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Il existe une baisse des défenses immunitaires locales, et en particulier une baisse de la sécrétion
d’IgA, facilitant la pullulation bactérienne. Parallèlement, l’épithélium lui-même est altéré, avec
une augmentation de l’espace intercellulaire. Plus concrètement, le patient cirrhotique a une
perméabilité intestinale augmentée, et ce, d’autant plus que la cirrhose est
avancée 28-31. Campillo et al ont montré que les patients qui développaient une complication
infectieuse (bactériémie et/ou ILA) étaient ceux qui présentaient au préalable une perméabilité
intestinale augmentée 28. Inversement, Ersoz et al n’ont pas trouvé de différence de perméabilité
entre les patients qui souffraient ou non d’ILA au moment de l’épreuve fonctionnelle 29.
La translocation bactérienne au cours de la cirrhose a été étudiée dans différents modèles
animaux 24, 25. Ainsi Llovet et al ont montré que la translocation avait lieu uniquement chez les
animaux cirrhotiques, dans 45% des cas, et que cette translocation était associée dans 60% des
cas à une ILA 32. Dans une autre étude, les germes retrouvés dans l’ascite étaient identiques à
ceux isolés des ganglions mésentériques selon leur profil de restriction après électrophorèse en
champ pulsé 33
.
Garcia-Tsao et al ont montré que la translocation était beaucoup plus fréquente
chez l’animal ascitique que chez l’animal cirrhotique sans ascite 34. Chez l’homme, les études se
heurtent à la difficulté de démontrer la translocation bactérienne en raison de l’impossibilité de
prélever des ganglions mésentériques sans chirurgie. Cependant, dans une large étude prospective
regroupant 101 patients cirrhotiques et 35 témoins non cirrhotiques, tous devant subir une
laparotomie, Cirera et al ont montré que la translocation bactérienne, définie par la présence de
bactéries dans les ganglions lymphatiques mésentériques, était d’autant plus fréquente que la
cirrhose était avancée : le score de Child-Pugh (score de sévérité de la cirrhose) était le seul
facteur de risque indépendant de translocation bactérienne chez le cirrhotique. Ainsi, la
translocation bactérienne a pu être mise en évidence chez 2,6% des témoins, 3,4% des patients au
stade Child A, 8,1% des patients au stade Child B, et 31% des patients au stade Child C. Chez les
patients cirrhotiques au stade Child C recevant une décontamination digestive sélective, la
translocation bactérienne n’a pu être mise en évidence que chez 4,5% d’entre eux 35.
Après translocation, les bactéries sont drainées par le canal thoracique jusqu’à la
circulation sanguine, réalisant une véritable bactériémie qui leur permet d’atteindre l’ascite.
L’ascite a un faible taux de complément, et par conséquent une faible capacité d’opsonisation et
de bactéricidie 36, 37. Un taux faible de complément dans le liquide d’ascite représente d’ailleurs
un facteur de risque d’ILA. L’immunité locale joue un rôle important dans la pathogénie :
l’absence de réaction immunitaire et inflammatoire donne lieu à une simple colonisation souvent
transitoire de l’ascite, appelée bactérascite. A l’inverse, les réactions immunitaires et
inflammatoires sont à l’origine de toute la symptomatologie de l’ILA et des conséquences non
infectieuses, notamment sur la fonction rénale.