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Ne pas conduire en regardant dans le rétroviseur
Même si nous espérons pour le bien-être de tous que l’économie mondiale
connaisse un rebondissement significatif au cours des prochains trimestres, il n’en
demeure pas moins que la baisse des taux d’intérêt observée depuis le début de
l’année ne compense plus la diminution du taux d’inflation excluant les
composantes les plus volatiles que sont la nourriture et l’énergie. Au début de ce
cycle économique postérieur à l’implosion de la bulle spéculative et après trois
ans de croissance du PIB réel des États-Unis inférieure à son potentiel, on assiste
à un phénomène inverse à celui des années 70. Au cours de cette décennie, les
banques centrales augmentaient le taux d’intérêt nominal à court terme, mais elles
étaient toujours en retard par rapport à l’accélération du taux d’inflation.
Autrement dit, le taux d’intérêt réel, qui est le taux d’intérêt nominal corrigé pour
tenir compte du taux d’inflation, diminuait au lieu d’augmenter et les agents
économiques se précipitaient pour acheter avant que les prix futurs ne soient plus
élevés. La demande finale s’accélérait, le taux de croissance du PIB réel excédait
le taux de croissance du PIB potentiel et la spirale inflationniste était lancée. En
2003, le phénomène inverse se produit. Depuis le début de l’année 2003, le taux
d’intérêt réel à court terme a augmenté malgré la diminution de 25 points de base
du taux d’intérêt des fonds fédéraux à 1 % pour la simple et bonne raison que le
taux d’inflation diminue plus rapidement que le taux d’intérêt. De plus, si
l’économie américaine croissait toujours à un taux inférieur à son taux de
croissance potentiel au cours des prochains trimestres, les pressions
déflationnistes ne feraient que s’accumuler. La situation risque ainsi de devenir
particulièrement dangereuse. Comme il ne reste plus que 100 points de base à
Réserve fédérale américaine, on pourrait facilement se trouver dans la situation du
Japon où la Banque centrale ne peut plus diminuer son taux directeur et où le
faible taux d’inflation, qui se transformerait en déflation, entraînerait une
augmentation du taux d’intérêt réel à court terme. C’est donc regrettable que la
Réserve fédérale n’ait pas saisi la décision du 25 juin 2002 pour accélérer le
rythme de diminution du taux d’intérêt des fonds fédéraux.
Il faudra donc surveiller de près la création d’emplois au cours des
prochains mois, puisque la marge de manœuvre des consommateurs américains
s’avère de plus en plus restreinte. Leur dernière bouée de sauvetage réside dans
les baisses d’impôts mais, sans création d’emplois, les sources de croissance de la
demande finale seront rapidement épuisées. N’oublions pas qu’en mai 2003, le
taux d’épargne des Américains s’élevait à 3,5 % comparativement à un taux
moyen de 7,8 % au cours des dix ans qui ont précédé la bulle spéculative (de
janvier 1995 à décembre 1994). Le service de la dette totale des consommateurs
en pourcentage du revenu personnel disponible s’élevait à 14 % comparativement
à une moyenne de 13,2 % de 1980 à nos jours, malgré des taux d’intérêt très bas.
Il faudra donc, que tôt ou tard, l’écart entre le taux de croissance des dépenses de
consommation et la création d’emplois diminue (graphique 1). Il faut donc