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Session d’information « Europe »
Aides d’Etat et Services sociaux d’intérêt général
25/09/07
Compte-rendu
Ouverture
Julien Van Geertsom Président du SPP Intégration sociale
Cette session est la deuxième initiative de la Cellule pour organiser une rencontre avec le
secteur de l’économie sociale sur les dossiers européens. Lors de la première session, il avait
été convenu de réunir à nouveau le secteur dès qu’il y aurait de nouveaux développements sur
le dossier des services sociaux d’intérêt général (SSIG).
Il est très important aujourd’hui de faire un suivi des débats européens, notamment sur les
aides d’Etat avec le projet de règlement sur les aides d’Etat exemptées par catégorie dans le
cadre de la consultation ouverte et sur les SSIG en vue de l’éventuelle adoption d’une directive
cadre.
La session a un double objectif :
- informer le secteur des questions qui sont sur l’agenda européen et diffuser les
dernières informations ;
- permettre de « récolter » les positions du secteur pour que la Cellule puisse jouer un
rôle de transmetteur par les canaux officiels. Cependant, il faut souligner que la
position de l’administration et des responsables politiques pourra être différentes de
celles du secteur. Il faut donc que les acteurs fassent leur travail de lobbying pour
défendre leurs positions.
Les aides d’Etat : jalons pour les opérateurs de l’économie sociale
Eric Van den Abeele Conseiller à la Représentation permanente de la Belgique auprès de
l'UE
Règles générales
Au sens du Traité de l’Union européenne (article 87 §1), les aides d’Etat sont incompatibles
avec les règles du marché commun. L’article 88 stipule que le contrôle est la compétence de la
Commission et que les Etats membres ont la responsabilité d’informer la Commission des
aides mises en place avant de les accorder : notification ex-ante. Il faut souligner que le défaut
de notification entraîne l’illégalité de l’aide et l’obligation de rembourser celle-ci.
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L’incompatibilité d’une aide au sens du Traité se caractérise par le transfert d’une ressource de
l’Etat sous quelque forme que ce soit (subvention, bonification d’intérêt, garanties de prêts,
provision, apports en capital ou en nature, mesures fiscales…). Pour que l’aide soit
incompatible il faut qu’elle réponde à un des critères suivants :
- il faut que cette aide confère un réel avantage économique pour le bénéficiaire ;
- l’aide doit être sélective, c’est-à-dire visée un certain nombre de bénéficiaires sur le
marché
- l’aide doit avoir une influence sur la concurrence et sur les échanges intra-
communautaires.
Il suffit que l’un de ces 3 éléments soit présent pour que l’aide soit incompatible.
Les dérogations
Les dérogations possibles aux règles européennes sont reprises dans l’article 87 §§2 et 3 du
Traité. Cet article stipule que les aides qui visent les activités ci-dessous sont compatibles avec
les règles du marché intérieur :
- les aides pour favoriser le développement économique dans les régions dans
lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles il y a un grave
sous-emploi
- les aides pour favoriser les projets importants présentant un intérêt européen
- les aides pour faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions
économiques
- des aides pour promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.
D’autres catégories d’aides peuvent être jugées compatibles sur décision du Conseil statuant à
la majorité qualifiée. Au titre de l’article 87§3, on peut distinguer trois catégories d’aides qui
sont compatibles sous certaines conditions :
- les aides à finalité régionale
- les aides répondant aux règles horizontales : les aides aux PME ; les aides à la
recherche, au développement et à l’innovation ; les aides au capital-investissement ;
les aides aux services d’intérêt économique général ; les aides à la restructuration et
les aides à l’emploi et à la formation.
- Les aides répondant aux règlements sectoriels comme les aides pour le secteur du
transport, pour l’agriculture…
La réforme en cours actuellement des aides d’Etat exemptées par catégorie s’inscrit dans le
cadre du plan d’action sur les aides d’Etat de 2005 qui visent à réduire les aides d’Etat en
général en les ciblant mieux et en intégrant la politique d’aide d’Etat dans la stratégie de
Lisbonne. La réforme est basée sur quatre éléments :
- diminuer les aides et mieux les cibler
- une approche économique plus affinée : il s’agit d’identifier pourquoi le marché, sans
aides d’Etat ne parvient pas aux résultats attendus. La notion de « défaillance du
marché » est apparue, ce qui implique la possibilité d’intervenir si on apporte la preuve
de la défaillance du marché.
- Des procédures plus efficaces et une amélioration de l'application, de la prévisibilité et
de la transparence : c’est-à-dire un critère de « bonne gouvernance ».
- Une responsabilité partagée entre les Etats membres et la Commission sur le contrôle
des aides et l’application des règlements
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Règles applicables aux services
Pour les services, l’Union européenne fait une distinction entre Services d’intérêt général non-
économique (SIGNE) et services (sociaux) d’intérêt économique général (S(S)IEG). Les
SIGNE ne tombent pas dans le cadre des règles européennes mais leur champ est limité à la
sécurité sociale, le régime des pensions légales et l’éducation nationale. Les SIEG ou SSIEG
tombent par contre dans le champ d’application des règles du marché intérieur et de la
concurrence. Il faut bien souligner que pour l’Union européenne, la notion d’activité
économique est très large. Le fait que l’usager ne paie pas la prestation ne joue pas et le but
non-lucratif d’une entreprise n’est pas pertinent. Le statut d’asbl par exemple n’est pas suffisant
pour exclure l’opérateur du champ de la notion d’activité économique. Les règles du Traité
s’appliquent donc dès qu’il y a contrepartie économique.
Le règlement de minimis
Le règlement de minimis 1998/2006 prévoit une dérogation aux règles applicables aux aides
d’Etat pour les aides de faible montant qui n’ont aucun impact sur les échanges. Le montant de
ces aides est fixé à 200.000 € sur trois exercices fiscaux par bénéficiaire. L’aide peut viser tout
type de coûts et s’appliquent à tout type d’entreprise (sauf quelques secteurs comme
l’agriculture, la pêche et l’aide aux entreprises en difficulté). Les aides doivent cependant être
transparentes, c’est-à-dire qu’il faut calculer leur équivalent en subvention brut. La
responsabilité pour la vérification incombe à l’Etat membre. En ce qui concerne le cumul, une
aide de minimis ne peut pas être cumulée avec d’autres types d’aides dans la limite des
plafonds. En fait, l’utilisation de l’aide sous forme de minimis exclut tout autre type d’aide.
Le règlement d’exemption par catégorie (RGEC)
Le règlement est en cours de réforme et ouvert à une consultation publique actuellement. La
réforme a pour objectif de regrouper différents règlements d’exemption par catégorie en un
seul règlement général. Il regroupe les aides à finalité régionale, les aides à l’investissement en
faveur des PME, les aides pour la protection de l’environnement, les aides aux services de
conseil et à la participation aux foires, les aides sous forme de capital-investissement, les aides
à la R&D, les aides à la formation et les aides à l’emploi pour des travailleurs défavorisés et
handicapés. Certains bénéficiaires ont été exclu de ce nouveau règlement à savoir les aides
individuelles ad hoc pour les grandes entreprises, les aides faisant l’objet d’une injonction de
récupération (critère établi selon l’Arrêt Deggendorf pour les entreprises fusionnées) et les
aides pour les entreprises en difficulté. L’aide doit être transparente quelque soit le type d’aide
accordée. L’apport en capitaux est interdit dans le cadre de ce règlement. Le règlement fixe
des plafonds pour les aides exemptées, par exemple 7,5 millions pour les PME et 2 millions
pour les aides à la formation. Il faut noter que ces plafonds sont déterminés au pro rata de
l’intensité et la durée de l’aide. Par ailleurs, la procédure de notification pour ces aides est
simplifiée. Le cumul est possible si les aides touchent des coûts admissibles identifiables
différents. Le cumul sur les mêmes coûts avec toute autre aide publique, même de minimis, est
interdit si le cumul dépasse les plafonds fixés par les règlements ou les décisions pour les
aides notifiées. L’aide doit obligatoirement avoir un effet incitatif c'est-à-dire que l’aide doit
permettre au bénéficiaire de réaliser les projets qu’il n’aurait pas réalisés sans cette aide. L’Etat
membre doit assurer le contrôle et la transparence des aides notamment par l’intermédiaire
d’un rapport sur les mesures. Si l’Etat membre refuse de fournir les informations, le bénéfice du
RGEC peut être retiré.
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Le deuxième chapitre du projet de règlement d’exemption par catégorie reprend l’ensemble
des différents types d’aides qui peuvent être prises en compte. En ce qui concerne l’aide à
l’investissement et l’aide à l’emploi, l’intensité de l’aide a éaccrue par rapport aux anciens
règlements mais le bonus régional a été retiré. Pour les aides à la formation, le projet propose
de nouveaux éléments en définissant des formations « générales » (60% avec majoration
possible à 80% si elles concernent des travailleurs défavorisés ou handicapés - 10% - et si
PME - 10-20%) et des formations « spécifiques » (25%). Pour les aides à l’emploi pour les
travailleurs désavantagés l’intensité peut s’élever jusqu’à 50% voire jusqu’à 60% ou 100% pour
les surcoûts que l’employeur doit supporter en raison du handicap pour l’embauche de
travailleurs handicapés.
Décision de la Commission applicable aux petits opérateurs de SIEG
On constate ces dernières années un revirement de la Cour de Justice des Communautés
européennes, notamment avec la jurisprudence Altmark du 24 juillet 2004. Cette jurisprudence
indique qu’une compensation juste pour exécuter une mission de service public n’est pas
considérée comme une aide d’Etat. Cette compensation doit répondre à quatre critères :
- incontestabilité des obligations de service public imposées à l’entreprise, c’est-à-dire
que l’entreprise doit être chargée de l’exécution d’obligations de service public
clairement définies par un acte légal ou un mandat
- Le calcul de la compensation doit se faire de manière transparente
- La compensation doit se limiter à ce qui est nécessaire à l’exécution du service public.
Ce critère peut soulever les questions de la couverture des coûts à long terme tels que
l’investissement et de la définition des « coûts pertinents » à prendre en compte.
- La comparabilité des coûts des obligations de service public par rapport à une
entreprise moyenne bien gérée. Pour appliquer ce critère, il est nécessaire de faire
une mise en concurrence et de faire appel aux règles sur les marchés publics. Ceci
pose des problèmes importants pour les opérateurs sociaux.
La Commission a pris une décision suite à cette jurisprudence sur l’application de l’article 86§3
pour répondre aux nombreuses questions soulevées par cette jurisprudence. Elle vise
principalement à établir une distinction entre les « grandes » compensations, qui sont
soumises à des lignes directrices générales, et les « petites » compensations, qui
correspondent à des décisions de la Commission. La cision précise aussi les conditions à
remplir pour que la compensation accordée soit compatible avec les règles concernant les
aides d’Etat : la cessité d’un mandat public clairement défini (tout acte réglementaire
pouvant aller jusqu’à la libération d’une commune) et le montant de la compensation doit
être inférieur à 30 millions d’euros par an pour autant que le chiffre d’affaires soit inférieur à
100 millions. Il faut souligner que la Commission est plus attentive au mode de calcul du
montant qu’au montant en tant que tel. Les hôpitaux et les entreprises de logement social ne
sont pas soumis aux limites de compensation. Dans les cas de compensation, l’Etat ne doit
pas notifier l’aide à la Commission mais vérifier qu’il n’y a pas de surcompensation. Si l’on
constate une surcompensation une année inférieure à 10% du coût réel, ceci peut être rectifier
l’année suivante en accordant une diminution par rapport à la surcompensation qui a eu lieu
l’année précédente.
En résumé, la définition et le financement de l’obligation de service public restent de la
compétence des Etats membres et des autorités locales. Cependant, la notion de
surcompensation reste floue et entraîne l’obligation de faire un calcul préalable des coûts
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(analyse ex ante) et l’Etat est obligé de vérifier l’absence de surcompensation ou l’affectation
de la compensation sur les échanges intra-communautaires (analyse ex post).
Les aides d’Etat en résumé
Si l’opérateur entre dans les critères de la jurisprudence Altmark, ou que l’aide se situe en
dessous des seuils de minimis ou qu’il entre dans les critères de la décision en matière de
compensation, l’aide ne peut être qualifiée d’aide d’Etat au sens du Traité et n’est pas soumise
à l’obligation de notification. Cependant, l’Etat doit toujours effectuer un contrôle de la bonne
application des règlements en matière d’aides d’Etat.
Pour la Commission européenne, les aides d’Etat constituent une distorsion aux règles de la
concurrence et ne sont pas perçus comme un levier au développement. Cependant, elle
accorde un statut dérogatoire à certaines aides. L’Etat peut intervenir « par défaut » pour
« corriger » les « défaillances du marché ». Il faut faire attention au développement à venir sur
les règles du marché intérieur notamment les règles concernant les marchés publics. En effet,
même dans le cadre d’une délégation « in-house » d’un service public, une autorité publique
devra mettre en concurrence les opérateurs et faire un marché public.
Exemples de positions du secteur : ENSIE
Patrizia Bussi coordinatrice de ENSIE asbl
ENSIE est le réseau européen des entreprises sociales d’insertion. Les entreprises membres
du réseau présentent un projet social qui est l’insertion socio-professionnelle. Elles sont
positionnées au cœur du marché en utilisant de nouvelles niches et en appliquant un mode de
gestion particulier. Par ailleurs, ces entreprises se caractérisent par une forte dimension
pédagogique au travers de mission d’apprentissage. Elles concilient vie de l’entreprise et vie
du travailleur. La mission d’ENSIE est de soutenir et développer des réseaux nationaux et
fédérations de l’économie sociale d’insertion en Europe. En 2006, ENSIE regroupait 12
réseaux nationaux et régionaux d’entreprises sociales d’insertion dans 8 pays membres de
l’Union européenne. Cela représente 1.500 entreprises et 220.000 salariés au total. Les
réseaux RES et SST sont membres d’ENSIE.
ENSIE a fait plusieurs observations sur le projet de règlement concernant les aides d’Etat
exemptées. Pour élaborer sa position, ENSIE a travaillé avec les membres du réseau. En
premier lieu, pour ENSIE, la définition européenne des personnes défavorisées est trop large
et ne prend pas en considération la gravité du problème de la personne. ENSIE plaide en
faveur d’un système d’aides différenciées prenant en compte la gravité des problèmes du
travailleur ce qui permettrait d’insérer plus de personnes. Sans ce système, on va créer un
groupe résiduel de travailleurs qui ne trouveront pas d’emploi et resteront dans une situation
d’exclusion sociale. Une deuxième observation est l’intensité de l’aide à l’embauche limitée à
50% à l’article 31 du projet de règlement. Dans de nombreux pays, ce seuil est dépassé par
les règles nationales. De plus, l’article 31 limite la durée de l’aide à 12 mois or de nombreux
dispositifs nationaux s’étendent sur 24 mois qui semble, pour ENSIE, être le minimum
acceptable. En effet, réinsérer une personne en 12 mois semble difficilement réalisable. Il faut
souligner que l’insertion est un parcours individuel qui demande une période de temps
personnelle.
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