Dollar canadien: un bon élève qui se fait toujours taper sur les doigts?

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Revue Commerce - Août 2000
Dollar canadien :
un bon élève qui se fait
toujours taper sur les doigts ?
MAURICE N. MARCHON
Professeur à l'Institut d'économie appliquée
École des Hautes Études Commerciales
27 juin 2000
Note : Ne pas oublier de mentionner que les données pour les graphiques proviennent de
Statistique Canada
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L’éditeur de la Revue Commerce me faisait remarquer récemment que les
économistes l’amusent beaucoup parce qu’ils n’arrêtent pas de prévoir une appréciation
du dollar canadien qui ne se concrétise pas. Rappelez-vous, qu’ils avaient promis que si
on adoptait l’Accord de libre-échange le dollar canadien s’apprécierait. Oui, mais vous
avez oublié qu’il fallait aussi maîtriser l’inflation et éliminer les déficits budgétaires avant
que le dollar ne puisse performer. Toutes ces choses se sont maintenant réalisés et le
dollar canadien a toujours du plomb dans l’aile. Oui, mais vous avez oublié une dernière
chose : le déficit de la balance courante. Même cela sera une chose du passée. Nous
prévoyons un surplus de la balance courante du Canada en 2000-2001. Alors qu’est-ce
que le dollar attend pour s’apprécier et réduire le coût de nos vacances aux États-Unis ?
Il est donc temps de ressortir notre arsenal d’indicateurs à propos du dollar
canadien afin de remettre les pendules à l’heure. Remarquez, comme c’est toujours le cas
en économie, que les choses ne sont jamais blanches ou noires, mais dans plutôt dans des
tons de gris.
Toile de fond
Le dollar canadien s’est déprécié, car le taux de change reflète notre capacité
relative à produire des biens et des services dont 45 % sont maintenant exportés. Étant
donné que les exportations de biens représentent encore près de 43 % de celles-ci, le
dollar canadien est toujours perçu comme une devise dont la valeur est reliée au prix des
matières premières. Cette relation de long terme est toujours valable, car malgré le
raffermissement du prix des matières premières, leur prix relatif ne s’est guère amélioré
par rapport aux prix industriels (graphique 1). Notons que c’est seulement à la fin des
années 80, lorsque la Banque du Canada a relevé les taux d’intérêt à court terme à près de
600 points de base au-dessus des taux américains pour maîtriser l’inflation, que le dollar
s’est appréc tout en déviant de sa valeur déterminée par le prix relatif des matières
premières. Une fois cette épisode passé, le taux de change du dollar canadien s’est à
nouveau enligné sur le prix relatif des prix des matières premières.
L’attrait du dollar américain
Depuis 1995, les États-Unis ont bénéficié d’une période de croissance
économique très rapide causée à la fois par une accélération des gains de productivité
apportés par la révolution micro-informatique et par des entrées massives de capitaux.
Dans un premier temps, ces entrées de capitaux n’ont que des aspects positifs pour les
Américains et par contraste ont accentué la faiblesse relative du Canada. Les entrées de
capitaux ont permis aux Américains d’investir et de consommer davantage tout en
soutenant la valeur du dollar américain. En 2000, les Américains sont toutefois devenus
si dépendants des capitaux étrangers qu’il faut que les achats nets d’actifs financiers
américains par les non résidents s’élèvent à plus de 1,1 milliard de dollars par jour pour
financer leur déficit de la balance courante. Le dollar américain pourrait donc se
déprécier au cours des prochaines années. Bien qu’il soit difficile de prévoir quand est-ce
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que les étrangers diminueront leur appétit pour les actifs américains, nous prévoyons
cependant que le point culminant risque de se produire sous peu. Dans ce cas, le recul
relatif du dollar américain par rapport à l’euro devrait permettre au dollar canadien de
s’apprécier un peu par rapport au dollar américain. Pourquoi ? Parce que l’économie
canadienne ne souffre plus des déséquilibres macroéconomiques que nous avons connus
dans le passé. Le taux d’inflation est maîtrisé puisque ce dernier ( sans la nourriture et
l’énergie) s’élevait 1,4 % en mai 2000, le surplus budgétaire des administrations
publiques s’élevait à 2,8 % du PIB au début de 2000 et la balance courante du Canada
sera en surplus en 2000-2001.
Graphique 1
Taux de change du dollar canadien et prix relatif des matières premières
(prix relatif = Indice Bridge-CRB au comptant/indice des prix industriels américains)
Jouir d’abord, payer plus tard
Ces dernières années, les Canadiens ont payer le prix pour les erreurs et les
abus du passé, car contrairement aux Américains qui empruntent à l’étranger pour
financer l’investissement privé et la consommation, ce sont les administrations publiques
qui empruntaient pour financer les programmes sociaux et la redistribution du revenu.
Les gouvernements dépensent et investissent sur la base des incitations et des pressions
du marché politique alors que les entreprises privées investissent sur la base des
rendements attendus. Les politiciens qui gèrent nos administrations publiques ne sont pas
mal intentionnés mais, contrairement aux entreprises du secteur privé qui sont mises en
faillite et disparaissent en cas de mauvaises gestion, les administrations publiques
survivent à elles???(au lieu de eux)-mêmes sans subir la peine capitale en cas de
mauvaise gestion.
0.64
0.66
0.68
0.70
0.72
0.74
0.76
0.78
0.80
0.82
0.84
0.86
0.88
0.90
janv-78 juil-80 janv-83 juil-85 janv-88 juil-90 janv-93 juil-95 janv-98
Dollar canadien
0.55
0.60
0.65
0.70
0.75
0.80
0.85
0.90
0.95
1.00
1.05
1.10
1.15
1.20
1.25
1.30
1.35
Indice CRB au comptant/Prix industriels
US
Taux de change du dollar canadien Prix relatif des matières premières
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Pour mesurer la performance relative du Canada depuis le début de la phase
d’expansion économique courante (avril 1991), nous avons calculé l’évolution du PIB
réel par habitant au Canada relativement à celui des États-Unis en monnaie locale ainsi
qu’en dollars américains (graphique 2). L’indice en monnaie locale normalisé à 1,0 au
1er trimestre de 1991 révèle que le PIB réel par habitant du Canada a talonné celui des
États-Unis, puisque le retard cumulatif n’est que de 5 %.
Graphique 2
Indice du PIB réel par habitant du Canada relativement à celui
des États-Unis exprimé en monnaie locale et en dollars américains
(Indice normalisé à 1,0 au 1er trimestre de 1991)
Les révisions à la hausse de la croissance économique du Canada par Statistique Canada
ont mis à jour une expansion beaucoup plus forte qu’estimée précédemment. Par ailleurs,
depuis 1995, le PIB réel par habitant augmente aussi rapidement que celui des États-Unis
puisque l’indice est resté stable à 0,95. C’est seulement lorsqu’on convertit le PIB el
canadien par habitant en dollar américain qu’on constate à quel point la dépréciation du
dollar canadien a, en quelque sorte, réduit le PIB réel par habitant de 25 %. Ce dernier
n’est toutefois pas une bonne mesure pour vérifier l’évolution relative de notre niveau de
vie. Nous avons refait les calculs en utilisant le revenu personnel disponible réel par
habitant du Canada comparativement à celui des États-Unis en l’exprimant en monnaie
locale et en dollars américains (graphique 3). C’est à ce moment-là qu’on réalise à quel
point les consommateurs ont fait les frais de l’assainissement des finances publiques par
le truchement d’un alourdissement du fardeau fiscal. L’indice est tombé à 0,87, soit un
retard de 13 % par rapport à celui des Américains. Lorsqu’on convertit le revenu
personnel disponible réel par habitant en dollars américains, le déclin relatif de notre
niveau de vie s’élève à 30 %. Il y a toutefois lieu de nuancer ces propos, car il est
grossièrement exagéré de supposer que tout ce qu’on achète est converti en dollars
américains. La détérioration de notre niveau de vie relatif se situe donc quelque part
0.70
0.75
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0.95
1.00
1991.1 1992.1 1993.1 1994.1 1995.1 1996.1 1997.1 1998.1 1999.1 2000.1
En monnaie locale En dollars américains
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entre 13 % et 30 % (graphique 3), soit une détérioration de notre niveau de vie relatif de
20 %, selon nos estimations.
Graphique 3
Indice du revenu personnel disponible réel par habitant du Canada
relativement à celui des États-Unis exprimé en monnaie locale et
en dollars américains
(Indice normalisé à 1,0 au 1er trimestre de 1991)
Adopter le dollar américain ?
Une idée qui défraye de la chronique ces derniers temps est l’abandon du dollar
canadien en faveur du dollar américain. A première vue, c’est la solution miracle puisque
nous n’aurions plus à subir les contrecoups de la dépréciation de notre monnaie. La
réalité n’est pas aussi simple que ça. La dépréciation du dollar canadien traduit la force
relative d’une économie. Par exemple, lors de la crise asiatique, le prix des matières
premières coté en dollars américains a chuté considérablement. La dépréciation du dollar
canadien a toutefois permis à nos entreprises exportatrices de ressources naturelles de
mieux absorber le choc. En préservant notre compétitivité à l’échelle internationale, nous
sommes au moins capable de produire et préserver nos emplois. En effet, si les
Canadiens utilisaient le dollar américain et que les coûts de production de nos entreprises
augmentaient plus rapidement que ceux des Américains à cause d’une augmentation du
fardeau fiscal, d’augmentations salariales plus élevées ou encore des gains de
productivité plus faibles qu’aux États-Unis, elles seraient de moins en moins
compétitives. La baisse de la demande pour nos produits entraîneraient des mises à pied
et une augmentation du taux de chômage. En économie, il n’y a malheureusement pas
de « free lunch » !
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0.70
0.75
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