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Après Claudine et le Théâtre,
Philippe Caubère (et sa Comédie Nouvelle) présente
68 selon Ferdinand
spectacle comique en deux soirées :
premier épisode : Octobre
deuxième épisode : Avignon
deuxième partie de son autobiographie théâtrale comique et fantastique :
L’Homme qui danse
écrit, mis en scène et joué par
Philippe Caure
après avoir été improvisé vingt ans plus tôt devant
Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart
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assistant à l’écriture et à la mémorisation : Roger Goffinet
scénographie, lumières et direction technique : Philippe Olivier, dit “ Luigi
régie générale et régie son : Jean-Christophe Scottis
régie lumière : Emmanuelle Stäuble
assistante régie : Anne Dartigues
styliste : Christine Lombard
création de la jupe de la mère d’après un peinture de Egon Schiele : Sophie Comtet
attaché de presse : Vincent Serreau
photos : Michèle Laurent
afiche réalisée par l’agence Copenhague
production : Véronique Coquet pour La Comédie Nouvelle
coproduction : Le Théâtre du Chêne Noir à Avignon (Gérard Gélas)
musique : Le Mystère des voix Bulgares
Le Mépris de Georges Delerue
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68 selon Ferdinand
Octobre
Vous vous souvenez peut-être qu’à la fin du Théâtre selon Ferdinand, notre héros parvenait in
extremis à obtenir d’un examinateur compréhensif et désespéré, son bac. Au début de ce nouvel épisode,
Claudine revient sur la scène, non plus pour l’occuper avec sa propre histoire, mais pour assister, à la
demande de son “p’tit garçon, à la suite de la prestation. Elle commence à faire, au public et à madame
Colomer, des commentaires sur ce bac 68 obtenu avec tout juste onze de moyenne, “alors qu’il aurait p’têt’
pu profiter d’ la situation pour obtenir une p’tit’ mention”. Cela donne à Ferdinand l’idée de lui demander de
devenir présentatrice de son spectacle. Elle le fait aussitôt, non sans ironie, ni plaisir évident. Tapant sur un
tambour imaginaire et ridicule elle annonce au public ébahi que son p’tit garçon va leur interpréter son
premier cours de théâtre, Mon Dieu, quel évènement!
Octobre 1968, Ferdinand débarque au Cours Molière et rencontre dans le hall obscur une
extraordinaire créature pleine de charme et d’érotisme: Marlène. Reine des lieux, elle lui annonce que le
cours ne s’appelle plus dorénavant cours Molière mais Studio 35 en fonction du numéro de la rue, mais
surtout des récents évènements politiques. Et nous voila partis dans une évocation burlesque du théâtre de
ces années-là : Living Theatre, Grotowsky, Barba, etc. Après une audition très chaude où, tel un Artaud de
pacotille, il hurle jusqu’à en perdre la voix et la raison les mots du poète beatnik Bob Kaufmann, il est admis.
Dès le lendemain, après une furieuse séance d’expression corporelle au cours de laquelle Ferdinand se
déchaîne, envoûté par la passion qu’il éprouve pour cette forme de théâtre nouvelle et inattendue et par
l’effet qu’exerce sur lui la mystèrieuse Marlène, voici qu’une autre femme fait son apparition: Micheline.
C’est la prof’ de théâtre classique. Pas si classique que ça, d’ailleurs. Stanislavsky, Apollinaire et même
l’expression corporelle, vue sous un autre angle, il est vrai, sont au rendez-vous. Pas de doute: entre les
deux écoles, et surtout les deux femmes —, c’est la guerre ; incarnée par l’importance que Marlène donne
immédiatement à Ferdinand pour l’opposer à Bruno, champion de Micheline, qu’elle humilie sans pitié. On
assiste aussitôt après sous les yeux éblouis quoique effrayés de Ferdinand à la vengeance de Micheline: le
triomphe du grand Bruno dans le rôle d’Iliouchine…
Avignon
Nous sommes toujours à Aix-en-Provence, au Centre Dramatique, cette fois (je précise que cet
épisode est totalement imaginaire : une fois n’est pas coutume). Roger, le directeur, a été violemment
remis en cause par son équipe. Tel Jean-Luc Godard à Grenoble, pour ceux qui s’en souviennent, il doit
expier son passé de directeur bourgeois et réactionnaire ayant livré Molière et Shakespeare à la classe
ouvrière. Le plus féroce de ses inquisiteurs est Gérard, dit Gégé”. Acteur récemment révolutionnaire, il
profite de la situation pour essayer de jouer le premier rôle d’une création collective qui doit évoquer les
évènements ayant agité Avignon l’été précédent. Malheureusement, il ne parvient pas à taper sur sa grosse
caisse en mesure tout en disant son texte. De toute façon, le masque à gaz dont il s’affuble l’empêche de
parler de façon audible. Le voila donc à son tour violemment contesté. Henri, lui, n’a qu’une idée: la haine
roce qu’il porte à Béjart pour avoir empêché son groupe de jeunes danseurs, le groupe Électron, de
s’exprimer dans un petit coin du Palais des Papes pendant une représentation de La Messe pour un temps
présent. Patrick, le drogué, dort dans son coin sans presque jamais s’éveiller. On le respecte beaucoup car il
a une forme de rigueur dans sa dope et surtout parcequ’il est beau, mou et désenchanté. Tout le monde en
est fou : c’est l’égérie. La te pensante, c’est Michel, le cadre politique ; le commissaire du peuple. Très dur,
casquette vissée sur la tête, lunettes cerclées de fer sur le nez, il ramène tout à la Révolution russe. Lénine,
Trostky, Kommisserskaïa et Lounatcharsky sont ses mots de passe et ses chevaux de bataille.
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C’est dans ce marigot que Ferdinand débarque sur les recommandations (perfides) de Bruno, son
nouvel ami. Interrogations et interrogatoires se succèdent à propos de l’origine sociale et politique de ce
drôle de paroissien arrivant tout droit quelle horreur ! de l’immonde Cours Molière. Notre héros trouve
alors une idée de génie: se dire fils de toute petite bonne atrocement exploitée par des patrons abjects.
C’est l’enthousiasme général, on lui confie la responsabilité du spectacle. Devant un public avachi et
clairsemé, tout ce bazar se passe en public —, il va improviser une histoire du Festival d’Avignon
totalement fantaisiste jusqu’aux fameux évènements de l’été 68 qu’il évoque de mille façons. Il n’oublie pas
cependant, afin d’avoir la paix et pouvoir faire l’andouille tout son soûl, de demander au groupe d’incarner la
classe ouvrière en descendant dans la salle tout en faisant: Ôââââââh…”, car elle n’a pas de langage. Il leur
jure qu’elle reviendra à la fin faire la révolution.
Mais le spectacle s’achèvera sur Roger, abandonné de tous et totalement dégradé, vingt, trente, cent
quarante ans plus tard, tapant à contre-temps sur le vieux tambour de Gégé et obligeant, d’une voix
chevrotante, ses petits enfants à venir écouter pour la ènième fois la terrible et triste épopée d’une
révolution manquée…”
Extraits d’un dialogue entre Gao Xinjian, prix Nobel de littérature et Denis Bourgeois.
G. X. “ Il y a eu une période où le théâtre était un théâtre d’auteurs — de Molière à Claudel
c’était d’abord un art de la dramaturgie. Et avant encore, en Occident comme en Orient, le théâtre était un
théâtre d’acteurs, comme la commedia d’ell arte. À notre époque, le théâtre est devenu un théâtre de mises en
scène. C’est le rôle du metteur-en-scène qui devient prédominant. Il a chassé les deux pôles antérieurs qui
sont pourtant les deux pôles fondamentaux du théâtre. Maintenant les acteurs deviennent des objets, des
cors vivants, qu’on peut déplacer comme des ustensile. Et le texte est utilisé dans sa dimension auditive.
C’est l’époque des metteurs en scène. Moi, je pense que pendant un certain temps, c’était amusant, j’étais
fasciné () mais ça a fini par se scléroser, et maintenant ça m’ennuie. Je trouve souvent le théâtre fade et,
surtout, artificiel. () Il faut renouveler la théâtralité. Pour moi, ce qu’il y a de fondamental, c’est la
communication entre les acteurs et avec le public. Il faut toujours maintenir cette communication.
() Il faut étudier l’art du jeu des acteurs. Qui parle? Il y a l’individu vivant et, de l’autre côté, le rôle
interprété. C’est comme ça en général qu’on pense le jeu des acteurs. (…) Mais si on approche, on peut
trouver un passage entre le comédien et son rôle, un état d’acteur neutre.(…) À partir d’une base de
neutralité, il peut passer aussi bien à son rôle du moment qu’à son rôle dans la vie, qu’à son identité propre
(…). L’acteur, par son jeu, peut alors explorer toutes les gammes de l’écriture théâtrale: il peut devenir un
conteur, il peut s’adresser directement au public, il peut revêtir un personnage. Sans maquillage, sans
éclairage, sans décor, sans toute la mise-en-scène et les machineries du théâtre, il a déja ce potentiel.
Pourquoi le théâtre moderne oublie-t’il de faire confiance à l’acteur? Retrouver ce potentiel renouvellerait
ja l’écriture théâtrale.”
D. B. “ C’est ce que font le acteurs dès qu’ils sont en situation de monologue.”
G. X. “ Dans ce cas-là, la poésie, et même la prose, peuvent participer du théâtre. Une fois qu’on
pressent l’extrème plasticité de l’acteur, on peut réfléchir à un type d’écriture moderne pour le théâtre. Il y a
plein de possibilités, mais il faut aussi former des acteurs qui soient capables de développer tous ces
potentiels. Et d’ailleurs, par ce biais, l’acteur retrouvera sa place originale au sein du théâtre.”
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Au plus près du réel. Dialogues sur l’écriture (1994-1997) Éditions de l’Aube.
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