Note explicative sur les SSIG et enjeux pour l`ES - Saw-B

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concertation des organisations représentatives de l'économie sociale
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asbl
Transposition de la Directive Services : ‘note pédagogique’ à l’attention des
acteurs concernés
La directive service a fait coulé beaucoup d’encre, du temps où elle s’appelait encore Bolkestein.
Elle a mobilisé beaucoup de monde aussi. Aujourd’hui, alors que sa transposition dans les
législations nationales est imminente, on ne la retrouve que dans quelques articles très techniques,
peu rassurants voire plutôt alarmistes. Mais où en est-on ? Qu’impliquera-t-elle vraiment pour
l’économie sociale ?
LA DIRECTIVE SERVICE 2006/123/CE DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL
La Communauté européenne s’est créée autour d’un principe de base qui est celui de la libre
circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux.
La libre circulation des biens a été réalisée au cours des années 90, celle des services est en cours
d’aménagement : la « directive services » entrera normalement en application en 2010. La libre
concurrence, considérée comme outil majeur de cette entreprise, s’appliquera dès lors également
aux services. Et y seront confrontés des acteurs qui n’ont pas nécessairement la même vision de leur
rôle sociétal.
La directive service organise ainsi le libre établissement et la libre prestation des services en
interdisant toute entrave à l’un de ces deux piliers. Des « raisons impérieuses d’intérêt général »
sont cependant admises comme pouvant constituer des restrictions légitimes à son application.
La directive concerne les services, c’est-à-dire les activités fournies par un prestataire, personne
physique ou morale, en dehors des liens d’un contrat de travail, et en échange d’une contrepartie
économique. Peu importe si celle-ci est acquittée par le bénéficiaire ou par un tiers. Peu importe si
le prestataire est ou non à but lucratif.
En gros, les services sont donc classés en deux catégories : les services économiques et les non
économiques, sachant que la « contrepartie économique » qui établit la distinction entre eux n’est
pas nécessairement une contrepartie financière.
Les services d’intérêt général non économiques (SIGNE) sont explicitement exclus du champ
d’application de la directive, puisque non économiques par définition.
Le texte prévoit également l’exclusion de services d’intérêt général économiques (SIEG),
notamment ceux fournis par les grandes entreprises de réseau comme le transport, l’énergie, les
communications, ainsi que ceux qui sont couverts par une législation communautaire spécifique.
Les autres SIEG, et les Etats membres peuvent définir ce qu’ils intègrent dans cette catégorie, sont
couverts par la directive. Tout au plus peuvent-ils bénéficier de certaines dérogations, de manière à
garantir l’accomplissement de la mission particulière qui leur a été confiée.
Les services sociaux d’intérêt général (SSIG), sous-catégorie des services d’intérêt général, n’ont
pas de définition européenne. On imagine assez bien ce qu’ils pourraient représenter, tout comme
on conçoit bien aussi que certains d’entre eux sont effectivement prestés en échange d’une
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contrepartie économique. Leur caractère d’intérêt général n’est pas non plus un critère suffisant
pour les protéger d’une ouverture au marché et à la libre concurrence.
Bon nombre d’opérateurs de l’économie sociale, actifs dans le champ de la formation, de
l’insertion, du logement ou même de l’action sociale, sont très clairement visés par la directive
service.
QUELLE EST
LA MARGE DE MANŒUVRE POUR PROTEGER LES SSIG
?
N’ayant pas de cadre précis, ce qui a pourtant été demandé à de nombreuses reprises par des Etats
tels la France ou la Belgique, les SSIG sont dans un « flou juridique ».
A condition qu’ils estiment la démarche utile, les pouvoirs publics doivent d’abord défendre le
caractère d’intérêt général du service social.
Ensuite, pour les exclure du champ d’application de la directive, ils doivent en établir le caractère
non économique, ce qui se fait à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Justice !
Si la contrepartie économique est avérée, ils peuvent dans ce cas établir une forme particulière de
relation avec les prestataires potentiels, le mandatement, assorti d’une série de conditions relatives
au calcul de la compensation de service public prévue en rémunération de la prestation.
A noter que cette compensation peut atteindre 100% des coûts ; le mécanisme
mandatement/compensation étant une dérogation compatible avec la réglementation sur les aides
d’Etat.
Les pouvoirs publics peuvent aussi justifier certaines restrictions qu’ils imposent à la libre
concurrence par des raisons impérieuses d’intérêt général. Celles-ci sont d’ordre très divers et
peuvent couvrir la sécurité publique, la santé publique, la protection des consommateurs (volet
qualité), des objectifs de politique sociale, etc. Les justifications proposées seront également
analysées à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice. Or elle a parfois révélé des
surprises, bonnes comme mauvaises, vu la large marge d’interprétation qui subsiste.
Dans l’état actuel des textes de transposition de la directive en législation nationale et régionale,
nous avons pu constater que nos pouvoirs publics se sont ménagé les ouvertures nécessaires pour
conserver cette marge de manœuvre : notions de prestataire mandaté et d’association caritative
conservées, pas de définition ou de liste limitative et enfermante.
QUELS SONT ALORS LES ENJEUX ?
Tout d’abord, il faudra veiller à ce que cette marge de manœuvre reste bien présente jusqu’au terme
du cheminement des textes. La vigilance est de mise dans le secteur et des remarques et
suggestions sont élaborées, parfois grâce à l’appui de juristes spécialisés. Elles sont transmises à
tous les niveaux accessibles : parlementaires, avis du CWES, interpellations des ministres par
courrier, etc.
Ensuite, et c’est le gros morceau, il faudra influer les choix qui seront posés par les pouvoirs
publics, secteur par secteur, dispositif par dispositif.
La tentation est grande en effet pour eux de recourir systématiquement aux mécanismes de l’appel
d’offre et du marché public, véritable sauf-conduits vis-à-vis de l’Europe.
Même après le travail de construction d’une relation partenariale de type mandatement, le risque est
réel d’en arriver à un « marché public de mandatements ».
Le secteur de la formation professionnelle, pour ne citer que lui, en fait déjà les frais.
Un travail de fourmi mais qui nécessitera l’implication de tous, car, inévitablement, des choses vont
devoir changer.
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