N° 238 - medecine.ups

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N° 238
Fracture de l'extrémité inférieure du radius chez l'adulte.
- Diagnostiquer une fracture de l'extrémité inférieure du radius chez l'adulte.
Définition
Les fractures de l’extrémité inférieure du radius chez l’adulte correspondent aux fractures du
poignet. Ces fractures métaphyso-épiphysaires sont souvent irradiées à l’articulation.
Épidémiologie
Ce sont les fractures les plus fréquentes. Elles surviennent le plus souvent lors d’une chute sur la
paume de la main, le plus souvent chez la femme au-delà de la ménopause ; c’est aujourd’hui un
excellent index de l’ostéoporose. Elles peuvent également survenir après un traumatisme violent
chez le sujet jeune (traumatisme de la voie publique, accident de travail…).
Rappel anatomique
Anatomie descriptive
Les deux os de l’avant-bras forment, à leur extrémité distale, une articulation condylienne
intermédiaire associant radius, ulna et ligament triangulaire. À cette face articulaire proximale,
correspondent les trois os de la rangée proximale du carpe : scaphoïde et lunatum (semi-lunaire)
s’articulent avec le radius, le triquetrum (pyramidal) s’articule avec le ligament triangulaire. En
avant des plans osseux et au-delà des capsules articulaires, les tendons fléchisseurs ; en arrière les
tendons extenseurs.
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Face palmaire
Face dorsale
Anatomie fonctionnelle
Cette articulation du poignet présente trois degrés de liberté :
- Dans le plan sagittal, la flexion palmaire et la flexion dorsale, chacune proche de 90° (85°),
- Dans le plan frontal, une abduction ou inclinaison radiale et une adduction ou inclinaison
ulnaire, 25° chacune par rapport à la position de référence,
- Une prono-supination à partir de la position de référence pouce dirigé vers le haut, coude au
corps à 90° de flexion, l’amplitude de prono-supination est de 180° également répartie.
Anatomie radiologique
Elle est très importante pour reconnaître les déplacements de la fracture et pour contrôler la
réduction.
Les rapports normaux :
Sur le cliché de face, l’index radio-ulnaire distal est de l’ordre de 2 mm (la tête de l’ula est plus
courte que le radius de 2mm). Il représente le décalage qui existe entre deux horizontales, l’une
passant par l’extrémité inférieure latérale du radius et l’autre par l’extrémité inférieure de l’ulna. De
plus, il ne doit pas y avoir d’écart anormal ou diastasis entre le radius et l’ulna, ce qui témoigne de
la compétence du ligament triangulaire. L’inclinaison frontale de la ligne bistyloïdienne est de 15°
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par rapport à l’horizontale. L’inclinaison frontale épiphysaire radiale par rapport à l’horizontal
est de 25°.
Sur le cliché de profil, l’inclinaison épiphysaire radiale est de 10° vers l’avant par rapport à
l’horizontale .
L’extrémité inférieure du radius (de face et de profil)
Mécanisme
- Position lors du traumatisme
Lors du traumatisme, le carpe joue le rôle d’une enclume venant s’impacter sur l’extrémité
inférieure du radius (DESTOT). En fonction de la position du poignet et de l’énergie du
traumatisme, on obtient les différents types de fracture.
Schématiquement :
- en hyperextension ou flexion dorsale au-delà des 90°, les fractures sont à déplacement
postérieur.
- en hyperflexion ou flexion palmaire les fractures sont à déplacement antérieur.
- en inclinaison radiale, les fractures intéressent davantage la styloïde radiale.
- en inclinaison ulnaire, les lésions ulnaires sont dominantes.
En fait, aucun de ces mécanismes n’est pur et c’est ainsi que l’on obtient les différentes formes
cliniques. Elles ont été démembrées par CASTAING en 1964. C’est la radiographie qui permet la
détermination du type de fracture.
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Classification de Castaing
- Intensité du traumatisme
La notion d’intensité du traumatisme est aussi un facteur déterminant de la forme clinique. On
oppose les traumatismes à basse énergie survenant surtout lors d’une chute simple sur un os
potentiellement ostéoporotique, aux traumatismes à haute énergie qui s’associent le plus souvent
à une chute d’un lieu élevé, ou encore plus fréquemment à un accident de la voie publique.
Pour les traumatismes à basse énergie, la chute survenant sur la paume de la main crée au niveau
du poignet une hyper-extension forcée qui entraîne un déplacement postérieur de l’épiphyse
radiale par compression extension. En fonction de l’orientation de la force traumatisante, cette
composante traumatique va entraîner la bascule postérieure du fragment distal, l’ascension par
impaction de l’épiphyse dans le fragment proximal et le tassement externe qui se traduit par
l’horizontalisation de la ligne bistyloïdienne. Le corollaire de ces déplacements est la dislocation
radio-ulnaire distale dont l’intégrité conditionne le pronostic fonctionnel de la prono-supination.
À l’opposé, il peut y avoir une hyper-flexion forcée qui peut entraîner un déplacement antérieur de
l’épiphyse radiale par compression / flexion avec écrasement de la corticale antérieure. Le
déplacement comporte : la bascule antérieure du fragment distal qui exagère l’antéversion normale
de la glène radiale, l’ascension et le tassement antéro-externe et la dislocation radio-ulnaire distale.
Parfois, la composante qui domine lors de ce traumatisme en hyper-flexion forcée est un
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mécanisme de cisaillement qui est à l’origine des fractures marginales antérieures réalisant une
véritable subluxation antérieure de toute la partie distale entraînant le carpe et la main.
Dans les traumatismes à haute énergie, on doit à CASTAING le démembrement des différentes
formes avec un déplacement postérieur dans 95 % des cas. Ce sont des fractures sus-articulaires
isolées de l’extrémité inférieure du radius (c’est la fracture de type Pouteau-Colles). Les fractures
qui associent une lésion de la styloïde ulnaire sont les fractures décrites par Gérard-Marchant.
Fract de Pouteau-Colles
Il peut exister des fractures articulaires simples. La fracture « potentielle » de CASTAING est la
fracture cunéenne externe. A l’opposé, il existe des fractures complexes sus-articulaires à refend
articulaire : fracture en T, frontal ou sagittal, cruciforme dans les deux plans ou comminutives.
Dans moins de 5 % des cas, les fractures sont à déplacement antérieur. La fracture sus-articulaire
est la fracture de Goyrand-Smith. La fracture articulaire correspond à une fracture luxation
marginale antérieure : simple, c’est la fracture de Leteneur simple ou fractures comminutives
antérieures.
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-
DIAGNOSTIC ANATOMO-CLINIQUE
Il comprend l’examen clinique et l’étude radiologique.
Examen clinique
A - L’examen clinique de la fracture type : fracture de Pouteau-Colles. C’est une fracture susarticulaire à déplacement postérieur ou dorsal, sans lésion associée.
- L’interrogatoire retrouve la notion de traumatisme, le crâquement survenu lors du traumatisme,
une impotence fonctionnelle totale du poignet qui fait se présenter le patient suivant l’attitude
classique du traumatisé du membre supérieur, la main soutenue par la main controlatérale.
- L’inspection montre un poignet tuméfié de face, un aspect de main botte radiale en raison de la
translation externe de la main et de l’ascension de la styloïde radiale. La styloïde ulnaire apparaît en
saillie sur le bord interne du poignet.
De profil, et avant que l’œdème ne diffuse à toute la région, on retrouve un aspect en dos de
fourchette classique lié à la bascule postérieure du fragment distal faisant saillie à la partie
postérieure du poignet.
- La palpation note des douleurs localisées à la styloïde radiale qui est ascensionnée et retrouve
l’horizontalisation de la ligne bistyloïdienne (signe de Laugier).
- La mobilité passive du poignet est possible. Ceci témoigne du caractère sus-articulaire de la
fracture.
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Recherche des lésions associées :
- Cutanées : suivant le type de traumatisme une contusion, un hématome important ou même une
ouverture au niveau de la tête ulnaire ;
- Vasculaires : les plaies de l’artère radiale sont exceptionnelles, mais on doit palper de façon
systématique les pouls périphériques ;
- Osseuse : c’est la fracture associée du col de l’ulna ou des lésions des os de la première rangée
du carpe, fracture ou subluxation radio-ulnaire distale ;
- Nerveuse : atteinte du nerf médian dans les fractures à grand déplacement antérieur ;
- Tendineuse : incarcération dans le foyer de fracture du tendon du long extenseur du pouce. Ce
risque doit faire rechercher la perte d’extension active systématiquement.
Les complications générales sont à rattacher à un éventuel polytraumatisme dans le cadre de lésions
traumatiques associées.
Examen radiographique
1 - Trait de fracture
Les radiographies standard doivent comprendre un cliché du poignet de face et de profil, des
clichés de 3/4 peuvent être utilisés pour l’analyse des traits de refend articulaire lorsqu’ils existent.
L’objectif du bilan d’imagerie est l’analyse des traits de fracture et des déplacements ainsi que le
bilan des lésions osseuses associées comme l’arrachement de la styloïde ulnaire, les fractures des os
du carpe adjacent ou les luxations carpiennes ou intra-carpiennes.
Dans le cas type d’une fracture de Pouteau-Colles, les traits sur la radiographie de face sont
simples : transversal, sus-articulaire, métaphysaire.
De profil, il est linéaire, oblique en bas et en avant avec rupture de la corticale antérieure et
comminution corticale postérieure. Il n’y a pas de trait de refend articulaire.
2 - Déplacements
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Face
Profil
De face, bascule avec tassement latéral de l’épiphyse radiale, horizontalisation de la ligne
bistyloïdienne avec index radio-ulnaire inférieur nul ou positif. L’ulna est normal.
De profil, déformation en dos de fourchette avec bascule postérieure de l’épiphyse radiale et
horizontalisation de la glène radiale. La surface articulaire regarde en bas et en arrière.
La rupture de la corticale antérieure montre un engrainement postérieur. La diaphyse est
pratiquement encastrée dans l’épiphyse au niveau de la corticale postérieure.
N.B. : Pour bien noter l’orientation du déplacement, on se repère sur le cliché de profil par la
colonne du pouce qui est antérieure, c’est-à-dire à l’opposé du déplacement postérieur du fragment
distal.
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Analyse des autres formes cliniques
Dans les fractures à déplacement postérieur, il peut y avoir des fractures associées : fracture de la
base de la styloïde ulnaire. Il s’agit alors de la fracture de Gérard-Marchand. Cette fracture va
nécessiter l’immobilisation de la prono-supination.
Noter :
- Face : la comminution sur la face ; les traits articulaires, la fracture de la tête de l’ulna.
- Profil : le déplacement postérieur (à l’opposé de la colonne du pouce qui est antérieure)
Il y a également des fractures articulaires avec diminution relative de la mobilité passive du
poignet. On distingue les fractures articulaires simples : fractures cunéennes externes décrites par
CASTAING et des fractures comminutives pouvant associer des traits fronto-sagittaux ou même en
croix.
B - Les fractures à déplacement antérieur, dans les fractures sus-articulaires c’est la fracture de
Goyrand Smith. La déformation du poignet est en ventre de fourchette. La bascule de l’épiphyse est
vers l’avant. Le trait est oblique en haut et en avant sur le profil. Il existe un tassement antéroexterne et une comminution antérieure sans engrainement. C’est une fracture instable.
Il existe également des fractures articulaires comme les fractures marginales antérieures ou les
fractures luxations marginales antérieures. Le tassement se fait en haut et en avant. Une luxation
antérieure du carpe peut-être associée.
-
ÉVOLUTION
-
Favorable
La consolidation est obtenue en six semaines, cependant il existe des facteurs de mauvais
pronostic :
- la comminution importante qui va entraîner des risques de déplacements secondaires ou des
difficultés d’ostéosynthèse ;
- les formes articulaires qui vont évoluer vers une arthrose post-traumatique secondaire ;
- les lésions associées comme les luxations radio-ulnaires distales qui auront une incidence sur la
prono-supination ou une ouverture cutanée pouvant entraîner plus que le retard de
consolidation, un risque septique ;
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-
l’ostéoporose qui va favoriser les déplacements secondaires et des difficultés de réduction.
-
Complications
* Les complications immédiates sont les lésions associées :
- cutanées,
- osseuses,
- vasculo-nerveuses,
- les décompensations de tare,
- les complications liées à l’anesthésie générale ou locale (bloc axillaire avec dysesthésies
séquellaires)
- complications peropératoires comme la section de la branche sensitive du nerf radial ou du long
extenseur du pouce par l’intermédiaire des broches mises en place pour maintenir la réduction
de la fracture).
* Les complications secondaires au cours de l’immobilisation :
- le déplacement sous plâtre, en principe avant la troisième semaine en rapport avec la perte de
substance osseuse créée par la réduction et secondaire à l’engrainement fracturaire,
- l’enraidissement des doigts lié à l’œdème,
- des troubles vasomoteurs associés,
- une infection sur broche
- une section tendineuses sur broche (extenseurs, souvent à distance).
- un syndrome du canal carpien, parfois précoce, qui peut être lié au plâtre dans une phase
d’œdème important ou tout simplement lié à la compression du foyer de fracture et à la
diminution du volume du canal carpien.
* Les complications tardives :
- les cals vicieux qui reproduisent le déplacement fracturaire avec une horizontalisation de la ligne
bistyloïdienne et une perte de la bascule physiologique sur le profil ce qui entraîne soit des
mobilités douloureuses surtout au niveau de la prono-supination, soit une diminution de la force de
préhension, puis une arthrose radio-ulnaire distale et radio-carpienne. Sur le plan esthétique, la
persistance d’une main botte radiale avec saillie de la tête ulnaire.
- le syndrôme algodystrophique imprévisible, fréquent, favorisé par un terrain anxieux, s’exprime
dans sa forme mineure. Il peut être prévenu par une immobilisation plâtrée en position neutre du
poignet, une auto-rééducation rapide des doigts, une prescription d’antalgique et d’antiinflammatoire et parfois même de tranquilisant.
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Autres complications tardives :
La rupture du tendon du long extenseur du pouce sur une broche de fixation ou de manière
spontanée, un névrome de la branche cutanée du nerf radial, parfois une migration de broche.
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TRAITEMENT
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Les moyens
1 - Le traitement orthopédique : réduction manuelle
Classiquement les manœuvres de réduction doivent reproduire, à l’inverse, la déformation
traumatique survenue en extension, supination, inclinaison radiale. Les manœuvres de réduction
effectuées sous anesthésie loco-régionale, consistent à réaliser en traction un mouvement de
flexion, pronation, inclinaison ulnaire. La flexion palmaire va corriger la bascule postérieure, va
permettre de normaliser l’orientation de la ligne bistyloïdienne dans le plan frontal et la pronation
va stabiliser le déplacement.
Réduction de la bascule dorsale
Réduction de main botte radiale
2 - Traitement chirurgical
- Après réduction manuelle d’une fracture déplacée , selon la technique décrite précédemment, il
est possible de réaliser une ostéosynthèse par embrochage percutané pour les fractures type
Pouteau-Colles, soit une fixation de type transfocal par une broche qui va de la pointe de la styloïde
radiale vers la corticale médiale après avoir traversé la fracture (c’est la broche de CASTAING),
soit aujourd’hui, la contention du foyer de fracture par un embrochage intra-focal ( dans le foyer de
fracture) selon la technique de Kapandji : les broches - leur direction et leur mode de fixation
s’opposant au déplacement secondaire. Dans les formes de Pouteau-Colles pur en utilisant la
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technique intrafocale de Kapandji, on peut ne pas mettre d’immobilisation. Cependant celle-ci a
un bon effet antalgique les premiers jours et permet de limiter les déplacements secondaires
d’autant plus qu’il existe une comminution dorsale et/ou que le patient est ostéoporotique.
Technique de Kapanji (a : broche de réduction radiale ; b : broche de réduction dorsale).
- Dans les fractures à déplacement antérieur, marginale antérieure ou Goyrand-Smith, une
ostéosynthèse par plaque antérieure vissée ou plaque console est à l’heure actuelle la plus utilisée.
- On peut dans des formes très comminutives utiliser la fixation par un fixateur externe. Celui-ci
redonne la bonne longueur de l’extrémité inférieure du radius, mais il ne permet pas de retrouver
une orientation anatomique. Il faut y adjoindre fréquemment des broches soit intra-focales, soit
trans-fracturaires afin de repositionner correctement cette extrémité inférieure. Après ces
embrochages, il faut vérifier l’absence de névrome et la liberté du tendon extenseur du pouce. Des
mouchetures cutanées au bistouri sont préférables avant l’introduction des broches.
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-
INDICATIONS
- Fracture sus-articulaire non déplacée ( Pouteau-Colles ) : traitement orthopédique :
plâtre brachial-antibrachial-palmaire ( BABP ) trois semaines, puis manchette plâtrée les trois
semaines suivantes.
- Fracture sus-articulaire déplacée ( Pouteau-Colles ) : réduction et embrochage type
Castaing ou Kapandji. Immobilisation trois semaines par plâtre, puis immobilisation plâtrée 4 à 5
semaines sans prendre le coude (manchette). Lorsqu’il existe une atteinte de la radio-ulnaire distale
(styloïde ulnaire) (fracture de Gérard-Marchand), l’immobilisation doit être faîte avec un plâtre
brachio-antébrachial pour bloquer la prono-supination.
- Dans les fractures à déplacement antérieur, marginale antérieure ou Goyrand-Smith, une
ostéosynthèse par plaque antérieure vissée ou plaque console est à l’heure actuelle la plus utilisée.
- Fracture articulaire : réduction, embrochage plutôt type Kapandji, immobilisation plus longue
avec un plâtre brachio-antébrachial enlevé à 5e ou 6e semaine. La rééducation doit être progressive
et douce afin de prévenir l’installation d’un syndrome algodystrophique.
- Fractures articulaires comminutives avec un haut degré d’ostéoporose, on peut utiliser un
fixateur externe, mais l’utilisation de broches complémentaires est le plus souvent nécessaire pour
obtenir une bonne orientation du massif épiphysaire, le fixateur ne participant qu’à redonner la
longueur.
La rééducation est indiquée dès l’immobilisation au niveau des doigts. Les doigts devant être en
position supérieure par rapport au coude pour éviter l’œdème. La rééducation est débutée à
l’ablation du plâtre. Elle doit être douce, progressive. En principe, la mobilité est assez rapidement
obtenue, mais la force n’est récupérée qu’au bout du 3e mois.
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Mots clés :
Fréquence ; ostéoporose;
algodystrophie.
engrènement ;
banalité ;
réduction
anatomique ;
cal
vicieux ;
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