discipline, vertu, pouvoir …. Toutes ces qualités se trouvent du
côté de l'Aphrodite céleste qui est respectable et symbolisent un amour masculin respectable.
L'Aphrodite pandémienne
c'est à dire populaire, naît d'une manière beaucoup plus "normale". Zeus, trompant sa femme
Héra, séduit une très jeune mortelle, Dioné. Celle-ci met bientôt au monde la deuxième
Aphrodite, la "vulgaire". Féminin, impureté, vulgarité, altérité, quantité, adultère, caprice,
infantilité, sottise et ignorance, superficialité, bassesse, paresse, débauche, faiblesse impuissance
…. Tous ces défauts se trouvent du côté de l'amour populaire qui est méprisable.
b) Le déni de la mère.
Un fils et son père engendrent à travers l'Océan. L'engendrement peut se faire sans la femme.
L'Aphrodite céleste n'a pas de mère. Le père procrée (désir d'enfanter), grâce à son fils, mais par
le biais d'une castration. La présence de la femme est voilée et niée puisque Okéanos est
considéré comme un dieu masculin. Alors que l'océan est une figure déguisée de la mère,
l'amnios cosmique, le symbole du liquide amniotique qui entoure l'enfant dans le ventre de sa
mère. Cet océan avaleur de phallus serait d'après les psychanalystes contemporains l'image de la
mère phallique castratrice, et de ce fait virilisée. On retrouve dans cette situation le schéma
freudien classique de la névrose : refus de la mère castratrice, peur du désir donc castration, et
identification au père. L'idéologie de Pausanias est élitiste, sexiste, gérontocratique et
ethnocentriste.
Platon Le banquet.
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Résumé :
Amour céleste
Amour vulgaire
Trois dieux
Un dieu et une mortelle
Trois être masculins (pas de femme)
Un homme et une femme;
Trois "vieux"
Un être mûr et un être jeune.
"Homo" = pareils
"Hétéro" = différents
Esprit / sagesse
Corps / plaisir.
Noblesse, honneur, gratuité
Bassesse, Vénalité, intérêt.
Eternel, durabilité, fidélité
Ephémère, instable, infidélité
Discipline, force, pouvoir
Passivité, faiblesse, obéissance
Chef, Maître, civilisé;
Esclaves, Barbares
c) Le statut de la femme en Grèce :
Civilisation patriarcale, qui privilégie le masculin. La beauté, l'intelligence, la parole, le
pouvoir sont masculins. La femme n'a aucune valeur, aucun droit. Elle est enfermée dans le
"gynécée" = maison des femmes. Elle est utilisée exclusivement pour la procréation. Elle élève
les enfants. Elle ne reçoit aucune instruction ni aucune éducation. Elle ne sort pas, ce sont les
hommes qui vont au marché. Elle n'a guère de choix d'existence. Il n'existe que quatre statuts
possibles pour les femmes :
- le mariage et l'élevage des enfants partir de 7 ans l'éducation des garçons revient aux
hommes)
- la prostitution sacrée dans les temples consacrés à Aphrodite .
- la consécration à Zeus, comme vestales (chasteté) dans ses temples.
- Le statut d'hétaïre : une hétaïre est une femme très belle et très cultivée (exception rarissime)
qui se fait entretenir à grands frais. Aspasie était l'hétaïre de Périclès.
d) Permanence du clivage céleste/ vulgaire dans notre civilisation :
Les archétypes : Eve / Marie symboles de la prostituée qui n'engendre que luxure et désordre, et
de la sainte, vierge et rédemptrice. Ou encore la bête et l'ange.
2. Les différents jugements sur l'amour pédérastique. (182 b 183 d)
a) A Sparte et en Béotie il est négatif.
b) En Ionie et chez les "Barbares".
Chez les Barbares, le régime dominant est la tyrannie. Cela implique une double dépravation :
- Le tyran est un autocrate cruel, violent, égoïste dominé par sa volonté de puissance sans limite.
Il méprise son peuple et a intérêt à le maintenir dans un état d'ignorance et de soumission
absolues.
- Le peuple de son côté est vil du fait qu'il accepte cette soumission sans oser se révolter. Il réagit
comme un esclave avec lâcheté et paresse.
Platon Le banquet.
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Le jugement d'un peuple sot et dépravé, non seulement n'a aucune valeur, mais comme dans un
raisonnement par l'absurde, il mettrait en valeur ce qu'il condamne.
c) Finalement en condamnant la tyrannie qui condamne la pédérastie, Pausanias réhabilite la
pédérastie.
La pédérastie est une garantie contre la tyrannie. Elle est fondée sur la liberté de choix, la
tendresse, la générosité. Elle favorise la solidarité entre les hommes, la liberté, et en bref l'idéal
démocratique et aristocratique.
3. Justification de l'amour pédérastique. (183 d 185 e)
a) Le culte de la beauté et de la virilité.
Misogynie en Grèce. Le monde masculin est clos, la femme en est exclue. La véritable beauté
est virile. La virilité parfaite est incarnée par la beauté d'un corps athlétique et une éducation
soignée, qui n'a rien à voir avec l'instruction proprement dite. L'apprentissage de la lecture et
de l'écriture se fait par un esclave qui est payé pour cette tâche. La virilité du corps se
travaille au gymnase les hommes pratiquent le sport dans la nudité. Ce qui favorise les
contacts physiques. La transmission et la pratique de la culture ont lieu dans des clubs et des
banquets où l'on parle et où l'on échange des idées.
L'amour pédérastique se fonde sur une émulation entre hommes, et part d'une inégalité, ou
hiérarchie naturelle : d'une part, l'homme "fait", mûr, aîné, objet d'admiration, l'éraste, et
d'autre part l'adolescent, homme en devenir, ou éromène, qui a besoin d'être guidé vers
l'adultat avec fermeté et tendresse. Cette pédagogie utilise l'admiration d'un modèle et son
imitation.
b) La sexualité en Grèce.
La pédérastie n'est pas l'homosexualité comme nous l'entendons aujourd'hui.
Les relations sont certes sensuelles mais soumises à une sorte de code de l'honneur. L'éraste
(= l'amant) doit respecter le corps de l'éromène(= l'aimé). La finalité de leur relations est
l'acquisition d'une noblesse du cœur et de l'âme. L'éraste ne doit pas rechercher son propre
plaisir égoïste ni profiter du corps de l'éromène. Il devait probablement s'agir d'un flirt poussé
d'un partage initiatique de la virilité pour accompagner la virilisation du jeune homme. Les
Grecs avaient un certain dégoût pour la pénétration. Les relations se terminaient lorsque la
barbe de l'éromène commençait à pousser.
Le texte de Pausanias pose néanmoins problème. Il affirme en effet que "tout est permis" en
certaines occasions. Serait-ce une manière d'affirmer que "la fin justifie les moyens" ?
Pausanias reconnaît qu'il existe deux sortes d'amours : l'amour noble et l'amour vulgaire.
c) L'amour noble
dont la fin est céleste. Le but est généreux et élevé: le bien de l'éromène et il est durable. Il
répond à trois caractères : 1. Il est visible c'est à dire qu'il peut s'afficher sans honte. 2. Il se
situe dans un milieu noble. 3. Il peut se manifester à travers un "grain de folie", mais il est
stable. Il est noble même si l'éraste s'est illusionné sur la qualité de l'éromène (seule
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l'intention compte)
d) L'amour vulgaire est intéressé, du côté de l'éraste et du côté de l'éromène. Il se
caractérise par la quête exclusive du plaisir physique, de l'argent, de l'ambition. La conquête
est rapide, instable et débauchée. Elle s'apparenterait à ce que l'on appelle aujourd'hui le
"donjuanisme".
Conclusion :
Finalement, ce discours nie le désir et l'existence de l'autre. Conception narcissique et entropique
de l'ordre qui réduit à l'homogène, au pareil.
Idéologie sexiste, phallocrate, gérontocratique, élitiste, hétérophobe et homophile …
Le clivage proposé par Pausanias entre les hommes est à la fois culturel, politique, intellectuel,
moral, sexuel, esthétique, …Il témoigne d'un refus absolu et du pris du différent sous toutes
ses formes. En cours de route, n'aurait-on pas perdu l'amour et rencontré beaucoup de haine ?
Le culte des deux Aphrodite à Athènes ne correspond pas la théorisation de Pausanias. A
Athènes, les prostituées, et les courtisanes en mal de maris vénèrent l'Aphrodite uranienne.
Le clonage reproductif aujourd'hui permettrait de réaliser en partie les fantasmes de certains
"Pausanias" narcissiques !
Discours d’Aristophane
Aristophane n’a pas pu parler plus tôt, il était ivre et avait le hoquet. Il est encore ivre.
Il est présenté comme un comique, un homme qui rit et qui craint de dire des choses ridicules. Il
invente en effet une histoire qui fait rire. Il fabule. Si, comme le dit Freud, dans l’ivresse la
censure est endormie, fragmentée, alors des pans de l'inconscient se révèlent. Cf. In vino veritas,
la vérité est dans le vin. Il est alors intéressant de décoder dans le discours d’Aristophane les
fantasmes, les archétypes qui nous concernent et qui appartiennent à inconscient collectif.
Il parle "autrement" et cette altérité est riche de symboles. Elle permet d'exprimer un désir
universel, celui du double.
L'initiation à la puissance de l’amour est reliée au caché, au mystère. Elle implique une démarche
particulière, le détour par le langage du mythe.
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