conduite à tenir devant une intoxication aiguë médicamenteuse
chez l'enfant
par Laurence Desplanques*
* Pédiatre, Medicus Mundi, Paris.
Les intoxications aiguës médicamenteuses de l'enfant sont, dans la majorité des
cas, accidentelles: l'enfant trouve souvent des substances qui lui sont ou non
destinées et les ingère. Le diagnostic est facile quand l'ingestion se fait en
présence de témoins, ou quand la boîte de comprimés est retrouvée vide auprès de
l'enfant... Le diagnostic est plus complexe quand la notion d'intoxication est
méconnue.
I. Démarche diagnostique
L'intoxication évolue en trois phases :
Une période muette, pouvant atteindre plusieurs heures pour certaines
substances, pendant laquelle le toxique est présent dans l'organisme mais ne
provoque aucun symptôme. Le danger principal est de sous-estimer la gravité de
l'intoxication à ce moment et de gliger la prise en charge thérapeutique
adaptée.
Une période d'état symptomatique.
Une période de guérison.
Dans la pratique, trois situations sont possibles :
1. Il s'agit d'une intoxication et le toxique est identifiable
Il faut chercher à déterminer rapidement
- la nature du toxique en se méfiant des spécialités contenant plusieurs principes
actifs,
- la quantité maximale absorbée: la boîte était-elle pleine? Combien de comprimés
reste-t-il ?
- le délai écoulé depuis l'ingestion du toxique.
2. Il s'agit d'une intoxication, mais le toxique n'est pas identifiable
On a vu l'enfant prendre des comprimés, ou il a vomi des comprimés mais on ne sait
pas ce dont il s'agit. La prise en charge diffère peu, mais pour évaluer au mieux la
gravité de l'intoxication, on insistera auprès de l'entourage pour savoir toutes les
substances que l'enfant aurait pu trouver au domicile.
3. S'agit-il d'une intoxication ? Les signes qui peuvent orienter vers le
diagnostic d'intoxication médicamenteuse aiguë
On doit évoquer le diagnostic d'intoxication chez un enfant jusque-là en bonne santé
et présentant:
- un coma: les signes sont toujours symétriques, sans éléments de localisation. Le
diagnostic d'intoxication doit rester un diagnostic d'élimination: il faut éliminer un
coma traumatique, neurologique, métabolique ou infectieux (tableau n°1).
- des convulsions généralisées, évoluant souvent vers un état de mal convulsif. La
survenue des convulsions est un facteur de gravité (tableau n°2).
- un collapsus cardiovasculaire. le mécanisme du collapsus peut orienter vers le
diagnostic, l'analyse de troubles du rythme cardiaque nécessite souvent la réalisation
d'un électrocardiogramme (tableau n°3).
- un oedème pulmonaire: il faut discuter la toxicité pulmonaire directe du toxique
(oedème lésionnel), le retentissement hémodynamique de l'intoxication (oedème
hémodynamique) ou encore une pneumopathie d'inhalation.
Quand on ne dispose d'aucun moyen permettant d'identifier et de doser le toxique, il
faut :
1. Tenter de répondre par l'interrogatoire de l'entourage aux trois questions: quoi ?
Combien? Quand ?
2. Évaluer l'état clinique, qui permettra rarement de faire le diagnostic de la nature de
l'intoxication, mais surtout permettra d'en évaluer les conséquences et d'adapter le
traitement symptomatique: assurer la survie de l'intoxiqué et éviter les complications
(pneumopathie d'inhalation par exemple).
3. Évacuer le toxique au plus vite si cela est possible, ou bien en empêchant ou en
limitant son absorption, ou bien en accélérant son élimination.
4. Administrer un antidote quand cela s'avère possible, c'est-dire le plus
précocement possible, et quand il existe un antidote disponible pour le toxique en
cause (tableau n°4).
Il. Traitements évacuateurs et épurateurs
L'ingestion de médicaments est la cause principale des intoxications accidentelles de
L'enfant. Le premier temps de la prise en charge vise à limiter l'absorption digestive
du produit ingéré. Dans de rares circonstances, on peut accélérer son élimination
rénale par une diurèse forcée.
1. Diminution de l'absorption digestive
Le lavage gastrique
C'est la méthode de référence pour l'évacuation digestive. Le lavage d'estomac est
d'autant plus efficace qu'il est fait t, de préférence dans les six heures suivant
l'intoxication. Mais on doit retenir qu'il ne s'agit pas d'un geste anodin: des
complications peuvent survenir, mettant en jeu la vie de l'enfant. Ce sont
essentiellement les pneumopathies d'inhalation et la bradycardie à l'introduction de la
sonde.
Réalisation pratique
Il faut :
- un tube de Faucher (sonde gastrique de gros calibre, avec des trous de gros
diamètre),
- un entonnoir s'adaptant à l'extrémité du tube,
- une préparation d'eau salée à 5 à 9grammes de chlorure de sodium par litre (sérum
physiologique pur ou dilué de moitié), la quantité nécessaire est de 100 ml par kg
chez l'enfant,
- un récipient pour recueillir le liquide de lavage (seau),
- au moins deux personnes, et souvent de l'aide pour tenir l'enfant.
L'enfant est assis ou en décubitus latéral gauche, tête légèrement inclinée vers le
bas. La sonde (tube de Faucher) est introduite dans la bouche, poussée dans
l'oesophage puis l'estomac. La longueur introduite doit être égale à la distance
bouche-ombilic. On vérifie sa position par l'auscultation du creux épigastrique
pendant l'injection d'air. Un entonnoir est adapté à l'extrémité de la sonde. On verse
20 ml/kg de la préparation salée dans l'entonnoir (pas plus de 400 ml chez l'enfant).
L'entonnoir est suréleau-dessus de la tête de l'enfant pour permettre l'écoulement
du liquide dans l'estomac, puis on abaisse l'entonnoir pour vidanger le liquide
gastrique dans le récipient placé aux pieds de l'enfant. On renouvelle cette opération
plusieurs fois, pour que la quantité totale de liquide administré soit d'au moins
200ml/kg. On s'assure lors des derniers lavages qu'on ne ramène plus de
comprimés et que le liquide revient clair.
Pendant toute la réalisation du lavage, on s'assure ;
- que la sonde n'est pas mobilisée: on a intérêt à la fixer avec du sparadrap pour
qu'elle ne remonte pas dans l'oesophage et qu'on ne risque pas de provoquer une
fausse route et une inhalation,
- la sonde n'est pas bouchée par des aliments ou des comprimés, ce qui se traduirait
par une récupération incomplète du liquide administré.
Le sirop d'ipéca
Il a un effet émétisant par action centrale et gastro-intestinale. Les vomissements
surviennent précocement, dans les 10 à 20 minutes suivant l'ingestion et s'arrêtent
dans les 2heures en règle générale. Ses indications sont celles du lavage gastrique.
Les contre-indications sont:
- l'ingestion de caustiques, de produits moussants ou de dérivés du pétrole,
- les troubles de la conscience.
L'administration se fait par voie orale:
- 10 ml avant 1 an,
- 15 ml de 1 à 12 ans,
- 30 ml après 12 ans.
On peut renouveler l'administration après 20minutes en cas d'absence de
vomissements.
Cette méthode d'induction des vomissements est incontestablement plus simple à
mettre en oeuvre qu'un lavage gastrique, et expose probablement à moins d'effets
secondaires.
Il faut cependant s'assurer de son efficacité en surveillant l'apparition et l'importance
des vomissements.
Le charbon activé
Il agit en diminuant l'absorption intestinale du toxique. Il est indiqué dans le
traitement des intoxications aiguës:
- après lavage gastrique ou vomissements provoqués (après arrêt des
vomissements),
- parfois seul, en cas d'intoxication prise en charge tardivement ou en cas de contre-
indication au lavage gastrique ou au sirop d'ipéca.
Les contre-indications sont :
- l'ingestion de produits caustiques, pour lesquels le charbon activé est inefficace,
- les toxiques provoquant des vomissements, à cause du risque d'inhalation de
charbon,
- les intoxications pour lesquelles un antidote doit être administré par voie orale, à
cause de la neutralisation de l'antidote par le charbon activé.
Le charbon activé est inefficace sur le cyanure, les alcools, les glycols, les métaux.
Le charbon activé s'administre par voie orale, le plus tôt possible, dilué dans l'eau.
La dose est de 1g/kg/4heures dans les intoxications massives, jusqu'à ce que
l'enfant émette une selle noire, contenant du charbon activé. En cas de
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