Quels antibiotiques privilégier en pédiatrie dans

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Quels antibiotiques privilégier en pédiatrie
dans le traitement de la conjonctivite bactérienne ?
Généralement causée par Hæmophilus influenzæ, Streptococcus pneumoniæ, Moraxella catarrhalis et Staphylococcus aureus, la conjonctivite bactérienne se distingue d’une infection virale ou d’une allergie par la présence d’un écoulement purulent. Autres signes présents :
hypérémie, œdème des paupières et cils collés au réveil1. Des méthodes non pharmacologiques, comme éviter l’exposition à la fumée de
cigarette, au vent et aux autres irritants, et l’application de compresses humides tièdes plusieurs fois par jour contribuent à en diminuer les
symptômes incommodants. Comme une résolution spontanée survient
fréquemment en 10 à 14 jours et que l’utilisation des antibiotiques ophtalmiques n’a pas
été entièrement documentée chez les nourrissons, on peut s’interroger sur la pertinence du
traitement1. Or, le traitement a plusieurs buts :
atténuer le risque de contagion, minimiser les
répercussions pour l’enfant (retrait de la garderie ou de l’école, apparition d’une otite
moyenne), diminuer les coûts engendrés pour
les parents (gardienne, congé du travail) et
permettre d’établir un nouveau diagnostic si
aucune amélioration n’est notée dans un délai
de 48 heures1.
Les classes thérapeutiques utilisées sont
nombreuses et puisqu’une analyse de culture
est rarement faite, un bon traitement doit
avoir un spectre d’action large, peu de résistance et une faible toxicité oculaire, et permettre un horaire d’administration simple. La
pommade est une forme pharmaceutique à
privilégier en pédiatrie puisqu’elle a l’avantage
de ne pas être diluée par les larmes.
Traitement sans ordonnance stéroïde, est déconseillé en pédiatrie, sauf
dans certains cas, à la suite de l’examen par
un ophtalmologiste. En effet, si l’infection est
d’origine virale, il pourrait y avoir augmentation des symptômes2.
Texte rédigé par Joëlle Rhéaume-Majeau,
B. Pharm., Pharmacie Vandergoten
et Zaccara, Saint-Eustache.
Polymyxine B/triméthoprime
(PolytrimMD)
Texte final remis le 1er mars 2010.
Une étude réalisée en 2008 comparant la rapidité d’action du PolytrimMD avec celle du
VigamoxMD a démontré qu’après 48 heures de
traitement, seulement 44 % des enfants traités
par le Polytrim quatre fois par jour, comparativement à 81 % de ceux traités par le Vigamox trois fois par jour, présentaient une
résolution complète des symptômes oculaires3. Ainsi, bien que peu coûteux, on emploie
rarement le Polytrim, sauf peut-être en cas
d’affection très légère.
Révision : Geneviève Duperron, B. Pharm.,
et Élyse Desmeules, B. Pharm.
Texte original soumis le 18 février 2010.
Chloramphénicol (PentamycetinMD)
Malgré une excellente efficacité, selon certaines études, et peu de résistance associée, il
n’est pas un premier choix de traitement, surtout chez le nouveau-né, en raison de sa toxicité potentielle4,5. Entre autres, il peut provoquer une aplasie médullaire et un « gray baby
syndrome », phénomène rare mais sérieux
s’expliquant par le fait que les enzymes hépatiques nécessaires à son métabolisme sont
immatures et qu’il y a un risque d’accumulation de l’antibiotique pouvant occasionner,
entre autres, hypotension, cyanose et collapsus cardiovasculaire6.
Cette section inclut la polymyxine B avec gramicidine (PolysporinMD gouttes et génériques) et la polymyxine B et bacitracine (PolysporinMD onguent et génériques).
Options de traitement en vente libre peu
dispendieuses, ces associations offrent l’avantage d’une protection intéressante contre les
bactéries Gram-négatives grâce à la polymyxine B et contre les Gram-positives grâce à
la gramicidine et à la bacitracine (plus efficace). Elles permettent dans plusieurs cas Aminoglycosides
d’éviter les consultations non nécessaires en Cette classe thérapeutique inclut : GaramycinMD, TobrexMD, Optimyxin PlusMD, Neospoclinique médicale.
rinMD et SoframycineMD.
Sulfacétamide sodique
Elle jouit d’un large spectre antimicrobien,
(Bleph 10MD, DiosulfMD)
mais, pourtant, sa popularité diminue au proC’est la première classe d’antibiotiques à fit d’autres agents (p. ex., fluoroquinolones),
avoir été utilisée, mais compte tenu de la étant donné une augmentation de la résisrésistance marquée des bactéries Gram-posi- tance des bactéries Gram-positives. Contraitives, la sensation de brûlure à l’instillation et rement aux formulations orales qui ont un
les cas d’allergie qui lui sont associés, elle potentiel toxique (neuro/oto/néphrotoxicité),
n’est plus employée en première ligne1. Il les préparations ophtalmiques sont généraleexiste une formulation mixte contenant aussi ment bien tolérées1. Cependant, dans l’optide la prednisolone, le BlephamideMD, mais que d’une utilisation en néonatalité, la vigison usage, tout comme celui de toutes les lance est de mise étant donné le métabolisme
formulations associant un antibiotique et un immature de l’enfant.
www.professionsante.ca
juin 2010 vol. 57 n° 3 Québec Pharmacie
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Macrolides (érythromycine en
onguent)
L’érythromycine 0,5 % est une solution de
traitement sécuritaire et elle est d’ailleurs utilisée dans les hôpitaux comme prophylaxie
contre l’ophtalmie néonatale à Neisseria
gonorrhoea1. Son spectre d’action contre les
bactéries Gram-positives et certains atypiques, son faible coût et sa forme pharmaceutique en font un choix de traitement intéressant pour les cas bénins7.
Acide fusidique (FucithalmicMD)
Couvrant S. aureus, S. pneumoniae et
H. influenzae, ce collyre visqueux est souvent
prescrit en pédiatrie. Bien que des études
quantitatives de bactériologie n’aient pas été
menées chez des enfants de moins de deux ans,
l’administration biquotidienne, son spectre
d’action et sa forme pharmaceutique en font
un agent intéressant5. Les effets indésirables
chez les enfants de moins de deux ans seraient
semblables à ceux qui se produisent chez les
enfants plus vieux (sensation de brûlure passagère et irritation lors de l’administration)8.
Fluoroquinolones
Parmi les fluoroquinolones, on retrouve :
OcufloxMD, CiloxanMD,VigamoxMD, ZymarMD
et BesivanceMD.
Depuis les années 1990, les fluoroquinolones de deuxième génération, l’ofloxacine et
la ciprofloxacine, sont utilisées dans le traitement des infections ophtalmiques. Ces antibiotiques au large spectre (Gram-positives et
négatives) sont plus dispendieux, mais ils ont
l’avantage de protéger contre Pseudomonas
et Hæmophilus, en plus d’être disponibles en
onguents dans le cas du Ciloxan 0,3 %.
Quant aux fluoroquinolones de quatrième
génération, la moxifloxacine (la seule fluoroquinolone qui soit exempte de chlorure de
benzalkonium comme agent de conservation, donc moins irritante) et la gatifloxacine, elles disposent du meilleur spectre antimicrobien contre S. aureus, contre les
infections résistantes aux macrolides et aussi
contre Chlamydia et Hæmophilus. Parmi les
rares études d’innocuité menées chez les
nouveau-nés, il s’en trouve une qui démontre que le Vigamox est parfaitement toléré9.
Cette classe thérapeutique devrait être réservée au traitement des infections sévères,
comme celles à Pseudomonas. Par ailleurs, la
bésifloxacine, une autre quinolone, a été lancée sur le marché en janvier dernier et elle
s’est révélée efficace et sécuritaire lors des
études cliniques menées chez les enfants
d’un an et plus10 .
Discussion
Les fluoroquinolones de quatrième génération sont recommandées par certains experts
comme traitement de premier recours, surtout dans le cas des infections sévères, étant
donné leur grande efficacité, mais, dans le cas
d’une infection mineure prise au début des
symptômes, le PolysporinMD, l’érythromycine
ou le FucithalmicMD seraient des options de
traitement valables.
Conclusion
Quel que soit l’antibiotique privilégié, puisque l’absorption systémique présente un plus
grand risque chez le nourrisson en raison de
l’immaturité de ses voies métaboliques, un
enseignement adéquat sur son administration
doit être offert aux parents. Ainsi, une seule
goutte doit être instillée à la fois directement
dans l’œil ou, si l’enfant est agité, il peut être
couché sur le dos et l’on mettra alors une ou
deux gouttes dans le coin intérieur de son œil
fermé. L’occlusion du conduit naso-lacrymal
durant trois à quatre minutes réduira l’absorption systémique et la toxicité jusqu’à
40 %. Quant aux doses à utiliser, il est suggéré
de réduire celle pour adulte de moitié chez les
enfants de 0 à 2 ans, d’un tiers chez les 2 à
3 ans, puis d’administrer la dose adulte chez
les 3 ans et plus7. n
Références
1. Lichtenstein S.J. The Diagnosis and Treatment of
Bacterial Conjunctivitis in Pediatric Patients. [En
ligne.] Medscape; juin 2008 (document consulté le
14 février 2010). cme.medscape.com/viewarticle/575864
2. Tarabishy AB, Jeng BH. Bacterial conjunctivitis : A
review for internists. Cleveland Clinic Journal of Medicine 2008; 75(7): 507-12.
3. Granet DB, Dorfman M, Stroman D, Cockrum P. A
multicenter comparison of polymixin B sulfate/trimethoprim opthalmic solution and moxifloxacin in
the speed of clinical efficacy for the treatment of bacterial conjunctivitis. J Pediatr Ophthalmol Strabismus
2008 Nov-Dec; 45(6): 340-9.
4. Buznach N, Dagan R, Greenberg D. Clinical and
Bacterial Characteristics of Acute Bacterial Conjunctivitis in Children in the Antibiotic Resistance Era. The
Pediatric Infectious Disease Journal 2005; 24 (9):
823-8.
5. Normann EK, Bakken O, Peltola J, Andreàsson B,
Buhl S, et coll. Treatment of acute neonatal bacterial
conjunctivitis : A comparison of fucidic acid to chloramphenicol eye drops. Acta Ophthalmol Scand
2002; 80: 183-7.
6. Laferrière C, Marks M. Chloramphenicol : Properties
and clinical use. The Pediatric Infectious Disease Journal 1982; 1(4): 257-64.
7. Myers T.M., Wallace D.K., Johnson S.M. Ophtalmic
Medications in Pediatric Patients. [En ligne.] Medscape; juin 2005 (document consulté le 14 février
2010). www.medscape.com/viewarticle/504199.
8.Monographie du Fucithalmic dans le CPS.
9. Silver LH, Woodside AM, Montgomery DB. Clinical
Safety of Moxifloxacin Ophthalmic Solution 0.5 %
(VIGAMOX) in Pediatric and Nonpediatric Patients
With Bacterial Conjunctivitis. Surv Ophthalmol 2005;
50:S55–S63.
10.Monographie du Besivance dans le CPS.
Question de formation continue
2) Laquelle des affirmations suivantes est fausse ?
A. La conjonctivite bactérienne se
résout généralement en 10 à
14 jours sans traitement, mais le
risque de contagion, ainsi que les
conséquences pour les parents
justifient souvent l’essai d’un
antibiotique.
B. Le chloramphénicol est utilisé
fréquemment pour traiter les
conjonctivites bactériennes chez les
jeunes enfants étant donné le peu de
résistance des bactéries à son endroit.
C. L’onguent d’érythromycine apparaît
comme un excellent choix de
traitement de la conjonctivite
bactérienne peu sévère chez le
nourrisson, vu son innocuité établie
chez cette clientèle.
D. Pour traiter les infections plus
sévères chez les jeunes enfants,
le Vigamox est un choix intéressant,
car il semble très bien toléré et peu
de bactéries y sont résistantes.
E. Puisque l’absorption systémique peut
avoir des répercussions plus
importantes chez l’enfant, il convient
de bien expliquer aux parents
comment administrer les gouttes
ophtalmiques.
Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 78 
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Québec Pharmacie vol. 57 n° 3 juin 2010
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