Les Anévrysmes cérébraux : clinique
Professeurs Didier MARTIN et Bernard SADZOT
Nous sommes très régulièrement confrontés au difficile problème que constitue le
diagnostic d'une céphalée aiguë et inhabituelle, et à l'estimation du degré de
gravité/d'urgence/de risque qu'elle constitue.
C'est en effet de cette manière que se manifeste le plus souvent une hémorragie
méningée par fissuration ou rupture anévrismale, et c'est un diagnostic qu'il ne faut
pas rater ( - mais ce n'est pas le seul !). Environ 40 % des patients présentant une
hémorragie sous-arachnoïdienne décèdent dans le mois qui suit. Pour ceux qui
survivent, le risque de re-saignement dans les deux premières semaines est de 25 %
si l’anévrisme est resté non traité. La mortalité lors d’un re-saignement est de 75 %.
L'hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) a une incidence de 10/100.000 et le pic
d'incidence se situe à 55 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes.
Sa principale étiologie et la rupture d'un anévrisme intracrânien dans près de 80%
des cas, les 20 % restants étant représentés par l'hémorragie périmésencéphalique,
de bon pronostic.
Le tableau clinique typique d’une hémorragie méningée sur rupture d’anévrisme est
celui d'une céphalée brutale, d'intensité très importante « le plus horrible mal de
tête de ma vie », éventuellement compliquée de nausées et vomissements, d'une
raideur nucale, de troubles de vigilance, et parfois de signes neurologiques focaux,
en fonction de la localisation de l'anévrisme (par exemple atteinte du III avec
l'anévrisme de la communicante postérieure). Parfois la céphalée est moins intense
et se résout avec un traitement antalgique simple, si bien que le diagnostic de
céphalée sur rupture ou fissuration anévrismale peut être manqué. Il existe aussi
des ambiguïtés diagnostiques chez les patients présentant une HSA s'associant à
une perte de connaissance, chute et traumatisme crânien. Le sang présent dans
l'espace sous-arachnoïdien ne doit pas être attribué à tort au traumatisme.
Le scanner cérébral est l'examen diagnostic de première intention : réalisé le
premier jour, il met en évidence le saignement et sa localisation dans 92 % des cas
d'HSA. Il permet d'exclure d'autres causes de céphalée sévère. La sensibilité du
scanner décroît au fur et à mesure qu'on s'éloigne de leurs du saignement : 50 % au
jour 7.
La ponction lombaire doit être réalisée si le scanner est négatif, équivoque, ou de
mauvaise qualité. On y recherche la présence d’hématies, d’érythrophages, et si la
céphalée remonte à plus de 12 heures, de bilirubine. Si l’hémorragie méningée est
confirmée, un bilan artériographique complet s’impose. Il doit parfois être répété.
Les facteurs de risques des anévrismes sont le tabagisme, hypertension artérielle,
l'alcoolisme, parfois des facteurs génétiques (histoire familiale ; anévrismes associés
des maladies héréditaires du tissu conjonctif).
Après rupture anévrismale, les complications précoces principales sont le
vasospasme, l’hydrocéphalie, et le re-saignement.
Seul le traitement de l’anévrisme peut être opposé au re-saignement. Il relève de
techniques endovasculaires ou neurochirurgicales qui font l’objet d’une discussion
plurisdiscipinaire. Le choix de la technique dépend de facteurs anatomiques et de
l’état clinique du patient.
Il faut encore noter que près de la moitié des survivants d’une HSA souffre de
troubles cognitifs de manière chronique, et qu’à distance d’une HSA, on peut
assister au développement lent et progressif d’une hydrocéphalie, conduisant à une
détérioration insidieuse de l’état neurologique.
Les autres causes de céphalées aiguës sont l’hémorragie cérébrale, la rupture de
malformation artérioveineuse, la dissection artérielle intracrânienne, la thrombose
veineuse cérébrale, l’hydrocéphalie aiguë, la céphalée d'effort ou du coït, la poussée
d'hypertension artérielle.
Anévrysmes Cérébraux :
Traitement par Neuroradiologie Interventionnelle
Professeur Pierre GOFFETTE, UCL-ULG
Depuis le début des années 90, le développement des techniques endovasculaires
permet de proposer une alternative au clippage chirurgical des anévrysmes
intracraniens. Le principe repose sur l’occlusion de l’anévrysme par des microspires en
platine (coils) mises en place dans la lumière anévrismale via un microcathéther
introduit par voie fémorale. Ces microspires, détachables de manière électrique ou
mécanique, présentent l’avantage, par rapport aux spires conventionnelles, de pouvoir
être repositionnées avant largage ou même totalement remplacées en cas de
positionnement inadéquat. Les spires doivent être compactées de la manière la plus
dense et homogène possible pour éviter une recanalisation de l’anévrysme. En
particulier, l’exclusion complète du collet est nécessaire pour éviter une recroissance
anévrysmale comme démontré après clippage chirurgical incomplet.
Une occlusion complète (100%) ou subtotale (>90%) est obtenue respectivement chez
70-78% et 90-92% des patients lorsque la technique classique d’embolisation est
appliquée. Les principaux avantages de l’embolisation résident dans l’absence de
craniotomie, de rétraction du parenchyme cérébral et de manipulation des vaisseaux
intra-cérébraux. En cas de vasospasme sévère suite à une rupture d’anévrysme, le
traitement endovasculaire de ce dernier peut être complété, de manière synchrone ou
séquentielle, par une dilatation au ballonnet des vaisseaux spasmés, avec un succès
technique de 90% et un bénéfice clinique dans 50% des cas.
Les facteurs limitatifs pour l’embolisation sont les anévrysmes à collet large (> 4mm ou
rapport sac/collet < 2) ou de diamètre supérieur à 15mm, les hématomes
intracérébraux compressifs associés, les localisations sylviennes M1 distales, les
perforantes démarrant du dôme et les accès vasculaires sinueux.
La principale complication de l’embolisation est l’anévrysme résiduel qui peut résulter
soit d’une insuffisance de traitement (embolisation incomplète, compactage des spires,
recanalisation partielle) soit d’une récidive vraie (neo-anévrysme au départ d’un collet
résiduel). En l’absence de traitement, ce résidu peut persister tel quel (40%) , augmenter
de volume (28%), s’obturer spontanément (30%) ou se rompre (<3%). Le plus souvent, il
sera traité par seconde embolisation ou chirurgie si persistence à 6 mois.
L’embolisation délibérément partielle d’anévrysmes rompus à large collet permet de
protéger les patients, initialement non-chirurgicaux, d’une récidive hémorragique
précoce.
Actuellement les perfectionnements technologiques (embolisation assistée par ballon de
protection, stenting intra-cranien) permettent de traiter des lésions de plus en plus
complexes. Les avantages du ballon protecteur Remodeling technique ») sont : a.
absence de protrusion des spires dans la lumière artérielle, b. meilleur compactage des
spires, c. stabilité accrue du microcathéther, d. hémostase immédiate en cas de rupture
per-embolisation.
La combinaison de stents hyper-flexibles et de spires 3D, associée à la libéralisation de
l’assistance au ballon, rend possible l’embolisation d’anévrysmes à collet ultra large,
sans collet, et même d’anévrysmes fusiformes ou disséquants, avec une occlusion >
95% chez 100% des anévrysmes traités. Certains pseudo-anévrysmes peuvent
également être exclus par implantation simple d’un ou plusieurs stents sans spire
associée. L’utilisation de stents temporaires permettra dans un futur proche de
surmonter le problème des 6%-10% de sténoses intra-stent.
La supériorité des spires bioactives ou coatées avec des polymers, pour augmenter leur
thrombogénicité et le degré de packing, par rapport au spires nues en terme
d’occlusion complète et de reperméabilisation reste à démontrer.
Les taux de complications et mortalité liés à l’embolisation varient respectivement entre
5-7% et 2-5% et dépendent principalement de la taille et localisation des anévrysmes
ainsi que de la largeur de leur collet. L’incidence des complications thrombo-emboliques
(1.8-3.2%) a significativement diminué depuis l’utilisation plus intensive et
systématique de l’aspirine éventuellement associée au plavix.
A l’inverse, l’utilisation de ballons de remodeling ne semble pas accroître
significativement le taux de phénomènes thrombo-emboliques cliniques.
Alors que la supériorité de l’embolisation par rapport au clippage chirurgical, en terme
de morbi-mortalité à 2 ans et 7 ans pour les anévrysmes rompus, a été démontrée
par l’étude randomisée ISAT (International Subarachnoid Aneurysm Trial) publiée en
2002 puis 2005 (Lancet), aucune étude prospective randomisée n’a jamais démontré le
bénéfice du traitement des anévrysmes non-rompus à faible risque de rupture(<7mm)
par rapport à la surveillance morphologique. Le projet TEAM (Trial of Endovascular
Aneurysm Management) qui doit inclure de manière randomisée 2000 patients
porteurs d’un anévrysme non-rompu en comparant embolisation préventive et
abstention thérapeutique avec un suivi à 10 ans, devrait permettre de différencier les
anévrysmes et les patients à risque de rupture et susceptibles de bénéficier d’un
traitement préventif.
L’occlusion endovasculaire et la chirurgie ne sont pas des thodes concurrentes
mais complémentaires. Le choix du traitement d’un anévrysme doit reposer sur un
bilan morphologique parfait, l’age du patient, son état clinique et l’existence de
complications secondaires à l’hémorragie éventuelle, et doit être fait au terme d’une
discussion multidisciplinaire, sans retarder la prise en charge du patient. L’expertise
des opérateurs est un facteur déterminant à considérer dans le choix thérapeutique.
Appliquée initialement aux patients non-chirurgicaux puis considérée comme une
alternative aux clippages, l’embolisation est devenue le traitement de premier choix
pour la grande majorité des anévrysmes, rompus ou non-rompus, dans les centres les
plus entraînés. Des procédures combinées, radio-chirurgicales, permettent
actuellement de traiter les cas les plus complexes.
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